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dimanche 12 juin 2011

Charlotte Brontë : Le Professeur


Le Professeur ou la xénophobie et l’intolérance de Charlotte Brontë

Il est des livres qu'il vaudrait mieux ne pas lire! Non seulement parce qu'ils sont mauvais mais parce qu'ils détruisent l'image idéalisée d'un écrivain que l'on a  aimée  depuis l'enfance. Tel est le cas du roman de Charlotte Brontë Le Professeur et je comprends qu'il ait été en son temps refusé par l'éditeur. Mais ce qui m'afflige davantage, c'est de découvrir la personnalité de Charlotte Brontë. Quand on aime un écrivain, on aimerait pouvoir aussi estimer l'homme ou la femme qui est derrière.

L'intrigue?
Un jeune homme de noble condition mais pauvre, William Crimsworth, perd l'appui de ses oncles en refusant d'entrer dans l'église car il ne se sent pas la vocation. Il est donc obligé de gagner sa vie pour vivre. Après un essai raté dans l'entreprise de son frère Edouard qui le traite en subalterne et ne cesse de l'humilier, il décide, sur les conseils d'un ami, monsieur Hundsen, de partir en Belgique. Là, il est engagé comme professeur dans un pensionnat de garçons et de jeunes filles. Cependant les intrigues de la charmante directrice, Mademoiselle Zoraïde Reuter, lui fait perdre son double poste. Pourra-t-il retrouver un travail? Pourra-t-il épouser  Frances, la femme qu'il aime?
Charlotte Brontë fait appel pour écrire ce roman à  sa propre expérience d'enseignante en Angleterre et à Bruxelles où elle est allée perfectionner son français.
J'ai été horrifiée par la xénophobie, l'intolérance, le conformisme et l'étroitesse d'esprit qui  forment le fond de ce roman! Voilà la présentation des élèves du pensionnat belge de William Crimsworth qui les juge selon leur nationalité.

Xénophobie et racisme   
Les jeunes filles :
les flamandes : Derrière elles, deux flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient remarquer cette difformité physique et morale que l'on rencontre si fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le climat est assez insalubre pour amener la dégénérécence de l'esprit et du corps.
Les françaises : Les deux premières ne sortaient pas du commun des mortels, leur physionomie, leur éducation, leur intelligence, leurs pensées, leurs sentiments, tout en elles était ordinaire; Zéphyrine avait un extérieur et des manières plus distinguées que Suzette et Pélagie; mais c'était au fond une franche coquette parisienne, perfide, mercenaire et sans coeur.
L'espagnole : (mi-belge, mi-espagnole) Je suis étonné  qu'en voyant cette jeune fille quelqu'un ait pu consentir à la recevoir sous son toit.  (...) La partie supérieure de son crâne conique  était large et saillante, et le sommet fuyant et déprimé (..) mais la couardise se lisait quelque part sur son visage..
La russe (mi-russe, mi germaine) Quant au moral une ignorance crasse, une inintelligence complète
 les garçons :
Certes, les deux garçons étaient belges et avaient la figure nationale, où l'infériorité intellectuelle est gravée de manière à ne pouvoir s'y méprendre : mais ce n'en était pas moins des hommes...

sentiment de supériorité britannique
Les anglaises  sont nettement au-dessus des autres jeunes filles du pensionnat :
un visage moins régulier que celui des belges, mais plus intelligent, des manières graves et modestes (...) on distinguait du premier coup d'oeil l'élève du protestantisme de l'enfant nourrie au biberon de l'église romaine et livrée aux mains des jésuites.
  
sentiment de supériorité de la classe sociale
 Mais si les anglaises s'en sortent mieux que les autres, elles ne sont pas exemptes de défaut quand elles sont de condition modeste!
et répulsives (plus d'un aurait appliqué cette dernière épithète aux deux ou trois anglaises solitaires, roides, mal habillés et modestes dont j'ai parlé tout à l'heure)..

Intolérance religieuse
Je ne sais rien des arcanes de la religion et je suis loin d'être intolérant en matière religieuse; mais je soupçonne que cette impudicité précoce si frappante et si générale dans les contrées papistes, prend sa source dans la discipline sinon dans les préceptes de l'église romaine. Ces jeunes filles appartenaient aux classes les plus respectables de la société (...) et cependant la masse avait l'esprit complètement dépravé.



la conception de la femme
Le seul domaine où Charlotte Brontë fasse preuve d'ouverture d'esprit et soit en avance sur la société de son temps c'est lorsqu'elle parle du rôle de la femme et de l'épouse.
Frances, la femme idéale  dans Le professeur est douce mais sans faiblesse. Son mari peut avoir de l'influence sur elle mais sans la dominer. Elle est intelligente, curieuse et aime étudier. Elle est prompte à se révolter devant l'injustice. Elle affirme qu'elle préfèrerait se séparer de son époux s'il se montrait indigne et tyrannique. Enfin, elle veut travailler car elle s'ennuierait à son foyer en attendant son mari. Elle veut être active, entreprenante et préfère contribuer à l'entretien de son foyer.
Il faut dire, cependant, que si Frances est un  femme supérieure c'est que, bien que belge par son père, elle est anglaise par sa mère et protestante, bien sûr! Ouf! On l'a échappé belle!