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mercredi 10 avril 2013

Joël Dicker : La vérité sur l'affaire Harry Quebert Editions de Fallois




Quatrième de  couverture
À New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois. Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l'innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ? Sous ses airs de thriller à l’américaine, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias.

Je suis restée assez dubitative après la lecture de ce roman La vérité sur l'affaire Harry Quebert, deuxième roman de Joël Dicker, jeune écrivain suisse. Pas vraiment conquise par ce roman couronné de deux prix et qui présente des qualités mais….
L'enquête policière

Certes la lecture en est agréable et l'enquête policière est bien menée avec des rebondissements, des fausses pistes à foison, ce qui permet de dire qu'il s'agit d'un bon Thriller. Joël Dicker s'y entend à  maintenir le suspense. j'avoue que cette fois, je me suis laissée mener par le bout du nez et suis partie dans une fausse direction. Bref! le coupable que je soupçonnais n'était pas le bon! Pas si élémentaire, mon chez Watson! De même, le romancier fausse notre jugement sur les personnages, nous en donnant à voir des facettes différentes selon la variation du point de vue, ce qui nous oblige à revenir sur l'interprétation des faits. Il s'agit donc d'un écrivain qui maîtrise l'art de conter mais aussi de tirer les ficelles de ses personnages comme un habile montreur de marionnettes, induisant ainsi le lecteur en erreur.  D'autre part, la construction du roman qui n'obéit pas à la chronologie est complexe et demande une réel talent.

Le roman d'amour
 
Mais le roman n'est pas seulement une histoire policière. Il se veut aussi un grand roman d'amour, une sorte de Roméo et Juliette de notre époque, une réflexion sur la littérature et une dénonciation des milieux de l'édition transformée en show business du livre! Et c'est là que je ne marche plus!

Je n'adhère pas à l'histoire d'amour de cet homme ayant atteint la trentaine, follement amoureux d'une jeune fille de quinze ans (et réciproquement) qui restera fidèle toute sa vie à l'image de son amour. Joël Dicker n'a ni le talent de  Shakespeare, ni celui de Nabokovv! Enfin, passe encore sur cette version affadie et romantique (au mauvais sens du terme) de Lolita, mais lorsque le personnage du grand écrivain Harry Quebert, auteur d'un des plus grands livres de la littérature américaine, roman étudié dans toutes les universités des Etats-Unis, éminent professeur d'université lui-même, écrit  à Nola :

Mon merveilleux ange,
Un jour, nous danserons. Je vous le promets. Un jour viendra où l'amour vaincra et où nous pourrons aimer au grand jour. Et nous danserons, nous danserons sur les plages…

Ou encore : 
Vous ne devez jamais mourir. Vous êtes un ange. Les anges ne meurent jamais.
…. je me suis demandée s'il n'avait pas lui aussi quinze ans! 
Vous avouerez que le style est léger et frise le ridicule! A aucun moment, Harry Quebert n'apparaît comme un homme de culture et de livres et surtout pas comme un grand écrivain! Ce qui explique que les leçons d'écriture qu'il donne à son plus brillant étudiant, Marcus, sonnent creux et pourtant j'aimais bien cette idée de réflexions mises en exergue devant chaque chapitre..

La satire du monde de l'édition

D'autre part, le roman met en scène un personnage caricatural (trop?), l'odieux Barnasky, l'éditeur, préoccupé uniquement par l'argent et qui n'a aucun intérêt pour le livre, objet commercial comme un autre. Le succès de cette maison d'édition est donc fondé seulement sur le scandale, le battage  médiatique, les campagnes publicitaires, nonobstant la valeur du livre et au mépris de toute déontologie. Il est bon de dénoncer une telle dérive! A première vue, c'est ce que s'emploie à faire l'écrivain… semble-t-il? Mais en même temps, il entretient lui aussi (à moins que ce ne soit son personnage?) une confusion entre la grande littérature et celle qui rapporte de l'argent. Marcus ne veut pas savoir comment on écrit un grand roman mais un roman à succès, la distinction n'est jamais établie et l'écrivain entretient la confusion! Et, alors que Marcus critique l'éditeur, il accepte toutes les malhonnêtes de celui-ci et il se lance dans un livre dont la réussite ne dépendra que de l'intérêt passager porté à une affaire criminelle. Le fait qu'il réussisse à écrire un "grand" (?) roman et devienne riche ne me paraît pas être une démonstration convaincante du message contenu dans ce roman! On ne sait pas trop où Joël Dicker veut en venir!

En résumé, l'écrivain a du savoir faire, du métier, ce qui est prometteur à un si jeune âge, il sait mener une intrigue mais son livre est un peu trop ambitieux et ne tient pas ses promesses! Ce qui est sûr, c'est que lui a écrit un roman à succès, en attendant un grand roman!


dimanche 11 décembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 14 Emily Brontë, les hauts de Hurlevent




Les Hurlevents, c'est ainsi que nous avons appelé les oscarisés de la semaine : Aifelle, Keisha, Sabbio, Eeguab, Dasola, Lireau jardin, Pierrot Bâton, Asphodèle, Jeneen, Gwen, Dominique, Miriam. Bravo à tous!

 Les hauts de Hurlevent de Emily Brontë et de William  Willer


Le roman d'Emily Brontë Les hauts de Hurlevent paraît en 1847 la même année que Jane Eyre mais il obtient un succès moins retentissant que celui de sa soeur Charlotte. Les lecteurs  victoriens sont choqués par le manque de bienséance du roman et l'absence de morale des personnages. La critique juge qu'il s'agit d'un roman peu "chrétien".


Au retour d'un de ses voyages, Mr Earnshaw  ramène  dans son domaine un jeune garçon de six ans, Heathcliff,  qu'il a trouvé abandonné dans un rue de Liverpool. Hindley, son fils aîné n'apprécie pas la présence du nouvel  arrivant, tandis que Catherine la cadette se lie rapidement d'amitié avec Heathcliff. Le  temps passant l'amitié se transforme peu à peu en amour. A la mort de Mr Earnshaw, la propriété passe sous le contrôle de Hindley qui fait de Heathcliff un domestique et lui inflige des humiliations constantes. Hindley est marié mais son épouse meurt peu de temps après la naissance de son fils, Hareton. Quant à Catherine, malgré son lien indéfectible envers Heathcliff, elle est rebutée par le caractère frustre et les mauvaises manières. du jeune homme. Elle accepte la demande en mariage de son riche voisin Edgar Linton, pensant ainsi soustraire Heathcliff aux mauvais traitements de son frère. Heathcliff  s'enfuit. Lorsqu'il revient après avoir fait fortune, il est bien décidé à se venger.  Catherine et lui se revoient et s'avouent leur amour  mais la jeune femme meurt après avoir donné le jour à une fille, Cathy. Heathcliff désespéré met au point sa vengeance. Il ruine Hindley et s'empare des Hauts de Hurlevent, séduit la soeur d'Edgar  qu'il se plait à maltraiter. De ce triste mariage naît un fils, Linton. Une fois Edgar disparu, Heatcliff va continuer à exercer sa vengeance sur les enfants nés de ces unions malheureuses. 

Le roman dont l'action se déroule dans le décor réaliste du Yorkshire où vit la jeune écrivaine, dans ces landes, désertes et glacées, ces "moors" battues par le vent qu'elle affectionnait, est un récit qui s'apparente au romantisme par bien des aspects et d'abord par ce paysage désolé. Romantique aussi ce thème de l'amour passion, où la fusion entre deux êtres qui s'aiment est telle que Catherine peut affirmer : "Je suis Heathcliff", un amour plus fort que la mort, où le fantastique semble côtoyer la réalité. Cette présence de la vie après la mort qui hante Heathcliff après la disparition de Catherine et le pousse à exhumer le cadavre de sa bien-aimée a fait qualifier le roman de "gothique". Mais le récit en refuse toutes les facilités et tous les ressorts mélodramatiques. Certes, le jeune homme est un héros romantique qui semble porter le mal en soi. On pense à  Byron,  amant de sa demi-soeur, qui épouse une femme qu'il se plaît à faire souffrir. Mais la cruauté de Heathcliff s'explique par les brimades et les humiliations qu'il a subies et par la violence naturelle de son caractère. De victime, il devient bourreau. Si Heathcliff est cruel, démesuré dans sa passion, si ses actes peuvent  apparaître comme fous, il n'est pas un "démon" comme semble le penser ses ennemis. Il est habité par un désir de vengeance qu'il assouvira non seulement sur ceux qui lui ont fait du mal mais aussi sur ceux qui sont innocents et ne l'ont jamais humilié. Ainsi le roman n'est pas gothique et s'il est romantique, il est aussi bien autre chose, inclassable, unique, défiant les interprétations qui sont souvent multiples. Les Hauts de Hurlevent est une tragédie sauvage, féroce, habitée par la haine où l'amour est indissociable de la mort, cette mort qui s'est acharnée sur Emily lui enlevant sa mère, sa soeur Anne et son frère...  Elle-même meurt un an après la publication de son roman et son agonie, nous dit sa soeur Charlotte, fut terrible "consciente qu'elle était de sa fin, déchirée, haletante, ne voulant pas quitter une vie heureuse et cependant résolue". Catherine a la même réaction de révolte face à sa propre mort.

Comme il est terrible d'affronter la mort avec ces visages de glace (...) elle s'agita tellement que son égarement fébrile devint de la folie et qu'elle se mit à déchirer l'oreiller avec ses dents..."

La construction du roman est complexe puisqu'il y a plusieurs narrateurs :  Mr Lockwood qui a loué une maison à Heathcliff, nous donne une vision assez impressionnante des personnages  qu'il découvre quand, perdu dans la neige, il est contraint de rester une nuit aux Hauts de Hurlevent. Heathcliff y vit avec Cathy, Hareton, des êtres qui semblent unis par la haine, Nelly et Joseph.  Puis la servante Nelly  raconte par un long retour dans le passé, l'histoire tragique de Heathcliff et de Catherine. Nelly est le personnage clef du roman car elle seule a une vision complète de ce qui est arrivé et elle connaît tous les protagonistes de l'histoire; elle est la soeur de lait de Hindley et est rentré toute jeune au service la famille Earnshaw. Elle est souvent la confidente  de l'un ou de l'autre. Même Heathcliff se confie à elle par moments.
Complexe aussi la structure du roman qui met en parallèle deux couples semblables, Catherine et Heathcliff et Cathy et Hareton comme un reflet de la même histoire, les amoureux de la deuxième génération vont-ils reproduire ce qui est arrivé à  la première? Pourquoi cette symétrie qui crée un effet miroir? Emily Brontë veut-elle dire que la vie est un éternel recommencement? que l'on ne peut échapper à son destin? Certes le dénouement paraît heureux entre Cathy et Hareton mais il ne reflète aucun optimisme sur la nature humaine de la part d'Emily. Heathcliff abandonne ses idées de vengeance et laisse libres les jeunes gens non par bonté mais parce qu'il est las, il n'éprouve plus de joie à assister à la destruction des êtres qu'il asservit.

Un livre/Un film
Le film est une version simplifiée et écourtée du roman. Le réalisateur ne retient que l'histoire de la première génération. Il affadit le caractère de Heathcliff en insistant surtout sur son statut de victime pour le rendre plus sympathique, il adoucit la brutalité du personnage dont les crises de colère mettent en danger de mort Hindley ou Isabelle,  il occulte les scènes de nécrophilie impossibles à faire passer à l'écran à cette époque-là (1939). Le personnage de Nelly devient lisse, c'est une servante au grand coeur, plus âgée et qui a toujours servi et aimé sa maîtresse avec dévouement. Dans le roman elle a le même âge que Hindley, 14 ans à l'arrivée de Heathcliff qu'elle rejette, elle aussi. Elle dit à plusieurs reprises qu'elle n'aime pas Catherine. Là encore son attitude laisse place à de nombreuses interprétations.  Quant à la Catherine du film, il faut reconnaître que Merle Obéron est une interprète très convaincante, orgueilleuse, exaltée, partagée entre son amour pour Heathcliff et ses sentiments envers son mari. Laurence Olivier est un Heathcliff adulte plein de morgue et de ressentiment. S'il a gagné en distinction en revenant au pays après avoir fait fortune, il reste rude et replié sur lui-même. Le film n'a donc pas la complexité du roman mais Wyler a su y faire passer un souffle, celui d'une passion dévastatrice qui emporte tout sur son passage.