Aurélia Frey : Des nuages et des contes
Trois souvenirs du ciel dans le recueil : Sur les anges (1929)
Premier souvenir
Elle se promenait avec un air de lis qui pense,
presque un air d'oiseau qui sait qu'il doit naître.
En se regardant sans se voir dans une lune qui changeait
son rêve en miroir
et dans un silence de neige, qui soulevait ses pieds du sol.
Penchée sur un silence.
Antérieure à la harpe, à la pluie et aux mots.
Elle ne savait pas.
Blanche élève de l'air,
elle tremblait avec les étoiles et la fleur, avec les arbres.
Sa tige, sa verte taille.
Avec mes étoiles
qui, de tout ignorantes,
pour creuser deux lagunes dans ses yeux
la noyèrent dans deux mers.
Et je me souviens...
Rien d'autre : morte, s'éloigner.
C'est ainsi que la lecture des poèmes de Rafael Alberti nous plonge dans un univers fascinant où naissent des images que l'on ne peut toujours expliquer mais qui font vivre en nous des mondes inconnus, inexplorés.
Les Anges collégiens
Aucun de nous ne comprenait le secret nocturne des ardoises
ni pourquoi la sphère armillaire s'excitait aussi esseulée quand nous la regardions.
Nous savions seulement qu'une circonférence ne peut pas être ronde
et qu'une éclipse de lune abuse les fleurs
et donne de l'avance à l'horloge des oiseaux.
Aucun de nous ne comprenait quoi que ce fût :
ni pourquoi nos doigts étaient d'encre de Chine,
ni pourquoi le soir ouvrait des compas pour ouvrir à l'aube des livres.
Nous savions seulement qu'une droite peut, à son gré, être courbe ou brisée
et que les étoiles errantes sont des enfants qui ignorent l'arithmétique.
Rafael Alberti : D'Espagne et d'ailleurs (poèmes d'une vie)
traduits de l'espagnol par Claude Couffon
édit. Le Temps des Cerises