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dimanche 27 juillet 2014

Festival Avignon 2014: Bilan avec le discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo : en prologue à Orlando ou l'impatience de Olivier Py


Dernier jour du festival d'Avignon 2014 et toujours un brin de nostalgie lorsque s'éteignent les dernières lumières de cet immense rassemblement théâtral; demain les affiches vont disparaître, déjà les rues et les terrasses de la ville semblent vides.
Cette édition 2014 aura donc été mouvementée mais finalement le festival a eu lieu malgré 12 annulations de spectacles liées à la grève des intermittents (et 2 pour cause de pluie!) dans le In, ce qui porte la perte subit à 300 000 euros. Assez catastrophique, non? Mais le pire -le spectre de 2003- aura été évité. 
Et oui, le malheur veut que lorsque les intermittents font grève, ils scient la branche sur lequel ils sont assis et détruisent leurs outils de travail. C'est ce que la majorité d'entre eux a pensé et les spectacles ont eu lieu d'une manière générale dans le OFF comme dans le IN.  Mais il y a eu de belles actions de soutien. Je pense à ce beau texte écrit et lu par le metteur en scène de Notre peur de n'être, Fabrice Murgia et aussi à ce discours de Victor Hugo si beau, si vrai, si actuel, qui a précédé le spectacle de Orlando ou l'impatience d'Olivier Py. Une splendide réponse à tous ceux qui pensent que la culture n'est pas une chose essentielle voire vitale et qui font des coupes sombres dans son budget.

Discours devant l'Assemblée nationale en 1848 de Victor Hugo (extraits)



« Personne plus que moi, messieurs, n’est pénétré de la nécessité, de l’urgente nécessité d’alléger le budget.

J’ai déjà voté et continuerai de voter la plupart des réductions proposées, à l’exception de celles qui me paraîtraient tarir les sources mêmes de la vie publique et de celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine. C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget des lettres, des sciences et des arts.

Je dis, messieurs, que les réductions proposées sur le budget spécial des sciences, des lettres et des arts sont mauvaises doublement. Elles sont insignifiantes au point de vue financier, et nuisibles à tous les autres points de vue.
Insignifiantes au point de vue financier. Cela est d’une telle évidence, que c’est à peine si j’ose mettre sous les yeux de l’assemblée le résultat d’un calcul de proportion que j’ai fait. Je ne voudrais pas éveiller le rire de l’assemblée dans une question sérieuse ; cependant, il m’est impossible de ne pas lui soumettre une comparaison bien triviale, bien vulgaire, mais qui a le mérite d’éclairer la question et de la rendre pour ainsi dire visible et palpable.
 Que penseriez-vous, messieurs, d’un particulier qui aurait 500 francs de revenus, qui en consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle, pour les sciences, les lettres et les arts, une somme bien modeste : 5 francs, et qui, dans un jour de réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous ? Voilà, messieurs, la mesure exacte de l’économie proposée.
Eh bien ! ce que vous ne conseillez pas à un particulier, au dernier des habitants d’un pays civilisé, on ose le conseiller à la France.

Je viens de vous montrer à quel point l’économie serait petite ; je vais vous montrer maintenant combien le ravage serait grand.

Si vous adoptiez les réductions proposées, savez-vous ce qu’on pourrait dire ? On pourrait dire : Un artiste, un poète, un écrivain célèbre travaille toute sa vie, il travaille sans songer à s’enrichir, il meurt, il laisse à son pays beaucoup de gloire à la seule condition de donner à sa veuve et à ses enfants un peu de pain. Le pays garde la gloire et refuse le pain.

Ce système d’économie ébranle d’un seul coup tout net cet ensemble d’institutions civilisatrices qui est, pour ainsi dire, la base du développement de la pensée française.
 Et quel moment choisit-on pour mettre en question toutes les institutions à la fois ? Le moment où elles sont plus nécessaires que jamais, le moment où, loin de les restreindre, il faudrait les étendre et les élargir.

Eh ! Quel est, en effet, j’en appelle à vos consciences, j’en appelle à vos sentiments à tous, Quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance.

L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes.

Et c’est dans un pareil moment, devant un pareil danger, qu’on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial de poursuivre, de combattre, de détruire l’ignorance.

On pourvoit à l’éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire dans le monde moral et qu’il faut allumer des flambeaux dans les esprits ?

Oui, messieurs, j’y insiste. Un mal moral, un mal profond nous travaille et nous tourmente. Ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles. Eh bien, comment combattre le développement des tendances matérielles ? Par le développement des tendances intellectuelles ; il faut ôter au corps et donner à l’âme.

 Quand je dis : il faut ôter au corps et donner à l’âme, ne vous méprenez pas sur mon sentiment. Vous me comprenez tous ; je souhaite passionnément, comme chacun de vous, l’amélioration du sort matériel des classes souffrantes ; c’est là selon moi, le grand, l’excellent progrès auquel nous devons tous tendre de tous nos voeux comme hommes et de tous nos efforts comme législateurs.

Mais si je veux ardemment, passionnément, le pain de l’ouvrier, le pain du travailleur, qui est mon frère, à côté du pain de la vie je veux le pain de la pensée, qui est aussi le pain de la vie. Je veux multiplier le pain de l’esprit comme le pain du corps. 

 Eh bien, la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission [ … ] relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société.

Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ?
 Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies.
 Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez.

Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. La question de l’intelligence, j’appelle sur ce point l’attention de l’assemblée, la question de l’intelligence est identiquement la même que la question de l’agriculture.
L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents ni les grandes aptitudes ; ce qui manque, c’est l’impulsion sympathique, c’est l’encouragement enthousiaste d’un grand gouvernement.

Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l’éclat utile des lettres, des arts et des sciences.

Je ne dirai plus qu’un mot aux honorables auteurs du rapport. Vous êtes tombés dans une méprise regrettable ; vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République. »

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Demain je ferai un bilan de toutes les pièces que j'ai vues car je n'ai pu écrire sur toutes.