Pages

Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XX°et XXI°. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XX°et XXI°. Afficher tous les articles

lundi 18 mars 2024

Yan Lespoux : Pour mourir, le monde


Dans Pour Mourir, le monde, Yan Lespoux, historien, universitaire spécialiste de la civilisation occitane, s’appuie sur un fait historique, le plus grand naufrage de l’histoire de la marine portugaise en janvier 1627 sur les côtes françaises de Saint-Jean-de-Luz et d'Arcachon jusqu’au Médoc à la suite de tempêtes violentes. 
 
 
Francisco Manuel de Melo ,, écrivain portugais et marin

 
 
Yan lespoux s'inspire des mémoires du capitaine-mor dom Manuel de Meneses, qui publia un mémoire, de dom Francisco Manuel de Melo, écrivain et marin, qui raconta son histoire trente ans après, et du livre de Jean-Yves Blot et Patrick Lizé qui ont réuni de nombreux documents retrouvés dans les archives espagnoles, portugaises et françaises.
Voilà quel est le bilan de ces naufrages d'après ces études  : «  7 navires coulés, deux énormes caraques des Indes de 1800 tonneaux, chargées de pierres précieuses et d'épices, escortées par cinq galions de guerre portant la fine fleur de l'aristocratie portugaise, 2000 morts, 300 rescapés. Tout cela donna lieu à un imbroglio diplomatique entre la France et le Portugal, qui impliqua le duc d'Epernon, Richelieu, Louis XIII, l'Eglise et les grandes familles du Médoc. Car si les " bourgeois " de Saint-Jean-de-Luz recueillirent des naufragés, plus au nord, sur les côtes des Landes et du Médoc, les Français pillèrent les épaves et massacrèrent les survivants. »
 
 
 
 Une caraque

 
 De Gao :  Le roman débute avec le naufrage, sur la côte du Médoc, à Lacanau, de la caraque Sao Bartolomeu, avec à sa tête, le capitaine-mor Vincente de Brito, navire revenant des Indes.  ll y avait à bord cinq cents voyageurs et un chargement d’une valeur inestimable, épices, pierres précieuses, étoffes. Il n’y eut que douze survivants. Fernando Teixeira, jeune portugais, personnage fictif du roman est l’un des leurs. Pauvre, orphelin, il a été recruté de force dans l’armée portugaise et amené aux Indes où il eut une vie aventureuse qui finit par le conduire dans les geôles de la Sainte Inquisition à Goa. Gracié, il embarque pour un retour au Portugal sur le Saint Bartolomeu et projette de voler les diamants transportés à bord, avec l’intention de sortir de sa condition car « naître petit et mourir grand est l’accomplissement d’un homme » dit le poème d’Antonio Vieira, mis en exergue du roman :  « Pour naître le Portugal; pour mourir le Monde. »

Dans le Médoc :  Fernando va rencontrer Marie. Cette dernière, une fille qui sait se défendre, a blessé un fils de famille qui l’agressait et doit se cacher des autorités dans les landes sauvages du Médoc, chez son oncle Louis, un homme brutal, pilleur d’épaves. Celui-ci qui règne par la terreur sur un peuple de travailleurs primitifs et misérables. Ces hommes vont non seulement piller les richesses de la nef mais aussi achever les rares rescapés.


Piet Heyn, le commandant de la flotte hollandaise occupe Bahia

De Salvador de Bahia :  Au Brésil, vit Diogo, dont les parents ont été brûlés vifs pendant le siège mené par la marine Hollandaise pour enlever la ville aux Portugais. Ces derniers, avec à sa tête Dom Manuel de Meneses secondé par les espagnols, vont reprendre Bahia. A cette époque le Portugal, au grand dam des nobles portugais, était alors réuni à la couronne d’Espagne. Au cours de cette guerre Diogo et son ami, un indien Tupinamba, Ignacio, deviennent les aides de camp de Dom Manuel Meneses et partiront avec lui vers le Portugal. Plus tard, sommés par le roi d’escorter les caraques venues de l’Inde, leur galion le Santo Antonio et Sao Diogo fera naufrage devant Saint Jean de Luz.

C’est ainsi que Yan Lespoux mène ses trois personnages principaux à travers les océans et de points de l’horizon diamétralement opposés jusqu’aux côtes françaises où ils se rencontreront, une navigation houleuse et tumultueuse qui se double d’une traversée de l’enfance à l’âge adulte, tout au long de ce roman initiatique.

Le roman de Yan Lespoux est très enlevé et bien écrit ! Les descriptions sont à la hauteur des éléments déchaînés, des pays exotiques. De plus, l’écrivain se révèle un bon conteur et nous plonge dans un récit mouvementé et aventureux, agréable à lire par un effet proportionnellement contradictoire aux émotions rencontrées, plus j’ai peur, mieux c’est !  Oui, je sais ! Je dois avoir gardé mon âme d’enfant parce qu’après les romans qui parlent du froid, de la neige et de la survie dans le Grand Nord, juste après, j’adore toujours les récits de mers démontées et de bateaux en détresse, voire d’îles désertes.

 Découvrir la vie au bord d’une caraque ou d’un galion, braver les tempêtes, souffrir du scorbut, faire naufrage deux fois, échapper à l’inquisition, commercer avec les Indes, découvrir la misère et la sauvagerie des résiniers, des costejaires et des bergers des Landes dans notre France du XVII siècle, mesurer la misère des peuples, qu’ils soient colonisés, esclaves ou nés, comme Fernando, « au mauvais endroit », du mauvais côté de la barrière sociale, tout est passionnant !
 Le sérieux de la documentation nous permet de découvrir des faits historiques que je ne connaissais pas , ce naufrage, la reconquête de Bahia, la colonisation des Indes et la présence de l'Inquisition jusque là-bas,  et ceci, comme si on le vivait en même temps que les personnages. 

 

Dom Manuel de Meneses capitaine-mor du Sao Juilao et du Bartolemeu

De plus, le texte ne manque pas d’humour. J’ai aimé le personnage du noble portugais, le Fidalgo, Dom Manuel de Meneses, dont l’écrivain fait un portrait réjouissant par exemple lorsqu'il refuse d’échapper à la flotte anglaise plus nombreuse et mieux armée que lui à la faveur de la nuit. Il fait attacher un fanal à la poupe de son navire pour ne pas avoir l’air de fuir … d’où un premier naufrage quand il se fait canarder le lendemain matin  ! Ou encore en 1627 quand il discute de figures de style dans un texte de Lope de Vega avec Dom Manuel de Melo alors que son navire est en train de sombrer, malmené par les vagues de l’océan déchaîné. On rit de son sens de l’honneur qui n’a d’égal que sa stupidité mais qui finit par forcer l’admiration, porté à un degré tel que la démesure l’empêche d’être ridicule !  De plus sous ses airs de grand seigneur impassible, l’écrivain nous fait toucher l’homme, celui qui éprouve de la peur et trahit parfois ses faiblesses, un être humain, pas des meilleurs, mais humain, en quelque sorte ! Une personnalité historique que Yan Lespoux traite comme l'un de ses personnages et à qui il donne une complexité.
 

Donc un bon roman ! N'hésitez pas à embarquer ! A lire pour le plaisir de l’aventure et de la rencontre avec l’Histoire !  

Et puis, quand vous l'aurez lu, venez nous voir Fanja et moi,  pour nous dire ce que vous avez pensé de la fin ouverte du roman, l'écrivain ne précisant pas vraiment ce que ses personnages sont devenus !

Enfin, j'ajoute que j'aime ce livre parus aux éditions Agullo. Je trouve que c'est un bel objet  (conception de la couverture par Cyril Favory) avec la carte jaquette d'après Jan Huygen van Linschoten et les images de la première et quatrième de couverture d'Alfredo Roque Gameiro.

Fanja ICI 

Keisha ICI

Première de couverture

Quatrième de couverture
 


Chez Fanja

                    

jeudi 21 décembre 2023

Eric Fouassier : Le bureau des affaires occultes Tomes 1,2,3

 

J’ai lu les trois tomes de Le Bureau des affaires occultes  une trilogie historique policière.

Le Bureau Des Affaires Occultes - : Le Bureau des affaires occultes (Tome 1)
Le Bureau Des Affaires Occultes - : Le Fantôme du Vicaire ( Tome 2)
Le Bureau Des Affaires Occultes - :  Les Nuits de la peur bleue  ( tome 3) -

 

 

Nous sommes au XIX siècle, le siècle des sciences et du positivisme. En 1830, le bureau des affaires occultes est créé par un ministre de Louis-Philippe pour répondre aux enquêtes qui paraissent surnaturelles mais ont pourtant une explication rationnelle, les malfaiteurs s’appuyant sur des bases scientifiques peu connues à l’époque pour mystifier leur entourage.
Valentin Verne en est nommé directeur et va avoir à résoudre plusieurs affaires, parfois seul, parfois avec l’aide de Vidocq, bagnard et ancien policier (oui, celui qui a inspiré Balzac et Hugo !), parfois avec l’aide de sa petite amie, comédienne, ou de jeunes policiers qu’il a choisis pour renfort.

Valentin Verne, enfant des rues, orphelin, qui a été adopté par un homme riche, a poursuivi des études de sciences, en particulier en physique et chimie. S’il n’a pas continué dans cette voie et est entré dans la police c’est pour éradiquer le Mal et en particulier celui fait aux enfants, innocentes victimes de la misère et de la maltraitance. Lui-même, enlevé par un homme pervers appelé le Vicaire, a pu s’enfuir mais son compagnon d’infortune Damien est resté prisonnier. Comme son père adoptif avant lui, Valentin cherche le Vicaire, incarnation du Mal sur la terre, tout en traquant les criminels. Valentin parviendra-t-il à terrasser le Vicaire et à sauver Damien ? Et d'ailleurs qui est Damien ?

Le Vicaire…. De longues mains blanches aux veines comme des serpents, un visage en lame de couteau qui hantait encore les nuits du jeune inspecteur, avec un crâne luisant, ses yeux vicieux, profondément enfoncés, dans leurs orbites. C’était pour mettre fin aux agissements de ce démon en soutane que Valentin avait embrassé une carrière de policier. Tome 2

 Dans le premier roman Le Bureau des affaires occultes, il aura à résoudre l’affaire de suicides inexplicables et suspects, survenus dans des familles bourgeoises ou nobles et proches du pouvoir.

Dans le second, Le Fantôme du Vicaire, il poursuit et confond des escrocs qui jouent sur le chagrin et la crédulité de personnes en deuil au cours de séances de spiritisme. On sait que le spiritisme a été très à la mode à cette époque et plus tard, après la mort de Léopoldine, Victor Hugo s’y est largement adonné. D’ailleurs, Eric Fouassier nous fait le plaisir de convoquer devant nous, comme des esprits, de grands personnages du siècle qui y ont cru, Alfred de Musset, Théophile Gautier, pour ne citer qu’eux.…
Enfin dans le troisième tome, Les Nuits de la peur bleue, c’est sur le choléra et son mode de transmission que porte l’intrigue. Là, on rencontre George Sand !

Donc, j’ai lu la trilogie et je me suis laissée prendre au piège de ces lectures de type addictif qui m’ont coûté des heures de sommeil car, pauvre lectrice, je n’ai pas eu envie de lâcher le livre à mi-chemin même si certains passages m'ont paru moins intéressants.

Alors, ces passages ?  Autant commencer par là et en être débarrassée.  
Les livres étant conçus pour être lus individuellement l’auteur doit préciser par quelques paragraphes bien placés ce qu’il faut savoir des épisodes précédents pour comprendre l’histoire. C’est indispensable, je suppose, mais c’est long et forcément répétitif pour le lecteur qui enfile les trois tomes à la suite comme des perles sur un collier; répétitive, aussi, la structure de l’intrigue, en particulier quand l’héroïne envoyée en repérage ou comme « chèvre » dans une enquête super-dangereuse est sur le point de mourir, sauvée in extremis par le héros. Une fois ça va mais plusieurs ! Encore que lorsque c’est l’héroïne qui sauve sa peau elle-même et qu’elle sauve son chevalier-servant en prime, cela nous fait plaisir, à nous… lectrices !

Ceci dit, ne chipotons pas ! Parfois, bien sûr, les histoires sont rocambolesques, les péripéties plus ou moins attendues mais je ne doute pas que cela fasse finalement partie du plaisir de la lecture. Que voulez-vous ? Quand on commence cette trilogie, c’est comme si l’on entrait dans un roman-feuilleton populaire publié chaque semaine dans les feuilles de chou parisiennes du XIX siècle. Et cela nous met dans le même état ! On veut la suite ! L’auteur joue sur nos nerfs, ménage des suspenses, crée des types de personnage (il a l’art du portrait-charge, caricatural, bien campé) et nous balade dans les bas-fonds du Paris de 1830, dans la misère et la fange du peuple encore agité depuis les trois Glorieuses et fâché de s’être fait voler la révolution. Le récit fait la part belle aux intrigues politiques, décrivant les grognes et les rages des opposants, les soulèvements du peuple toujours prêt à exploser. Et ce que j’ai aimé, en particulier, il rappelle le combat de femmes du peuple, déjà, à l'époque, pour la reconnaissances des droits de la femme, du vote, du divorce, de l’égalité. On en était loin!

Eric Fouassier est un bon conteur et moi, je suis comme la Catherine de Jane Austen lisant Les Mystères d’Udolphe dans Northanger Abbey ! Je marche ! Que dis-je ? Je cours ! Mais si vous restez sur place, alors abandonnez ! Ce n’est pas pour vous ! 

Après les fiévreuses journées de juillet 1830 qui avaient chassé Charles X et permis l’avènement de Louis-Philippe, roi des Français par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Paris avait tardé à retrouver un semblant d’ordre. Dans les rues débarrassées de leurs barricades, s’étaient succédés cortèges, manifestations et défilés de toute sorte. On avait assisté pendant des semaines à ce spectacle inouï du peuple envahissant chaque jour le Palais-Royal, résidence du nouveau souverain. On entrait là comme dans un moulin. (Tome 1)

Une trilogie policière du genre feuilletonesque agréable à lire et bien documenté sur le plan historique et scientifique, l’écrivain étant aussi docteur en droit et en pharmacie.

mardi 19 décembre 2023

Jean-Baptiste Andrea : Veiller sur elle


 


Parlons un peu du prix Goncourt !  Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea ! Voilà un moment que je l’ai lu et je ne suis pas encore arrivée à le commenter ici !

Mimo est mourant. Entouré des frères de l’abbaye piémontaise où il vit bien qu’il ne soit pas moine, le vieil homme retrace pour nous son passé. Issu d’une famille pauvre, il est appelé Michelangelo par sa mère qui veut qu’il reprenne le métier de son père et devienne un grand sculpteur. Michelangelo Vitaliani ! Et effectivement, Mimo est doué et précoce. Aussi quand sa mère, à la mort de son père, l’envoie chez son oncle pour apprendre la sculpture, l’élève débutant dépasse le maître, un alcoolique sans talent. Le jeune garçon est déjà un grand artiste.
L’enfance de Mimo sera celle d’un enfant du peuple, obscur, victime de maltraitance, humilié, battu et ignorant car, même s’il sait lire et écrire, il n’a pas accès aux livres. Sa rencontre avec Viola Orsini, fille d’une grande famille, change le cours de sa vie. Il s’initie à la délicatesse des sentiments, il accède à la culture grâce aux livres qu’elle lui prête. Une amitié naît entre les enfants qui survivra à l’enfance malgré la différence de classe, les aléas de la vie et les orages de l’Histoire, la montée du fascisme et la guerre.

Chacun des deux personnages est hanté par ses démons. Tous deux souffrent  :  Mimo d’être atteint de nanisme et d'être pauvre, Viola d’être femme, un mal différent mais pourtant comparable, tous deux empêchés de se réaliser, d’être libres !  
A Florence où il se retrouve seul, éloigné de Viola, en proie à la jalousie des autres apprentis de son atelier et où il lui est difficile de créer, Mimo fréquente les milieux interlopes, boit, se bagarre et, comme il s’intéresse peu à l’actualité et aux idées politiques, se laisse enrôler dans des corpuscules fascistes.
Viola, qui est d’une intelligence exceptionnelle, dotée d’une mémoire absolue, ne peut se résigner au sort réservé aux femmes de son milieu : mariage avec un homme fortuné pour sauver sa famille de la ruine. Elle cherche obstinément à réaliser son  rêve : voler ! Mais ses désirs, ses ambitions, son intelligence et sa culture, sa vie même, sont mis sous éteignoir parce qu’elle est une femme !

C’est cette histoire d’une amitié improbable, orageuse mais solide, dont les racines plongent dans  une des époques les plus tourmentées et des plus terribles de l’Italie qui est l’un des grands intérêts du roman.
Et puis il y a cette splendide statue, oeuvre de Mimo, la Pieta Vitaliani, devant laquelle de nombreux visiteurs ont éprouvé des malaises (façon syndrome de Stendhal) si forts qu’elle est désormais cachée au public, enfouie dans les caves de l’abbaye.


La Pieta de Michel Ange

Vitaliani ne cherche pas à rendre son christ beau, mais il l’est malgré lui, ses joues glabres creusées par l’agonie, ses yeux clos, tout juste fermés par la main apaisante de sa mère. Une troublante impression de mouvement se dégage de l’œuvre, là encore en opposition à celle, hiératique, de Buonarotti. Impression qui n’a rien de métaphorique : de nombreux spectateurs qui l’avaient fixée trop longtemps, on juré l’avoir vu bouger.
 Quel est le mystère de cette Piéta ? Nous l’apprendrons, bien sûr, au cours de notre lecture.

Il s’agit donc aussi d’un livre sur l’essence de l'art et les émotions qu’il nous procure, une réflexion sur le rôle de la Beauté dans un pays où elle est partout, dans les rues comme dans les églises, sur les places et dans les paysages.


L'annonciation Fra Angelico

 
Ainsi, dans le passage suivant, Mimo amène Viola à Florence et lui fait découvrir les fresques de Fra Angelico qu’elle admire mais qu’elle n’a jamais vues.

D’un geste, j’invitai Viola à entrer dans la première cellule. Elle franchit le seuil, s’arrêta devant l’Annonciation de Fra Angelico et se mit à pleurer, sans saccades, sans tristesse, à pleurer de joie devant l’ange aux ailes de paon et la femme-enfant qui allait changer le monde.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. La rentrée littéraire a fait la part belle à l’Italie cette année avec aussi Perspectives et Le portrait de mariage. C’est des trois romans celui que j’ai  préféré et qui m’a le plus touchée.

mercredi 22 novembre 2023

Théâtre : Julie Duval : l'odeur de la guerre

 


 

Je n'avais pas pu voir  L'odeur de la guerre au festival d'Avignon en juillet 2023 et voilà que la pièce est programmée à nouveau ce mois de Novembre à Avignon, à la Scala de Provence

L’odeur de la guerre est l’histoire de Jeanne qui cherche à échapper au déterminisme de son milieu et à se libérer des violences qu’elle a subies dans son corps. Née dans un foyer modeste où la parole est difficile, et malgré l’amour de ses parents prisonniers eux-mêmes de leur condition sociale, elle ne connaît de la sexualité que le viol, un « accident » qui laisse des séquelles.

Là où l’école n’a pas réussi, elle va trouver cette libération à travers les cours de théâtre qu’elle suit  lorsqu'elle arrive à Paris et qui ouvrent son esprit à la beauté des mots, de la langue, et à la beauté des sentiments. Là où elle ne peut parler parce qu’elle n’a pas les mots, parce qu’elle n’est « rien », son professeur lui donne l’exemple de Molière mettant en scène des personnages du peuple dans Dom Juan, personnages qui ne sont pas « rien », au contraire, mais vrais et touchants parce qu’ils n’essaient pas d’être autre chose que ce qu’ils sont.

 A travers le sport qu’elle pratique, la boxe thaïlandaise, c’est le corps qui se libère de ses tensions, de ses colères, qui réapprend à bouger, à reprendre possession de lui-même.
« On ne boxe pas pour se battre, pour se bagarrer, pour faire mal, lui dit son coach, la boxe, c’est une question d’équilibre. » 


Photo Émeric Gallego


Jeanne, c’est Julie Duval, la comédienne seule en scène, qui a écrit le texte et interprète sa propre histoire. Elle est tous les personnages et parvient d’un geste, d’un changement de voix, d’une expression du visage, à nous les faire voir, à nous faire partager leurs sentiments. La mise en scène de Juliette Bayi, minimaliste, un banc, un punching ball, des gants de boxe, est efficace, joue sur le corps, son retrait, sa douleur, son affranchissement, et nous transporte dans des espaces différents.
Un bon spectacle, très physique ! Effectivement Julie Duval est boxeuse-comédienne ou comédienne-boxeuse. Elle a de la présence et s’impose aux spectateurs.       

lundi 13 novembre 2023

Neige Sinno : Triste Tigre

 


Triste Tigre de Neige Sinno qui a obtenu le prix Fémina et le prix du journal le Monde est un témoignage sur l’inceste que l'écrivaine a subi quand elle était enfant, pendant de nombreuses années, de la part de son beau-père. Dans une fratrie de quatre, Neige et Rose sont les filles d’un premier mariage de la mère, les deux autres sont nés du second mariage avec cet homme incestueux.
L’écrivaine analyse comment un tel acte peut rester secret et comment l’enfant violé n’a pas la possibilité de se libérer, subissant une domination qui annihile sa volonté, une sidération par la persuasion, la peur, la culpabilité. Elle a toujours été consciente que si elle parlait, elle détruirait toute la famille, sa mère restant seule à élever quatre enfants. Finalement, alors qu’elle est partie de la maison, elle finit par porter plainte pour protéger ses petits soeurs et frère.

Mais dans cette première partie qui s’intitule Portraits, ce qui l’intéresse le plus, c’est ce qui se passe dans la tête du violeur incestueux. Neige Sinno fait référence au roman de Nabokov, Lolita, où le lecteur est amené à voir l’inceste et le viol du point de vue du violeur.  

Lorsqu’il la violait, son beau-père prétendait que c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour se rapprocher d’elle parce qu’elle ne l’aimait pas et ne l’acceptait pas ! Elle refusait de l’appeler papa, refusait qu’il lui donne un surnom ridicule.
« Il avait sur moi une toute puissance qui lui donnait pendant le temps des viols la sensation d’être un surhomme. Il pouvait décider de ma vie et de ma mort. »
 
Il ne pouvait exercer sa domination sur elle autrement car, explique-t-elle, le viol, est davantage une question de pouvoir que de sexe. C’était le seul moyen pour lui de l’assujettir. Cette analyse la mène à s’interroger sur la frontière fragile qui existe entre le Bien et le Mal et sur ce qu’est l’essence de la monstruosité.

Si on avait le choix, qui ne choisirait pas le tigre plutôt que l'agneau, le loup plutôt que le chien ? Parfois je crois que je préfèrerais être ce personnage-là (...)  plutôt que d'être moi.  Cependant si je tendais vers cela, vers ce devenir de dominé devenu dominant, de guerrière qui se relève et se venge, de résilience nietzschéienne, est-ce que je ne risquerais pas d'écraser à mon tour plus petit que moi ? Comment faire pour s'élever vers une plus grande puissance sans que cela tourne à l'oppression de l'autre ? Comment transcender le mal dans la douceur et non dans un nouveau mal ? Et comment faire pour que cette douceur nous fascine autant que le côté obscur.

La seconde partie intitulé Fantômes est une allusion à la phrase de Nabokov dans Lolita : « C'était un sentiment très particulier : une gêne hideuse, oppressante, comme si j’étais attablé avec le petit fantôme de quelqu’un que je venais de tuer ». Là, elle et examine les conséquences du viol dans la vie de l’adulte.

Fantôme c’est ce devient l’enfant violé pour le restant de ses jours, c’est ce qui est arrivé à Neige Sinno mais contrairement à ce que l’on pourrait croire le viol n’entraîne pas que des problèmes sexuels mais concerne toute la personnalité. Les dommages sont irréversibles.
« La domination sexuelle est une forme de soumission qui atteint les fondements de l’être. »
« Les conséquences du viol … affectent depuis la faculté de respirer jusqu’à celle de s’adresser aux autres, de manger, de se laver, de regarder des images, de dessiner, de parler ou de se taire, de percevoir sa propre existence comme une réalité, de se souvenir, d’apprendre, de penser, d’habiter son corps et sa vie, de se sentir capable de simplement être. »


A travers Triste Tigre, Neige Sinno s’interroge aussi sur le fait littéraire et sur la langue. Pourquoi seule la fiction aurait prétention à être littéraire ?  Pourquoi un témoignage ne le serait-il pas ?

« Le témoignage est un outil d’analyse mais un outil bien affûté arrive jusqu’à l’os. Et quand on touche l’os, l’art n’est jamais loin. »

Pourquoi aussi faudrait-il le rejeter parce qu’il emploie le mot propre, le mot cru ?  C’est ce que constate Neige Sinno à propos des livres qui parlent de l’enfance violée, plus que le sujet, on leur reproche la manière dont il est traité. Il faudrait pour que la chose soit recevable, lisible, enrober le tout dans « la langue », l’ellipse, la métaphore, l’euphémisme, bref ! faire de l’art ! 

«  Faire de la beauté avec l’horreur, est-ce que ce n’est pas tout simplement faire de l’horreur ?

 «  Faire de l’art avec mon histoire me dégoûte. Cette distance qui nous protègerait, moi et mes éventuels lecteurs, des éclaboussures, des fluides qui dégoulinent de la vie réelle, me semble un peu hypocrite, un peu raide, un peu menteuse aussi. (…) Tant qu’on ne voit pas le pénis de l’homme de quarante ans dans la petite bouche de la fillette, ses yeux humides de larmes sous la sensation imminente de l’étranglement, tant qu’on ne voit pas, c’est encore possible de dire qu’il s’agit d’amour, une histoire d’amour fou…»
L’amour est souvent, d’ailleurs, l’excuse qui vient à la bouche des violeurs d’enfant pour qu'on les comprenne.

A propos de Tyger Tyger de Margaux Fragoso, la critique a d’ailleurs reproché à l’autrice de rendre le livre insupportable, « avec tout son sexe explicite ». Autrement dit, on doit rester entre gens bien élevés et  employer « le grand style » ?
Ainsi L’oeil le plus bleu, le livre de Toni Morrisson est rayé aux Etats-Unis des lectures scolaires, coupable de « sexe explicite », c’est pourquoi aussi en France où, paraît-il, ne règne pas le même puritanisme, un lycée privé de Bretagne a fait interdire Triste Tigre dans la liste des prix littéraires pour le Goncourt des lycées. Quelle hypocrisie ! Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut en parler pour aider la jeunesse à se protéger mais finalement les mots dérangent plus que la chose !

Et quel courage il faut à celles ou ceux qui ont subi un viol pour écrire ce qui est, pour que cela ne reste pas un secret honteux !

« Laver son linge sale en famille, c’est souvent garder le silence sur de vilaines histoires, des histoires d’abus, de domination, d’inceste. Un procès public pour une affaire de viol c’est comme laver sa culotte devant tout le monde. J’avais un peu cette impression quand j’ai fait ce choix au procès. »
Pourtant quand on considère l’ampleur des chiffres des violences intrafamiliales, on se demande ce que signifie encore cette notion de vie privée alors qu’il s’agit en réalité d’un crime systémique commis dans le secret de centaines de milliers de familles. Ce linge sale, cette ignominie, ce n’est pas la mienne, c’est la nôtre, elle est à nous tous. »


En même temps que son talent d'écrivain, j’admire la force de Neige Sinno car il ne faut pas croire que son courage lui ait apporté des soutiens, ni dans son village ou l’on a fait semblant de ne pas la reconnaître, ni auprès de ses voisins qui ont continué à parler au violeur car « à nous, il ne nous a rien fait », ni dans sa famille où sa demi-soeur  n'en veut pas à son père parce qu’elle est sûre qu’il ne l’aurait pas touchée, elle, qui est de son sang ! Cet homme, condamné à neuf ans de prison et qui n’en a effectué que cinq pour bonne conduite, s’est remarié et élève quatre enfants avec sa nouvelle épouse ! C’est la réalité de la justice dans notre pays !

On dit que l'écriture sauve !  Ce n'est pas le cas de Neige Sinno et ce n'est pas pour cela qu'elle écrit.  A moment donné, l’écrivaine affirme : « je ne suis plus la petite fille vulnérable que j’étais, c’est à mon tour de protéger. » C'est la raison de ce texte et c’est ce qu’elle fait avec ce témoignage bouleversant qui touche à l’os, et oui, et qui peut aider à lever les tabous. 


Voir le billet d'Aifelle : ICI

Je lis un article dans Le Monde du 17 Novembre  qui corrobore bien ce que dénonce Neige Sinno quant à la défaillance de l'institution judiciaire en matière d'inceste et de viol.

L'article parle d'un juge, Edouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui est à l'écoute des victimes.  Ce qui est rare.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/17/le-juge-edouard-durand-porte-voix-des-victimes-d-inceste_6200684_3224.html

 

Un autre article du journal Le Monde mercredi 16 novembre est intéressant sur ce sujet :  Neige Sinno s'est rendu à Ploërmel,  dans la ville du lycée privé qui a interdit la lecture de son livre.  Elle y a rencontré  un public nombreux où se mêlaient des élèves du lycée ayant lu son livre et des professeurs trouvant cette interdiction aberrante. Elle a déclaré :

"Retirer un livre sur l’inceste d’une bibliothèque est une violence supplémentaire qui encourage le silence. Dans un lycée de 1 700 élèves, cela représente 170 adolescents. Ce chiffre est sidérant, insiste Neige Sinno. Grâce au bruit autour de mon ouvrage, mais aussi l’imminente publication du rapport de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, j’ai l’impression que le silence est attaqué. Mais pour combien de temps ? »




lundi 6 novembre 2023

Guy Boley : A ma soeur et unique



Je n’ai jamais lu Nietzsche. Pendant très longtemps il a été lié pour moi à Wagner et aux milieux antisémites du XIX siècle, et, plus tard, à l’idéologie nazie jusqu’au jour où j’ai lu un article sur le rôle pervers joué par sa soeur Elizabeth dans sa vie et son oeuvre. Aussi lorsque j’ai vu ce livre de Guy Boley  A ma soeur et unique , j’ai su qu’il me fallait ce livre tant le sujet m’intéressait.

La jeune Elizabeth Nietzsche


Fritz et sa soeur Elisabeth, tous deux marqués dans leur jeune âge par la mort de leur père suivie bien vite de celle de leur petit frère Josef, vivent d’abord une relation fusionnelle : la petite soeur en admiration devant le grand frère lui doit son éducation, le peu d’instruction qu’elle emmagasine auprès de lui, son introduction dans la société. En revanche, comme Friedrich est victime de problèmes ophtalmiques et de maux de tête violents qui le terrassent, elle est, pour lui, une garde-malade dévouée et une précieuse auxiliaire puisqu’elle lui tient lieu de secrétaire. 

Exemplaire, la petite soeur ? Hum ! Déjà, dans l’enfance, le caractère violent, autoritaire, l’orgueil de la fillette puis de la jeune fille, sa jalousie dès que son frère s’intéresse à une autre femme, s’affirment ! Ce n’est pas pour rien que son frère l’appelle Lama, allusion à ces animaux qui crachent sur ceux qui les contrarient.

 

Friedrich Nietzsche jeune
 

Fritz s’affirme rapidement comme un étudiant d’une intelligence brillante, devient professeur universitaire très jeune mais il étouffe entre une mère et une soeur bigotes, dans un milieu étroit d’esprit où ses écrits font scandale et où lui-même fait figure d’Antéchrist !

Mais la rupture entre le frère et la soeur ne surviendra que plus tard, lorsque Fritz, déçu par Wagner qui était devenu son ami, et révolté par l’antisémitisme de ce milieu rompt avec le musicien.

« Les juifs m’intéressent, objectivement, davantage que les allemands : leur histoire offre des problématiques bien plus fondamentales. (…) J’aimerais bien savoir jusqu’où, au bilan, il ne faudrait pas pousser l’indulgence envers un peuple qui, de tous, a eu - non sans notre faute à tous - l’histoire la plus malheureuse, et auquel nous devons l’homme le plus noble (le Christ), le sage le plus pur (Spinoza), le Livre le plus puissant et la Loi morale la plus efficiente que le monde ait jamais vus »

« … c’est pour moi une question d’honneur que d’observer envers l’antisémitisme une attitude absolument nette et sans équivoque, à savoir : celle de l’opposition, comme je le fais dans mes écrits. On m’a accablé ces derniers temps de lettres et de feuilles antisémites ; ma répulsion pour ce parti (qui n’aimerait que trop se prévaloir de mon nom) est aussi  prononcée que possible… »

Elizabeth, elle, non seulement s’épanouit dans ce milieu et adopte les thèses racistes mais elle épouse un professeur universitaire viscéralement antisémite, Bernhard Föster. Elle part ensuite avec lui au Paraguay pour recréer un royaume allemand qui, débarrassé des « juifs et de la juiverie », pourra retrouver la pureté de la race aryenne. L’histoire de ce voyage est un roman d’aventures à lui tout seul !

« Foster se sent un messie faiseur de Paradis où règneront les fils de Wotan et ceux de Parsifal dans un déferlement de chants de Walkyries  (…) Le grand avantage de la bêtise sur l’intelligence, c’est que la première, contrairement à la seconde, est totalement illimitée. Vu sous cet angle, Foster mérite amplement son royaume. ».

Elizabeth Föster-Nietzsche : Edvard Munch


Le frère et la soeur ne se retrouveront que lorsque Elizabeth, devenu veuve après l’échec de son royaume du Paraguay, revient au chevet de son frère, muré dans la maladie, et commence à exploiter financièrement sa célébrité montante et à tronquer, raturer, ajouter, déformer, bref! à falsifier ses œuvres.

« On aurait pu lui pardonner ses mensonges, son orgueil, ses tricheries; et sa bêtise aussi. On était même prêt à l’absoudre et à solder, quasi sans rancune, à la façon d’une fable, l’histoire de leurs vies : «  Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre, l’un d’entre eux devint fou et l’autre s’enrichit sur le dos de cette folie ». Cela nous aurait donné une morale acceptable, une fin un peu cruelle mais le monde aussi l’est. Mais d’avoir par la suite, vendu son frère, ses écrits, ses pensées, son âme et son esprit aux pires démons que le monde ait jamais en son sein fécondés, d’avoir fait de Friedrich une pensée bottée qui marche au pas de l’oie, la svastika taguée sur son Zarathoustra, cela mérite le pal, la corde et le bûcher. »

Le style de l’auteur est assez flamboyant, prolixe, une sorte d’avalanche de mots qui emporte tout sur son passage, torrent en crue qui m’a submergée, parfois un peu trop, en m’agaçant, parfois, au contraire d’une manière réussie qui emporte l’adhésion. L’auteur n’est pas neutre ( A vrai dire, cela n’a pas l’air d’être dans son caractère ! ). Le lecteur, lui aussi, cesse bien vite de l’être et éprouve de la compassion pour Nietzsche puis découvre avec stupéfaction et indignation la noirceur d’Elizabeth, un personnage digne d’illustrer le livre falsifié qu’elle a offert au Fürher, La volonté de puissance.

A ma soeur et unique est donc un bouquin passionnant tant la vie de Friedrich Nietzsche ressemble, comme le dit l’auteur, à une tragédie grecque ou à un drame shakespearien !


Nietzsche : Evard Munch
 

On peut parler à son propos d’un destin marqué par la fatalité, celle de la maladie, de la solitude, de la folie; c’est le destin d’un homme et d’un philosophe condamné de son vivant à l’incompréhension et qui n’obtiendra reconnaissance, succès et gloire, que lorsqu’il sera devenu un être diminué, un mort-vivant enfermé dans sa folie, dans l’impossibilité de communiquer avec autrui et sous la dépendance totale d’une soeur avide et sans scrupules.

C’est décidé ! J’ai acheté Ainsi parlait Zarathoustra et je vais le lire. Du moins, je vais essayer car ces écrits semblent difficiles. Ne disait-il pas de lui-même : « Malheur à moi qui suis une nuance »




 


dimanche 22 octobre 2023

Antoine Laurain : Les caprices de l'astre

 

La vie de Guillaume Le Gentil de la Galaisière, astronome français du XVII siècle, membre de l’académie royale des Sciences, a fait l’objet de maintes biographies, lui-même ayant écrit le récit de son expédition intitulé : Voyage dans les mers de l’Inde fait par ordre du roi à l’occasion du passage de Vénus sur le disque du soleil le 6 juin 1761 et le 3 du même mois 1769. En liant, à travers les siècles, ce personnage historique, extraordinaire par la malchance qui s’attache à lui, à Xavier Lemercier, agent immobilier à Paris au XXI siècle, personnage fictionnel, Antoine Laurain  anime dans Les caprices d’un astre deux récits parallèles, qui se répondent et s’interpellent, pleins d’originalité, de fantaisie,  d’invention, et, ce qui ne gâche rien, très bien documenté historiquement !


Guillaume Le Gentil de la Galaisière


Xavier Lemercier vit en en 2012 à Paris. Il découvre un fabuleux télescope dans un appartement qu’il vient de vendre et qui a appartenu, il l’apprendra plus tard, à Guillaume Le Gentil de la Galaisière. C’est un bonheur pour Xavier de découvrir les astres avec son fils Olivier dont il n’a la garde qu’un week end sur deux et de rétablir avec celui-ci des relations momentanément compromises par son divorce.  C’est l’occasion aussi, par-delà les toits de Paris et ses terrasses, d’observer ses voisins… ou plutôt sa voisine !  Mais attention ! Pas d’équivoque, de voyeurisme, de sous-entendus troubles ou inquiétants ! Non, le récit est sur un mode comédie,  surprise, belle rencontre. L’occasion aussi de  découvrir  le zèbre qui vit dans l’appartement de la jeune femme ( mais d’ailleurs, y vit-il? ) ! Un zèbre ? Oui, un zèbre! Que dire plus ? Si vous ne comprenez pas, il vous faudra  lire le livre d’Antoine Laurain ! C'est bien pour cela que j'écris ce billet !

Pendant que Xavier et son fils font connaissance d’Alice et de sa fille Esther sur la planète Terre, Paris,  Guillaume part de Lorient en 1760 sur un vaisseau à cinquante canons nommé le Berryer pour atteindre Pondichéry en 1761 afin d’observer au télescope le transit de Vénus. On appelle ainsi le passage de la planète entre le soleil et la terre, phénomène céleste rare, qui dure de trois à six heures, et a lieu à huit ans d’intervalles pour ne réapparaître ensuite que 105 ou 117 ans après !  Donc, si vous ratez le premier passage vous aurez quelque chance de vous rattraper huit ans après mais ensuite vos possibilités de l’observer seront très sérieusement réduites !

Le transit de Vénus : la petite bille noire qui passe devant le soleil de 6 juin 2012


C’est ce qui arrive à notre savant ! Quand il atteint Pondichéry,  une guerre qui éclate entre l’Angleterre et la France l’empêche d’accoster et d’observer le passage de l’astre qui lui permettrait de calculer la distance réelle et non supposée entre la terre et le soleil. Persévérant, voire têtu, il  décide alors de ne pas rentrer en France et s’installe à Madagascar pour être plus facilement en Inde pour le passage de la capricieuse planète, huit ans après, en 1769. Et là, que se passe-t-il ? Devinez ! Ce n’est pas pour rien que sa malchance en a fait un personnage célèbre ! Et je ne vous dis rien de son apocalyptique retour en France après son double échec, onze ans après son départ ! Incroyable !  Les aventures et mésaventures de l’astronome constituent un récit alerte, varié et d’un grand intérêt.

Maintenant, on  peut se demander si Xavier, son double du XXI siècle, aura plus de chance. Plus de chance avec son astre personnel, Alice ?  Plus de chance avec l’astre qui donne son titre au roman, Vénus ? Car il faut savoir que le transit de planète a eu lieu le 8 Juin 2004 et huit ans après le 6 juin 2012. Or, nous sommes, dans le temps du roman, en 2012 !  Xavier parviendra-il à observer le transit de Vénus avec son télescope donnant une revanche à Guillaume ?  Suspense ! Sachant aussi que, s’il échoue, le prochain passage n’aura lieu qu’en 2117 ou 2125.

samedi 23 septembre 2023

Gaspard Koenig : Humus

 



Humus de Gaspard Koenig est un roman écologique où deux étudiants en agronomie prennent la mesure du défi qui les attend et du sort qui menace le genre humain face à l’appauvrissement des sols ruinés par les pesticides, dépourvus d'humus. C’est une évidence qui nous mène tout droit à la famine alimentaire et à la fin de l’humanité. Car, il faut savoir que Humus, en latin signifie Homme et que sans humus, la vie n’est plus possible ! Mais il semble qu’il y ait une solution, apprennent les deux amis, Kevin et Arthur, au cours d’une conférence sur les vers de terre, c’est le vermicompostage. Et oui, le lombric comme sauveur de l’humanité ! Il faut dire que ces adorables petites bêtes travaillent pour nous, aèrent la terre, transforment les déchets en matière organique et enrichissent nos sous-sols ! Au lieu de les empoisonner, il faut, au contraire, les protéger et et les réintroduire par inoculation dans les sols épuisés. Et voilà nos deux agronomes partis en croisade ! Les Rastignac du ver de terre !


Le lombric : 7000 espèces différentes


Les espaces infinis qui fascinent  les philosophes ne se trouvent pas au-dessus de nos têtes mais sous nos pieds. Les vers de terre transforment le sol en un dédale de chemins, de croisements, de puits, de cachettes. Chaque mètre carré dissimule  cinq mètres de galeries, un réseau encore plus dense que celui  des pyramides. Ce sont elles qui permettent de remonter depuis les entrailles de la Terre, les éléments nutritifs à la vie et, inversement, qui drainent l’eau de la pluie pour la garder en réserve. Sans cette architecture complexe, les sols se tassent, l’eau ruisselle en surface et les plantes restent affamées.


Ironie et dérision

 

C'est la faux qui doit travailler...

 

Arthur le bourgeois, fils d’avocat, choisit d’aller cultiver ( c’est logique ! Lui, ne sait pas ce que c’est !) la terre familiale « pesticidée », si j’ose dire, au dernier degré.
 Kevin, fils d’ouvriers agricoles, se gardent bien de suivre l’exemple de ses parents (pas bête ! Lui, sait  !)

« Malgré tout le prix qu'il accordait à leur amitié, Kevin ne s'imaginait pas un instant vivre en Basse-Normandie avec deux néo-ruraux émerveillés par les papillons. »

 
Il se lance dans la création d’une start-up de vermicompostage à grande échelle, qui, grâce aux lombrics de tout acabit et par un procédé naturel, sans engrais et sans pesticides, va fournir une terre noire, grasse et riche qui sera vendue partout dans le monde. Certes, il ne connaît rien à la gestion de l’entreprise et à la recherche des financements mais il est aidé par la cupide Philippine, qui incarne le capitalisme sans scrupules, dans toute son horreur et sa malhonnêteté.

Et bien, sachez-le, nos deux agronomes échoueront ! C’était couru d’avance mais il faut lire le roman pour  comprendre pourquoi et comment. Humus est une charge contre notre monde actuel qui ne sait pas s’arrêter dans cette course vers la mort et est déjà, comme le champ d’Arthur, à un point de non retour. Il est une critique du capitalisme qui n’hésite pas à vendre son âme (c’est ce que finit par faire Kevin) lorsqu’il s’agit d'argent.

Si c’est un constat assez amer, c’est avec ironie et dérision que Gaspard Koenig nous raconte cette histoire qui ne laisse pas cependant d’être angoissante. Il y a des moments d’humour que j’aime beaucoup quand Arthur, par exemple, défrichant son champ à la faux et refusant vertueusement l’utilisation du tracteur, est obligé - couvert de pansements -  de lire le mode d’emploi de cet outil qu’il est bien incapable de manier !

« C’est la faux qui doit travailler et non vous. » Il était bien d’accord.
Votre faux étant à plat sur le sol, posez un point de repère quelconque au point A au ras de la lame. Tout en maintenant la pointe du manche contre votre botte, saisissez la poignée du milieu et faites pivoter la faux au ras du sol jusqu’à ce que la pointe p vienne jusqu’au repère A. » etc…


ou quand désireux de se suicider, il calcule quel genre de mort aura le moins d’impact sur l’environnement!
Ce n’est pas pour rien que Arthur se trouve vers l’éco- terrorisme, lui aussi, voué à l’échec.

Une satire de certains milieux
 
Campus Agro Paris tech


Le roman est aussi une satire des milieux bourgeois comme des milieux financiers qui, lorsqu’ils apprennent que Kevin est issu d’un milieu modeste et fait ses études dans cette grande école d’agronomie, l’Agro Paris Tech, se réjouissent, confortés dans leur bonne conscience, que « l’ascenseur social » fonctionne en France (même si Kevin est le seul avoir atteint ce niveau !).

« Kevin resta muet. Il ne comprenait pas cette histoire d’ascenseur. Il avait plutôt l’impression de marcher d’une aventure à l’autre sans monter ni descendre. »

Ironie aussi envers le parisianisme de la directrice RSE  (de l’Oréal) qui rencontre Kevin :

« Madame RSE le regarda avec étonnement. Si l’idée qu’on puisse naître et grandir dans le Limousin était un
e vérité théorique incontestable, elle n’avait encore jamais rencontré de cas pratique. »

L’Agro Paris Tech, d’ailleurs, n’échappe pas à l’ironie de Koenig, cette grande école qui oeuvre pour booster le déploiement de la bioéconomie mais qui forment surtout des jeunes loups  soucieux de faire une carrière lucrative. L’hypocrisie consiste à la fin de l’année d’étude à laisser parler pendant quelques minutes « les bifurqueurs » «  pour dénoncer l’agribusiness et présenter leurs projets alternatifs en ferme autogérée ou à la Confédération paysanne, sous les applaudissements de leurs camarades qui, eux, auraient déjà signé leurs contrats chez Danone. »

Sous la forme d’un roman présentant des personnages que l’on suit avec plaisir, Gaspard Koenig dresse, avec un  humour grinçant, un constat pessimiste de l’état de la planète mais la fin présente pourtant une note d’espoir.


LC avec Keisha ICI  et Je lis je blogue ICI

jeudi 21 septembre 2023

Sorj Chalandon : L 'Enragé

 

Dans l’Enragé, Sorj Chalandon  raconte la mutinerie des enfants de la colonie pénitentiaire de Belle-île sur Mer, Haute-Boulogne, en août 1934.
Il s’agissait d’un véritable bagne pour mineurs, petits délinquants rejetés par leur famille, ou tout simplement, orphelins abandonnés sur le seuil d’une église. Les conditions de vie, les sanctions disciplinaires y sont d’une dureté incroyable : violences physiques et morales, humiliations, privation de liberté et de nourriture. De plus, ils sont traités comme des esclaves et fournissent une main d’oeuvre bon marché aux habitants de l’île. Un jour, la brutalité gratuite d’un chef met le feu au poutres. Les détenus se révoltent, frappent, pillent, détruisent puis s’enfuient.

C’est à travers le regard d’un personnage fictif, Jules Bonneau, dit la Teigne, que Sorj Chalandon nous fait vivre ces ignominies. Ce surnom, Jules l’a gagné auprès de ses co-détenus et des surveillants de la colonie tant sa rage est grande contre ce système qui broie l’individu. Pour survivre, il faut savoir se faire respecter et ne jamais faire preuve de faiblesse. Ce n’est pas le cas de Camille Loiseau, un enfant de 13 ans, trop fragile pour se défendre et qui subit, de plus, les sévices sexuels des « caïds », ceux qui, parmi les plus âgés des détenus, ont perdu tout humanité. Car, bien sûr, loin d’être éducatif, cet univers carcéral pervertit les esprits, émousse les consciences et entretient la violence.

Dans la réalité tous les détenus ont été repris. Dans son roman, Sorj Chalandon imagine que Jules s’en sort grâce à l’aide de braves gens, Sophie, l’infirmière du bagne, Ronan, son mari, patron d’un bateau de pêche et son équipage. Ronan, le socialiste, Alain le communiste, Pantxo, le basque, anarchiste, qui ne sont peut-être pas toujours d’accord mais qui s’unissent tous contre la même injustice, celle que l’on inflige aux plus faibles.
Ce drame se déroule dans un contexte historique nocif, avec la montée de l’extrême-droite en France, (les Croix de Feu) comme en Allemagne, le renforcement des idées réactionnaires, contre l’émancipation des femmes, leur droit de vote, (avec une page terrible sur l’avortement), mais aussi l’antisémitisme de plus en plus virulent, tout ceci sur fond de guerre d’Espagne avec le carnage de Guernica !

Ce qui m’a intéressée, c’est que Sorj Chalandon ne tombe pas dans l’angélisme. Les enfants deviennent pour certains des bêtes sauvages et Jules, lui-même, qui a pourtant des éclairs de conscience et d’humanité, se rêve criminel avant de le devenir.

« J’allais te voler Ronan ! J’étais à deux doigts. (…)  Tu sais Ronan, je suis un bandit. C’est une canaille de Haute-Boulogne que tu as accueillie dans ta chaloupe et sous ton toit. Pas un orphelin pitoyable, qui sanglote avec un caïd entre les reins, mais une Teigne. Une vraie. Un chacal pelé, sans père ni mère, sans rien de ce qui fait votre humanité. »

« Tu espérais quoi, le communiste ? Que j’allais défiler avec toi contre la vie chère ? Je m’en fous de tes combats. Quand je lève le poing, c’est pour ma gueule. Et toi le basque, tu attendais quoi ? Que je te rende la chemise et le pantalon que tu m’avais prêtés pour enterrer la vieille ? Jamais, tu m’entends ! Il resteront au fond de mon sac. (…) C’est ça que vous voulez sauver ? Ce chien enragé? »

 L’écriture est belle, énergique, vent debout contre l’injustice et la barbarie. Je l’ai lu sans pouvoir m’arrêter tant j’ai épousé la révolte du jeune homme, tant j’ai vécu les dangers de l’évasion, les mutins n’ayant d’autres ressources que de se jeter à l’eau ou de braver la mer sur un esquif volé au péril de leur vie. Cette chasse à l’enfant comme l’a écrit Jacques Prévert alors présent sur l’île, jette les Bélillois à la poursuite des fugitifs, chaque capture apportant 20 francs au chasseur d’enfants.


Un roman passionnant et addictif.


 

vendredi 15 septembre 2023

Laurent Binet : Perspective(s)


Jacopo da Pontormo, peintre maniériste florentin est mort le 1er janvier 1557 dans la chapelle de l'église San Lorenzo où il peignait des fresques*, travail commandé par Cosimo de Médicis, duc de Florence, et dont l'artiste aurait voulu qu'elles soient à l'égal de celles de la chapelle Sixtine. Laurent Binet imagine qu'il a été assassiné par une main inconnue et son roman Perpectives(S) se veut alors une enquête policière pour déterminer qui est l'assassin. 

 

La déposition de Pontormo église Sante Felicita Florence


Le roman est intéressant parce qu'il fait revivre une période de Florence assez délétère où les factions politiques se déchaînent. La reine de France, Catherine de Médicis et son cousin Pietro Strozzi dont le père Philippe Strozzi, républicain, a été exécuté par Cosimo de Médicis, cherchent à mettre la main sur le duché de Florence avec l'aide de l'armée français pendant que Cosimo, grand-Duc de Florence,  allié à l'Espagne par son mariage avec Eleonore de Tolède, essaie de se concilier les bonnes grâces du pape Paul IV ( Gian Pietro Carafa) pour être reconnu roi de Florence. Pour les arts, c'est une période néfaste. Le pape, ancien contrôleur général de l'Inquisition, intolérant, puritain, dans cette période de la contre-réforme, condamne le nu et fait "habiller" ou plutôt "culotter"  les peintures de Michel-Ange. A Florence, Pontormo considéré comme licencieux s'est attiré la haine de la bigote et fanatique duchesse de Florence, Eleonore de Tolède. Les idées de Savonarole, pourtant mort en 1498, refont surface et ne favorisent pas non plus la liberté de l'artiste. Triste période pour les Arts ! 

 

Agnolo Bronzino : Eleonore de Tolède et son fils

 

C'est un plaisir de retrouver dans ces pages tous les artistes rencontrés au cours de mes voyages à Florence : Giorgio Vasari, l'auteur des Vies des peintres, bras droit de Cosimo dans l'enquête sur l'assassinat, Jacopo da Pontormo, vieillard irascible, hanté par la mort, son élève Giambattiste Naldini, Michel-Ange lui-même toujours en exil à Rome, Le Bronzino et ses portraits de la famille ducale, Sandro Allori, son élève, sans oublier le mauvais garçon, l'orfèvre, Benvenuto Cellini.

 

Salière de Benvenuto Cellini

Par contre, je n'ai pas apprécié le choix du roman épistolaire que j'ai trouvé faux, artificiel : les lettres de nombreux correspondants, toutes écrites dans le même style, ne réflètent ni le caractère, ni la psychologie, ni l'origine sociale, ni la culture des personnages. Ce sont pourtant ces qualités que l'on attend d'un vrai roman épistolaire et qui en font l'intérêt ! Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi choisir cette forme plutôt que le roman. Je me suis passablement ennuyée à certains moments, à l'exception de celles de Maria de Médicis*, fille de Cosimo et Eleonor, dont on sent la vulnérabilité et la naïveté (Laurent Binet imagine que celle-ci est morte en couches à la suite d'une fugue avec son amant qui l'abandonne, enceinte). Enfin, j'ai trouvé deux lettres supérieures à toutes les autres, vraiment passionnantes celle ou Vasari échappe à la mort grâce, dit-il, à la perspective, reconnaissant ainsi le talent des illustres prédécesseurs, Paolo Ucello, Brunelleschi ou Masaccio et la magnifique réponse de Michel-Ange qui montre la puissance de l'Art comme témoin de la grandeur humaine.

« Nous l'avons méprisée . Mais nous ne l'avons jamais oubliée.

Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L'homme d'aplomb, enfin à sa taille, ayant retrouvé sa place dans l'espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L'image de l'infini sur la terre (…) L'artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l'idée de Dieu, qui est précisément l'infini, cette chose impensable, inconcevable. »

 

Masaccio :Adam et Eve chassés du Paradis 



Enfin, le dénouement qui permet de découvrir l'assassin homme ? ou femme ? (Je n'en dirai pas plus !)  du Pontormo, est aussi un moment de surprise pour le lecteur et l'on sent que Laurent Binet s'est bien amusé à nous mystifier !


Bronzino : Maria de Médicis


* Maria de Médicis devait épouser Alphonse II d'Este, duc de Ferrare, à la sinistre réputation. A sa mort (peut-être du paludisme ?? Cf Wikipedia ), c'est sa jeune soeur Lucrèce qui doit la remplacer pour cette funeste union. Hasard de la parution, le destin de Lucrèce si mal mariée est le thème du livre de Maggie O' Farrel : Le portrait de mariage.

 

Alessandro Allori : Lucrezia de Médidis

 * les fresques du Pontormo ont  disparu.


LC   avec Marilyne ICI

Voir aussi Je lis je blogue : Perspectives Ici

Perspectives Eimelle Ici