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jeudi 3 octobre 2013

Daniel Keyes: Des fleurs pour Algernon







Daniel Keyes, écrivain américain né en 1927, est chercheur en psychologie.  Des fleurs pour Algernon paru en 1959 a obtenu deux prix, celui de la meilleure nouvelle en 1960 et le prix Hugo de la meilleure nouvelle en 1992. Réécrit sous forme de roman, Des fleurs pour Algernon s'est vu décerné le prix Nebula du meilleur roman en 1966 et a été adapté au cinéma par Ralph Nelson en 1968 sous le titre de Charly et par David Delrieux à la télévision franco-suisse en 2006.


En exergue de ce roman de science-fiction philosophique, ce passage de La République de Platon :"Mais si l'on avait quelque bon sens, on se rappellerait que la vue peut être troublée de deux manières et pour deux causes : quand on passe de la lumière à l'obscurité, ou bien le contraire, de l'obscurité à la lumière."

Et c'est exactement le thème du roman de Daniel Keyes, Des fleurs pour Algernon : Charlie Gordon est simple d'esprit mais au fond de lui, il y a un désir irrésistible autant qu'impossible d'accéder à l'intelligence. C'est pourquoi, sur les conseils de sa psychologue Alice Kinnian, il accepte de se prêter à l'expérience des professeurs Nemur et Strauss qui ont découvert un traitement permettant de décupler l'intelligence. L'expérience a été concluante sur la souris Algernon, elle le sera aussi sur Charlie.
Accéder à l'intelligence, c'est voir s'ouvrir devant soi les portes de la compréhension du monde extérieur, c'est accéder au savoir, c'est être ébloui par la lumière de l'esprit. Et c'est aussi pouvoir prétendre à l'amour d'une femme intelligente et cultivée. Tout peut sembler idyllique pour Charlie Gordon et pourtant…
C'est aussi découvrir la réalité des choses. Comprendre que ceux que vous appeliez vos amis et qui riaient si volontiers avec vous, riaient en fait contre vous, comprendre que vous n'avez jamais été jusque-là qu'un objet de pitié et de dérision. Comprendre aussi que vous n'êtes qu'un cobaye entre les mains de ces savants qui vous paraissaient pourtant si amicaux et compréhensifs. C'est aussi, parce que vous devenez soudain un être supérieur, doté d'un intelligence exceptionnelle, susciter l'incompréhension, l'envie et la jalousie. C'est la découverte des zones d'ombre de l'âme humaine car il ne fait pas bon être différent dans notre société. Bref! le passage de l'obscurité à la lumière ne se fait pas sans douleur, sans la perte de quelque chose de vital, la confiance en autrui, la foi en la bonté de l'humanité. 

Outre l'intérêt dramatique de cette histoire présentée à la première personne qui permet de voir le changement de point de vue entre Charlie simple d'esprit et Charlie intelligent, le roman prend son sens depuis Rabelais, et plus que jamais à notre époque, dans la réflexion sur le thème de la science sans conscience. J'ai lu dans un journal scientifique qu'il serait possible de nos jours à partir de l'ADN d'un mammouth de recréer cet animal et de faire de même à partir de l'ADN d'un homme préhistorique, le mythe de Marie Shelley devenant ainsi réalité! C'est pourquoi ce roman est passionnant par son actualité. De plus, si la réussite de l'expérience menée sur Charlie est éphémère, s'il est à nouveau condamné à retourner pour toujours de la lumière à l'obscurité, alors se pose la question : cela valait-il la peine d'essayer? J'ai particulièrement apprécié dans le roman, la réponse positive de Charlie Gordon, une certaine forme d'optimisme, un refus de condamner la recherche scientifique, une foi lumineuse dans le progrès même si celui-ci est indissociable de la morale et dans la vie même si elle est synonyme de souffrance.

En effet, Charlie, lorsqu'il sombre à nouveau dans les ténèbres de son esprit, tandis que ne restent plus en lui que les traces du savoir qu'il avait acquis et qu'il a oublié,  écrit :

Si jamais vous lisé ces lignes un jour manoisel Kinnian me plaigné pas je suis contant d'avoir eu une deuxième chance d'être intélijan pasque j'ai appris plein de chose que je ne savais même pas qu'elles existait avant et je suis heureux d'avoir vu tout sa pour un petit moment.

D'autre part, la réflexion sur la différence et sur le regard que nous lui portons et aussi une source d'émotion qui fait de ce livre une belle lecture, très forte.

Voici pour finir ce beau passage écrit par Charlie Gordon devenu intelligent, sur lui-même :

J'ai relu plusieurs fois mes comptes rendus. J'ai vu l'ignorance, la naïveté puérile et la faiblesse d'esprit de cet être misérable, enfermé dans le noir, qui regarde par le trou de la serrure pour capter un peu de l'éblouissante lumière du monde extérieur. Je vois que même dans ma stupidité, je me rendais compte que j'étais inférieur et que les autres possédaient quelque chose qui m'était refusé. Dans ma cécité mentale, je pensais qu'il s'agissait d'une chose ayant un rapport avec l'aptitude à lire et écrire et j'étais certain que, si je pouvais acquérir ces capacités, j'obtiendrais automatiquement l'intelligence. Même un faible d'esprit aspire à être semblable aux autres. Un enfant peut ne pas savoir comment se nourrir ni ce qu'il faut manger, et pourtant il connaît la faim.