Rencontre avec Louise Penny au musée des Beaux-Arts de Lyon |
Louise Penny aux Quais du Polar de Lyon |
Louise Penny a longtemps travaillé comme journaliste à la radio anglaise de Radio-Canada avant de s'imposer comme « la plus récompensée des auteurs canadiens de romans policiers » (Maclean's). Si En plein cœur (Flammarion Québec), le premier titre de sa série « Armand Gamache enquête », a remporté un nombre remarquable de prix, les ouvrages suivants ont plus que confirmé ce succès. Louise Penny est notamment la première romancière à avoir gagné le très prestigieux prix Agatha trois années de suite et ses romans figurent aux palmarès des meilleures ventes. Comme plusieurs de ses personnages, elle habite les Cantons-de-l'Est. source
Je vous ai parlé de Louise Penny, cette écrivaine canadienne que j’ai rencontrée aux Quais des Polars lors d’une rencontre au musée des Beaux-Arts de Lyon autour d’une oeuvre de Géricault : La monomanie de l’envie ou la Hyène de la Salpetrière. (Billet ICI)
Je m’étais demandé comment son roman Défense de Tuer paru aux éditions Actes Sud noirs, était rattaché au thème de la folie et de la différence illustré par le tableau de Géricault.
Le récit
Défense de Tuer est une enquête d’Armand Gamache, inspecteur-chef
de la sûreté du Québec, la suite d’une longue série que Louise Penny a
consacré à ce personnage. C’est la première fois que je le rencontrais.
Armand Gamache et son épouse Reine-Marie vont fêter la trente cinquième année de l’anniversaire de leur mariage au manoir de Bellechasse, luxueux hôtel dans les Cantons de l’Est au Québec. Cette ancienne demeure en rondins, au toit de cuivre, bâtie près du lac de Massawipi par des bûcherons au XIX siècle, est un havre de paix et de repos! Tout au moins tant qu’elle n’est pas envahie par une riche famille, les Morrow, dont les membres semblent tous un peu « cinglés » et ne paraissent pas unis par une affection indéfectible! Ils viennent rendre hommage à leur père décédé en érigeant une statue dans le parc de la maison. Mais par un soir d’orage la statue écrase une des femmes Morrow. Gamache s’aperçoit bien vite qu’il ne s’agit pas d’un accident ! Finies les vacances et la tranquillité, il doit se charger de l’enquête! Et entre les membres de la famille et du personnel, les suspects sont nombreux!
Une étude psychologique
Voilà qui me change des thrillers, ici pas meurtres horribles et alambiqués, pas de surenchère dans l’horreur. L’intérêt est ailleurs. Il est dans ce huis-clos qui permet l’observation de chaque membre de la famille Morrow, les Gamache étant aux premières loges pour être spectateurs, parfois sans trop comprendre, des drames qui se jouent devant eux. Louise Penny excelle dans la description psychologique. Elle dissèque les rapports d’amour et de haine, d’attrait et de répulsion qui lient la mère Mrs Finney, ex-madame Morrow, remariée à Bert Finney, à ses filles Marianna et Julia, à ses fils Thomas et Peter, à leurs épouses respectives Sandra et Clara et à son petit fils Bean. Tous sont incapables de couper les liens qui les unissent entre eux, d’acquérir leur indépendance, mais lorsqu’ils sont ensemble ils ne cessent de se torturer. L’écrivaine fait apparaître les non-dits, les sous-entendus. Ce qui apparaît parfois, aux yeux du spectateur, comme une plaisanterie entre frères et soeurs se révèle être une manière d’attiser des plaies jamais refermées. La souffrance, la jalousie, l’envie engendrent des comportements exacerbés et irrationnels pouvant aller, qui sait? jusqu'au crime!. Et voilà le rapport avec l'oeuvre de Géricault!
Une surprise
Armand Gamache est inspecteur de police mais ce n’est pas pour cela qu’il est alcoolique, instable, colérique, grossier, de mauvaise humeur! Et cela est une surprise car Louise Penny semble prendre le contre-pied des personnages habituels de la littérature policière! Je le trouve presque trop gentil ce Gamache : attentionné envers sa femme et toujours amoureux d’elle, il est un chef respecté, il est à l’écoute de tous y compris de ses subordonnées. D’humeur égale et respectueux des victimes et des familles, il n’autorise pas de plaisanteries douteuses sur les lieux du crime. ll est aussi celui qui comprend les rêves de Bean, le petit garçon que tous s’accordent à juger « étrange » et que sa mère a affublé d’un nom de légumineuse! Presque trop beau, cet inspecteur! Ses faiblesses semblent résider dans ses rapports avec son fils et avec son père disparu.
Une intrigue à la Agatha Christie
Pas étonnant que Louise Penny ait remporté plusieurs fois le prix Agatha! Comme dans certains romans de la romancière anglaise nous sommes, on l'a vu, dans un milieu fermé et chaque protagoniste de l’action peut être coupable. Nous sommes donc amenés à soupçonner tout à tour l’un ou l’autre. A la fin, une grande réunion menée par l’inspecteur permet d’y voir plus clair et de découvrir la vérité : un procédé coutumier à Agatha!
Mais le dénouement de l’intrigue, ce n’est pas ce que j’ai préféré dans le roman, la subtilité des rapports familiaux étant de beaucoup les plus fascinants! Ce roman m’a donné envie d’aller plus loin dans la découverte de Louise Penny.