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vendredi 4 août 2017

Pause estivale : Lozère et derniers échos du festival

Lozère  : le Petit Arbre Tourmenté sur le chemin de l'Arbre Foudroyé


Philadelphie, deux frères vivent seuls dans une grande maison depuis la disparition de leurs parents. L'aîné, Treat, est un petit délinquant qui vole les passants, armé de son cran d'arrêt. Il rapporte bijoux et argent à la maison, où son petit frère, Phillip, un garçon un peu lunaire, guette son retour, non sans crainte car Treat a pour habitude de le terroriser. Un soir, Treat ramène chez eux un homme alcoolisé, un peu loufoque, Harold, qui lui paraît fortuné. Harold s'endort et les deux frères découvrent dans sa mallette beaucoup plus d'argent qu'ils ne l'imaginaient. Ils décident de le kidnapper pour l'échanger contre une rançon ... Ils obtiendront beaucoup plus...
 
Un peu trop bon sentiment pour mon goût.

1830. Hugo est le porte-drapeau du romantisme, Sand, celui du féminisme, et Balzac invente le réalisme. Tels leurs héros, ils sont tourmentés et rebelles. Leur vie privée est une source intarissable d’anecdotes, de combats politiques et de passions amoureuses.
Emportés dans l'explosif 19ème siècle, les spectateurs accompagnent Victor, George et Honoré, boulimiques de travail et d'amour, au milieu des génies de la peinture (Delacroix), du roman (Dumas), du théâtre (Musset) et de la musique (Chopin).
 Assez pédago.




C'est avec ses deux derniers spectacles que s'achève mon festival d'Avignon 2017.

Et maintenant pause estivale en Lozère pour fuir la canicule avignonnaise : 41° à l'ombre aujourd'hui!  Il paraît que dans quelques dizaines d'années, les régions du sud de la France connaîtront des température avoisinant les 55° .. si l'on ne fait rien pour inverser la courbe !

A bientôt ! Un bel été à tous !

mardi 1 août 2017

Fausse note de Didier Caron Festival OFF d'Avignon



Comment vivre confortablement avec son passé ? Faut-il l’effacer ou l’assumer ?
Nous sommes au Philharmonique de Genève, dans la loge du chef d’orchestre de renommée internationale, Alexandre Miller. A la fin d’un concert, ce dernier est importuné à maintes reprises par un spectateur envahissant, Léon Dinkel, qui prétend être un grand admirateur venu de Belgique pour l’applaudir.
Cependant, plus l’entrevue se prolonge, plus le comportement de ce visiteur devient étrange et oppressant. Jusqu’à ce qu’il dévoile un objet du passé…
Qui est cet inquiétant Monsieur Dinkel ? Que veut-il réellement ?
Un face à face poignant entre deux acteurs saisissants. 

La pièce paraît reposer sur un suspense mais il n'en est rien. Dès que Leon Dinkel est là, on comprend de quoi il retourne! Le spectateur sait que Alexandre Miller est nommé à l'orchestre de Berlin dont il est originaire. Il est fait allusion au chef d'orchestre Karajan qui était membre du parti nazi, et donc l'on comprend tout de suite que l'envahissant personnage vient démasquer la véritable identité d'Alexandre Miller. Il ne faut pas être grand devin pour deviner qui il est et ce qu'on lui reproche.
 J'ai trouvé cette pièce un peu lourde dans sa démonstration et la mise en scène plate, sans changement de rythme. Les réapparitions de l'importun visiteur auraient pu être traitées avec plus humour  et de fantaisie pour devenir de plus en plus inquiétantes. Faire rire pour mieux asséner la vérité. Un crescendo accompagné d'une montée de l'angoisse aurait donc été le bienvenue. Il n'en est rien ou seulement esquissé. Tout est sur le même ton et Christophe Malavoy est raide comme la justice (qu'il incarne, c'est vrai) d'un bout à l'autre de la pièce comme le veut la mise en scène. Quant au dénouement de la pièce, il paraît bien consensuel, avec le pardon magnanime du juif martyrisé envers le criminel nazi.
Un bon moment pourtant, quand Alexandre Miller s'empare du revolver et révèle ce qu'il pense vraiment des juifs alors qu'il avait protesté de son innocence et invoqué sa jeunesse au moment du drame. Cela rend le personnage plus complexe, plus trouble et pose le problème de la liberté humaine et de la responsabilité.
Bien sûr, Christophe Malavoy et Tom Novembre sont de grands acteurs et ont une présence indéniable. C'est pour les voir que j'ai choisi ce spectacle. Mais la pièce ne m'a pas entièrement convaincue.

Fausse Note
Théâtre du chien qui fume
  • Interprète(s) : Christophe Malavoy, Tom Novembre
  • Co-metteur en scène : Didier Caron, Christophe Luthringer
  • Assistante mise en scène : Isabelle Brannens
  • Lumières : Florent Barnaud
  • Scénographie : Marius Strasser
  • Costumes : Christine Chauvey
  • Son : Franck Gervais

lundi 31 juillet 2017

Quand souffle le vent du nord de Daniel Glattauer mise en scène Judith Wille Festival OFF d'Avignon


"Une faute de frappe... Et les e-mails d’Emmi atterrissent chez un parfait inconnu, Léo. De ce quiproquo, un dialogue s'engage. Tour à tour drôles, sensibles et piquants, ils se dévoilent avec humour et malice. Au fil des mots, sans se voir, ils s'attirent. Finiront-ils par se rencontrer ?
Après son succès à Paris et au Festival d'Avignon, la comédie contemporaine adaptée du best-seller de l’écrivain autrichien Daniel Glattauer revient pour notre plus grand plaisir !"


La pièce Quand souffle le vent du nord s’annonce agréable : Charmants comédiens, pétillants et pleins d’humour, dialogue vif, malicieux où chaque partenaire fait preuve à la fois d'une drôlerie et d’un esprit acéré. Décor modulable et ingénieux qui devient, en un tour de main,  bureau, lit, table de café, canapé…  Oui, tout partait bien ! Et puis… Pourquoi faut-il que ce qui aurait pu être une comédie légère, certes, bulle de savon, peut-être, mais agréable divertissement, prenne peu à peu le ton du mélo, avec vieux mari malade, enfants impotents ? J e n'ai pas lu le roman mais au théâtre je vous assure que cela ne passe pas. Du coup, l’on ne peut plus croire à cette histoire d’amour par correspondance qui vire au tragique et le tout devient un peu prétentieux. L’humour n’est plus là et l’on s’ennuie en trouvant la fin longuette.
Bon, les comédiens, eux, n’y sont pour rien. Ils étaient très bons dans la fantaisie et je me suis bien amusée en leur compagnie dans la première partie de la pièce.

Condition des soies
Quand souffle le vent du nord
À 19h00
Durée : 1h15
 du 7 au 30 juillet    
 Matriochka productions
 Interprète(s) : Caroline Rochefort, Stéphane Duclot
 Metteur en scène : Judith Wille

dimanche 30 juillet 2017

30 juillet dernier jour du festival OFF d'Avignon, dernière pièce...



1830, Sand, Hugo, Balzac Tout commence...  est la dernière pièce que je vais aller voir ce soir au festival  OFF d'Avignon 2017 ...  en fait dans un peu plus de deux heures !


 30 Juillet ! Dernier jour du festival OFF d'Avignon !  Mais cela fait déjà quelques jours que les rues d'Avignon se vident, que certains théâtres sont fermés, que les affiches disparaissent peu à peu...

Ce matin, en allant voir  le spectacle Orphans à l'Essaïon théâtre, j'entendais les compagnies qui se plaignaient du manque de spectateurs de cette dernière semaine surtout depuis jeudi. Effectivement le public qui doit retourner dans le nord essaie de devancer le fameux week end du mois d'août avec ses bouchons interminables.
Restent le public avignonnais et les courageux venus d'ailleurs, les irréductibles, qui vont jusqu'au bout. J'en fait partie.

Ce soir, à 18H30, je vais voir 1830 Sand Hugo Balzac tout commence de la compagnie Chouchenko au Théâtre Pandora. Espérons que je ne serai pas seule et que le spectacle me plaira pour finir en beauté. Vous le saurez dans les deux jours qui suivent ! J'ai encore quelques billets théâtre en retard avant de partir en Lozère. A bientôt !

Défaite des maîtres et des possesseurs de Vincent Message mise en scène Nicolas Kerszenbaum Festival OFF d'Avignon



« Il y a pour résumer trois catégories d'hommes : ceux qui travaillent pour nous ; ceux qui s'efforcent de nous tenir compagnie ; ceux que nous mangeons. Nous les traitons, tous, comme des êtres à notre service. »

"La compagnie "franchement, tu", dirigée par Nicolas Kerszenbaum, adapte "Défaite des maîtres et possesseurs", le trop lucide roman de Vincent Message, lauréat du Prix Orange du Livre 2016 : roman dystopique où l'espèce humaine n'est plus au sommet de la chaîne alimentaire, où nous ne sommes plus les maîtres et possesseurs de la nature, et où les nouveaux venus nous imposent le sort que nous réservions quelque temps plus tôt aux animaux. Roman d'épouvante, donc, mais aussi roman d'amour brechtien, où la puissance des sentiments permet la remise en cause radicale de l'ordre de notre monde. "

Je n'ai pas lu le roman Défaite des maîtres et des possesseurs mais je sais que Aifelle l'a beaucoup aimé aussi j'ai eu envie de voir l'adaptation. 
Dans un décor noir juste éclairé par des néons rouges ou blancs, évolue un couple : lui le monstre, venu d'ailleurs, d'une intelligence et d'une force supérieure à celles des humains, elle l'humaine, son "animal" de compagnie. Et l'amour entre eux. L'on comprend très vite le propos de l'auteur et la dénonciation de notre attitude vis à vis des animaux.  On pense, bien sûr, au roman de Pierre Boulle, La planète des singes qui offre aussi ce changement de point de vue.  Les comédiens disent très bien le texte qui a l'air poétique et descriptif.  Mais je n'adhère pas.  Les personnages sont désincarnés, le texte est froid, l'on ne peut ressentir de sentiments et de ce fait tout paraît être une démonstration et non pas une histoire réelle.  C'est dommage pour les comédiens qui méritent l'intérêt mais je suis restée en dehors.

Collège de la Salle
Durée : 1h30
à 13h15 : du 7 au 28 juillet
  • Interprète(s) : Marik Renner, Nicolas Martel
  • Musique : Guillaume Léglise
  • Lumières : Nicolas Galland
 

Une maison de poupée de Henrik Ibsen mise en scène Philippe Person, festival OFF d'Avignon

Une maison de Poupée : Philippe Calvario et Florende Le Corre
Voilà la note d’intention du metteur en scène d'Une maison de poupée, Philippe Person, qui interprète aussi un des personnages, l’avocat Krogstad.

« C’est Noël chez Torvald et Nora Helmer et Monsieur vient d’être nommé directeur de banque. Mais son employé Krogstad, menace de révéler le lourd secret de Nora. La Maison de poupée se transforme en cage de verre, le drame bourgeois en thriller hitchcockien. »

J'ajouterai le résumé rapide de l'intrigue que j'ai publié dans mon blog pour ceux qui sont intéressés :

Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke, Christine, est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. .. Suite ICI

La pièce mise en scène par Philippe Person n’est pas intégrale. Le personnage du docteur Rank est supprimé ainsi que les scènes avec les enfants et la nourrice. Certaines répliques sont élaguées et j’ai trouvé que la pièce n’avait pas assez de continuité, le rythme étant coupé, haché, par une présentation en tableaux successifs. Ce qui m’a paru gênant pour voir l’évolution des personnages.

La manière de traiter certains personnages secondaires m’a surprise aussi : Christine et Krogstad. Christine (Nathalie Lucas) qui représente une autre facette de l’aliénation de la femme et mériterait, à ce titre, d’être plus mise en valeur est assez effacée. Et Philippe Person qui joue Krogstad paraît prendre de la distance par rapport à son personnage et ne pas y croire du tout. Le dénouement heureux pour eux qui se sont aimés dans leur jeunesse est traité avec dérision, semble-t-il, par le comédien et metteur en scène. Peut-être parce que cela arrive trop brutalement, sans transition. Si on s’intéresse à ces deux personnages, il faudrait leur laisser plus de temps.

Reste donc le couple principal : Nora et Torvald Helmer. C’est sur eux que le metteur en scène a resserré l’intrigue. La comédienne Florence Le Corre qui interprète la femme-enfant, Nora, charmante et mutine, est convaincante et la scène finale nous permet de découvrir un Torvald  humain (Philippe Calvario) qui comprend, mais trop tard, ses torts envers son épouse. Ce sont des moments qui m’ont touchée. Je l'avais jugé trop brutal dans les scènes précédentes.
La cage de verre dont parle Philipe Person est peut-être ce huis-clos du salon de Nora qui permet aux spectateurs de s’immiscer dans l’intimité du couple, c’est aussi cette vitre qui coupe le décor et derrière laquelle se cache la boîte à lettres fatale.  J’avoue, par contre, qu’à aucun moment, je n’y ai vu le thriller Hitchcockien annoncé par le metteur en scène.
 Je n’ai donc pas tout aimé dans cette version de la pièce mais le spectacle, comme je l’ai souligné, a des qualités, en particulier  le jeu de Florence Le Corre, Nora.

Une maison de poupée de Ibsen
Mise en scène de Philippe Person
Théâtre de l’Oulle
Durée : 1h20
à 15h10 : du 7 au 30 juillet
Compagnie Philippe Person
Interprète(s) : Florence Le Corre, Nathalie Lucas, Philippe Calvario, Philippe Person



samedi 29 juillet 2017

Clouée au sol de George Brant mise en scène Gilles David festival OFF d'Avignon


"Une femme pilote qui n’a pas de nom, qui s’est construite à force de courage et de volonté avec pour seul objectif : devenir pilote de chasse pour l’US Air Force. Une rencontre de hasard, une grossesse accidentelle, mais acceptée avec joie. Puis l’appel du ciel qui se fait de plus en plus irrésistible. Quand elle se présente pour reprendre du service, c’est un drone qu’elle devra désormais piloter depuis une base militaire située à Las Vegas. La réalité de la guerre est bien là et malgré le danger de mort écarté, la frontière qui sépare sa vie de famille et la guerre devient de plus en plus poreuse. Enfermée dans une prison pour désobéissance, elle redécouvrira son humanité."

Cette pièce Clouée au sol  écrite par l’auteur américain George Brant, mise en scène par Gilles David, a  bénéficié du fameux bouche à bouche d’Avignon et de bonnes critiques si bien que j’ai voulu aller la voir. Je dois dire que cette pièce m’a mise mal à l’aise.

J’ai cependant tout de suite compris pourquoi elle a été plébiscitée. Le texte est porté avec  force par une actrice impressionnante, Pauline Bayle. Seule en scène, sur un plateau nu, sans aucun autre artifice que la lumière et le son,  elle interprète ce rôle difficile avec une implication totale. Elle entre dans la peau de ce personnage féminin à qui elle prête l’innocence de son visage et sa jeunesse. Pilote de chasse, major, ayant sous ses ordres des hommes qui la respectent, elle vit sa passion du vol, du « bleu » comme elle dit, son amitié virile entre « mecs », son mépris des femmes Barbie, son orgueil de châtier les « coupables ». Elle capte l’attention du spectateur et l’entraîne dans son drame.

Mais… cette femme qui largue ses bombes en Irak avec légèreté et insouciance m'a mise mal à l'aise.  Un jeu d’enfants :  « et Boum! » s’écrie-t-elle !  On se demande ce qu’elle a dans le cerveau, si elle est intelligente et si elle est humaine. Ce n’est que lorsqu’elle est amenée à piloter des drones et à voir ses victimes de près que son insensibilité va se fissurer.  Peut-être est-ce la maternité qui l’a rendue plus apte à éprouver de l’empathie? Peut-être est-ce parce qu’il n’y a plus de frontière entre la guerre et  la maison et qu’elle exerce ce  « travail »  comme n’importe qui, style métro boulot dodo. Plus de danger pour les militaires puisqu’ils sont très loin du théâtre de la guerre.

 Ce qui est super dans la pièce, c’est de voir la comédienne se transformer, perdre ses certitudes, avoir des doutes, glisser dans la dépression, le rejet. Mais ce qui est m'a gênée, quant au personnage, c'est  que son évolution ne peut avoir lieu que parce qu'elle est "clouée au sol". Si elle avait continué à piloter son Tiger, en plein ciel, aurait-elle continué à faire "boum" allègrement ?
Ce qui m’a interrogée aussi c’est que cette  pièce pose le problème au niveau individuel mais jamais collectif. L’auteur remet-il en cause les certitudes des américains et leur notion de Bien et de Mal ? Remet-il en cause les méthodes de l'armée américaine? Quand une bombe tombe, elle tue les "coupables". Et les autres ?

Je lisais la mise au point suivante dans une critique de la pièce :

" Les États-Unis, on le sait, disposent plus de 7.000 drones en service depuis plus de vingt ans ! Dont environ 200 appareils de haute altitude comme les  Predator, Repaer, etc. ce qui nécessite des budgets importants. Amnesty International accuse les États-Unis d’utiliser clandestinement ces drones pour des exécutions en violation absolue du droit international, et en faisant de très nombreuses victimes, comme au Pakistan, civils innocents ou proches des personnes visées… Elimination garantie ou presque de personnalités et chefs de guerre ennemis mais aussi… dommages collatéraux sans réplique possible donc sans aucun danger physique pour les équipes américaines ultra-compétentes et expérimentées qui les commandent bien à l’abri dans un désert, à des milliers de kilomètres de distance." Voir ICI


Le nouveau ring
Clouée au sol de George Brant
À 16h20
Durée : 1h20
du 7 au 28 juillet
  • Interprète(s) : Pauline Bayle
  • Traduction : Dominique Hollier
  • Mise en scène : Gilles David
  • Scénographie : Olivier Brichet
  • Eclairagiste : Marie-Christine Soma
  • Costumes : Bernadette Villard
  • Son : Julien Fezans
 

Ombres sur Molière de Dominique Ziegler festival OFF d'Avignon




Installée à Versailles, la troupe de Molière, l’Illustre Théâtre, s’est remise au travail et répète une nouvelle comédie pour l’ouverture des Plaisirs de l’île enchantée. C’est alors qu’elle apprend la mort d’un acteur. Excommunié pour avoir pratiqué son métier, il vient d’être conduit à la fosse commune… Terrassé et contre l’avis de ses compagnons, Molière entreprend l’écriture d’une nouvelle pièce pour le roi, réveillant la querelle entre l’Église et le Théâtre. Tartuffe voit le jour, jetant un voile sur la vie de l’auteur. Les ombres rôdent.

Dans ce décor rouge sang qui voit la consécration de Molière, protégé du roi, va se dérouler un épisode tragique de la vie du dramaturge. Tout d'abord dans sa vie privée : sa rupture avec Madeleine Béjart, son mariage avec Armande, la naissance de son  fils Louis qui devient le filleul du roi Louis XIV, vite suivi de la mort de l'enfant.  Ensuite dans sa carrière théâtrale : le Tartuffe va lui valoir les foudres de l'église et la haine de la Reine mère. La cabale des dévots se déchaîne sur sa tête avec une violence inouïe. Molière voit se profiler les bûchers de l'inquisition. Le roi est contraint d'interdire la pièce mais il sauve son protégé. La pièce ne  sera autorisée que plus tard, après une réécriture. Entre temps, il y aura Dom Juan qui n'arrange pas les affaires de Molière !

La pièce de Dominique Ziegler est assez surprenante parce que, écrite à notre époque, elle a un petit air désuet lié à l'emploi de l'alexandrin mais il faut reconnaître que le mètre passe bien et coule facilement. Il n'y a aucun essai de la rattacher à notre époque actuelle par une méditation sur le pouvoir et la liberté. C'est au spectateur de le faire s'il le souhaite. Non, l'auteur nous raconte une histoire qui a le mérite de faire comprendre la puissance de l'Eglise au XVII siècle, pouvoir qui pouvait contrebalancer celui de Louis XIV.
Le sujet est traité en comédie, ce qui n'empêche pas de souligner la violence des attaques contre Molière et les dangers qu'il encourrait, lui qui sera enterré de nuit et en cachette pour éviter les foudres de l'église.
Le spectacle est plaisant et a le mérite de faire connaître aux élèves, sous le couvert du rire,  (là, c'est le professeur qui parle, même à la retraite! ) comme à ceux qui ne connaissent pas bien cette époque et la vie de Molière, les dangers d'une religion fanatique et les contre-pouvoirs qui limitaient la monarchie absolue.


Ombres sur Molière de Dominique Ziegler 
Chêne noir  18h30

Durée : 1h35
  du 7 au 30 juillet -
Interprète(s) : Jean-Alexandre Blanchet, Caroline Cons, Jean-Paul Favre, Yves Jenny, Olivier Lafrance, Yasmina Remil 

vendredi 28 juillet 2017

Le chant du cygne-Fantaisie d'après Tchekhov Robert Bouvier Festival OFF d'avignon



Une salle de théâtre en pleine nuit. Lieu de tant de souvenirs et d’enchantements pour le vieux comédien qui s’y est endormi. Une arène aussi bien qu’un refuge, où il ne reste pas longtemps seul…
Un spectacle festif, entre dérapages et télescopages s’amusant des codes et paradoxes du théâtre et de la folie douce d’artistes rêvant de suspendre le temps. Des échappées rebelles dans un texte poignant d’humanité, dont les comédiens s’emparent intimement, laissant malicieusement leurs songes rimer avec mensonges, s’abandonnant à de joyeuses variations et digressions. Une version surprenante, conjuguant tendresse et légèreté et ménageant quelques savoureux coups de théâtre.

Le chant du cygne, c'est la dernière plainte sublime que lance le cygne avant de mourir. Ici, dans cette courte pièce de Tchekhov, c'est le chant du vieil acteur Vassili Vassilievitch Svetlovidov qui se retrouve seul dans un théâtre après s'être endormi dans sa loge. La salle noire, métaphore de la mort, l'effraie et sa vieillesse lui pèse, le souvenir de son ancienne gloire aussi. L'apparition du souffleur, le vieux Nikita Ivanitch le rassure et tous deux vont évoquer les succès du vieux comédien en célébrant les auteurs célèbres qu'il a servis de son art.

C'est à partir de cet texte que le metteur en scène Robert Bouvier réalise une libre adaptation à la  fantaisie  débridée dans laquelle nous entraînent deux excellents comédiens Roger Jendly et Adrien Gygax.  En fait les personnages sont doubles  : Roger joue son propre rôle et  interprète Vassili et Adrien est à la fois Adrien et Nikita. Ainsi a lieu une mise en abyme qui va permettre au spectateur de voir se créer le spectacle théâtral et de confronter le passé et le présent.

Le vaste plateau souvent plongé dans le noir au grand dam de Svetlovidov qui prend à partie le technicien, présente une table et des chaises où sont entreposés les verres de la fête au cours de laquelle on a oublié le vieil homme. Et puis le reste de la scène est vide, coupé seulement par deux rideaux, l'un blanc, l'autre représentant le tableau de Giandomenico Tiepolo, le Nouveau Monde, qui montre une foule de dos regardant une lanterne magique, allusion bien sûr à la magie du théâtre, monde de l'ombre et de l'illusion et pourtant peut-être "plus  vrai que la vie".

La tristesse qui s'empare du vieil acteur a pour ponctuation les rires que provoquent son ivrognerie et ses exhortations à la tempérance, ses trous de mémoire qui obligent les deux personnages à reprendre le texte tout en modifiant avec humour les jeux de scène. Et puis soudain, le vieillard renaît de ses cendres, et nous transmet son amour des beaux textes qu'il dit magnifiquement.
 Le souffleur quant à lui est interprété de manière cocasse par Adrien Gygax qui nous propose plusieurs versions différentes et hilarantes de ce personnage tout en se plaignant, en tant qu'Adrien, des caprices du metteur en scène. La mise en scène se fait et se défait sous nos yeux pour notre grand plaisir.
 En même temps et toujours en provoquant le rire, il y est question  de la disparition du rôle du souffleur dans le théâtre contemporain et de ses équivalences technologiques, oreillette, surtitrage... des mises au point sur le son, sur  la lumière. La scénographie et ses secrets se mettent en place.  Nous sommes au coeur de la création. Tout nous parle du théâtre, de cette passion qui habite Svetlovidov et Nikitouchka et qu'ils transmettent aux spectateurs.  

La pièce est donc un bel hommage au théâtre et aux grands auteurs, c'est aussi une réflexion nostalgique sur la vieillesse et la mort et le  regret de la jeunesse enfuie. Entre rire et émotion. Pourtant, je place ici un petit bémol :  j'ai trouvé que  la mise en abyme, aussi riche soit-elle, détournait parfois de l'histoire du "vrai" Vassilievitch, c'est pourquoi je suis curieuse de voir un jour la pièce de Tchekhov. Mais ne boudons pas notre plaisir, le spectacle est intéressant et je l'ai beaucoup aimé.


Théâtre Girasole
Le chant du Cygne -Fantaisie
À 20h30
Durée : 1h15
à 20h30 : du 7 au 30 juillet
Compagnie du Passage
Interprète(s) : Roger Jendly, Adrien Gygax 
Metteur en scène : Robert Bouvier 
Collaboration artistique : Vincent Fontannaz
  • Scénographie, costumes : Catherine Rankl
  • Musique originale : Mirko Dallacasagrande
  • Univers sonore : Julien Baillod
  • Création lumières : Pascal Di Mito
  • Création vidéo : Alain Margot
  • Maquillage : Talia Cresta
  • Régie générale : Bastien Aubert
  • Administration : Danielle Monnin Junod
  • Production : Damien Modolo
  • Diffusion : Créadiffusion
 

jeudi 27 juillet 2017

Visites à Mister Green de Jeff Baron festival OFF d'Avignon


Ross, jeune cadre chez Américain Express, renverse avec sa voiture Mr Green, un vieillard de 86 ans. Accusé de conduite dangereuse, il est condamné à rendre une visite hebdomadaire à sa victime durant 6 mois. Mister Green, vieil homme irascible, refuse toute aide et toute compagnie. Il veut juste un peu de paix et de tranquillité. Lorsque Ross se présente chez lui sans y être invité, il ne lui fait pas bon accueil, c'est le moins que l'on puisse dire.

La pièce Visites à Mister Green de Jeff Baron, écrivain et dramaturge américain, a obtenu de nombreux prix dans le monde ainsi qu’un Molière en France. Et on le comprend ! Voici une pièce dont le dialogue vif, brillant, est à la fois source d’humour et d’émotion, un beau texte qui ne cesse de nous toucher. Une pièce qui, tout en tenant le spectateur en haleine, est une belle leçon de tolérance et d’amitié.

Mister Green est un vieil homme qui vient de perdre sa femme. Il s’enfonce dans la solitude et perd le goût de vivre. Peu à peu nous le découvrons : son amour pour son épouse disparue, son attachement à la religion juive qui le rend intolérant, intransigeant et peu compréhensif envers ceux qui, d’après lui, outrepassent les principes… comme sa propre fille par exemple ! Juif lui aussi, Ross souffre de l’intolérance de son père et de la société qui le rejettent parce qu’il est homosexuel. Il n’ose pas s’affirmer en tant que tel et souffre de cette vie de mensonges.
Les deux hommes vont peu à peu nouer de difficiles liens d’amitié et apprendre l’un de l’autre. L’intolérance et le rejet font souffrir aussi bien ceux qui subissent que ceux qui haïssent. L’évolution des deux personnages mène à un dénouement où l’espoir est possible !

Le décor très réaliste montre un appartement, cuisine et salon, figé dans le temps. Le spectateur est amené à voir dans le mobilier vieillot et usé les traces de la vie du vieux couple; dans la saleté et le désordre qui règnent, la disparition de l’épouse modèle, si docile et si prompte à faire plaisir à son mari.  "Jamais une dispute !"  proclame le vieillard. Oui, mais… je ne vous en dis pas plus et vous laisse le découvrir !

Les deux comédiens qui interprètent ces rôle sont excellents et font mouche à chaque coup : nous rions avec eux et nous partageons leur souffrance et la difficulté d’être.
Jacques Boudet est un formidable Mister Green, bougon, entêté, plein de préjugés, et pourtant profondément humain quand sa carapace peu à peu se brise. Thomas Joussier qui est aussi le metteur en scène est un Ross altruiste, compatissant, profondément blessé par ceux qui l’entourent. Tous deux nous touchent et nous retournent.

Visites à Mister Green est le coup de coeur que j’ai attendu pendant tout le festival même si j’ai vu des pièces qui m’ont beaucoup plu par ailleurs.

Visites à Mister Green de Jeff Baron
Mise en scène de Thomas Joussier
Chien qui fume à 10h45
Durée : 1h20
:du 7 au 30 juillet - Relâches : 12, 19, 26 juillet


La tempête de Shakespeare Compagnie Les Têtes de Bois festival OFF d'Avignon



Avant cette représentation de La Tempête mise en scène par  Mehdi Benabdelouhab, j'avais  déjà vu la pièce de Shakespeare au festival d’Avignon  : ICI  et aussi  au festival de Marseille, en danse contemporaine : ICI

L'intrigue de la pièce de Shakespeare

La tempête : le naufrage

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbrent les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

La compagnie les Têtes de Bois

Prospéro et Ariel marionnette
 La compagnie Les Têtes de Bois signe, avec cette mise en scène de La Tempête, un spectacle à fois poétique, burlesque et tragique, les trois dimensions que nous offre le texte de Shakespeare.
Le metteur en scène Mehdi Benabdelouhab veut, en effet, souligner sous la magie et la féérie, l’amertume de la pièce et le pessimisme du dramaturge face à la nature humaine. Dans cette pièce, en effet, la lutte pour le pouvoir est âpre et ne recule devant aucune forfaiture, usurpation, trahison, meurtre. Prospéro a été évincé du pouvoir par son frère Antonio, Sébastien projette de tuer son frère Alonso, le roi de Naples. Du simple marin à l’aristocrate, tous complotent pour dominer les autres et les soumettre. Et si Prospéro parvient à les réconcilier, il lui faut pour cela utiliser ses pouvoirs magiques et user lui aussi, de violence. C’est une pièce où il est toujours question de liberté car personne ne peut en jouir : C’est ce que réclame Caliban mais aussi Ariel. Tous sont prisonniers et ne peuvent s’échapper.  Les jeunes gens, eux aussi, sont soumis à une stricte obéissance. Même Prospéro qui domine les autres n’aura plus aucun pouvoir quand il renoncera à la magie.

 La mise encore scène inventive, enlevée, met donc en relief la complexité de la pièce servie par une très belle scénographie, toile blanche qui devient proue et voiles du navire secoué par la tempête, vagues monstrueuses qui montent à l’assaut des spectateurs, au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre, action rythmée par la musique jouée in situ, jeux de lumière, tout contribue à emporter le spectateur dans le rêve. Les costumes sont aussi d’une grande beauté, kimonos bleu et rouge de Miranda, magnifique tenue de samouraï pour les hommes. Aucune raison de justifier ce choix esthétique, les lieux shakespeariens sont si flous et l’île de Prospéro est de toutes façons située dans un ailleurs poétique…

La tempête : Caliban et les marins

Si Prospéro et les jeunes amoureux encore innocents sont visages nus, les autres personnages portent des masques, comme pour mieux effacer leur nature humaine et révéler l’animalité en eux. Ainsi Caliban, mi-bête, mi-homme et les marins ivrognes et stupides qu’il se donne pour maîtres ! Ce sont eux qui représentent le grotesque shakespearien que prônait Victor Hugo pour le drame romantique. J’ai pourtant une peu regretté que Caliban soit traité toujours de la même manière dans le mode comique car cela ne rend pas assez compte de sa sensibilité à la beauté de la nature, ni du symbole qu’il représente, celui de l’indigène colonisé par des maîtres qui le considèrent comme un  « Sauvage » mais qui ne sont pas meilleurs que lui.
Quant à Ariel, l’esprit du vent, il apparaît tour à tour sous la forme d’un visage lunaire derrière la toile de fond, ou comme une marionnette, fragile, pleine de poésie.
Les comédiens sont bons dans tous les registres mais je me suis interrogée sur la place donné au trio comique de Caliban qui prend beaucoup d'importance par rapport à Prospéro, Miranda et Sébastien. Il me semblait que ces derniers avaient un rôle plus long dans la pièce? Mais il s’agit d’un ressenti personnel et je peux me tromper.
Quoi qu’il en soit j’ai beaucoup aimé cette belle et intéressante interprétation.

Caliban, Prospéro et Miranda


mercredi 26 juillet 2017

L'histoire d'une femme de Pierre Notte festival OFF d'Avignon


J’ai vu un homme à vélo, se rapprocher d’une passante, elle traversait la rue, il roulait, je l’ai vu ralentir, lui mettre une main aux fesses, et repartir en riant. La femme s’est effondrée. Je me suis approché, je voulais lui demander pardon au nom de toute l’humanité des hommes, elle m’a rejeté, parce qu’elle a vu en moi une autre menace, un autre danger masculin". Pierre Notte

Pierre Notre, est un auteur qui m’intéresse depuis que j’ai vu  ses pièces Les pédagogies de l’échec  au théâtre des Halles et  Ma folle otarie. L’histoire d’une femme  m’a donc attirée, à priori.

Avant le spectacle, la comédienne Muriel Gaudin pose des questions aux spectateurs : combien y a t-il de femmes directrices d'un théâtre? Combien de femmes entrepreneurs? Quelle est la différence entre le salaire d’un homme et celui d’une femme? etc..   Si vous répondez juste vous gagnez une pastille vichy. Une mise en bouche si j’ose dire pour le spectacle féministe qui nous attend.

La pièce est faite de petits récits qui se succèdent et qui finissent par former le portrait de cette femme, de son enfance à cet instant où elle gît sur la chaussée, évanouie. Tout la ramène à ce choc traumatique : sa chute de vélo lié au geste humiliant et violent d’un homme.
Au cours de ces histoires successives, on comprend bien pourquoi celle-ci ne supporte plus les hommes et pourquoi elle se réfugie dans le silence. Mais la pièce ne m’a pas complètement convaincue parce qu’il y a trop de redondances dans la goujaterie sexuelle des hommes :  après le vélo, elle est agressée deux fois dans le métro.  On finit par se demander s’il existe un homme bien sur cette planète ! Puis les fantasmes de cette fille, ses excès, tout une manière d’agir ne la rendent pas sympathique; les relations qu’elle noue avec le collégien sont assez bizarres et finalement peu crédibles. Après tout, on comprend pourquoi ses collègues masculins et même son patron ne peuvent plus la supporter malgré une certaine bonne volonté de leur part !
Je sais bien que l’auteur veut montrer la libération d’une femme mise sous éteignoir par les hommes, son père, son frère, son ex, ses collègues, les voisins, les obsédés qu’elle rencontre dans la rue. Mais trop, c’est trop ! Plus qu’une pièce féministe, j’y ai vu l’analyse d’un glissement vers la folie. Quant à sa libération de l’hôpital psychiatrique, elle est loin d’être rassurante !
Donc, j’ai des restrictions par rapport à la pièce. Cependant, Muriel Gaudin porte sur ses épaules ce rôle lourd et difficile et elle y est excellente.


L'histoire d'une femme de Pierre Notte
Théâtre 3 Soleils 13H40
 metteur en scène : Pierre Notte
interpète : Muriel Gaudin

mardi 25 juillet 2017

Carmen Flamenco d'après Mérimée, Bizet, Louise Doutreligne Festival OFF d'Avignon


Carmen Flamenco : Ana Perez, José luis dominguez, Luis de de la Carrasca, Magali Paliès

Pour ce spectacle Carmen Flamenco, ce n’est pas Carmen que j’ai choisi  (je connais trop le livre et l’opéra ! ) ni le flamenco (je ne connais pas du tout!) c’est le metteur en scène Jean-Luc Paliès et sa complice Louise Doutreligne dont j’ai vu il y a quelques années les inoubliables Dom Juan d’origine et Vita brevis.

Carmen flamenco est un spectacle écrit par Louise Doutreligne à partir de l’histoire de la Carmen de Mérimée et Bizet, mêlant chants lyriques, Cante Jondo et danses Flamenco. Le Cante Jondo ou chant profond en espagnol andalou est un un type de chants anciens à l’origine du Flamenco. C’est du moins la définition simplifiée que j’ai pu trouver sur le net. Un curieux mélange au départ mais qui se complète parfaitement.



Sur scène un beau rideau de scène représente les remparts de Séville, noirs sous un ciel écarlate. Un comédien incarne le personnage principal, José. Il est allongé sur un lit, dans sa prison. C’est le narrateur. Il n’interprète pas le rôle, il est plutôt le passeur car il introduit les personnages et les met en présence tout en déroulant le fil du récit.
L’opéra de Bizet - chanté en espagnol - est étroitement liée au répertoire gitan andalou, la voix du chanteur flamenco, Luis de la Carrasca, et celle de la chanteuse lyrique Magali Paliès offrant un duo réussi. Tous les personnages sont ainsi chantés et/ou dansés par un couple de « bailaores », accompagnés par deux musiciens à la guitare et au piano.
Je n’ai pas eu besoin de connaître  les règles et les principes du Flamenco pour apprécier la virtuosité des danseurs, des musiciens et du chanteur, leur complicité entre eux et la précision de cette danse, la rigueur qu’elle réclame dans chaque geste des mains ou claquement des pieds. Le rythme est fou et endiablé, crescendo, mais reste toujours parfaitement maîtrisé. C’est beau, entraînant, joyeux et sauvage à la fois, et surtout cette mise en scène renouvelle l’opéra, lui apportant quelque chose d’un peu fou, de libéré, qui est dans le caractère de Carmen, la rebelle.
Ici, contrairement à l’opéra, ou du moins aux mises en scène que j’ai vues, Carmen n’apparaît pas comme une femme fatale et mauvaise qui entraîne le pauvre et faible héros dans la déchéance. C’est avant tout une femme libre aussi bien par rapport à la société que sexuellement, par rapport aux hommes. En fait, c’est elle qui est la victime de José dont le caractère violent s’est affirmé bien avant qu’il ne la connaisse. Plusieurs fois meurtrier, il ne supporte pas qu’elle lui échappe.
Un spectacle original, passionné, que je suis heureuse d’avoir vu !


Carmen Flamenco de Louise Doutreligne au Chêne noir
À 22h00
Durée : 1h10
+33 (0)4 90 86 74 87
 Danse-théâtre
Interprète(s) : Luis de la Carrasca, Magali Paliès, Benjamin Penamaria, José Luis Dominguez, Jérôme Boudin-Clauzel, Ana Pérez, Kuky Santiago
Metteur en scène : Jean-Luc Paliès 
Technicien son : A. Dalmasso 
Création lumières : JM Dutriaux

Les bonnes de Genêt mise en scène de Katie Mitchell Festival In d'Avignon


De Meiden d'après les Bonnes de Jean Genêt, mise en scène de Katie Mitchell

J'ai lu et présenté Les Bonnes dans mon blog ICI 
Deux bonnes, Claire et Solange, profitent de l'absence de Madame pour investir sa chambre : Claire enfile une robe de sa maîtresse et devient Madame et Solange joue le rôle de sa soeur cadette Claire. Leur conversation nous apprend par bribes et par recoupements que Claire a accusé Monsieur de malversations par une lettre anonyme. Il est maintenant en prison. Et Solange a cherché à tuer Madame sans avoir le courage d'aller jusqu'au bout. Mais elles reçoivent un coup de téléphone de Monsieur qui est libéré et comprennent qu'il a découvert la vérité et va la révéler à Madame. Elles décident de tuer leur maîtresse en empoisonnant son tilleul. Celle-ci qui a appris la bonne nouvelle part rejoindre son amant en refusant de boire la tisane. Solange et Claire reprennent leur jeu de rôles. Claire redevenue Madame boit le tilleul présenté par Solange-Claire et meurt. Toutes deux ont perdu le sens de la réalité et leur véritable identité. 

La pièce surtitrée est présentée en néerlandais et polonais car Katie Mitchell, metteure en scène anglaise qui vit au Pays-Bas, a voulu transposer l'action de la pièce de Genêt à Amsterdam, dans un milieu bourgeois qui emploie (et exploite) des bonnes immigrées polonaises. Ceci afin de mieux coller à l'actualité. 
Autre transposition qui personnellement me convainc moins, Katie Mitchell fait de Madame un transsexuel. Féministe, elle ne veut pas montrer l'exploitation des femmes par une femme mais par un homme. A la limite ceci me paraît parfois gênant car les séances d'habillage de "Madame"  avec le harnachement spécial pour la transformation d'un homme en femme paraît anecdotique et détourne l'attention du sens de la pièce.

Sur la scène, une chambre à coucher cossu et un dressing bien fourni. Le décor rompt le huis clos par l'aménagement d'un couloir, espace qui permet une échappée vers la cuisine : deux domaines séparés et opposés. La metteure en scène, en effet, met l'accent sur le conflit social, l'exploitation des bonnes, la maltraitance.
 Genêt faisait agir Madame comme une privilégiée un peu sotte, égocentrique voire égoïste, incapable de comprendre les sentiments des  personnes à son service et de ce fait les humiliant sans même s'en rendre compte. Katie Mitchell, elle, met en scène une "Madame", homme brutal, violent, qui humilie physiquement les bonnes, en les frappant et les terrorisant. La Madame de Genêt est "bonne" envers ses "bonnes"; l'auteur joue d'ailleurs sur ces mots. Du coup, l'humiliation est plus subtile et plus perverse finalement que celle imaginée par K. Mitchell. 

La mise en scène propose donc un point de vue auquel je n'ai pas complètement adhéré mais qui se défend même si le spectacle est un peu froid. Mais il faut dire que les monstrueuses bonnes de Genêt ne peuvent pas attirer l'empathie et pour cause !  Ajoutons que les trois comédiens sont excellents. 


lundi 24 juillet 2017

La fille de Mars d'après le Penthésilée de Von Kleist Festival In d'Avignon

Achille et Penthésilée : la fille de Mars mise en scène de Jean-François Matignon
La fille de Mars d'après Penthésilée de Von Kleist

"Sur le plateau, Penthésilée l'Amazone apparaît. Elle raconte l'histoire. Celle qui a eu lieu, il y a longtemps, celle du siège de Troie. Elle y a combattu Achille qui a perdu la vie par amour pour elle, alors que la guerre ne devait engendrer que des captifs et des naissances. Penthésilée et Achille sont morts maintenant. C'est dans ce lieu, près des corps des amants, que celle qui revient d'après la catastrophe, raconte. Elle parle de l'histoire de son peuple depuis ses origines, de la loi des Amazones, des ultimes paroles d'Otréré, sa mère, de sa rencontre avec Achille, rencontre solaire sur le champ de bataille, et du bouleversement radical qui la saisit et l'entraîne loin de son devoir. Penthésilée se remémore « l'onde de choc », les corps engagés dans une guerre amoureuse, la terre brûlée, vibrante, zone de stridences et de crissements. Jusqu'au bout, par la force de la parole, elle rejouera la mise en scène de cet amour à mort, sous le regard de sa confidente et amie de toujours, Prothoé. La langue de Heinrich von Kleist, dans la traduction de Julien Gracq, fait revivre le chant désespéré de cette femme qui se déchire entre la culture qui l'a façonnée et la brûlure incandescente du premier homme".


Je ne connaissais qu'une pièce Le prince de Hombourg de Heinrich Von Kleist, écrivain romantique allemand, c'est pourquoi j'ai tenu à voir La fille de Mars que j'ai découverte pour la première fois dans la mise en scène de Jean-François Matignon.

 Sur le plateau des jeux de lumière, des clairs-obscurs, permettent au spectre de Penthésilée morte depuis longtemps de revenir des Enfers pour nous conter l'histoire : son amour fou pour Achille et sa condition de reine des Amazones. Elle se débat dans un conflit entre l'obéissance aux lois de son peuple dont elle est la représentante et la passion qu'elle éprouve pour le valeureux héros grec, Achille. Les filles de Mars sont vouées au dieu de la guerre, Mars, et ne doivent pas choisir leurs amants; elles doivent vaincre les hommes qu'elles attaquent, et se servir de leurs prisonniers comme reproducteurs, c'est tout. Sur les pans des murs écroulés d'un antique cité, défilent des images des fondatrices du peuple des Amazones. Mais le reste du plateau paraît bien encombré avec son arbre mort, ses fleurs, ses animaux empaillés.

Le metteur en scène a dédoublé le personnage de Penthésilée, celle qui est dans l'action n'est donc pas la même que celle qui raconte. Pourquoi pas? Une mise à distance entre le passé et le l'actualité du récit, une façon pour la Penthésilée disparue de faire revivre le présent. Mais il se trouve que la comédienne qui interprète la Penthésilée vivante est peu convaincante et j'ai trouvé, de plus, que l'acteur qui joue Achille, n'était pas à la hauteur et ne paraissait pas dans le coup.  Difficile alors d'apprécier la représentation.

La langue de cette pièce est recherchée mais paraît dépassée. Romantisme désuet ou ampoulé, peut-être ? La comédienne qui joue la Penthésilée morte a une très belle voix mais le texte sonne d'une manière grandiloquente ; on peut dire la même chose de celle qui raconte la fin terrible d'Achille, long récit qui narre la mise à mort du Héros comme dans une pièce classique. La pièce est longue, parfois redondante comme lorsqu'elle revient à deux reprises sur l'histoire des Amazones. Et surtout,  je ne me suis jamais sentie concernée par cette fille de Mars dont la passion dévorante et destructrice qui se poursuit en longs actes soporifiques ne m'a jamais touchée. Le débat qui l'agite est pourtant très courant dans la tragédie mais là je n'ai senti aucune empathie envers ses sentiments.  Le personnage est trop loin de nous, trop barbare, et m'a même été assez vite insupportable ! Je suis restée jusqu'au bout, ne voyant pas un moyen de m'échapper sans faire trop de bruit mais je me suis ennuyée !


 

vendredi 21 juillet 2017

Intra Muros de Alexis Michalik festival OFF d'Avignon


Résumé de la pièce de Alexis Michalik  : Intra-muros.
"Tandis que l'orage menace, Richard, un metteur en scène sur le retour, vient dispenser son premier cours de théâtre en centrale. Il espère une forte affluence, qui entraînerait d'autres cours - et d'autres cachets - mais seuls deux détenus se présentent : Kevin, un jeune chien fou, et Ange, la cinquantaine mutique, qui n'est là que pour accompagner son ami. Richard, secondé par une de ses anciennes actrices - accessoirement son ex-femme - et par une assistante sociale inexpérimentée, choisit de donner quand même son cours…"


Intra-muros, oui, quatre murs, quelques chaises, un éclairage assez triste, le décor dénudé d'une prison et un huis-clos d'où nous allons pouvoir nous évader par la force de l'imagination. Car c'est cela le théâtre et c'est ce que Richard apprend à ses "élèves" détenus, l'imagination ouvre les portes de toutes les prisons et le théâtre permet  de vivre une vie rêvée à côté de celle qui est réelle... A moins que la vie rêvée ne soit la vraie ? Car le spectateur va à tâtons dans cette découverte d'une histoire qui en entraîne une autre, puis une autre, comme des poupées gigognes.

D'Alexis Michalik, j'avais vu deux pièces en 2015 :  Le cercle des Illusionnistes et le porteur d'histoire et je retrouve ici dans Intra-muros le style de l'auteur qui mêle réel et imagination, qui fait endosser tour à tour par chaque comédien l'un ou l'autre des personnages. Peu à peu se construit une histoire, par bribes, par petits morceaux qui s'assemblent comme un puzzle en révélant parfois des instants surprenants.
 J'ai cependant un peu moins aimé que les deux spectacles susdits, le sujet est moins fantastique, et certains moments de la pièce sont un peu démonstratifs ou attendus : ainsi le récit de l'adolescence du jeune des cités ou le choix d'un nationaliste corse comme détenu. 
Cependant les comédiens qui les interprètent sont tous convaincants et la pièce nous balade entre rire et émotion. Un bon spectacle !

Intra Muros
Théâtre Des Béliers
À 10h30 / 22h35
Durée : 1h40
du 7 au 30 juillet - relâches les 14, 21, 28 juillet
Séances supplémentaires à 22h35 les 13, 20 & 27 juillet
 Interprète(s) : Jeanne Arènes, Paul Jeanson, Bernard Blancan, Alice De Lencquesaing, Fayçal Safi, Raphaël Charpentier 
Metteur en scène : Alexis Michalik
Acmé production 

jeudi 20 juillet 2017

Festival OFF d'Avignon : Lysistrata d'Aristophane



Depuis que j’ai lu Lysistrata au cours d’une lecture commune, j’avais envie de voir cette pièce qui est un beau plaidoyer contre la guerre et pour une vraie démocratie et aussi un texte féministe avant la lettre. Voilà ce que j’en écrivais à l’époque :

La comédie d'Aristophane, Lysistrata, est jouée en 411 av. JC, dix-huit mois après la défaite des Grecs en Sicile. Athènes se relève mal de cette déroute, affaiblie par les pertes en hommes. D'autre part la guerre du Péloponnèse qui oppose Athènes à Sparte avec de brèves trêves dure depuis 431. (Elle ne finira qu'en 404 avec la victoire de Sparte)
Aristophane écrit cette pièce pour dénoncer les horreurs de cette guerre fratricide et dire le bienfaits de la paix. Il imagine que ce sont les femmes qui vont intervenir pour contraindre leurs époux à conclure la paix puisque ceux-ci sont incapables d'être raisonnables.
Lysistrata*, une jeune athénienne prend la tête de ce mouvement en donnant rendez-vous à ses amies au pied de l'Acropole. Elle a un plan qu'elle va soumettre à l'assemblée :  pour convaincre les hommes de mettre fin à la guerre, les femmes doivent faire la grève du sexe en se refusant à leur mari tant  que ceux-ci n'auront pas signé la paix. Elles se barricadent ensuite sur l'Acropole où est déposé le trésor d'état et refusent que celui-ci soit utilisé pour la guerre. Elles prennent ainsi le pouvoir et décident de gérer le budget de la ville comme elles le font pour celui de la maison. Evidemment, les épouses de toutes les régions de la Grèce feront de même.
Voir la suite  ICI

La jeune compagnie qui interprète la pièce dégage une belle énergie, courses effrénées, fureur, cris et tremblements, participation (involontaire) des spectateurs. On peut dire que l’ensemble est enlevé et que les comédiens n’épargnent pas leur souffle ! Le spectacle est tiré vers la farce et provoque le rire des spectateurs.
 Il manque, cependant la dimension politique de la pièce - en particulier la réflexion sur la démocratie, sur la corruption des hommes politiques, sur l’égalité de tous les citoyens étrangers ou non, sur la nécessité de travailler pour le bien commun…  Ce qui fait d’Aristophane un auteur universel. A travers les siècles, il nous donne une belle définition de la démocratie que nous n’avons pas encore atteinte aujourd’hui !  Et comme ce sont les femmes qui développent cette conception, on peut voir combien il est en avance sur son temps !
Cet aspect de la pièce m’a paru juste amorcé et le texte semble ne pas être intégral et avoir subi des coupures. Les acteurs sont sympathiques et l’on passe un agréable moment en leur compagnie.


Lysistrata théâtre Atelier 44
à 16h50 : du 7 au 30 juillet

Compagnie La STRADA 

Metteur en Scène : Olivier Courbier

 Interprète(s) : Félicien Courbier, Léonard Courbier, Sidonie Gaumy, Lucile Marmignon, Aylal Saint-Cloment, Noémie Zard 

 

 

mercredi 19 juillet 2017

Festival Off d'Avignon : Logiquimperturbabledufou mise en scène de Zabou Breitman


Logiquimperturbabledufou de Zabou Breitman

"Le terme de « logique imperturbable du fou », provient d’une phrase dans le roman de Lydie Salvayre, que j’ai adapté au théâtre La Compagnie des Spectres. « Logiquimperturbabledufou », la phrase se lit d’un jet, comme si une personne l’avait écrite d’une écriture automatique, de manière intuitive. De cette façon, le titre est comme un cadavre exquis, une technique que j’utilise dans la mise en scène, où l’on passe d’une séquence à l’autre, sans transition classique. Ici, on se situe chez les fous, et le fou a raison : c’est ça la « logique imperturbable ». Cela dit, comme l’écrit Tchekhov, ne sommes-nous pas tous plus ou moins atteints de ces névroses bien ancrées, dans cette « logique imperturbable » dont on parle… "  Texte de Zabou Breitman 




Dans la pièce Logiquimperturbabledufou mise en scène par Zabou Breitman, celle-ci s’appuie sur des textes de Tchekhov, Lewis Caroll, Shakespeare, de l’humoriste Zouc et d’elle-même.

Si elle nous entraîne dans l’exploration de la folie, maladie mentale, c’est aussi le monde de l’absurde et du surréalisme que nous sommes amenés à côtoyer, ceci en prenant le partie de nous faire rire. Et c’est vrai que l’on rit dans ce spectacle monté par Zabou Breitman. L’on va de surprises en surprises tant la mise en scène est aussi folle que le sont les personnages qui évoluent sur scène.

Au début, l’on se dit que les malades ne sont pas fous car leurs propos paraissent construits et raisonnables. C’est cela la logique imperturbable du fou. Il voit le monde différemment et pense que c’est la bonne façon de le voir. 
Le spectateur s’aperçoit bientôt que les médecins et les infirmiers font la même chose avec leur protocole de soins qui semble les rassurer et mettre de l’ordre là où il n’y en pas, avec leurs règles rigides, leurs certitudes de détenir la vérité. Peut-être est-ce pour mieux lutter contre le vertige qui les prend quand on côtoie ainsi la folie de si près. Car dit Tchékov et Zabou Breitman avec lui  : « Du moment qu’il existe des prisons et des asiles, il faut bien qu’il y ait quelqu’un dedans. Si ce n’est vous, c’est moi ; si ce n’est pas moi c’est quelqu’un d'autre".

Le spectateur est entraîné dans des raisonnements absurdes, des situations cocasses, dans un univers à l’envers. Sur cette scène vide traversée parfois par des fauteuils roulants, des chariots de médicaments, des lits médicaux, évoluent des infirmiers en blouse blanche bizarrement coiffés : entonnoir, couvre-chef du Chapelier fou, couronne de la Reine de Coeur. Les lapins semblent proliférer, sautant dans tous les coins, se figeant dans les jeux de lumière, sous l’éclair qui les surprend dans la nuit noire.  Drôle d’hôpital ! Nous sommes dans le monde d’Alice au pays des Merveilles, un univers absurde ou rien n’obéit à la logique et la raison. Quant aux fous, ils se révèlent peu à peu véritablement malades. C’est ce que nous découvrons à travers les répétitions de leurs plaintes et de leurs maux. Et si l’on rit d’eux, il n’en reste pas moins que leur souffrance est réelle et que l'on ne peut l'oublier.

Les quatre jeunes comédiens sont excellents . Ils jouent à merveille l’absurde, la dérision et la déraison. Ils sont danseurs, équilibristes, acrobates. Leurs évolutions capricieuses, hasardeuses, hilarantes parfois, qui semblent n’obéir à aucune loi, sont, bien au contraire, réglées par une chorégraphie précise, une mise en scène rigoureuse et maîtrisée.

Un  spectacle à ne pas rater !


Logiquimperturbabledufou
Théâtre des Halles 19H30 durée 1H20
Mise en scène Zabou Breitman
Assistante à la mise en scène Pénélope Biessy

Avec Antonin Chalon, Camille Constantin, Rémy Laquittant, Marie Petiot
librement inspiré d’oeuvres d'Anton Tchekhov, Lewis Carroll, William Shakespeare, quelques mots de Zouc et de textes de Zabou Breitman

chorégraphie Gladys Gambie
http://www.anthea-antibes.fr/fr/spectacles/saison-2017-2018/tout-le-theatre/logiquimperturbabledufou

samedi 15 juillet 2017

Die Kabale der Scheinheiligen/ Das Leben des Herrn de Molière d'après le roman de Monsieur Molière de Mikhaïl Boulgakov Festival In d'Avignon

Dans le parc des Expositions le roman de Monsieur Molière (source)

Die Kabale der Scheinheiligen/ Das Leben des Herrn de Molière  : La cabale des dévots/ La vie de Monsieur Molière mise en scène de Franz Castorf
        d'après le roman de Boulgakov : le roman de monsieur Molière

D’abord première grogne par rapport à ce spectacle : je pensais voir une adaptation d’un livre de Boulgakov sur la vie Molière. Certes, je savais bien qu’à travers eux, Franz Castorf, le metteur en scène allemand qui vient d’être viré du théâtre de Berlin, allait parler de lui-même sur le  thème universel de l’artiste par rapport au pouvoir.  Mais non… Boulgakov et Molière ne sont qu’un prétexte pour explorer ce thème qui est traité d’une manière plutôt chaotique, brouillonnne, un petit extrait par ci par là de Racine et de Molière et surtout une pénible et longue reconstitution du tournage d’un film de Fassbinder où il est question du pouvoir de l’argent. De temps en temps, un portrait de Staline pour illustrer Boulgakov, une grande pièce d’or qui tourne intitulé Versace pour symboliser le pouvoir, celui du Roi Soleil et celui de l’argent. Des moments très bavards qui m’ont passablement irritée et un symbolisme bien lourd.
Et puis comme je cherche un sens dans tout cela, je me suis demandée pourquoi le metteur en scène faisait jouer la Phèdre de Racine par Madeleine Béjart  (Jeanne Balibar) d’une  manière aussi ridicule et insupportable. Je me suis dit que c’était peut-être pour montrer l’échec de Molière dans la tragédie? Mais alors pourquoi le comédien qui dit la fameuse tirade de l’Avare l’interprète-t-il lui aussi d’une manière fausse et lamentable ? L’explication ne tient plus puisque Molière a réussi dans le comique. Donc, il faut bien se dire que le metteur en scène cherche à provoquer son public, à n’être pas là où on l’attend.  Cela me paraît tellement gratuit ! Par exemple au moment où J. Balibar encourage l'un des comédiens à insulter le public ! On dirait du théâtre post-soixante huitard !

Mais ce n’est pas le plus grave. Dans cet immense parc de l’Exposition où se déroule ce spectacle le metteur en scène croit résoudre le problème de l’espace par la vidéo. Les comédiens sont au fond de de ce plateau démesuré, on peut à peine les distinguer, ou cachés dans les décors monumentaux et tout ce que l’on en voit, ce sont leurs visages sur un écran.  Je ne suis pas contre l’utilisation de la vidéo dans les spectacles quand cela est justifié  et quand cela apporte quelque chose à la mise en scène comme dans Les Damnés ou Le Maître et la Marguerite. Ce n’est pas le cas ici ! A la limite je préfèrerais aller voir un bon film sur le même thème!
Mais le pire c’est que je me suis mortellement ennuyée, je n’ai été réveillée que par la scène dans laquelle Madeleine Béjart apprenant que Molière veut épouser sa fille a une crise de désespoir terrible, une femme de quarante ans qui a tout donné à son amant et se voit délaissée pour  une jeune fille ! Là, c’est poignant!
Il paraît aussi qu’il y a une bonne scène extraite de Le Bourgeois gentilhomme,  dit par le roi Louis XIV, un moment comique réussi comme me l’ont expliqué ceux qui sont restés jusqu’au bout. Moi, j’étais déjà partie ! Heureusement je ne suis pas critique de théâtre et rien ne m’oblige à souffrir. La culture, en particulier le théâtre doit rester un plaisir !