On a dit que le roman de Marc Graciano Liberté dans la montagne était un OLNI, autrement dit " un Objet Littéraire Non Identifié" et c'est bien de cela qu'il s'agit. Qui se plonge dans cette lecture hors du commun peut être sûr de perdre pied et de ne pas toujours savoir où il en est. Mais pourrais-je dire pourquoi? Comment rendre compte d'un tel "objet"? Pourquoi cette surprise, pourquoi ce charme, cette émotion aussi? Et cette impression que le livre répond à d'innombrables questions sur l'homme, sur nous donc, comme si, à travers les rencontres faites par les deux personnages principaux, le vieillard et la fillette, on remontait aux sources mêmes de l'humanité et on découvrait tout ce qu'il peut y avoir de mal et de bien en elle, de beauté et de laideur. Comme si le livre répondait à nos questions les plus fondamentales sur la mort, sur dieu, la nature, l'amour, l'amitié, la bonté, la violence et la cruauté...
L'abbé dit que que dieu n'existait pas. Ni le fils de dieu et que c'était une évidence à laquelle, lui, l'abbé avait dû se résoudre comme tout homme sensé et l'abbé dit que seule existait l'idée de dieu. L'idée de dieu dans l'esprit des hommes. L'abbé dit que dieu n'existait que chaque fois que les hommes s'assemblaient et qu'ils pensaient à lui et qu'ainsi ils le faisaient exister et pareillement pour le fils de dieu, le Christ, notre frère, dit l'abbé, et l'abbé dit que c'était la foi dans l'esprit des hommes qui faisait exister dieu et que, contrairement à ce qu'il était communément admis, dieu n'avait point créé l'homme à son image car dieu n'existait pas mais, qu'au contraire, c'était l'homme qui avait créé dieu et pareillement pour le fils de dieu. Mais l'abbé fit remarquer au vieux que pour autant dieu n'en avait pas moins d'importance et que le message porté par le fils de dieu n'en avait pas moins de valeur...
Dès la première page la magie fonctionne : Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. Quelquefois le vieux tenait la main de la petite mais, le plus souvent, il la laissait voyager seule autour de lui. Et nous voilà en train de marcher sur le chemin avec eux dans un espace indéfini et un temps qui l'est tout autant, un lointain Moyen-âge.. Car le voyage qu'entreprend cet homme et cette enfant qui lui a été confiée par sa grand mère mourante est étrange. Qui sont-ils? Ils n'ont pas de nom, représentants donc de l'humanité. Où vont-ils? Quel ce Nord mythique qui est le but de leur voyage? Et ces deux personnages, au gré de leurs rencontres, nous font découvrir des scènes inoubliables, la chasse au loup, le tournoi, le gibet, l'inondation..., des personnages marquants, le géant, le veneur, l'abbé, les nomades, le berger …
Nous traversons des paysages singuliers, mystérieux, une forêt perdue, Une forêt intacte. Une forêt immaculée, un forêt qui n'existe pas, la demeure d'anciens Dieux. Un endroit de conte merveilleux , ou encore des marais brumeux "saturé d'odeurs et de bruits", des lieux visités par les spectres, où les oiseaux sont doués de paroles, où l'univers infini crée le vertige, où la Nature semble encore régner en maîtresse absolue, et où s'établit entre le Vieux et elle un lien cosmique qui le relie au Grand-Tout.
Et puis il y a cet amour qui passe entre la petite et le vieillard, un sentiment sacré qui les lie l'un à l'autre :
le vieux dit que le devoir de s'occuper de la petite était un devoir qui, en vérité lui incombait de toute éternité. Que ce devoir avait été créé avant même que le petite ne naquit. Un devoir auquel il ne pouvait se dérober. Qu'une promesse avait été faite non point seulement à la grand mère avant sa mort et non point, à travers elle, à la mère morte à la parturition, mais à une entité plus grande encore. A une autorité qui certainement le dépassait, lui, le vieux, mais aussi la mère morte, la grand mère morte et la petite et le géant et le monde entier.
le vieux dit que le devoir de s'occuper de la petite était un devoir qui, en vérité lui incombait de toute éternité. Que ce devoir avait été créé avant même que le petite ne naquit. Un devoir auquel il ne pouvait se dérober. Qu'une promesse avait été faite non point seulement à la grand mère avant sa mort et non point, à travers elle, à la mère morte à la parturition, mais à une entité plus grande encore. A une autorité qui certainement le dépassait, lui, le vieux, mais aussi la mère morte, la grand mère morte et la petite et le géant et le monde entier.
Il y a l'infini patience du Vieux envers l'enfant, sa manière de lui faire découvrir le monde sans jamais lui mentir, la force qu'il met à son service, ce dévouement de nourrice attentive et de guerrier barbare. Il y a l'enthousiasme, la curiosité insatiable de la fillette devant la vie, son courage et ses peurs, sa confiance et son amour dans son compagnon de voyage. Toute une nuance de sentiments qui fait que l'on s'attache à eux, qu'on les aime comme si on les connaissait bien et qu'ils nous rendent beaucoup en échange..
Alors le Vieux dit à la petite qu'ils possédaient des choses qu'ils ne pouvaient pas perdre et que nul ne pouvait leur dérober. Il lui dit qu'ils possédaient le ciel et qu'ils possédaient la forêt et il lui dit qu'ils possédaient l'enchantement chaque jour renouvelé du chemin que tous deux suivaient.
Quant à l'envoûtement créé par cette lecture, il est dû à la magie de l'écriture, un langage à part, merveilleusement musical, avec un rythme interne qui n'appartient qu'à lui : répétitions des mots qui permet à la phrase de s'appuyer sur le mot précédent pour aller de l'avant, phrase qui paraît ainsi se dérouler comme le paysage au rythme des pas de l'enfant et de l'Homme. Une langue luxuriante qui utilise des mots anciens, des mots inconnus, difficiles, recherchés, mais aussi peut-être des néologismes, évocateurs, poétiques, amusants, imaginatifs, des tournures grammaticales qui seraient incorrectes aujourd'hui mais trouvent leur place dans ce no man's land de l'écriture, voyage au coeur d'une langue très ancienne et qui pourtant n'appartient qu'à l'auteur!
Merci à Dominique pour la découverte de beau livre Vous pouvez aller lire son billet ICI
Marc Graciano Liberté dans la montagne Editions Corti
Alors le Vieux dit à la petite qu'ils possédaient des choses qu'ils ne pouvaient pas perdre et que nul ne pouvait leur dérober. Il lui dit qu'ils possédaient le ciel et qu'ils possédaient la forêt et il lui dit qu'ils possédaient l'enchantement chaque jour renouvelé du chemin que tous deux suivaient.
Quant à l'envoûtement créé par cette lecture, il est dû à la magie de l'écriture, un langage à part, merveilleusement musical, avec un rythme interne qui n'appartient qu'à lui : répétitions des mots qui permet à la phrase de s'appuyer sur le mot précédent pour aller de l'avant, phrase qui paraît ainsi se dérouler comme le paysage au rythme des pas de l'enfant et de l'Homme. Une langue luxuriante qui utilise des mots anciens, des mots inconnus, difficiles, recherchés, mais aussi peut-être des néologismes, évocateurs, poétiques, amusants, imaginatifs, des tournures grammaticales qui seraient incorrectes aujourd'hui mais trouvent leur place dans ce no man's land de l'écriture, voyage au coeur d'une langue très ancienne et qui pourtant n'appartient qu'à l'auteur!
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Marc Graciano Liberté dans la montagne Editions Corti