Allez, comme à chaque parution, je suis allée faire une petite incursion dans l’univers de Philippe Jaenada qui nous entraîne dans une nouvelle enquête avec Au printemps des monstres. Quand je dis petite, il s’agit tout de même de 750 pages mais qui se lisent facilement.
Et comme d’habitude, Jaenada, choisit, parmi les meurtriers, une personne qui lui semble innocente du crime qu’on lui impute et il cherche à mettre en relief les erreurs judiciaires, à rétablir si possible la vérité. Il est vrai que l’écrivain, en s’immergeant dans les archives, les rapports d’enquête, les correspondances, les minutes du procès, en se mettant dans la peau de son personnage, en arpentant les lieux qu’il a fréquentés, en rencontrant les personnes qui l’ont connu (s’il en reste), bénéficie d’un recul que n’avaient pas les enquêteurs de l’époque. Ces derniers bousculés par le temps, par leur hiérarchie, par la nécessité d’un rapide résultat, subissaient en outre la pression et parfois l’influence négative des médias.
Lucien Léger |
Le personnage choisi cette fois dans Au printemps des monstres est Lucien Léger condamné pour le meurtre d’un petit garçon en 1964. Retrouvé dans la forêt, étouffé contre la terre, sans trace d’agression sexuelle, l’enfant, semble avoir été assassiné sans raison apparente. Mais au moment où l’enquête commence, un mystérieux Etrangleur écrit des lettres violentes, crues et ignobles, aux parents de l’enfant ou aux journaux, prouvant qu’il est au courant de certains détails du meurtre. L’Etrangleur est bien vite retrouvé. C’est Lucien Léger. Mais s’il a bien écrit ces horreurs, est-il vraiment le meurtrier ? Il plaide coupable sur les conseils de son avocat, pourtant il y a tant d’incohérences dans son récit que le doute s’insinue. Quand il se rétracte par la suite et demande la révision de son procès et ceci à plusieurs reprises tout au long de sa longue incarcération, il ne sera jamais entendu.
L’enquêteur-écrivain s’imprègne de ce qu’il lit et décèle les faiblesses des accusations, les erreurs de logique. Il enquête aussi sur les zones d’ombre des autres personnages, ceux qui entourent Fernand Léger, mais aussi en particulier des parents de la victime et surtout du père, un odieux et trouble personnage, qui s’enrichit sur la mort de son fils ! Les monstres ne sont pas toujours ceux qui passent en jugement.
Au-delà de l’aspect « policier » du roman, nous nous intéressons à la psychologie des personnages, qui est très fouillée et très intéressante et le personnage de Lucien Léger, en particulier, prend du relief au cours de l’enquête judiciaire.
Comme d’habitude l’auteur se met en scène et nous fait partager sa vie, ses doutes et si l’humour est un peu voilé, un peu plus grave que dans les livres précédents, c’est que l’écrivain nous parle de sa maladie, de son opération, ce qui donne lieu à des scènes savoureuses comme celle de la salle d’attente où Philippe Jaenada découvre, à travers les patients sous bandelettes comme des momies, ce qu’est pour le chirurgien, une tumeur "bénigne" ! Humour qui sert d'exutoire à l'angoisse !
Un livre intéressant et agréable à lire mais je n’ai pas senti l’écrivain aussi impliqué que pour sa « petite femelle » qu’il aimait tant. Il faut dire qu’il est difficile de se passionner pour Lucien Léger, ambigu, sournois, qui, s’il n’a pas commis le crime, a essayé d’en profiter pour se faire une notoriété et est certainement plus ou moins complice des véritables assassins. Et je ne l’ai pas suivi, non plus, quand il brosse un portrait de l’épouse de Léger, Solange, sous les traits d’une victime innocente. Victime, oui, surtout dans son enfance, et à cause de sa maladie. Cependant, le personnage n’est pas clair dans son attitude et ses propos et pas obligatoirement sympathique ! Mais le coeur tendre de Philippe Jaenada a besoin de quelqu’un à aimer, si possible une femme belle ! Et oui, c’est à mon tour de me moquer un peu de lui. Je crois que ce que j’aime le plus dans cet écrivain, ce sont ses parti-pris, qu’ils soient d’amour ou de détestation !