Il paraît qu’autrefois certains animaux traversaient le ciel grâce à leurs ailes, de fins bras couverts de plumes qui battaient comme des éventails. Ils glissaient dans l’air, à plat ventre, sans tomber, et leurs cris étaient très variés. Ils étaient ovipares, comme les poissons ou les lézards, et les humains mangeaient leurs oeufs. On les appelait les « oiseaux ».
Comment décririons-nous un oiseau si nous n’en avions jamais vus ? Si nous n’en avions entendu parler que par ouï-dire? C’est ainsi que commence par cet instant de poésie triste et d’étrangeté le livre de Karin Serres dont c'est le premier roman : Monde sans oiseaux aux éditions Stock.
Comment décririons-nous un oiseau si nous n’en avions jamais vus ? Si nous n’en avions entendu parler que par ouï-dire? C’est ainsi que commence par cet instant de poésie triste et d’étrangeté le livre de Karin Serres dont c'est le premier roman : Monde sans oiseaux aux éditions Stock.
Bien sûr, le lecteur comprend que cette dystopie présente un monde de l’Après, un Après à goût de catastrophe que l’homme n’a pas su éviter mais qui signe une disparition des espèces et du monde ancien. Mais rien n’est dit vraiment si ce n’est par petites touches, et nous restons dans un entre-deux, un univers dont l’étrangeté nous frappe malgré la familiarité que nous en avons. Le fantastique s'y introduit au milieu du quotidien même si celui-ci n’est que le résultat de mutations malencontreuses commises par les apprentis-sorciers que sont les hommes! Ainsi ces petit cochons fluorescents amphibies qui servent de nourriture mais peuvent devenir des animaux de compagnie. Et que dire de ces maisons sur roulettes que l’on hisse sur le flanc de la montagne à mesure que l’eau avance !
Dans ce roman, la mort et la vie sont étroitement mêlées. Les morts du village enfermés dans des cages sont engloutis au fond du lac. Ce lac d’où vient la vie (la nourriture) mais dont la montée semble inexorable. Ce lac où l’on se noie, où l’on devient statue de glace par les hivers de grand froid. La description du cimetière sous-marin est absolument hallucinante car le style de l'auteure à l'art de faire surgir des images.
Dans ce monde rude, figé dans le passé, vit une petite fille rêveuse qui écrit des poèmes et nous retrouvons en elle nos rêves d'enfants : être Jo dans Les Quatre filles du Docteur March, pleurer en lisant la Ballade du roi des Aulnes. Mais... la banalité de ce monde s'arrête là et d'abord avec le prénom de l’héroïne : Petite Boîte d’os. Ce prénom donné par son père témoigne à la fois de la petitesse de l’homme mais aussi de sa grandeur, du cerveau qui lui permet de penser : « Nous ne sommes qu’un sac de flan mou dans une petite boîte d’os ! » . Une petite boîte d'os qui n'a pu empêcher l'irréparable car pendant tout le roman l'on a conscience de l'impossible retour en arrière et l'on se sent ému par cet univers en disparition.
Petite Boîte aime le vieux Jeff qui a fui le « déluge » et puis est revenu chez lui. C’est l’amour qui la maintient en vie, un amour fort, puissant, entier pour Jeff, son fils Knut, et aussi pour la nature omniprésente. Car la ville existe de l’autre côté du lac mais elle est encore plus âpre et plus cruelle.
Ce roman qui reprend un thème de science-fiction rebattu à notre époque surprend par son regard neuf, l’originalité du traitement. Il touche et émeut par sa nostalgie, son goût doux-amer qui au moment où l’on découvre toute la beauté de la nature nous fait savoir qu’elle n’est plus. Le style de l’écrivaine suggestif, plein de finesse, est à la fois poétique et réaliste, doux et violent. Un beau roman. A découvrir !