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lundi 19 mars 2018

Leo Perutz : Le Judas de Léonard



Voilà le deuxième livre que je lis de l'écrivain tchèque, Leo Perutz. Quel auteur passionnant !  Après Le cavalier suédois, je viens de découvrir Le Judas de Léonard.  C’est à travers ce roman historique que Leo Perutz nous propose une réflexion sur l’art et sur l’homme et ses faiblesses.

La Cène de Léonard de Vinci

Nous sommes à Milan en 1498. Léonard de Vinci peint La Cène au couvent des dominicains Santa Maria delle Grazie. Peint ? Voilà des mois que la fresque n’avance pas au grand dam du prieur du couvent qui se plaint au duc de Milan. C’est bien mal connaître le processus créatif de l’artiste. Léonard de Vinci travaille et couvre ses carnet de croquis mais il ne peut avancer car il lui manque le modèle qui incarnera Judas. Léonard de Vinci pense, en effet, que le peintre doit « tirer enseignement de la nature et de partir d’elle. ».  Mais pour le trouver, il faut d’abord comprendre qui était Judas ? A-t-il trahi Jésus par cupidité ? avarice ? envie ? Non ! Il a commis une faute que même Jésus ne peut pardonner.

« Il l’a trahi lorsqu’il a compris qu’il l’aimait répondit le garçon. Il a pressenti qu’il ne pouvait s’empêcher de trop l’aimer et son orgueil le lui a interdit.
- Oui, le péché de Judas fut cet orgueil qui le conduit à trahir l’amour qu’il éprouvait , dit messire léonard. »

Dès lors le roman nous amène à travers les rues de Milan à la suite de ce Judas qui reniera son amour par orgueil et à côté duquel, en comparaison, les mauvais garçons des tavernes, les ivrognes, les voleurs, et même les meurtriers, peuvent être pardonnés. Pour l’anecdote, on retrouve aussi dans les lieux mal famés de la ville, le personnage de François Villon dont les contemporains ont perdu la trace mais que Leo Perutz campe ici dans le personnage fictif du poète  Mancino.
C’est avec talent que Leo Perutz donne vie à la cour du duc, à ce peuple de Milan épris d’art, à ces personnages hauts en couleurs, à ces artistes passionnés mais qui vivent dans la misère, à ces rues animées, tumultueuses. On suit avec intérêt l’histoire de « Judas », Joachim Behaim, ce marchand allemand, qui va refuser l’amour vrai et profond qu’il éprouve pour la douce et sincère Nicolla dont il juge l’origine sociale trop inférieure à la sienne.
Vous l’avez compris j’ai beaucoup aimé cet excellent roman et sa belle réflexion sur l'art et l'amour.

Contemporain de Franz Kafka, Leo Perutz est un écrivain majeur du XXe siècle européen. Né à Prague en 1882, il s’installe à Vienne à dix-sept ans. À partir de 1915, il publie une douzaine de romans avec un succès grandissant. En 1933, La Neige de saint Pierre est immédiatement interdit par les nazis en Allemagne. En 1938, suite à l’annexion de l’Autriche, il s’exile à Tel-Aviv où il n’écrira plus jusqu’en 1953, date à laquelle il publie son dernier roman, la Nuit sous le pont de pierre. Leo Perutz meurt en 1957 en Autriche, près de Salzbourg.
Ce « Kafka aventureux », selon les mots de Borges qui l’admirait, reste aujourd’hui à redécouvrir et à célébrer, tant pour la Troisième Balle, son premier roman, que pour le Maître du Jugement dernier (1923) ou la Neige de saint Pierre (1933). source bio : ici

Un des personnages du roman de Leo Perutz est un élève de Léonard de Vinci. Il s'appelle Marco d'Oggiono :

Marco d'Oggiono : fille aux cerises
Marco d'Oggiono: Le Christ bénissant
Marco d'Oggiono :copie de la cène de Vinci



dimanche 1 février 2015

Jack Schaefer : L'homme des vallées perdues

L'homme des vallées perdues de Jack Schaefer, éditions Libretto Illustration de couverture Percy Crosby
L'homme des vallées perdues  couverture Percy Crosby


L'homme des vallées perdues de Jack Schaefer, écrivain américain, est paru en 1949 aux Etat-Unis. Il est devenu un classique de la littérature de l'Ouest américain. Le titre d'origine est Shane du nom du personnage principal..

Le récit

L'homme des vallées perdues:  film  Georges Stevens

Nous sommes en 1889 dans le Wyoming. Des colons se sont installés sur des terres et vont bouleverser les méthodes d'élevage. Ils se heurtent au grand propriétaire, Fletcher, qui voit d'un mauvais œil les fermiers s'installer sur les terres et poser des clôtures qui coupent ses immenses pâturages. Dans cette vallée perdue où la loi ne pénètre pas, c'est la raison du plus fort qui l'emporte. C'est alors qu'arrive Shane, un mystérieux étranger qui va être accueilli dans la ferme de Marian et de Joe Starrett et de leur fils Bob. Il va se lier d'amitié avec eux et leur venir en aide.

Un roman démystificateur

Paysage du Wyoming source
L'homme des vallées perdues est sans contexte un livre sur le mythe de l'Ouest avec ses personnages attendus, le justicier vagabond, le tueur, le propriétaire cupide, mais c'est en même temps une démystification peut-être parce qu'il s'agit d'un moment charnière dans l'histoire de ce pays, une période qui voit de grands bouleversements..
La conquête de l'Ouest n'est pas présenté comme une succession de grands moments héroïques, comme une aventure palpitante et grandiose. Certes, il faut du courage pour coloniser l'ouest mais l'écrivain insiste sur le labeur de tous les jours, la peur de l'échec, sur le quotidien épuisant. Et lorsqu'il faut lutter, armes à la main, ce n'est pas un choix mais une obligation. Les fermiers ont peur, certains préfèrent fuir plutôt que de perdre la vie mais tout est alors à recommencer. Les adversaires n'ont rien d'héroïque, ce sont des jeunes sans cervelle qui ont oublié de réfléchir comme Chris, soit des tueurs sans état d'âme comme Wilson. La violence et le meurtre marquent définitivement un homme et Shane ne peut espérer retrouver la sérénité après avoir tué. Il est condamné à l'errance. Derrière le mythe, il y a donc des êtres humains qui souffrent et sont marqués par leurs actes d'une manière indélébile. Il y a aussi des hommes qui n'ont rien d'héroïque, les fermiers, sauf si l'on appelle héroïsme, le fait d'user ses forces à des travaux pénibles et ingrats. Il y a aussi un pays qui se transforme, une économie qui change un monde bien accroché à ses traditions.

Un enfant pour narrateur

Joey , Brandon de Wilde, dans l'homme des vallées perdues de Stevens
Joey dans le film de Stevens , Bob dans le livre de Jack Schaefer

Si le récit paraît somme toute assez banal pour tout amateur de western qui connaît bien cette opposition classique entre les grands ranchers et les petits fermiers, le roman est, au contraire, original, surprenant et attachant.
Cela tient au regard plein d'amour et d'admiration que le narrateur, Bob, porte à ses parents, Marian et  Joe Starrett et à la fascination qu'il éprouve envers Shane. On ne peut vraiment croire aux personnages que si l'on garde en mémoire qu'ils sont vus à travers l'idéalisme et d'un petit garçon exalté et admiratif.

 Une idéalisation des personnages

Bob, Marian, Joe et Sahne

 Derrière le personnage du petit Bob, on sent l'homme mûr qui se souvient d'un passé qui a beaucoup compté pour lui. Ce double point de vue de l'enfant naïf, pur, passionné, aimant qu'il était et du vieillard qu'il est devenu lorsqu'il écrit ses souvenirs, crée une nostalgie qui donne une coloration particulière au récit. On y sent le romantisme de l'enfance. L'idéalisation des personnages auréolés par l'amour de l'enfant est telle qu'ils deviennent presque des êtres de légende : le père, fort, courageux, travailleur, prêt à donner sa vie pour sa femme et son enfant, et la mère, la jolie Marian, au caractère affirmé, qui rivalise à sa manière avec le courage de son mari. Et puis Shane, cet homme dont on ne saura rien sinon qu'il a été blessé par la vie et qu'il ne veut jamais porter son colt sur lui alors qu'il sait pourtant s'en servir d'une manière redoutable. Les zones d'ombre qui entourent ce solitaire permet un portrait nuancé qui laissent place à l'imagination. Importance du non-dit aussi dans l'amour éprouvé par Marian pour Shane (et réciproquement) qui se lit en filigrane à travers ce que l'enfant comprend et entend. 

 Un récit d'initiation 

Il y a une grande humanité dans les personnages, leur amour réciproque, leur confiance mutuelle, leur fidélité, leur courage. Lorsqu'ils servent de leurs armes, ils essaient toujours d'inculquer le sens de la justice et de la responsabilité au petit garçon et la gravité d'un tel acte.

-Je l'ai laissé m'insulter, je lui ai donné sa chance, dit Shane au petit garçon. Pour sauvegarder son amour-propre, on n'a pas nécessairement besoin de massacrer le premier qui vient vous manquer de respect.. Tu comprends cela?
Non . Je ne voyais pas.(...)
- Je lui ai laissé le choix; Rien ne l'obligeait à réagir comme il l'a fait la deuxième fois. Il aurait pu laisser tomber sans perdre la face. Mais pour en être capable, il aurait fallu qu'il soit suffisamment mûr.
Leçon que l'enfant ne comprend pas : il se passa beaucoup de temps avant que je saisisse ce qu'il avait voulu dire; j'étais alors devenu un homme et Shane n'était plus là pour que je lui en parle.

On comprend combien cette période a marqué l'enfant et a été pour lui une initiation à la vie.

Entre épopée du quotidien et humour

Un monde qui change : les premières clôtures

Le roman présente des scènes que l'on pourrait qualifier d'épique si elles ne concernaient pas des hommes simples placés dans des situations du quotidien! Et pourtant quel panache quand Shane et Joe à la seule force de leurs bras déracinent la souche gigantesque d'un arbre mort qui dégrade le champ de Joe. Quel courage aussi quand Shane affronte tout seul le tueur que Fletcher a fait venir pour se débarrasser des colons ou quand il est obligé d'assommer Joé qui veut y aller à sa place ! Les exploits des hommes, Marian les réitère à sa manière en gagnant le combat contre une tarte aux pommes récalcitrante qui refuse de cuire! Car l'humour n'est pas exempt du récit et il souvent est assez inattendu ! On y voit Shane, le «poor lonesome» Shane, donner des leçons de mode à Marian et lui indiquer comment, dans les grandes villes, les coquettes attachent leurs chapeaux sous le menton avec un joli nœud  !

L'homme des vallées perdues est donc un beau roman plein d'humanité qui peut plaire à tous ceux qui aiment les récits sur la conquête de l'Ouest américain mais aussi à ceux qui apprécient les beaux personnages positifs et humains!
J'ai trouvé le film bien médiocre par rapport au roman et Alan Ladd bien faible par rapport au Shane de Jack Schaefer ! Voir Wens pour le film.




Enigme n° 106
Les vainqueurs du jour: Eeguab, Dasola, Keisha, Somaja, Thérèse et Aifelle.

Livre : Shane ou l'Homme des vallées perdues de Jack  Schaefer
Film : L'homme des vallées perdues de George Stevens (voir Wens)

dimanche 28 septembre 2014

Miklos Banffy : Chronique transylvaine




Miklós Bánffy est un homme politique et écrivain hongrois (1873-1950).
Issu d'une grande famille aristocratique de Transylvanie, il devient membre du parlement hongrois en 1901, puis ministre des Affaires Étrangères en 1921, après la chute de l'Empire austro-hongrois, malgré son peu de sympathie pour le régime de l'amiral Horthy. Ses efforts pour obtenir la révision des frontières issus des traités mettant fin à la première guerre mondiale ayant échoué, il quitte cependant rapidement le gouvernement.
Il rédige entre 1934 et 1940 une vaste Trilogie transylvaine qui décrit la chute du monde aristocratique hongrois, et plus particulièrement celui de sa région natale, à partir des années précédant la première guerre mondiale. (wikipédia)


Affiche de Farago Ceza (Hongaria National gallery)

 Chronique transylvaine est composé de de trois volumes aux titres révélateurs : Vos jours sont comptés, Vous étiez trop légers, Que le vent vous emporte inspirés d'une prophétie de Daniel (mise en exergue) qui prédit la chute de Babylone assiégé par Cyrus. La fin d'un monde, c'est donc le thème de cette chronique dont le récit court sur dix années de 1904 à 1914. L'action se déroule entre Budapest et la Transylvanie qui appartient alors à la Hongrie et fait partie de l'empire austro-hongrois.  Banfly fait le portrait d'une  noblesse hongroise  frivole, insouciante, égoïste, peu clairvoyante, qui dépense sa fortune dans des fêtes somptueuses, une noblesse qui ne pense qu'à s'amuser quitte à vivre au-dessus de ses moyens : bals, réceptions, chasses à courre, opéras, duels, luxe ostentatoire… il montre aussi l'impéritie des hommes politique et le marasme dans lequel ils tombent, tant ils sont incapable d'analyser une situation à l'échelle internationale, tant ils sont divisés, tellement préoccupés de faire triompher leur avis au détriment d'une analyse sérieuse de la situation, tellement soucieux de leur carrière, de leur succès, qu'ils ne voient pas le gouffre ouvert sous leurs pieds.  Il s'agit donc de la fin de la noblesse mais aussi de celle d'un empire. Après la défaite de 1918, l'empire austro-hongrois sera démantelé par le traité de Trianon en 1920. La Hongrie retrouve son indépendance mais est amputée d'une part de ses territoires, en particulier de la Transylvanie annexée à la Roumanie.

Le château de la famille Banffy au XIX siècle

Pour lire le livre, il faut d'abord accepter de se perdre un peu et j'avoue que c'est très difficile de rentrer dans cette analyse complexe qui détaille le passé et le présent du gouvernement hongrois, les différentes tendances, les enjeux politiques, mais qui montrent aussi le sort des minorités dans cette empire, en particulier des roumains de Transylvanie. Toutes les péripéties de l'histoire des Balkans nous sont racontées qui vont nous amener inexorablement vers l'apocalypse de 14-18.
Mais on s'accroche et on se passionne pour les personnages qui nous amènent dans cette aventure : le comte  Balint Abady est un jeune homme qui s'engage dans la politique avec un enthousiasme juvénile et sincère. Comme tous les jeunes gens de bonne famille il a fait ses études à Vienne.  Il se déplace désormais entre son domaine transylvain et Budapest où, élu député, il nous introduit dans la sphère politique.  Il va rencontrer  beaucoup de difficultés  quand il veut venir en aide aux paysans exploités par la bourgeoisie roumaine, notables qui s'enrichissent sur leur dos à force de malversations.
Il est amoureux de la belle Adrienne, un amour impossible car celle-ci est déjà mariée avec un homme inquiétant et menaçant, Pat Uzdy.  Le cousin de Balint,  Lazlo est orphelin de père et abandonné par sa mère et s'il est reçu par ses tantes qui occupent une haute place dans la société, il est considéré comme le parent pauvre. Occasion de découvrir toutes les nuances de hiérarchie et de préséance de cette société arrogante et futile qui jugent les gens sur leur titre et leur fortune. C'est pourquoi Laszlo va être éconduit quand on découvre l'amour qu'il voue à sa cousine Klara et réciproquement. Deux histoires d'amour contrariés dont je ne vous dis pas l'issue mais que on lit avec plaisir.
Si l'on suit ces personnages principaux tout en s'attachant à eux, il faut savoir que gravite tout autour d'eux une foule de personnages, parents, amis, épouses, maîtresses, notables, politiciens, mais aussi hommes du peuple, toutes classes sociales représentées, des personnages haut en couleur, intéressants, parfois étonnants, qui nous font pénétrer dans la vie et dans les mentalités des hongrois de cette époque.
 Et si Miklos Banffy nous entraîne dans la tragédie, solitude, suicide, folie, maladie, pauvreté, souffrances morales, il sait aussi manier l'humour comme dans le deuxième volume où certaines scènes sont dignes d'une comédie : ainsi la petite Margit qui embobine le pauvre Adam amoureux de sa soeur Adrienne et sous prétexte de le consoler le met dans la poche et se fait épouser! Ou l'épisode de la vache volée, ou encore le duel qui se prépare au nez et à la barbe du comte d'Eu venu prêcher la fin… des duels! Miklos Banffy est un bon conteur et rend son récit véritablement passionnant.

Paysage de la Transylvanie (source)

Il faut y ajouter la découverte de la Transylvanie, de ses châteaux pittoresques, de ses forêts à perte de vue, de ses réveils frais au petit matin dans la montagne, un beau sentiment de la nature que Balint partage avec nous, vision d'une cascade figée par le gel, approche de l'automne,  rencontre privilégiée d'un cerf majestueux au milieu de cette nature sauvage.  C'est garanti, après la lecture du livre, vous avez une furieuse envie d'aller visiter la Transylvanie!

Et puis il y aussi la coloration nostalgique du roman, un constat d'échec qui m'a fait penser au Guépard de Lampédusa. Miklos Banffy sait bien de quoi il parle puisqu'il pourrait être Balint Abbady. Noble, monarchiste et hongrois avant tout, il a cependant un regard attentif envers les minorités qui peuplent la Transylvanie. Il pense qu'une entente est possible à condition de faire les premiers pas dans leurs directions.  Il est libéral, modéré et surtout lucide. Il porte un regard amer sur cette société décadente qui n'a pas su prendre conscience du danger, trop avide de fêtes et de distractions et a roulé inexorablement dans le néant.

Sachez qu'il s'agit d'un gros "pavé" :  750 pour le 1er volume,  600 pour le second, et 420 pour le troisième. S'il y a eu des moments où j'ai peiné sur les explications politiques,  je dois dire que j'ai lu le livre en un temps record car il est très difficile de le lâcher. Alors, si vous avez du temps devant vous, n'hésitez pas!




Jozsef Rippl-Ronai (Hongaria National gallery)

dimanche 20 juillet 2014

Henrik Sienkiewicz : Par le fer et par le feu




Par le fer et par le feu de Henrik Sienkiewicz qui paraît en 1884 est le premier roman d'une trilogie qui, avec Le déluge et Messire Wolodowsky, raconte l'histoire de la Pologne au XVII siècle dans une des périodes les plus troublées de son histoire. Quand il publie son roman, Henrik Sienkiewicz veut en faire le symbole de la lutte polonaise à une époque où la Pologne n'existe plus, la majorité de son territoire étant annexée par la Russie, l'autre partagée entre la Prusse et l'Autriche.
Le récit commence en 1647, lorsque la République polonaise dites des "deux Nations" comprenant la couronne polonaise et le grand-duché de Lituanie est un immense état qui englobe aussi l'Ukraine. Celle-ci voudrait se faire reconnaître comme troisième nation mais vainement. Les cosaques, peuple guerrier de semi-nomades vivant en Ukraine, menés par Bogdan Khmelnitsky,  vont alors se soulever contre la République en s'alliant aux Tatars de Crimée. Commence une guerre civile effroyable qui décimera les populations et au cours de laquelle s'affronteront les nobles chevaliers polonais et les rebelles.


Les Etats de la couronne de Pologne sous lesquels sont compris la grande et la petite Pologne, le grand duché de Lithuanie,
Henrik Sienkiewicz avec ce roman porté par un style flamboyant écrit l'épopée de la Pologne.  Il nous lance en chevauchées fantastiques dans les grandes espaces des steppes ukrainiennes, à la découverte de villes ou de bourgades dévastées, nous confronte au fleuve majestueux le Dniepr, nous fait vivre dans des villes assiégées, affronter des combats terrifiants, démesurés dont la grandeur n'a d'égale que la cruauté. Le sang coule à flots et teinte l'eau des rivières, les cadavres comblent les douves des châteaux, la torture, le pal, les trahisons se succèdent et quand ils ne sont pas au combat, les nobles chevaliers trouvent encore le moyen de se battre en duel pour leur honneur et pour leur Belle!  Le symbole du pouvoir polonais est incarné non par le roi nommé par la noblesse mais par le puissant seigneur que tous redoutent, le duc Yarema Wisniowiecki, dont le nom seul fait trembler des armées entières..
Un souffle épique anime les prouesses des chevaliers ou des cosaques, car les ennemis sont de force égale, semblables à des demi-dieux, accomplissant des actes hors du commun, géants que rien ne semble pouvoir abattre et dont l'auteur nous montre pourtant la fragilité.  Car au milieu de ce roman qui a choisi pour héros tout un peuple, Henryk Sienkiewicz s'intéresse aussi aux individus, à leur mentalité mais aussi à leur vie personnelle. Nous suivons avec empathie les aventures du vaillant  chevalier Jean Kretuski et  de son amour, la jeune et belle Hélène, enlevée par le cosaque Bohun; nous faisons connaissance de  ses amis  le vieux et rusé Zagloda, le frêle et redoutable Michel Wolodowski, et le lituanien Podbipieta, géant candide et naïf capable d'exploits hors du commun. Le roman raconte ainsi une histoire d'amour et d'amitié qui peut aller jusqu'au sacrifice. Cruauté et idéalisme vont de pair et l'Histoire et la fiction s'allient pour notre plus grand plaisir.

Un roman historique passionnant qui vous entraîne bien loin en imagination, dans des contrées  sauvages et des époques éloignées. Et pas d'inquiétude devant ce pavé, on ne fait qu'une bouchée des 700 pages du livre!





Merci à Babelio et  aux Editions Libretto