Pages

Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XX°et XXI°. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Littérature française XX°et XXI°. Afficher tous les articles

jeudi 13 février 2025

Paul Saint Bris : L’allègement des vernis

 

J’ai vu ce titre L’allègement des vernis de Paul Saint Bris bien souvent dans les blogs et j’ai eu envie de le lire car tout ce qui a trait à la peinture m’intéresse!

 

Vinci La Joconde

 

A l’heure où l’on parle beaucoup de la Joconde et de la saturation du Louvre en terme de visiteurs, l’Etat décide qu’il faut améliorer la rentabilité du musée par tous les moyens ! Pour cela, est nommée à la présidence des relations publiques du musée une jeune cadre dynamique « décomplexée », Daphné qui s’ingénie à rendre l’établissement plus attirant en misant sur le sensationnel, appliquant à l’art les mêmes techniques que dans l’industrie cosmétique et l’hôtellerie dont elle vient !
Pauvre Aurélien, conservateur du département des Peintures du Louvre, section Renaissance !  Déjà, il vit un divorce difficile, maintenant il subit les assauts des jeunes loups publicitaires dans son musée, puis « les stars de la pop" se pressent au Louvre "pour tourner leurs clips, les créateurs de mode pour organiser leur défilé, les géants de la Silicone Valley pour y nouer de fabuleux et juteux partenariats.". Mais ce n'est pas tout,  Daphné suggère que l’on pourrait alléger les vernis de la Joconde qui ont jauni et qui nuisent à la visibilité de l’oeuvre. Quelle publicité pour le Louvre au niveau international ! La presse de tous les pays va s’emparer de l'évènement !  Voilà qui va réveiller, entre autres, les Italiens qui croient dur comme fer que le tableau acheté, pourtant, à Léonard de Vinci par François Premier, leur appartient.

Toucher à la Joconde ! Ceci ne fait pas l’affaire d’Aurélien qui freine (mais en vain) des deux pieds.  Mais puisqu’il ne peut l’éviter, alors il confiera le tableau à son ami Gaetano, un restaurateur italien en qui il a toute confiance. Pauvre Gaetano ! A son tour, il est sous les feux des projecteurs. Comment travailler sereinement alors que la planète s’arrête de tourner à chacun de ses gestes et qu’il est surveillé à chaque moment de l’allègement des vernis ! C'est frustrant pour quelqu’un qui se considère comme un génial créateur ! 

 

Le Gaulois blessé

Il y a aussi un certain Homero, danseur raté, préposé au ménage dans le musée du Louvre, imaginant des chorégraphies sur son autolaveuse autour des statues de Sylène portant Dyonisos ou du Gaulois blessé (il y a des moments assez déjantés ! Je n’aime pas ce terme mais là il convient très bien !). 

 

Vinci : La dame à l'hermine


Quant à la suite et au dénouement, je vous les laisse découvrir, sachant qu’ils ne manquent pas d’humour !

Le livre est intéressant à plusieurs titres et d'abord parce que l'on y rencontre des oeuvres du musée à travers le regard d'Aurélien; celui-ci n'aime pas particulièrement la Joconde et lui préfère La Vierge aux rochers ou la Dame à l'Hermine. Je le comprends, j'ai vu ce dernier tableau à Cracovie et c'est une merveille. Mais ce n'est pas Vinci que le conservateur a choisi pour sujet de thèse mais Andrea del Sarto.

 Et puis, si l’on est novice comme moi, l’on y apprend beaucoup sur les techniques de restauration. Par exemple, le restaurateur Robert Picault a transposé La Charité d’Andrea del Sarto et plus tard, en 1773, le Saint Michel de Raphaël  « du panneau de bois pulvérulent qui lui servait de support, au prix d’une patience infinie, puis il l’a marouflée sur un châssis entoilé d’un coutil au point serré », comme s’il s’agissait d’une décalcomanie,  sauvant ainsi ces oeuvres d’une disparition programmée. ( voir ici)


La charité d'Andrea del Sarto


J'aime bien aussi la vision de l'écrivain sur les Bobos parisiens, les politiques, les publicistes ou les visiteurs narcissiques qui se photographient devant les tableaux. Et serait-ce un  roman à clefs? On y trouve même un portrait d'une ministre de la culture qui ressemble fort à Roselyne Bachelot.  (Mais c'est mon opinion personnelle qui n'engage que moi! ). A travers les personnages d’Aurélien et d'Homero, Paul de Saint Bris dresse un état des lieux assez ironique et désabusé sur les enjeux des lieux muséaux, victimes d’une société où l’art n’est plus ce qui importe, mais ce qu’il faut consommer, et qui sont gérés comme des startups.. 

Il haïssait l’idée que les visiteurs montent quatre à quatre les escaliers parcourent au pas de course la Grande Galerie pour s’agglutiner sur la vitrine de Monna Lisa en négligeant ses malheureux voisins de cimaise, les Véronère, Titien et Bassano. Il détestait ce paradoxe qui faisait de La Joconde à la fois le tableau le plus célèbre au monde et le moins regardé. Il maudissait le fait qu’une fois leur pulsion rassasiée ces mêmes visiteurs ne se retournent pas pour contempler à quelques mètres de leur soeur si fameuse les autres chefs d’oeuvre de Léonard, désespérément seuls malgré leur immense intérêt pictural."

mardi 11 février 2025

Ian Manook : Heimaey

 


«  Quoi ? Vous croyez vraiment que ce pays est un pays de certitudes ? Une île à cheval sur deux plaques tectoniques. Cent trente volcans dont au moins trente systèmes actifs. Certains sous le plus grand glacier d’Europe. Vingt-cinq mille tremblements de terre par an. A quelle certitude voulez-vous vous accrocher ? ».

Le roman policier de Ian Manoook, Heimaey, nous entraîne dans une virée en Islande sur les plus grands sites naturels. Ces merveilles de la nature, le français Jacques Soulniz, amoureux de l’Islande, entreprend de les faire  visiter à sa fille, Rebecca, pour renouer avec elle des liens plutôt distendus. Rebecca, Beckie pour les intimes, est le type même de l’ado « chieuse », « emmerdeuse », et autres joyeusetés, mais néanmoins aimée !
Il cherche à retrouver les impressions et les souvenirs du voyage qu’il a fait lui-même quand il était jeune, en 1973, après l’éruption de Leldfell. L’aventure s’est terminée tragiquement sur la petite île de Heimaey, par la mort de la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée, Abbie, tombée accidentellement d’une falaise. Mais ce passé ne risque-t-il pas de ressurgir ? Ce voyage avec Rebecca, loin d’être idyllique, va provoquer bien des ennuis, révéler bien des dangers, semer des cadavres sur la route, et prendre un tournant tragique quand Rebecca disparaît.

Islande : Ile Heimaey Ici

 

Si le suspense est bien mené mais parfois un peu long, ce que j’ai aimé surtout, ce sont les descriptions de ces paysages dont Ian Manook sait rendre à la fois la beauté, la force tellurique avec ses émanations gazeuses, ses fumerolles, ses coulées de lave solidifiées. « La beauté du diable » écrit Manook à propos de l'Islande.

« Quand Beckie ouvre la portière, le hurlement continu du souffle et l’odeur de soufre bousculent aussitôt tous ses repères. Elle sent jusque dans son corps le grondement de la vapeur sous terre qui siffle soudain comme une turbine en fusant à l’air libre. Son râle rauque résonne dans le sol.
- c’est le cri de Gunna, dit Soulniz en forçant la voix, une sorcière dont le fantôme hantait la lande et qu’un prêtre a réussi à jeter dans la solfatare il y a quatre cents ans. Depuis, elle hurle de fureur d’y être prisonnière. »


Les descriptions du pays permettent de « voir » l’île, de la comprendre, d’en saisir les beautés, les mystères avec son petit peuple invisible, ses trolls que l'on ne doit pas déranger, mais aussi les démesures. 

 Te voilà dans un pays où les routes contournent certains rochers parce que les elfes du Peuple Caché y vivent peut-être et où on découvre encore de nouvelles cascades, et dans le même temps on y chasse la baleine avec des harpons explosifs dont la charge perce l’animal pour y enfoncer un tripode qui se déploie dans son corps et le ferre à mort. Comme quoi on peut aimer quelque chose d’odieux et de généreux à la fois.

Si l'on ne connaît pas le pays, ces pages donnent envie de le découvrir et, si on le connaît, je ne peux que supposer que c'est avec plaisir qu'on refait le voyage !

Les marins n’aiment pas la mer. Ils aiment naviguer, mais ils n’aiment pas la mer. Pour quelques mers d’huile dociles, combien de houles fourbes, de grains, de tempêtes et de vagues scélérates. La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre - et les engloutit. Les autres  marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent : C’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine. »

Par contre, je n’ai pas trop adhéré aux personnages que je ne trouve pas toujours crédibles au point de vue psychologique. Souzny, par exemple, qui laisse sa fille partir à l’âge de quinze ans, après la mort de sa mère, et ne s’occupe pas d’elle pendant trois ans, tout en la gardant à l’oeil selon son expression, sous prétexte de respecter sa liberté. Cela ne me paraît pas être l'attitude d'un père aimant et responsable. Puis lorsqu’elle a dix-huit ans, il essaie de rattraper le temps perdu ? Je sais bien qu’il n’est pas fûté et, en cela, ce n’est pas un personnage très sympathique, (il cogne avant de réfléchir !) mais je ne peux pas croire à ce comportement. La loi aurait placé l’enfant si le père s’était montré à ce point déficient. Que penser aussi de Galdur qui non seulement participe à un trafic de cocaïne mais encore est assez bête pour voler les trafiquants et fait tuer, involontairement, il est vrai, Arnald, son frère jumeau. Rien, aucun chagrin, pas un regret, à peine un début de réflexion, il continue à vivre, s’amuser comme s’il n’était rien arrivé, et est toujours présenté au cours du récit comme « un gamin », innocent, un peu trop léger, comme s’il avait seulement chapardé des cerises dans l’arbre du voisin. Kornélius est aussi un drôle de flic mais lui, au moins se fait virer de la police, ce qui paraît normal ! Ces invraisemblances psychologiques nuisent à l’intérêt du récit. Vous allez me dire que ce sont des détails ? Peut-être, mais ils m'ont gênée. Et c’est dommage car l'écriture est belle !

jeudi 6 février 2025

Eric-Emmanuel Schmitt : La lumière du Bonheur


 

J’ai pris « en marche » si j’ose dire La traversée dans le temps que propose Eric-Emmanuel Schmitt dans La Lumière du bonheur mais il semble que l’on peut les lire de manière indépendante.
L’écrivain imagine le voyage d’un homme Noam qui se découvre immortel et toujours jeune et qui voyage  à travers les millénaires de la préhistoire à nos jours.

Le premier livre s’intitule Paradis perdus (fin du néolithique et déluge)  

Le second La porte du ciel ( Babel et la civilisation mésopotanienne)

Le troisième Soleil sombre (l’Egypte et Moïse).

Enfin le quatrième La lumière du Bonheur nous amène dans la civilisation grecque au temps de Périclès. J’ai eu plaisir à retrouver et à côtoyer rien moins que Sappho, la Pythie de Delphes, ( Vous aurez du mal à interpréter ses oracles !) Hippocrate, (Mais oui, avec Noam, vous conseillerez Hippocrate pour la rédaction de son fameux serment),  Périclès  et Aspasie, et, bien sûr, Socrate pour ne citer qu’eux… Plaisir à participer aux jeux Olympiques avec Noam, à assister aux représentations de pièces de théâtre, à vivre la démocratie grecque très particulière ( qui, comme on le déplore, ne concerne ni les esclaves ni les femmes ! ) à livrer la guerre aux Perses et à vous confronter aux Dieux…

Le roman d'Eric-Emmanuel Schmitt est donc une manière agréable de revisiter la Grèce antique, l’auteur connaît bien son sujet, des notes en bas de page vous invitent à aller plus loin.

Par contre, je n’ai pas trop adhéré à ce personnage immortel, Noam et encore moins à Noura, immortelle elle aussi, et à leur relation entre amour et haine. Ils ne sont pas assez, à mon goût, des personnages mais restent des prétextes. Peut-être me manquait-il finalement la lecture des premiers volumes ?

mercredi 9 octobre 2024

Grégoire Bouillier : Le syndrome de l’orangerie

 

Le syndrome de l’orangerie de Grégoire Bouillier

Claude Monet ; les nymphéas de l'Orangerie


"J’ai mis du temps à comprendre mes nymphéas. Je les avais plantés pour le plaisir; je les cultivais sans songer à les peindre. Un paysage ne vous imprègne pas en un jour. Et puis, tout d’un coup, j’eus la révélation des fééries de mon étang. Depuis ce temps je n’ai guère eu d’autres modèles." Claude Monet

"Pourquoi des nymphéas ?

 La question est moins stupide qu'elle en a l'air. Car Monet peignit énormément de nymphéas. Quand je dis énormément, je parle d'environ trois cents tableaux, voire cinq cents à en croire Clémenceau, disons quatre cents et n'en parlons plus (quatre cents tableaux ! ). Ce qui représente plus d'un quart de sa production totale. Sans compter tous ceux qu'il détruisit : au bas mot des dizaines et des dizaines... Ce sont quatre cents tableaux pendant trente ans."  Grégory Bouillier

"La mort fardée des couleurs de la vie" Bachelard

 

Claude Monet les nymphéas de l'orangerie

J’avoue que j’ai été d’abord un peu dubitative, n’ayant jamais lu aucun autre livre de Grégoire Bouillier, en abordant Le syndrome de l’orangerie commençant par deux prologues sur la Bmore investigations, l'agence de détectives littéraire de l’enquêteur Baltimore épaulé par son assistante Penny. Référence ? Son  livre précédent Le coeur ne cède pas que je me propose de lire dans un proche avenir maintenant que j’ai lu et apprécié Le syndrome de l’orangerie.

Car dans ce bouquin, Grégory Bouillier, Baltimore, Bmore, (ou quel que soit le nom qu’on lui donne) nous entraîne  à l’orangerie et là…  Plouf ! Splash ! le voilà qui fait un malaise, tourne de l’oeil devant les tableaux de Monet, façon syndrome de Stendhal, mais non pas à cause de la trop grande émotion que procure un spectacle sublime (et pourtant dirais-je !), non, non, à cause de l’horreur qui se cache sous la beauté des fleurs. Et oui, derrière cette magnificence de couleurs, derrière les reflets des nuages dans le miroir de l'étang, dans ce splendide univers inversé, sens dessus dessous, qui nous enchante, (nous qui sommes "normaux"), et bien sachez-le, affirme l'auteur, Monet a planqué bien des  « trucs louches » et "ces peintures puent la mort" ! Qui l’eut cru ? Pas moi, en tout cas, qui, bêtement, n'y voyais que des jolies fleurettes ! Ainsi nous partons avec Grégoire Bmore Bouillier, à la recherche du cadavre (des cadavres ?) qui se cache(nt ?) au fond de l’eau trouble, stagnante, des bassins de Monet.


Claude Monet : la robe verte Camille


Ce qui nous entraîne fort loin, dans la boucherie de la guerre de 14-18, en passant par le camp de concentration d’Auschwitz et le jardin de Giverny, en remontant dans la vie de Monet, son époque, sa famille, ses deux épouses Camille et Alice Hoshedé, ses fils Jean et Michel, sa cécité, mais aussi par des détours vers Edgar Poe, le japonisme et les estampes d’Utagawa Hiroshige, Clémenceau, Tintin et Rackham le Rouge, le professeur Tournesol, Pline l'Ancien, Winston Churchill, le peintre suisse Ferdinand Holder, la Commune de Paris et… et… et j’en passe !

Mais sachez que Grégoire Bouillier s’est maîtrisé (si, si, il avait promis à son éditeur de faire court cette fois-ci, donc pas plus de 426 pages et trois lignes, un record de concision, (paraît-il) et je ne parle pas des parenthèses (et des parenthèses dans les parenthèses ( mais que cachent ces parenthèses ?) )).

Alors fou, Gregory Bouillier ? Alors, là oui, tout fou, bouillonnant même, avec une imagination délirante, on se demande où il va chercher toutes ces idées (lui aussi se le demande !) mais combien passionnant !  Car si vous entrevoyez, derrière la description des nymphéas de Monet, les cadavres que l’écrivain vous avait promis de vous révéler au cours d’une enquête menée tambour battant, ce dernier ne vous laisse jamais le temps de sortir la tête de l’eau (stagnante). Autant dire que l'on ne s'ennuie pas... si l'on en réchappe !


Claude Monet les nymphéas de l'orangerie

Et tout ceci pour vous livrer une analyse très sérieuse, documentée et trépidante de l’oeuvre du peintre et de sa vie et une réflexion sur l'art. Sans compter que vous saurez tout sur la botanique et même la différence entre le nymphéa et le nénuphar ! Et toc !

 Et en plus d’être géniale, cette enquête, elle est drôle car Gregory Bouillier ne manque pas d’humour et vous fait rire ! Passionnant ! vous dis-je ! De plus, inutile de vous demander s’il a raison de voir ce qu’il voit et qu’il nous fait voir sous ces pauvres nymphéas, car de toute façon, maintenant, quand vous irez à l’Orangerie, vous ne pourrez plus voir « la scène du crime » de la même manière !


 Giverny :  sous les Nymphéas ... ?


Le syndrome de l'Orangerie a été préselectionné pour de nombreux prix littéraires.


 

jeudi 26 septembre 2024

Olivier Norek : Les guerriers de l'hiver

 

 

 

La guerre d'Hiver Wikipedia

 

« Longtemps la Finlande appartint à d’autres. »

C’est l’incipit du livre d’Olivier Norek. La Finlande fut d’abord sous domination suédoise, puis gagna une relative autonomie sous l’empire russe tsariste. C’est en 1917 qu’elle obtint enfin son indépendance.
En 1939, Staline veut créer une zone protectrice à la frontière de la Russie et de la Finlande pour protéger Léningrad des troupes hitlériennes qui pourraient envahir le pays par la Finlande, profitant de sa neutralité.
Devant le refus du gouvernement finlandais de céder des territoires, les soviétiques déclarent la guerre le 30 Novembre 1939. Une guerre éclair pense Staline, l’affaire de quelques jours :  une immense armée contre une poignée d’hommes, un gigantesque pays contre un minuscule.

Les Finlandais savent qu’ils vont perdre la guerre mais ils opposent une résistance acharnée aux envahisseurs. Le combat meurtrier des deux côtés, va durer 105 jours. Les Soviétiques finissent par occuper les zones demandées mais la force militaire soviétique est discréditée et Hitler voyant ses faiblesses décide d’envoyer ses armées contre les soviétiques en Juin 1941 renonçant à son projet initial qui consistait à attendre que le front ouest soit vaincu. 

 

Pekka Halonen


C’est cette guerre, la Guerre d’Hiver, que raconte Olivier Norek qui, abandonnant le polar, se lance dans un roman historique. Et c'est une réussite !

L’écrivain s’attache à nous peindre le sisu, un mot finlandais intraduisible qui décrit la force intérieure des Finlandais, leur esprit de résistance même en l’absence d’espoir, un mot difficile à définir car il contient plusieurs composantes et qui s’élève au rang de mythe national.

 Et le Sisu des Finlandais dans cette guerre disproportionnée participe à un récit prenant, que l’on suit avec empathie et intérêt :

Le sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la détermination…

Ce qui joue en faveur des Finlandais, c’est bien sûr cette motivation, la nécessité de défendre leur pays qui vient à peine d’être reconnue après des siècles d'occupation, leur adaptation à un hiver encore plus rigoureux que d’habitude, habitués peut-être aussi aux privations et à l’endurance par une vie rurale très dure où il faut s’adapter pour survivre.

 "Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui"  reconnaît Molotov lui-même.

Enfin l’impréparation des troupes russes mal équipées pour le froid, mal nourries, peu motivées et mal formées aussi bien les soldats que les officiers (Staline avait envoyé les officiers de carrière au goulag), expliquent les difficultés rencontrées. De plus, Staline mettait en première ligne les peuples des républiques de l’Union (plutôt que les Russes) peu motivés pour une guerre qui n’était pas la leur.

 

Simo Häyhä La Mort blanche


Le récit de Norek tout en nous montrant l’universalité du combat reprend la légende de Simo Häyhä, un jeune paysan, de ses amis Toivo, Onni, Pietari, Leena... et de leurs officiers, personnages historiques.
Simo Häyhä est un paysan qui a appris à tirer pour tuer du gibier. Pendant la guerre, il devient un sniper redoutable qui atteint ses cibles presque à chaque coup. Sa légende se répand et les soldats russes le surnomment Белая смерть, Belaïa smert, la Mort blanche, tout en lui accordant un pouvoir presque surnaturel. La Mort blanche car les soldats finlandais sont vêtus de combinaisons chaudes de couleur blanche qui leur permettent de passer inaperçus dans la neige alors que les soviétiques sont en uniforme de couleur, un autre désavantage.

Et c’est parce que l’écrivain fait oeuvre d’historien, qu’il s’en tient à l’Histoire - même dans les paroles prononcées ou écrites -  qu’il manque parfois aux personnages une couleur romanesque qui permettrait de s’attacher plus étroitement à eux. Simo est un symbole, celui du Sisu, celui d'un peuple opprimé, injustement envahi. C'est au récit national que l'on s'attache à travers lui, au  récit de cette résistance passionnante et même fascinante tant on épouse le combat du plus faible contre le plus fort. Mais j’ai apprécié que, tout en racontant la légende de Simo, Olivier Norek tienne à montrer l’horreur de la guerre et que, pour Simo et ses amis, le fait de tuer, fut-ce des ennemis, c’est toujours tuer un homme. Certains comme le lieutenant Juutilainen deviennent des tueurs qui ne savent plus vivre en paix. Comment rester humain quand on est confronté à la banalité de la mort ? C’est une des grandes questions du roman. 

"Lors de cette journée, l'unité finlandaise de soixante hommes avec leurs mitrailleuses tua à elle seule plus de deux mille soldats envoyés à l'abattoir." 

"Ils étaient hier simples fermiers, pères de famille, amis et maris. Aujourd'hui ils devenaient tueurs de masse."

Le roman d'Olivier Norek, même si nous ressentons de l'admiration pour ce peuple ainsi attaqué, loin d'être une glorification de la guerre nous en peint les aberrations et nous place toujours du côté de l'humain. Et c'est en cela, aussi, qu'il me touche particulièrement.

Et Olivier Norek conclut :  

« Si ces évènements ont bientôt un siècle, ils nous renvoient à l’Histoire actuelle et nous mettent en garde.
La guerre survient souvent par surprise, et il faut toujours un premier mort sur notre sol pour y croire vraiment »

Une belle lecture !

 

Rentrée littéraire 2024  Les guerriers de l'hiver a été sélectionné pour le prix Goncourt (entre autres).

lundi 13 mai 2024

Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet : Les voyages de Jules

 

J’avais trouvé magnifique la bande dessinée d’Emmanuel Lepage, René Follet et Sophie Michel : Les voyages d’Ulysse, aussi j’ai continué la lecture avec Les voyages de Jules qui est le troisième tome de la trilogie et où l’on retrouve les héros de cette histoire.
Dans ce livre le peintre Jules Toulet que nous avions rencontré précédemment écrit son journal pour Anna, la femme de sa vie où il raconte en même temps que son enfance  comment est née sa passion pour la mer et à qui il doit sa formation de peintre. C'est auprès de son maître vénéré Ammon Kasacz qu’il s’est initié à son art. Et si sa vie l’a amené à quelques trahisons liées à sa jeunesse, son insouciance, il a la satisfaction de revoir son vieux maître et de l’assister dans sa mort avec Anna et Salomé. 



Cette passion pour la mer se double d’une passion pour la littérature et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé toutes les oeuvres dédiées à la mer qui l’ont marqué : Robinson Crusoé, bien sûr, mais aussi Pêcheurs d’Islande, Le vieil homme et la mer, Moby Dick, Moonfleet, La complainte du vieux marin, L’île au trésor, Vingt mille lieues sous les mers…

 



Les illustrations sont très belles mais j’ai moins aimé  ce dernier livre que Les voyages d’Ulysse, peut-être parce que le texte qui imite la calligraphie de Jules ou d’Ammon -au cours des lettres qu'ils échangent -laissent moins de place aux illustrations, détournent de la contemplation et finalement l’ensemble m’a paru un peu brouillon, moins poétique et  moins réussi que le précédent.



Voir les voyages d'Ulysse  ICI

 

 


samedi 27 avril 2024

Laure Murat : Proust, roman familial

 

 

J’avais beaucoup aimé La maison du docteur Blanche de Laure Murat, aussi ai-je eu envie de lire son Proust, roman familial qui a reçu le prix Médicis de l’essai  2023.

Dire que A la recherche du temps perdu a eu une grande importance dans la vie de Laure Murat est un euphémisme puisqu’elle-même précise en conclusion de son essai  : « A ce titre, il ne serait pas exagéré de dire que Proust m’a sauvée ».
A ce titre ? Elle parle du pouvoir de « dessillement » de Proust qui nous propose des clefs pour comprendre le monde, et, grâce à cette lucidité, se sentir libre. La littérature pour nous ouvrir les yeux, pour nous expliquer le réel, nous le rendre intelligible. La littérature plus réelle que le réel !

Laure Murat est née dans une grande famille aristocratique, héritière par son père de la Noblesse d’Empire et par sa mère de la Noblesse d’Ancien Régime, dont les ancêtres ont servi de modèle à Marcel Proust.
L’éducation donnée par sa mère est avant tout un art du paraître, de montrer par la manière de parler, par l’absence apparente d’émotion, par l'impression d'aisance et de facilité, la supériorité de sa classe sociale. Se démarquer du vulgaire ! Ne pas pleurer afin de ne pas  ressembler à un domestique !  Proust qui a d’abord, par snobisme et idéalisme, été attiré par cette aristocratie finit par bien la connaître et perd peu à peu ses illusions. L’arrière-grand-mère de Laure Murat, Cécile Ney d’Elchingen mariée à 16 ans au prince Murat, « Brutale. Méprisante. Et snob comme un pot de chambre pour tout arranger » résume cela en une phrase  :  « Proust ? ce petit journaliste que je mettais au bout de la table ».
 

Cecile Ney d'Elchingen Giovanni Boldini
 

C’est en lisant La Recherche, en cherchant entre les lignes l’histoire de sa famille que Laure Murat met un nom sur ceux de ses aïeux ou de leurs amis qui ont inspiré les personnages de Marcel Proust. A l’hôtel Murat, l’écrivain rencontre une jeune fille prénommée Oriane de Goyon qui donnera son nom à la duchesse de Guermantes; dans le salon de Madeleine Lemaire (Mme Verdurin) l’écrivain fait connaissance de Robert de Montesquiou ( Charlus) et  c’est là qu’il entend la sonate en ré mineur pour piano de Saint Saens qui  est le modèle de la petite phrase de Vinteuil.
Mais Marcel Proust ne copie pas ses personnages, il les crée, il les assemble par bouts, par strates, il « il établit des passerelles entre personnages inventés et individus ayant existé ». Ainsi un personnage fictif comme Saint Loup peut avoir pour ami un « vrai » personnage comme le duc d’Uzès, la duchesse de Guermantes se dit la nièce d’une Mademoiselle d’Uzès, qui n’est autre que la propre tante de Laure Murat.

 

Le comte de Montesquiou par G. Baldini

Mais c’est aussi en lisant Proust que Laure Murat met un nom sur la vacuité, le vide de ces existences, la prétention de ces nobles qui sont toujours en représentation, comme sur une scène de théâtre, personnages que Proust décrit souvent comme incultes, grossiers et vulgaires.

« Naître et grandir dans ce milieu signifie donc partir avec un handicap cognitif sérieux, puisqu’il est à peu près impossible, lorsqu’on est élevé depuis l’origine dans ce théâtre qui ne ferme jamais, de faire la différence entre le rôle et la personne, la représentation et le référent, la fiction et la réalité. »

Laure Murat va être amenée à rompre définitivement avec sa famille quand elle refuse de suivre les codes que l’on cherche à lui imposer. Dans son milieu, la femme doit se marier et être mère. Laure Murat fait des études, enseigne à l’université de Los Angeles, ne se marie pas, n’a pas d’enfant et vit avec une femme. Le fait qu’elle soit homosexuelle et surtout qu’elle affirme son choix et veuille le vivre à découvert est inacceptable pour sa mère qui la considère comme une « fille perdue ».  Dans ce milieu où le paraître est ce qui importe, on peut être homosexuel à condition de le taire !  Ne pas respecter l’injonction du silence est impardonnable ! C'est la rupture définitive avec sa mère puis avec toute sa famille. Et c'est violent !
 

 Proust avait bien compris la nécessité du silence et il ne laisse pas de nous montrer toute l'hypocrisie de ce milieu. Mais explique Laure Murat, en mettant au centre de la Recherche, sans le dire, l’homosexualité, il en fait un sujet universel. Il traite ce sujet « entre l’indicible et l’innommable, le tacite et l’explicite… tout le roman procède de cette rhétorique de la monstration et du silence, de la revendication et de l’implicite… Une seule situation est rigoureusement exclue : l’aveu. »
Après lui, le sujet ne pourrait plus jamais être traité comme avant,  écrit Laure Murat : « Une fois « universalisé » le sujet pouvait enfin s’affranchir ». Pourtant, il faudra attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé raye l’homosexualité de la liste des maladies mentales ! 

C'est ainsi que la lecture de A la Recherche du Temps perdu a permis à Laure Murat de mieux comprendre le milieu d'où elle venait, de saisir quelle aliénation elle vivait. Alors qu'elle découvrait que "l'oeuvre de Proust se place tout entière sous le signe libératoire du flux, le flux du temps qui s'écoule, bien sûr, mais d'une continuelle transformation des êtres et des choses", elle prenait conscience  que son milieu, au contraire prônait le conservatisme, l'immobilité, le refus des changements, un terreau complètement infertile!

LC avec Aifelle ICI

Voir Dominique Ici 

Voir Keisha Ici


dimanche 14 avril 2024

Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet : Les voyages d'Ulysse

 

En cherchant Ar-men un livre d’Emmanuel Lepage que Fanja m’avait conseillé, je suis tombée, en l’absence de  celui-ci, sur deux autres titres : Les voyages d’Ulysse et les voyage de Jules, tous les deux sur le monde la mer.

Les voyages d’Ulysse est le second volume d’une trilogie qui finit avec Les voyages de Jules et commence avec un livre que je n’ai pas trouvé en bibliothèque Les voyages d’Anna. Il va donc falloir me passer du premier pour parler de ce magnifique volume. 


Salomé Ziegler : La capitaine de l'Odysseus


Nous sommes dans les années 1885 à 1906.  Jules Toulet un peintre-dessinateur, hanté par la rupture avec la femme qu’il aime, Anna, se fait enrôler sur un voilier, l’Odysseus, dont le capitaine est une femme, Salomé Ziegler. Il paiera sa traversée en produisant une toile par semaine. Bien vite, il découvre que Salomé est à la recherche des oeuvres d’un grand peintre, spécialiste des antiquités grecques, Ammon Kasacz. Peu à peu, la jeune femme lui confie son passé et surtout son enfance heureuse et libre avec son frère Théo, entre ses parents, son père médecin et sa mère Athénais qui leur raconte les aventures d’Ulysse qui enflamment les jeunes imaginations. Après la mort accidentelle de sa mère, plus rien ne sera comme avant. 

 

Athénaïs, la mère de Salomé peinte par Ammon Kasacz

Je vous laisse découvrir les péripéties de la vie aventureuse et libre de Salomé qui apprend son métier de capitaine avec son mari Vassilios avant que celui-ci ne soit handicapé.  

 

Salomé sous les ordres de Vassilios
 

Mais il faut savoir que Salomé met, sans le vouloir, le feu aux tableaux du peintre Ammon Kasacz, ami de sa famille. Le portrait de sa mère disparaît dans l'incendie et son père est inconsolable.  La capitaine part alors à bord de l’Odysseus à la recherche du vieux peintre et de ses tableaux disséminés partout, Istanbul, Alexandrie, Athènes, Gibraltar, Ithaque, Santorin, la mer Méditerranée, celle qu'Ulysse a parcouru pendant vingt ans avant de retrouver son île.

 

La colère de Poséidon

 Un voyage maritime accompagné par Ulysse et ses compagnons car, à son tour, Salomé convoquent les personnages d’Homère auprès de son équipage, Circé, les sirènes, le monde des morts, le spectre de la mère d’Ulysse et celui d'Athanaïs...

 

Ulysse rend visite au Royaume des morts
 

... les tempêtes, les naufrages, la colère des Dieux, Poséidon, … Les univers s’interpénètrent, effaçant les frontières entre le passé et le présent, entre la réalité et la légende…


La colère de Poséidon


Les illustrations sont somptueuses et présentent à la fois l’univers des deux peintres Jules Toulet et celui de Omman Kasacz, alternant entre grand format sur deux pages

 

Le bateau d'Ulysse

et des planches avec des cadrages très variées aux couleurs tour à tour sombres ou violentes selon les évènements ou plus douces pour peindre l'enfance

 

La capitaine Salomé

 

 et partout, toujours, la mer, omniprésente, les navires peints avec précision, celui d’Ulysse, celui de Salomé, avec un luxe de détails

 

Le bateau de Salomé

 

  et le carnet de Ammon Kasarazc à la fin du livre comme un adieu.  Un très bel album.

 

L'Odysseus




dimanche 31 mars 2024

Cothias/ Parras : Le lièvre de Mars

Tome 1

Le lièvre de Mars de Lewis Caroll donne son titre à la bande dessinée de Cothias et Parras. Pourquoi ce titre ?  L’auteur joue sur les mots :  le Lièvre de Mars fait référence à l’expression anglaise « Mad as a March hare », allusion au comportement belliqueux des lièvres au moment de la reproduction à cette époque de l’année.  Alice l’évoque en souhaitant qu’en Avril le lièvre soit moins fou.  

Lièvre de Mars, aussi, parce le héros David Ruthefort, un américain, ne cesse de fuir, jouant le rôle d’un lièvre, pourchassé par des ennemis acharnés qui en veulent à sa vie. Il  entraîne dans la mort tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre lui viennent en aide, l’équipage d’un bateau de pêche, un ambassadeur, un vice consul, un chauffeur de taxi, une prostituée et l’hécatombe se poursuit de tome en tome… David est accusé de meurtres et traqué par les autorités  françaises et le FBI. On comprend qu’il détient un secret qui le désigne comme l'homme à abattre auprès des services secrets américains.

 

Tome 2


Quand il rencontre Alice ( et oui, toujours une allusion à Lewis Caroll), une psychothérapeute aveugle,  dont il tombe amoureux, il lui confie qu’il a fait des études de micro-biologie et a été recruté avec d’autres spécialistes par un astrophysicien renommé. Celui-ci leur explique qu’il est possible de terraformer Mars à l’aide d’une bactérie qui se nourrit de gaz carbonique et rejette de l’oxygène rendant ainsi la planète habitable. David s’endort et se retrouve sur Mars en même temps que les autres savants. Après deux ans de travail là-bas, on les enferme dans une salle de douche qui semble sortie tout droit des camps nazis et on les gaze. Grâce à ses records de plongée en apnée, l'américain peut retenir son souffle plus longtemps et reste le seul survivant. Il se réveille, en plein océan, recueilli par des marins pêcheurs dont le bateau est pris pour cible, puis échoué sur une plage de Bretagne. Transporté à l’hôpital, il passe pour fou quand il explique d’où il vient mais quelqu’un s’introduit dans sa chambre et essaie de l’abattre.

 


 Dès lors, la chasse à l’homme s’intensifie. Il est désormais aidé par Alice et ses amis. Pour échapper à ses poursuivants, dans le tome 3, il subit une intervention esthétique afin de changer de visage (et oui comme Boggart dans  Les passagers de la nuit  avec Lauren Bacall). Mais désormais la question se pose : David Rutherford est-il réellement allé sur Mars ou aurait-il été abusé ?  et si oui pourquoi ?  Il décide de retourner d’où il vient, c’est à dire aux USA pour enquêter.

Et voilà le combat finit faute de combattants car je n’ai pu lire que les trois premiers tomes empruntés à la bibliothèque et les suivants tardent à rentrer ! Un lecteur paresseux ? Quand les rendra-t-il ? Je ne sais ? Je vous le dirai car je veux savoir la suite !

Ce que j’ai pensé de cette bande dessinée ? Je n’aime pas le personnage, mais alors pas du tout ! C’est un savant mais il semble expert dans tous les sports de combat, style super héros invincible. Pire, c’est un homme odieux, arriviste, prétentieux. Marié, il n’aime plus sa femme et la pousse au suicide par son attitude immonde. Evidemment, en tant que lièvre, il devient une victime mais de là à être sympathique !!
De plus, d’un tome à l’autre, on va d’une violence à l’autre :  cela n’arrête jamais ! Enfin, je n’aime pas particulièrement les illustrations !  Et pourtant je veux lire la suite ! Contradictoire, c’est certain, mais je veux savoir la fin : est-il réellement parti sur Mars et si oui, la planète est-elle devenue viable? Si non, a quoi rime ce simulacre ? Enfin, pourquoi est-il l’homme à abattre ? Quel secret d’état détient-il ? 

 La curiosité me perdra ! 


Dasola Ta loi de ciné


lundi 18 mars 2024

Yan Lespoux : Pour mourir, le monde


Dans Pour Mourir, le monde, Yan Lespoux, historien, universitaire spécialiste de la civilisation occitane, s’appuie sur un fait historique, le plus grand naufrage de l’histoire de la marine portugaise en janvier 1627 sur les côtes françaises de Saint-Jean-de-Luz et d'Arcachon jusqu’au Médoc à la suite de tempêtes violentes. 
 
 
Francisco Manuel de Melo ,, écrivain portugais et marin

 
 
Yan lespoux s'inspire des mémoires du capitaine-mor dom Manuel de Meneses, qui publia un mémoire, de dom Francisco Manuel de Melo, écrivain et marin, qui raconta son histoire trente ans après, et du livre de Jean-Yves Blot et Patrick Lizé qui ont réuni de nombreux documents retrouvés dans les archives espagnoles, portugaises et françaises.
Voilà quel est le bilan de ces naufrages d'après ces études  : «  7 navires coulés, deux énormes caraques des Indes de 1800 tonneaux, chargées de pierres précieuses et d'épices, escortées par cinq galions de guerre portant la fine fleur de l'aristocratie portugaise, 2000 morts, 300 rescapés. Tout cela donna lieu à un imbroglio diplomatique entre la France et le Portugal, qui impliqua le duc d'Epernon, Richelieu, Louis XIII, l'Eglise et les grandes familles du Médoc. Car si les " bourgeois " de Saint-Jean-de-Luz recueillirent des naufragés, plus au nord, sur les côtes des Landes et du Médoc, les Français pillèrent les épaves et massacrèrent les survivants. »
 
 
 
 Une caraque

 
 De Gao :  Le roman débute avec le naufrage, sur la côte du Médoc, à Lacanau, de la caraque Sao Bartolomeu, avec à sa tête, le capitaine-mor Vincente de Brito, navire revenant des Indes.  ll y avait à bord cinq cents voyageurs et un chargement d’une valeur inestimable, épices, pierres précieuses, étoffes. Il n’y eut que douze survivants. Fernando Teixeira, jeune portugais, personnage fictif du roman est l’un des leurs. Pauvre, orphelin, il a été recruté de force dans l’armée portugaise et amené aux Indes où il eut une vie aventureuse qui finit par le conduire dans les geôles de la Sainte Inquisition à Goa. Gracié, il embarque pour un retour au Portugal sur le Saint Bartolomeu et projette de voler les diamants transportés à bord, avec l’intention de sortir de sa condition car « naître petit et mourir grand est l’accomplissement d’un homme » dit le poème d’Antonio Vieira, mis en exergue du roman :  « Pour naître le Portugal; pour mourir le Monde. »

Dans le Médoc :  Fernando va rencontrer Marie. Cette dernière, une fille qui sait se défendre, a blessé un fils de famille qui l’agressait et doit se cacher des autorités dans les landes sauvages du Médoc, chez son oncle Louis, un homme brutal, pilleur d’épaves. Celui-ci qui règne par la terreur sur un peuple de travailleurs primitifs et misérables. Ces hommes vont non seulement piller les richesses de la nef mais aussi achever les rares rescapés.


Piet Heyn, le commandant de la flotte hollandaise occupe Bahia

De Salvador de Bahia :  Au Brésil, vit Diogo, dont les parents ont été brûlés vifs pendant le siège mené par la marine Hollandaise pour enlever la ville aux Portugais. Ces derniers, avec à sa tête Dom Manuel de Meneses secondé par les espagnols, vont reprendre Bahia. A cette époque le Portugal, au grand dam des nobles portugais, était alors réuni à la couronne d’Espagne. Au cours de cette guerre Diogo et son ami, un indien Tupinamba, Ignacio, deviennent les aides de camp de Dom Manuel Meneses et partiront avec lui vers le Portugal. Plus tard, sommés par le roi d’escorter les caraques venues de l’Inde, leur galion le Santo Antonio et Sao Diogo fera naufrage devant Saint Jean de Luz.

C’est ainsi que Yan Lespoux mène ses trois personnages principaux à travers les océans et de points de l’horizon diamétralement opposés jusqu’aux côtes françaises où ils se rencontreront, une navigation houleuse et tumultueuse qui se double d’une traversée de l’enfance à l’âge adulte, tout au long de ce roman initiatique.

Le roman de Yan Lespoux est très enlevé et bien écrit ! Les descriptions sont à la hauteur des éléments déchaînés, des pays exotiques. De plus, l’écrivain se révèle un bon conteur et nous plonge dans un récit mouvementé et aventureux, agréable à lire par un effet proportionnellement contradictoire aux émotions rencontrées, plus j’ai peur, mieux c’est !  Oui, je sais ! Je dois avoir gardé mon âme d’enfant parce qu’après les romans qui parlent du froid, de la neige et de la survie dans le Grand Nord, juste après, j’adore toujours les récits de mers démontées et de bateaux en détresse, voire d’îles désertes.

 Découvrir la vie au bord d’une caraque ou d’un galion, braver les tempêtes, souffrir du scorbut, faire naufrage deux fois, échapper à l’inquisition, commercer avec les Indes, découvrir la misère et la sauvagerie des résiniers, des costejaires et des bergers des Landes dans notre France du XVII siècle, mesurer la misère des peuples, qu’ils soient colonisés, esclaves ou nés, comme Fernando, « au mauvais endroit », du mauvais côté de la barrière sociale, tout est passionnant !
 Le sérieux de la documentation nous permet de découvrir des faits historiques que je ne connaissais pas , ce naufrage, la reconquête de Bahia, la colonisation des Indes et la présence de l'Inquisition jusque là-bas,  et ceci, comme si on le vivait en même temps que les personnages. 

 

Dom Manuel de Meneses capitaine-mor du Sao Juilao et du Bartolemeu

De plus, le texte ne manque pas d’humour. J’ai aimé le personnage du noble portugais, le Fidalgo, Dom Manuel de Meneses, dont l’écrivain fait un portrait réjouissant par exemple lorsqu'il refuse d’échapper à la flotte anglaise plus nombreuse et mieux armée que lui à la faveur de la nuit. Il fait attacher un fanal à la poupe de son navire pour ne pas avoir l’air de fuir … d’où un premier naufrage quand il se fait canarder le lendemain matin  ! Ou encore en 1627 quand il discute de figures de style dans un texte de Lope de Vega avec Dom Manuel de Melo alors que son navire est en train de sombrer, malmené par les vagues de l’océan déchaîné. On rit de son sens de l’honneur qui n’a d’égal que sa stupidité mais qui finit par forcer l’admiration, porté à un degré tel que la démesure l’empêche d’être ridicule !  De plus sous ses airs de grand seigneur impassible, l’écrivain nous fait toucher l’homme, celui qui éprouve de la peur et trahit parfois ses faiblesses, un être humain, pas des meilleurs, mais humain, en quelque sorte ! Une personnalité historique que Yan Lespoux traite comme l'un de ses personnages et à qui il donne une complexité.
 

Donc un bon roman ! N'hésitez pas à embarquer ! A lire pour le plaisir de l’aventure et de la rencontre avec l’Histoire !  

Et puis, quand vous l'aurez lu, venez nous voir Fanja et moi,  pour nous dire ce que vous avez pensé de la fin ouverte du roman, l'écrivain ne précisant pas vraiment ce que ses personnages sont devenus !

Enfin, j'ajoute que j'aime ce livre parus aux éditions Agullo. Je trouve que c'est un bel objet  (conception de la couverture par Cyril Favory) avec la carte jaquette d'après Jan Huygen van Linschoten et les images de la première et quatrième de couverture d'Alfredo Roque Gameiro.

Fanja ICI 

Keisha ICI 

Je lis je blogue

Première de couverture

Quatrième de couverture
 


Chez Fanja