Le Professeur ou la xénophobie et l’intolérance de Charlotte Brontë
Il est des livres qu'il vaudrait mieux ne pas lire!  Non seulement parce qu'ils sont mauvais mais parce qu'ils détruisent  l'image idéalisée d'un écrivain que l'on a  aimée  depuis l'enfance. Tel  est le cas du roman de Charlotte Brontë Le Professeur et je  comprends qu'il ait été en son temps refusé par l'éditeur. Mais ce qui  m'afflige davantage, c'est de découvrir la personnalité de Charlotte  Brontë. Quand on aime un écrivain, on aimerait pouvoir aussi estimer  l'homme ou la femme qui est derrière.
L'intrigue? 
Un jeune homme de noble condition mais pauvre,  William Crimsworth, perd l'appui de ses oncles en refusant d'entrer dans  l'église car il ne se sent pas la vocation. Il est donc obligé de  gagner sa vie pour vivre. Après un essai raté dans l'entreprise de son  frère Edouard qui le traite en subalterne et ne cesse de l'humilier, il  décide, sur les conseils d'un ami, monsieur Hundsen, de partir en  Belgique. Là, il est engagé comme professeur dans un pensionnat de  garçons et de jeunes filles. Cependant les intrigues de la charmante  directrice, Mademoiselle Zoraïde Reuter, lui fait perdre son double  poste. Pourra-t-il retrouver un travail? Pourra-t-il épouser  Frances,  la femme qu'il aime?
Charlotte Brontë fait appel pour écrire ce roman à    sa propre expérience d'enseignante en Angleterre et à Bruxelles où elle   est allée perfectionner son français.
J'ai été horrifiée par la xénophobie, l'intolérance,   le conformisme et l'étroitesse d'esprit qui  forment le fond de ce   roman! Voilà la présentation des élèves du pensionnat belge de William   Crimsworth qui les juge selon leur nationalité.
Xénophobie et racisme    
Les jeunes filles : 
les flamandes : Derrière  elles, deux flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient  remarquer cette difformité physique et morale que l'on rencontre si  fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le  climat est assez insalubre pour amener la dégénérécence de l'esprit et  du corps.
Les françaises : Les deux  premières ne sortaient pas du commun des mortels, leur physionomie, leur  éducation, leur intelligence, leurs pensées, leurs sentiments, tout en  elles était ordinaire; Zéphyrine avait un extérieur et des manières plus  distinguées que Suzette et Pélagie; mais c'était au fond une franche  coquette parisienne, perfide, mercenaire et sans coeur.
L'espagnole : (mi-belge,  mi-espagnole) Je suis étonné  qu'en voyant cette jeune fille quelqu'un  ait pu consentir à la recevoir sous son toit.  (...) La partie  supérieure de son crâne conique  était large et saillante, et le sommet  fuyant et déprimé (..) mais la couardise se lisait quelque part sur son  visage..
La russe (mi-russe, mi germaine) Quant au moral une ignorance crasse, une inintelligence complète
 les garçons : 
Certes, les deux garçons étaient  belges et avaient la figure nationale, où l'infériorité intellectuelle  est gravée de manière à ne pouvoir s'y méprendre : mais ce n'en était  pas moins des hommes...
sentiment de supériorité britannique
Les anglaises sont nettement au-dessus des autres jeunes filles du pensionnat :
Les anglaises sont nettement au-dessus des autres jeunes filles du pensionnat :
un visage moins régulier que celui  des belges, mais plus intelligent, des manières graves et modestes (...)  on distinguait du premier coup d'oeil l'élève du protestantisme de  l'enfant nourrie au biberon de l'église romaine et livrée aux mains des  jésuites.
sentiment de supériorité de la classe sociale 
 Mais si les anglaises s'en sortent mieux que les autres, elles ne  sont pas exemptes de défaut quand elles sont de condition modeste!
et répulsives (plus d'un aurait  appliqué cette dernière épithète aux deux ou trois anglaises solitaires,  roides, mal habillés et modestes dont j'ai parlé tout à l'heure)..
Intolérance religieuse
Je ne sais rien des arcanes de la  religion et je suis loin d'être intolérant en matière religieuse; mais  je soupçonne que cette impudicité précoce si frappante et si générale  dans les contrées papistes, prend sa source dans la discipline sinon  dans les préceptes de l'église romaine. Ces jeunes filles appartenaient  aux classes les plus respectables de la société (...) et cependant la  masse avait l'esprit complètement dépravé.
la conception de la femme
Le seul domaine où Charlotte Brontë fasse preuve d'ouverture d'esprit   et soit en avance sur la société de son temps c'est lorsqu'elle parle   du rôle de la femme et de l'épouse.
Frances, la femme idéale  dans  Le professeur est  douce mais sans faiblesse. Son mari peut  avoir de l'influence sur elle  mais sans la dominer. Elle est  intelligente, curieuse et aime étudier.  Elle est prompte à se révolter  devant l'injustice. Elle affirme  qu'elle préfèrerait se séparer de son  époux s'il se montrait indigne et  tyrannique. Enfin, elle veut  travailler car elle s'ennuierait à son  foyer en attendant son mari. Elle  veut être active, entreprenante et  préfère contribuer à l'entretien de  son foyer.
Il faut dire, cependant, que si Frances est un  femme  supérieure c'est que, bien que belge par son père, elle est anglaise  par sa mère et protestante, bien sûr! Ouf! On l'a échappé belle!

