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mercredi 23 octobre 2013

Où les marionnettes ne sont pas que pour les enfants...

Le Cid de Corneille, marionnette d'Emilie Valantin

Le livre L'art vivant de la marionnette de Christian Armengaud que je vous ai présenté hier m'a rappelé quelques spectacles de marionnettes que je ne résiste pas à vous présenter,  vus dans le cadre du festival d'Avignon.  De très belles émotions toujours vivantes qui prouvent que les marionnettes ne sont pas que pour les enfants!


 Le Cid de Corneille par Emilie Valantin

Le Cid et Chimène, marionnettes de glace de Emilie Valantin

Je viens de retrouver deux photographies sur le site de la Compagnie d'Emilie Valantin qui m'ont permis de me rémémorer toute la magie de ce magnifique spectacle de marionnettes -éphémères- puisque façonnées dans la glace, spectacle auquel j'ai assisté en 1996 au festival In d'Avignon.  Le souvenir est lointain mais vivace. Les marionnettes de glace très belles, irréelles, ont la taille de personnages adultes (je crois! dans mon souvenir elles sont très grandes) et sont manipulées par des acteurs cachés. On oublie vite leur apparence étrange, leur visage, leurs membres transparents,  et l'on se laisse emporter par ces êtres fantastiques et pourtant si proches de nous. Avec la chaleur, en plein mois de Juillet à Avignon, les marionnettes fondent. Un bras de détache au milieu d'une tirade, ou un nez, une jambe; c'est comique, on rit mais c'est un rire nerveux parce que l'on a l'impression, pris par le spectacle, l'histoire et les vers cornéliens, que l'on assiste en direct à la mort d'un être vivant, que les personnages issus d'un autre siècle, tels des fantômes, s'effacent peu à peu devant nous. D'où la nostalgie... d'où la poésie.

Imomushi de Edogawa Ranpo  

Imomushi (chenille en japonais) de la compagnie Pseudonymo Théâtre
Imomushi d'après une nouvelle de  Edogawa Ranpo, mise en scène par David Girondin Moab de la Compagnie Pseudonymo Théâtre présentait un spectacle de marionnettes contemporain pour adultes.  L'histoire est simple, dépouillée  : Le lieutenant Sunaga a été blessé à la guerre mais les "miracles" de la médecine militaire l'ont maintenu en vie alors qu'il n'a plus de bras et de jambes, qu'il est muet, le visage défiguré, le corps tordu par la souffrance. Sa femme le veille depuis trois ans avec un "dévouement exemplaire"  selon les propos du général qui  a eu le jeune homme sous ses ordres.
La marionnette, le mari, est une sorte de mort-vivant qui ne peut exprimer ses sentiments, sa colère, sa jalousie, qu'en tapant la tête contre le lit. Son corps tronqué, monstrueux, emmailloté comme un nouveau-né, est semblable à cette chenille (imomushi en japonais) que l'on voit dès le début de la représentation, rampant sur une branche dans une difficile ascension, échappant à sa chrysalide pour mieux être précipitée dans un puits, allégorie de la vie et de la mort figurant ainsi l'éphémère destinée du  lieutenant Sunaga.

 Spartacus, Théâtre de la Licorne

Spartacus : Combat du lion et du gladiateur



 L'histoire de Spartacus se déroule dans une structure de métal qui reproduit un cirque romain, avec sa piste ovale, son arène où vont avoir lieu devant la plèbe assoiffée de sang (nous, les spectateurs!) de féroces combats de gladiateurs et des courses de chars miniatures. Nous sommes transportés à l'ère romaine et nous assistons au spectacle du théâtre La Licorne dirigé par Claire Dancoisne où l'objet animé, créé à partir de bouts de ferraille, de plaque métallique, de papier mâché, de cartons, est au centre de la magie théâtrale. Les gladiateurs, de frêles créatures de métal manipulés à vue par des comédiens affrontent courageusement des ennemis d'une taille gigantesque, monstrueux éléphant construit avec toutes sortes de pièces de récupération, lion dont le masque d'acier à la mâchoire redoutable s'apprête à se refermer sur la victime et dont l'échine formé par le corps souple de deux comédiens imite à se méprendre la démarche sinueuse du félin.


    Roméo et Juliette, Théâtre Mu

 
Roméo et Juliette, marionnettes en bouchons de liège

Ce spectacle du Théâtre Mu animé par Yvan Pommet présente Roméo et Juliette (et oui Shakespeare!) avec des personnages créés à partir de bouchons de champagne. Un pièce qui allie humour et émotion et où les amants de Vérone en forme de bouchon sont tout à fait convaincants. Si la pièce est s'adresse volontiers aux enfants en mettant à leur portée cette belle histoire d'amour, elle procure un grand plaisir à tout adulte doué d'imagination!


Chez Eimelle




samedi 12 septembre 2009

Archives du festival d’Avignon : Un Feydeau contemporain 1998

Archives du festival d’Avignon



Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Un  Feydeau contemporain est l'article paru dans La Provence  le 20 Juillet 1998 sur les deux pièces de Feydeau : Mais ne te promène donc pas toute nue! et Feu la mère de Madame. Le spectacle intitulé Feydeau'Feydeau mis en scène par Serge Added était programmé par la Région Champagne Ardennes à la  Caserne des Pompiers. Pour moi, qui n'aimais pas trop cet auteur -du moins je le croyais car je l'avais toujours vu monter d'une manière superficielle qui mettait en valeur un comique un peu vulgaire- ce fut une révélation. Je ne m'étais jamais rendu compte combien son théâtre pouvait être cruel, en particulier en ce qui concerne les rapports entre hommes et des femmes, voués à l'incompréhension.





mercredi 12 août 2009

Festival off d’Avignon 2009 : Pascal Adam, Ce que j’ai fait quand j’ai compris …


La caserne des Pompiers, lieu de programmation de La Champagne-Ardennes
Je n'ai pas aimé le texte de Pascal Adam, Ce que j'ai fait quand j'ai compris que j'étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde, qui porte sur le monde un regard noir, extrêmement pessimiste. Non que le propos soit inintéressant. Il nous dit que nous ne sommes qu'un rouage de la machine, une infime petite partie d'un tout que les politiques et les marchands de divertissements manipulent à leur gré. Mais la démonstration est à mon goût un peu lourde, donneuse de leçon, l'humour absent et l'on se dit, en quittant le théâtre, que si l'auteur critique "l'entertainement" et les gens qui nous "entertainent", avec lui, on ne risque rien sur ce plan-là!  Aucune émotion, une démonstration froide. Les différents personnages qui se succèdent sur la scène n'existent pas, n'ont pas de chair, ils sont là pour servir un discours qui nous paraît bien rebattu parfois.
Pourtant, j'ai été intéressée jusqu'au bout et je dois ceci à la maîtrise du comédien (Fabien Joubert), vraiment très bon, qui porte sur ses épaules la charge de donner vie à ce texte. Il est seul, assis, sous la lumière du projecteur, sur une scène plongée dans l'obscurité, et devient tour à tour Joseph Vronsky, Albert Pondu (le producteur), Louise Hermosure, (une femme qui n'existe que dans l'imagination de Vronsjy)... Il est  dommage que le metteur en scène -qui est aussi l'auteur de la pièce- interrompe cette performance d'acteur par la projection d'un film vidéo sans grand intérêt. Ce visionnement  ne nous apporte rien mais nous fait espérer le retour de l'acteur  - en grève, hélas! du moins son personnage - pendant trop longtemps.

Ce que j'ai fait quand j'ai compris que j'étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde
auteur et metteur en scène :  Pascal Adam
interprète Fabien Joubert
Cie C'est la nuit
Caserne des pompiers
du 8 au 29 Juillet 2009 à 17H

Festival off d’Avignon 2009 : La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon

Parade : Les Royales Marionnettes
Contrairement à ce que le titre indique, la légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon présentée à Villeneuve-en-Scène sous chapiteau, est tout sauf merveilleuse car elle conte les massacres perpétrés au Moyen-âge sous le couvert de la religion. Le texte de Didier Balsaux et Bernard Massuir de la Compagnie belge Royales Marionnettes, présente, en effet, un point de vue intéressant : le héros wallon est un guerrier cruel qui n'épargne sur son passage ni femmes et enfants. Parti à la reconquête de Jérusalem, ce croisé incarne le fanatisme religieux et c'est au nom de la foi qu'il verse le sang sans autre forme de remords ou débat de conscience.
Qu'il ressemble à de nombreux fanatiques de notre temps et que l'on puisse rapprocher ce récit de notre époque en le mettant en parallèle avec la situation actuelle en Palestine est une évidence. C'est pourquoi l'insistance des auteurs à ce sujet est peu trop redondante à mon goût et tourne à la démonstration pédagogique.
Les marionnettes taillées dans le bois sont belles mais ressemblent à des sculptures et restent rigides. La manipulation ne suffit pas à leur prêter vie. Pourtant, la mise en scène et la scénographie ne manquent pas d'inventions qui ne sont malheureusement pas toujours abouties. Ainsi, accompagnant les personnages historiques, une marionnette comique du folklore belge sert à la fois de Candide dans l'aventure où il est obligé de suivre son maître et de révélateur du caractère de Godefroy et de son inhumanité. Lui aussi, cependant, manque de vie, de truculence et ne fait pas toujours rire.
Une autre trouvaille, réussie celle-là, car elle permet de visualiser et d'imaginer,  c'est d'avoir mis face à face un acteur incarnant le pape et son pouvoir spirituel et une marionnette représentant l'homme obéissant à ce haut souverain. La différence de taille introduit une notion d'échelle qui permet au spectateur de concevoir la toute-puissance de l'Eglise et de son représentant qui ne prône pourtant que meurtres et destructions au nom de son Dieu.
Dans l'ensemble le spectacle, même s'il présente quelques bonnes idées, n'est pas arrivé à m'accrocher et  je l'ai trouvé plutôt ennuyeux.

La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon
de Didier Balsaux et Bernard Massuir
mise en scène :  Bernard Massuir
Royales Marionnettes
à Villeneuve en scène
du 5 Juillet  au 24 juillet 2009
communauté française de Belgique

Archives du festival d’Avignon 1997 : Dom Juan d'origine d'après Tirso de Molina

Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

La représentation de Don Juan d'origine, pièce de Louise Doutreligne d'après Tirso de Molina et d'après la correspondance de Madame de Maintenon, mise en scène par Jean-Luc Paliès,  se déroulait, en ce mois de Juillet 1997, en plein air, au théâtre du Balcon, côté cour.
Je me souviens bien de cette magnifique scénographie et de la finesse de la mise en scène de Jean-Luc Paliès qui exaltaient les thèmes féministes de Louise Doutreligne, auteur de ce Dom Juan d'Origine, mise en abyme de la pièce de l'écrivain espagnol. Féministes, car les jeunes filles, en interpétant ce Don Juan, brisent le carcan dans lequel elles sont enfermées, pulvérisent les codes moraux et religieux qu'on leur a inculqués. Elles sortent de leur chrysalide pour se retrouver femmes, sensuelles, prêtes à l'amour. Et madame de Maintenon qui se meurt dans son lit a beau secouer sa clochette pour ramener à elle ses brebis égarées, elle demeure impuissante devant cette métamorphose.
Cet article est paru dans le journal La Provence : Coup de coeur du OFF  15 juillet 1997


Festival off d’Avignon 2009 : Mattei Visniec , Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère … Metteur en scène Jean -Luc Paliès


J'aime beaucoup le travail de Jean-Luc Paliès, metteur en scène. Je garde un très beau souvenir de son Vita Brevis d'après le roman de Jostein Gaarder et de Dom juan d'origine un texte de Tirso de Molina-Louise Doutreligne. C'est pourquoi, je n'ai pas voulu rater le spectacle qu'il présente cette année au festival d'Avignon.
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Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Matei Visniec que Jean Luc Paliès met en scène avec la Compagnie Influenscènes, est une pièce qui aborde des sujets graves que l'auteur ne veut pas traiter en demi-teintes. Au contraire la charge est lourde et si le père, personnage principal de l'action, cherche le cadavre de son fils en creusant avec une pelle le sous-sol des Balkans passablement encombré par les morts de toutes guerres d'antan ou d'aujourd'hui, c'est avec une pelleteuse, si j'ose l'expression, que Matei Visniec s'attaque à toutes les formes de totalitarisme, le communisme, d'abord, mais aussi le capitalisme qui, sous le couvert de la démocratie, broie les individus, exploite leurs peines et fait commerce de leurs chagrins. La critique poussée jusqu'à la caricature est violente et la démesure qui ne laisse pas d'être tragique n'en est pas moins comique, un rire grinçant, dénonciateur, qui fait mal pourtant..
La pièce se déroule dans deux lieux différents :  les Balkans où un couple revient prendre possession de sa maison dans un village ravagé par la guerre. Le communisme a été chassé remplacé par la capitalisme le plus inhumain, la paix est rétablie mais le père et la mère n'en ont cure. Ce qu'ils veulent, la mère surtout, c'est pouvoir retrouver les restes de leur fils, Vibko, prisonnier politique exécuté d'une balle dans la nuque, pour pouvoir faire leur deuil. La tâche n'est pas aisée dans un pays où s'entassent par strates des milliers de squelettes anciens ou nouveaux, véritable danse macabre que leur fils mort  commente joyeusement.
La mise en scène qui fait intervenir des musiciens sur la scène souligne le tragique du récit tout en mettant en valeur la noirceur du comique. J.L Paliès met en évidence, en effet, les rapports que l'auteur entretient avec la mort considérée comme une farce macabre et  traitée  par la dérision. Les deux acteurs, Jean-Luc Paliès, en père ivrogne et douloureux poursuivi par les marchands de reliques et Katia Dimitrova en mère douloureuse, en proie à une idée fixe, sont très convaincants. J'ai cependant regretté que le jeu du fils (Philippe Beheydt) ne soit pas plus poussé dans la dérision et la démesure. Surtout  lorsqu'il affirme très bien s'amuser avec ses petits "amis" morts comme lui, ou encore lorsqu'il décrit dans un texte à la fois lyrique et fantastique tous les peuples de l'Europe venus mourir dans cette bonne et riche terre des Balkans. Trop de sagesse, trop de retenue dans la conception de ce rôle de revenant qui semble passer "sa mort en vacances", en évidente contradiction avec l'horrible réalité vécue par les survivants.
Le second lieu où Ida, la soeur de Vibko, se prostitue tout en envoyant de l'argent à ses parents, est Paris.  Paris avec sa mafia, ses réseaux de souteneurs qui font commerce des filles des pays de l'Est, Paris et sa prétention à la liberté, l'égalité, la fraternité, qui laisse prospérer dans l'hypocrisie la plus totale les marchands d'esclaves de notre temps. Placée sous le signe d'Almodovar par le jeu des lumières et des couleurs, les costumes, la mise en scène s'appuie sur les acteurs, le travesti, le souteneur, la patronne, pour déclencher le rire et accentuer encore la violence de la satire. Le moment où la patronne chasse Ida en l'accusant de racisme, par exemple, est d'un comique appuyé et d'une logique absurde qui ne manquent pas de force.
Paliès joue sur l'opposition entre les deux lieux en créant des univers tout à fait opposés : aux costumes sévères et aux lumières sombres du premier, s'opposent les couleurs vives et les vêtements affriolants du second.  Mais que l'on ne s'y trompe pas, si les deux univers paraissent  différents, ils se ressemblent en fin de compte dans leur inhumanité. Un spectacle de qualité.
 Le Mot Progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux
De Matéï Visniec
mise en scène par Jean-Luc Paliès
Influenscènes
Théâtre de l'Oulle

du 7 au 26 Juillet 2009 à 11H

Archives du festival d’Avignon : Don Juan d'origine





Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Archives du festival d’Avignon : La commedia del'Arte au festival d'Aviggnon 1998


Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Article paru dans le quotidien La Provence le mardi 28 juillet 1998

Archives du festival d’Avignon : Marivaux, l’auteur le plus joué du festival 1998


Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.
En 1998, Marivaux fut l'auteur le plus joué du festival d'Avignon. Je me souviens avoir vu toutes ses pièces avec bonheur et avoir interwievé plusieurs metteurs en scène. Ceux-ci adorant leur sujet, passionnés par Marivaux, avaient été si diserts et si intéressants que j'aurais pu écrire une thèse sur cet auteur en les écoutant. Evidemment, synthèse oblige; il s'agissait d'un article de journal :  paru  dans la Provence, le 27 Juillet 1988.



Archives du festival d’Avignon : Dario Fo, Johan Padan à la découverte de l’Amérique…





Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

L'article sur Johan Padan de Dario Fo est paru dans La Provence le 19 Juillet 1997. Ce spectacle a été un éblouissement car il alliait  à un jeu d'acteur exceptionnel, un texte brillant et généreux où le rire toujours présent est une dénonciation de l'intolérance et plaide pour le respect de la différence!

Je ne résiste pas à citer quelques passages qui rappellent à la fois Montaigne pour les idées et Voltaire pour l'ironie.



Enfin Séville.. quelle ville merveilleuse, il faut la voir! Il y a toutes ces coupoles rouges et or hérissées de clochers qui grimpent jusqu'au ciel... Il y a toutes ces maisons avec  des fontaines partout...
J'étais* en extase devant la ville. Mais à peine débarqué, sur le quai, la première chose que je vois, c'est un énorme tas de bois avec quatre hommes assis dessus, confortablement... Il brûlaient, bien tranquilles...

Et les autres** nous répondent : "non, merci, assez de petits tours.. car de ceux que vous avez emmenés à vos précédents voyages.. . il n'y en a pas un qui est revenu.
Allez, rendez-nous ceux que vous avez.. sinon nous vous envoyons des flèches et des lances!"
A peine ils avaient dit flèches et lances qu'on a fait sortir les canons des navires et on a commencé à tirer dans le tas, Ta Ta Boum, et on voyait les guerriers  indiens sauter en l'air déchiquetés... un massacre vraiment imbécile.


* Johan Padan arrive à Séville et découvre le mode "civilisé"

** les sauvages du Nouveau Monde

Archives du festival d’Avignon : Roland Dubillard : La maison d’os, fantastique danse macabre…

Archives du festival d’Avignon



 Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

Fantastique danse macabre est un  article paru dans le coup de pouce du Off  en  juillet 1996 (La Provence)

mardi 11 août 2009

Archives du festival d’Avignon : La palestine au festival en 1997, La jeune fille et la mort


L'article  La Palestine au festival sur le spectacle mis en scène par Georges Ibrahim: La jeune fille et la mort d'Ariel Dorfman est paru dans la Provence en juillet 1997
 








Dans cette rubrique : Archives du festival d'Avignon, j'ai décidé de publier, de temps en temps, quelques critiques que j'avais écrites pour le journal La Provence lors des années précédentes. Je ne garderai que les spectacles que j'ai vraiment appréciés, histoire de me rappeler et de vous faire partager de bons souvenirs théâtraux. J'y ajouterai, s'il y a lieu, les remarques personnelles que je n'avais pas pu publier alors, faute de place.

lundi 10 août 2009

Festival Off d’Avignon 2009 : Grand’Peur et Misères… de Bertolt Brecht



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Affiche du spectacle Grand'Peur et Misères
journal Libération

La Compagnie Théâtre du Midi présente au théâtre de l'Alizé la pièce de Bertolt Brecht, Grand'Peur et Misères..., mise en scène par Antoine Chalard, composée de petits tableaux qui peignent la société allemande sous le régime hitlérien à la veille de la seconde guerre mondiale.

La scénographie, intéressante, inventive, assure la réussite de la pièce par son ingéniosité. Pour passer d'une histoire à l'autre, le décor prend l'aspect d'une longue façade miteuse dans un quartier pauvre de la ville, percée de plusieurs fenêtres qui nous permettent de voir ce qui se passe à l'intérieur de ces maisons, tour à tour usine, restaurant populaire, chambre à coucher, salle à manger.
A l'extérieur de la maison, la rue est aussi une scène de théâtre quand les personnages à leur fenêtre deviennent à leur tour spectateurs et épient ce qui se passe. Scène sur la scène, l'espace est donc  découpé de manière à ce que le spectateur soit double, celui dans la salle de spectacle dont nous faisons partie et les personnages qui sont à la fois participants quand ils sont les victimes et observateurs quand la répression frappe les autres. Peut-être s'agit-il de souligner l'aveuglement et la lâcheté de ceux qui n'interviennent pas quand ils ne se sentent pas concernés? Mais nous asssistons aussi, parfois, à une prise de conscience de certains d'entre eux et à la peur qui s'installe et  pousse à se méfier de son voisin, de son meilleur ami ou de son propre fils.
Le décor est aussi utilisé pour soutenir le parti pris burlesque de la mise en scène en créant des situations cocasses, bras d'une longueur démesurée qui se tendent d'une fenêtre à l'autre mais n'appartiennent pas à la même personne. Effet comique garanti, qui vient soulager la tension créée par l'horreur de ces scènes montrant le quotidien du peuple sous la dictature nazie, privation de liberté, censure, interdiction, délation, dénonciation des parents par les enfants, exécutions sommaires...
Les acteurs sont bons (un peu moins dans le registre tragique) et c'est ainsi que nous sommes amenés à rire de l'insupportable! Un bon moment théâtral.

Grand'Peur et Misères  de Bertolt Brecht
mise en scène : Antoine Chalard
Compagnie Théâtre du Midi
Théâtre de l'Alizé du 8 au 31 juillet 2009 à 18H30

mardi 28 juillet 2009

festival off d’Avignon 2009 : Alfred de Musset, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée..


Après avoir lu des critiques très élogieuses sur Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée / Le Grenier par la compagnie Les Larrons et considérant qu'un petit Musset ne se refuse pas, me voilà donc au Théâtre La Luna où a lieu la représentation. Je dois dire que je n'ai pas été entièrement convaincue même si, au final, j'ai aimé la pièce de Musset et son interprétation. Je m'explique!

La pièce d'Alfred de Musset est précédé d'un texte écrit par Isabelle Andréani qui est aussi actrice et metteur en scène du spectacle. Il présente  deux domestiques, la servante d'Alfred de Musset et son cocher, en train de chercher un harnais dans un grenier. Ce faisant, ils découvrent des lettres, des brouillons de l'oeuvre du poète et nous les livrent jusqu'au moment où tous deux s'amusent à interpréter Il faut qu'une porte soit ouverte... Ce début assez décevant est laborieux. La présentation de l'auteur reste superficielle et  trop pédago. Les extraits sont trop courts  pour être vraiment signifiants et les acteurs hésitent entre émotion et  parodie comme s'ils n'arrivaient pas à trouver le ton juste. Heureusement, la pièce de Musset débute et c'est à ce moment là que j'ai pu commencer à adhérer au spectacle.
Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée n'est pas une oeuvre majeure de Musset mais sous son apparente légèreté, elle présente, en germes, les thèmes chers à l'auteur des Caprices de Marianne et  de On ne badine pas avec l'amour. La Marquise, tout comme Marianne, refuse  les compliments vains et superficiels du Comte, son voisin et amoureux transi. Elle veut que l'on s'adresse à son intelligence et ne prise que la sincérité des sentiments. Tout comme la Camille de On ne badine pas elle se méfie des hommes et de leur inconstance et risque ainsi de passer à côté du véritable amour. De même, il y a un peu de Perdican dans le personnage masculin qui revendique la beauté et la grandeur de l'amour malgré les faiblesses des hommes.
Si Xavier Lemaire dans le rôle du comte est correct (je préfère son travail de metteur en scène; j'ai vu, il y a quelques années un magnifique Marivaux mis en scène par ses soins)  c'est surtout le jeu de l'actrice, tout en finesse et subtilité qui permet de prendre un réel plaisir au duo amoureux qui se déroule devant nos yeux. Intelligence des réparties, joutes verbales, finesse des sentiments, humour, revendication féministe avant la lettre, font oublier un décor et une mise en scène un peu conventionnels...  Au total, et malgré ses restrictions, j'ai fini par apprécier le spectacle où l'émotion et l'humour étaient au rendez-vous.


festival off d’Avignon 2009 : Où va l’eau? une adorable pièce pour les tout-petits affiche.


 


Où va l'eau? par la Compagnie O' Navio, mis en scène par Alban Coulaud  est une adorable pièce pour les enfants à partir de 12 mois. Dans la petite salle de l'espace Alya, ceux-ci, en compagnie des adultes, partent avec la comédienne dans une aventure qui appartient à leur quotidien familier : l'eau ! L'eau des poisson et des canards, l'eau que l'on boit ou celle qui lave, l'eau du pipi, des bulles de savon et du bain, l'eau où l'on patauge gaiement, l'eau qui jaillit, qui s'écoule, éclabousse, l'eau qui  glougloute et gargouille...
La mise en scène  tout en douceur et en finesse est d'une grande précision, réglée comme une partition musicale, jouant sur les correspondances entre la gestuelle, les sons, les lumières. Elle crée un monde à la mesure des tout-petits, tisse une sorte de cocon autour d'eux leur réservant de jolies surprises :  un manège de petits canards de toutes les couleurs  qui barbotent dans la mare, un autre qui surgit du fond d'un verre, un poisson rouge désobéissant, une éponge qui pleure et qu'il faut consoler... Les onomatopées amusantes, les comptines pleines de fraîcheur ajoutent à la magie du spectacle servi par la grâce de la comédienne qui évolue comme une grande enfant parmi les tout-petits, amusante avec légèreté, tour à tour souriante et étonnée, maîtresse d'un monde qu'elle fait surgir de sa baguette.
Et c'est peu de dire que les tout-petits se retrouvent dans cet univers ! Il y a ceux qui s'amusent et le font savoir comme cette petite blondinette qui éclate de rire à tous moments, ceux qui  s'émerveillent et crient bravo à chaque découverte, ceux qui restent bouche bée et dont le silence et l'attention disent mieux que tout l'intérêt qu'ils portent au spectacle.

lundi 27 juillet 2009

Le festival Off d’Avignon 2009 : Pièces détachées , Oulipo, quand théâtre rime avec plaisir



Je n'ai pas pu m'empêcher de voir une seconde fois Pièces détachées/ Oulipo  au Théâtre du Chien qui fume. Lorsque théâtre rime avec plaisir mais aussi avec intelligence, ce serait dommage de ne pas en profiter!
Cet assemblage de textes rédigés par les grands oulipiens, Queneau, Perec, Bénabou, Caradec, Fournel, Monk, Roubaud et j'en passe... est un vrai régal! Le public ne s'y  trompe et ce n'est pas pour rien que le spectacle se joue chaque soir de ce festival 2009 dans une salle comble qui croule sous le rire.


Pièces détachées/ Oulipo

Ce Oulipo, mis en scène par Michel Abécassis, c'est d'abord le plaisir de la langue, des jeux de mots et de sons qui fusent de toutes parts, qui jaillissent comme des feux d'artifice, qui s'élèvent dans l'espace et que l'on rattrape au vol  comme pour les faire siens et en rire. C'est aussi l'esprit oulipien pris à la lettre, cette logique mathématicienne, qui, si l'on a le malheur de la prendre au sérieux, nous éclate dans les doigts comme un vieux pétard mouillé, une logique  irréfutable pour mieux nous conduire à l'absurde.
Michel Abécassis a appliqué à la lettre la "doctrine" de  Georges Perec  :  "Au fond je me donne des règles pour être libre", en concevant sa  mise en scène comme un ballet minutieux, rigoureux comme un  métronome, calculant au millimètre près la gestuelle et les déplacements des trois acteurs. Même précision dans les échanges verbaux, véritables joutes orales qui confinent à la perfection.
Et ceci  est une réussite totale : sans effort apparent, les acteurs, Nicolas Dangoise, Pierre Ollier, Olivier Salon, tous les trois excellents, se rient avec aisance des difficultés, réalisent  des prouesses de virtuoses devant le spectateur ravi, emporté par l'esprit, l'humour, la cocasserie, l'intelligence d'un spectacle fou, fou, fou!
A l'heure où j'écris ces mots, il reste peu de jours pour en profiter mais un conseil, il vaut mieux réserver!
Pièces détachées/Oulipo
Théâtre du Chien Qui Fume  
 Le Théâtre de L'Eveil
Du 8 au 31 Juillet 20H50

samedi 25 juillet 2009

Le festival Off d’Avignon 2009 : Edogawa Ranpo, Imomushi, un spectacle fascinant

Imomushi
La caserne des pompiers à Avignon est un lieu de diffusion de la Région Champagne-Ardenne pendant le festival et présente le plus souvent des spectacles de théâtre contemporain de qualité.
Imomushi d'après une nouvelle de  Edogawa Ranpo, mise en scène par David Girondin Moab de la Compagnie Pseudonymo Théâtre et marionnette contemporaine ne déroge pas à la règle. La pièce est forte servie par une scénographie et une mise en scène éblouissantes où le son, la lumière, le jeu des acteurs et des marionnettistes s'allient pour former un spectacle d'une grande beauté et d'une intensité poignante.
L'histoire est simple, dépouillée  : Le lieutenant Sunaga a été blessé à la guerre mais les "miracles" de la médecine militaire l'ont maintenu en vie alors qu'il n'a plus de bras et de jambes, qu'il est muet, le visage défiguré, le corps tordu par la souffrance. Sa femme le veille depuis trois ans avec un "dévouement exemplaire"  selon les propos du général qui  a eu le jeune homme sous ses ordres. Nous sommes dans un huis-clos étouffant  rompu seulement par la visite du général,  une confrontation tragique qui n'est pas sans rappeler celle imaginée par Atiq Rahimi dans Syngue Sabour, la Pierre de Patience :  un homme muet, immobile, infirme, face à une femme qui va exercer sur lui sa toute puissance mais qui est à la fois victime et esclave de son époux. Mais la ressemblance s'arrête là car si Atiq Rahimi  s'attachait à montrer la folie meutrière des hommes, c'est surtout la condition de la femme dans les pays musulmans qu'il dénonçait. David Girondin Moab, à la fois auteur et metteur en scène, décrit l'horreur de la guerre et son absurdité. Il explore aussi le fond de l'âme humaine, traquant, sous l'abnégation du personnage féminin, les tentations du désir charnel, les impatiences, le désespoir, l'amour qui se mue en haine, le long cheminement vers  la cruauté et le meurtre.
Cependant, malgré cette violence qui happe le spectateur, ne lui laisse aucune respiration, la mise en scène est d'une extrême retenue, d'une grande sobriété, tout est dans l'intériorisation, l'économie de gestes et de paroles.
La musique et le son nous empoignent, jouent sur nos nerfs, nous font réagir.
Le décor, un plateau sombre séparé de la salle par des tiges métalliques qui semblent représenter les branchages d'un arbre ou les barreaux d'une prison, est sculpté par la lumière : celle-ci dessine sur le sol des cercles concentriques, labyrinthe au centre duquel se trouve  la femme, prisonnière; elle isole tour à tour les personnages, détachant les visages dans un clair-obscur qui les fait paraître, privés de corps, semblables à des spectres tragiques; elle joue sur les traits de la femme révélant ses sentiments, sa lutte intérieure, (l'actrice est excellente), elle  façonne et  dissout les chairs, créant des personnages à la Soutine. Au fond du plateau un mur qui s'illumine à plusieurs reprises fait apparaître par transparence des ombres chinoises, des inscriptions, des couleurs qui renvoient au récit.
Enfin, il y a la marionnette, le mari, une sorte de mort-vivant qui ne peut exprimer ses sentiments, sa colère, sa jalousie, qu'en tapant la tête contre le lit. Son corps tronqué, monstrueux, emmailloté comme un nouveau-né, est semblable à cette chenille (imomushi en japonais) que l'on voit dès le début de la représentation, rampant sur une branche dans une difficile ascension, échappant à sa chrysalide pour mieux être précipitée dans un puits, allégorie de la vie et de la mort figurant ainsi l'éphémère destinée du  lieutenant Sunaga. Face à cette marionnette douée de vie et souffrante et à cette actrice aux mouvements saccadés, déshumanisés, qui semble porter un masque figé par le désespoir, l'on se prend à douter, à ne plus savoir laquelle des deux est vivante, laquelle est de chair et de sang.
Certaines scènes sont saisissantes de beauté et d'étrangeté : celle, par exemple où la femme, à la fois mère et amante de son mari, semble donner naissance à un foetus qui devient ensuite phallus et jouissance.
Un très beau spectacle, donc, qui laisse le spectateur sous le choc. Il faut un moment avant de pouvoir réagir et saluer la prestation des acteurs, l'excellence de la scénographie et de la mise en scène, la force du propos.
Imomushi d'après la nouvelle de : Edogawa Ranpo

 metteur en scène :  David Girondin Moab
Cie Pseudonymo théâtre marionnette contemporaine
Lieu  : Caserne des Pompiers  du 8 au 29 Juillet 20H30
Durée : 1H
Tarif : 13  € tarif carte off 9€

dimanche 5 juillet 2009

Avignon au temps du festival : Juillet 2009, brassée d'images



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Avignon a revêtu ses bannières, les affiches montent à l'assaut des lampadaires.  Le festival Off s'affiche!

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samedi 20 juin 2009

Hammerklavier : Yasmina Reza et le Festival d’Avignon

 


A l'approche du festival d'Avignon 2009, je ne me peux m'empêcher de citer ce très beau texte que j'ai lu dans le recueil de récits de Yasmina Reza : Hammerklavier. Il s'intitule Trente secondes de silence et Yasmina Reza y raconte comment  José-Maria, un de ces amis espagnols, Catalan épris de théâtre, lui fit un jour la narration d'un séjour à Avignon du temps de sa jeunesse.

On donnait, me dit-il, au Palais des Papes, la première des Caprices de Marianne avec Gérard Philippe et Geneviève Page. Tu te souviens, me dit-il en s'arrêtant de marcher, les mots d'Octave: "adieu ma jeunesse.. adieu les sérénades.. Adieu Naples... Adieu l'amour et l'amitié... Pourquoi adieu l'amour? demande Marianne. Je ne vous aimais pas Marianne; c'était Célio qui vous aimait."
Gérard Philippe s'en va. Geneviève Page disparaît à son tour sous la musique de Maurice Jarre, puis le noir, puis rien. Et là, me dit José-Maria, debout, arrêté, encore frissonnant, il se passe, je te jure, trente secondes, au moins trente secondes d'immobilité, moi, me dit-il, je tremblais de tous mes membres, j'avais seize ans, je venais de Barcelone, qu'est-ce que tu veux à cette époque là-bas on ne savait pas ce qu'était le théâtre, et tout d'un coup, la salle entière s'est levée, après au moins trente secondes de silence complet et s'est mise à applaudir.
Quelle chance, me dis-je, quelle chance, non pas d'avoir vu ce spectacle, me dis-je, ni d'avoir vu Gérard Philippe, ni Geneviève Page -moi aussi, pensai-je, j'ai vécu de grands instants de théâtre- quelle chance d'avoir connu ce public. Quel bonheur d'avoir connu ce temps béni de la non-participation. Un temps où il n'était question  que de recevoir, en toute simplicité et en toute honnêteté -peut-être la plus noble attitude- un temps où il ne s'agissait pas de s'exprimer, de prouver, d'être un soi bruyant et apparent. Où que nous allions aujourd'hui, me dis-je, les gens applaudissent sur la dernière note. Aucun silence. Pas une seule seconde de retrait. Vite, applaudir. Vite, se manifester, vite en être, énoncer à tue-tête son imposant verdict. Et chacun, me dis-je, tandis que j'écoute José reprendre le meilleur moment de son histoire, c'est-à- dire les trente secondes de silence, d'être si fier d'appartenir à cette ignoble communauté, l'ignoble et nouvelle communauté du public averti, intelligent, les "haut de gamme" de l'humanité, ceux qui sortent, ceux qui en sont et qui savent, qui ont leurs élus et leurs damnés.

mercredi 29 avril 2009

Festival d’Avignon 2009 : Wajdi Mouawad : Forêts

Wajdi Mouawad est l'auteur invité du Festival d'Avignon 2009. Libanais, Wajdi Mouawad a dû quitter son pays; il vit maintenant au Canada. Il fait des études à l'Ecole nationale de théâtre du Canada où il étudie les arts du spectacle.
Sa première pièce s'intitule Alphonse en 1996 suivi par Les mains d'Edwige au moment de sa naissance en 1999. Inspiré par les thèmes de la guerre, de la mémoire et de la filiation, Wajdi Mouawad publie et met en scène ses propres textes Littoral (1999)Incendies (2003) et  Forêts (2OO6). Il est aussi l'auteur de Rêves (2002) Assoiffés (2007) Le soleil et la mort ne peuvent se regarder en face (2008). En 2005, il refuse le Molière du meilleur auteur francophone qui devait lui être décerné pour dénoncer le travail de certains directeurs de théâtre qui négligent la lecture des manuscrits et qui, en ce sens, ne s'impliquent pas dans la promotion des jeunes dramaturges.
L'auteur fonde deux compagnies avec Emmanuel Schwartz : au Québec, la compagnie Abé Carré Cé Carré ; en France, la compagnie Au Carré de l'hypoténuse. Il écrit aussi son premier roman intitulé Visage retrouvé et tourne l'adaptation cinématographique de Littoral. En 2008, il interprète Seuls au Festival d'Avignon.
Pour le festival d'Avignon,  en 2009,   il présentera  son quatuor  Le Sang des promesses au parc des expositions de Châteaublanc  : Littoral, Incendies, Forêts  et créera Ciels dans la cour d'Honneur du Palais des papes.
Forêts
Forêts est un texte riche, foisonnant et complexe. Il est donc difficile de  résumer la pièce  sans laisser de côté certains aspects ou ramifications. Je m'y essaie pourtant.
Loup, une jeune fille de seize ans vient de perdre sa mère, Aimée, morte d'un cancer. Celle-ci a refusé de se  soigner car il lui aurait fallu avorter et sacrifier son bébé; c'est une lourde responsabilité pour Loup. Commence alors pour elle une quête qui lui permet de remonter dans le passé et de retrouver la filiation qui - de mère en fille - relie les membres de sa famille aux plus sombres périodes de notre siècle, de la guerre de 1914 aux horreurs des camps nazis, à la tragédie du 6 Décembre 1989 qui s'est déroulée à l'université polytechnique de Montréal où un tireur fou a tué quatorze jeunes étudiantes.
Avec un paléontoloque, Douglas Dupontel, lui-même victime du devoir de mémoire, elle découvre la fatalité qui pèse sur les femmes de sa famille coupables d'une génération à l'autre d'abandon de leur enfant, les atrocités qui ont eu lieu dans le monde mais aussi chez les siens. Le but de cette quête est essentielle pour Loup :  il ne s'agit de rien de moins que  de briser la fatalité, de trouver "un talisman contre le malheur" et d'accepter la vie :
 Maman,
 Tu m'offres le monde
et le monde est grand
Mais puisque tu as choisi de me le donner
Je choisis de le prendre!
La narration est complexe car toutes les époques se chevauchent, les personnages du passé  faisant  irruption dans le présent ou dans le présent du passé ou...
Les thèmes sont nombreux, on le voit :   l'horreur de la guerre, la dénonciation du nazisme et de l'holocauste, le devoir de mémoire, la responsabilité de l'homme qui transforme l'univers en enfer, la culpabilité, l'enfance abandonnée, l'autorité abusive du père qui impose son rêve à ses enfants... Les grands mythes fondateurs sont aussi explorés : le regret du paradis perdu et impossible à faire renaître, les Atrides, l'inceste et l'Oedipe.
Et les dominant tous le  thème de la  filiation qui souligne ce paradoxe : pour vivre il faut à la fois lever le secret de son origine (la quête de Loup) car l'on ne  peut  sans cela être un être complet et se libérer de la prison familiale pour découvir le monde de ses propres yeux au risque de tomber en Enfer .. (Edmond le Girafon)
La langue est belle, inspirée, ouvrant une vision sur l'extérieur, sur les grands espaces canadiens, laissant le froid et la neige venir jusqu'à nous :
Douglas Dupont : Tout ça qui est là-bas et qui va jusqu'au trait du ciel, c'est le fleuve Saint-Laurent ?
Achille : Ici, en Gaspésie on appelle fleuve ce qu'ailleurs on appelle océan. Les gens ont le coeur gros par ici. L'espace ça aide à contenir les peines et les colères.
Le comique  côtoie souvent le tragique  :
Douglas Dupontel :  Ecoutez le mieux, c'est de m'envoyer ça à mon adresse internet. Oui? Je vous la donne: animaquaenobiscumdegunt arobase museepaleontologiecomparée trait d'union paris trait d'union direction point general point fr.
(...)
Dougla Dupontel : Non, non, animaquaenobiscumdegunt ça signifie animaux domestiques en latin .. quand on comprend ce n'est pas compliqué.. je vous épelle : a..n..i..
Loup : Donnez-lui mon adresse à moi ça va être plus simple, avec une affaire de même on sera encore ici l'année prochaine jusqu'à Pâques, jusqu'à Noël puis le Nouvel An.
(...)
Douglas Dupontel : on va vous donner un autre mail.
Loup : Toutemecoeuretoutemefaitchier arobase hotmail point com pas d'accent pas d'apostrophe.
J'aime beaucoup le personnage de Loup qui apporte sa fraîcheur et sa sensibilité  à toute cette noirceur. Entre révolte et angoisse, avec son vocabulaire d'adolescente, on va la voir peu à peu se transformer pour atteindre la compréhension et la maturité :
Douglas D :  De quoi avez-vous si peur, Loup?
Loup : J'ai peur de ne pas trouver ma place dans le monde. C'est important, ça, de trouver sa place dans le monde quand on a seize ans, non?
Douglas D : Vous avez le temps, vous êtes jeune!
 Loup : Non, je n'ai pas le temps et je ne suis pas jeune! Ya rien de plus niaiseux de plus épais de plus cave qu'un jeune qui dit de lui qu'il est jeune! Ca veut dire qu'il est déjà mort. Moi, je veux tout, tout de suite et que ce soit beau, grand, magnifique et bouleversant et clair...
Un vrai texte littéraire, donc, qui procure le plaisir de la lecture. Après, bien sûr, il faut le voir au théâtre car il n'existera complètement que par cette interprétation, cette transformation ou maturation que va lui donner la mise en scène.