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dimanche 16 octobre 2011

Un livre, un film : Enigme N°6 : Richard Hughes, Cyclone à la Jamaïque



Merci à tous pour votre participation et félicitations à ceux qui ont trouvé l'énigme un peu plus difficile cette fois :
Le livre et le film Eeguab, Keisha,  Gwenaelle, Lire au jardin.
Le livre : Thérèse

Le Cyclone à la Jamaïque de Richard Hughes (1900-1976) est paru  en 1929.
Le cyclone à la jamaïque de Mackendrick avec Antony Quinn et James Coburne. Voir le billet de Wens
Après un cyclone qui dévaste la Jamaïque, des enfants, envoyés par leurs parents en Angleterre, sont enlevés par des pirates. Le navire devient un terrain de jeu magnifique pour les enfants épris d'aventures mais le voyage va tourner au drame avant qu'ils ne  retrouvent leurs parents.

Quand se passe le récit?

L'histoire se passe à la Jamaïque dans la deuxième partie du XIX siècle.
"Je ne connais rien des méthodes modernes, ni même s'il y en a, n'ayant pas visité l'île depuis 1860, époque aujourd'hui très lointaine..

Le récit est donc fait par un narrateur qui est venu sur l'île en 1860 et raconte, longtemps après les faits, l'histoire de la famille Thornton  à cette époque.

Mais qui est le narrateur?

Cela ne peut être l'écrivain qui est né en 1900, ni un personnage du livre. Il s'agit donc d'un narrateur fictif qui va d'ailleurs s'effacer et cesser de dire "je". Mais il a des idées bien arrêtées sur l'émancipation des esclaves(1833) puisque dès le premier chapitre il y fait allusion pour mieux la déplorer puisque cela a entraîné la ruine des Antilles. Il décrit amplement les propriétés dévastées, les bâtiments de broyage, et de raffinage de la canne à sucre ruinés. Les enfants Thornton vivent là avec leurs parents, des colons anglais, et sont élevés, filles et garçons, avec une liberté que n'aurait jamais pu tolérer la société victorienne en Angleterre. Notons que même vivant comme les petits "nègres" (c'est le terme employé par l'auteur), Emily, petite fille de dix ans, personnage principal à côté de ses frères et soeurs, n'oublie pas la prétendue supériorité de ses origines, cherchant à éduquer les jeunes noirs si ignorants.. En effet, même si les enfants vivent à l'état de nature, ils portent incontestablement la marque de leur civilisation, comme le dit Mrs Thornton après le cyclone qui frappe et dévaste leur propriété : "Songez combien la peur est plus cruelle chez les enfants. Et ils ont été si courageux, si Anglais!"

Un déterminisme religieux

Si le narrateur du premier chapitre s'efface, l'écrivain commente le récit et nous fait part de ses réflexions sur l'enfance qui sont assez surprenantes. En effet, les enfants sont expédiés en Angleterre et enlevés par des pirates, ce qui donne lieu à toutes sortes d'aventures passionnantes.
 Mais le roman n'est pas un roman d'aventures au sens où on l'entend habituellement. Les enfants sont  vus par Hughes comme le seraient des insectes par un entomologiste, épinglés, étudiés, répartis en espèces selon leur âge mais aussi jugés, analysés par un moraliste. Laura, la plus jeune, qui a quatre n'est plus tout à fait un animal mais pas encore un être humain:
Puisqu'elle approchait de ses quatre ans, c'était certainement un enfant; et les enfants sont des "êtres humains" (si l'on accorde au mot humain un sens large) mais elle n'avait pas tout à fait fini d'être un bébé, et les bébés naturellement ne sont pas des hommes, ce sont des animaux qui ont une culture très ancienne, très ramifiée, comme celle des chats, des poissons, et même des serpents.. les bébés sont, après tout, une des espèces les plus développées parmi les les vertébrés inférieurs
 Rachel, 7 ans, possède, elle, "un sens extraordinairement vif et simple du Bien et du Mal, qui s'élevait jusqu'à une sorte de précoce génie éthique."
Quant à Emily : Elle savait... qu'elle était damnée, qu'il n'y avait jamais eu de personne si méchante qu'elle depuis le commencement du monde. Après l'arrestation des pirates, Emily va devenir le principal témoin et collabore avec la justice pour faire accuser les pirates d'un crime - la mort du capitaine hollandais fait prisonnier- qu'elle-même a commis. Même son père a peur d'elle. Hughes semble imprégné par la croyance protestante en la prédestination et  la manière dont il l'interprète est effrayante.

Une condamnation de la société anglo-saxonne

Quant à la société anglo-saxonne tant vantée par Mrs Thornton, loin de sauver Emily, elle participe à la corruption. La bonne société veut obtenir la tête des pirates que l'on vient d'arrêter mais ceux-ci ne peuvent être condamnés à la pendaison que s'ils sont reconnus coupables d'un crime. La  Justice -ou ce qui se présente comme telle- va faire pression sur les enfants et va demander à Emily d'apprendre par coeur ce qu'elle dira au procès.

On comprend pourquoi le roman de Richard Hughes a pu inspirer William Golding pour Sa majesté des mouches.  C'est un roman à la fois passionnant et déroutant. La manière dont l'écrivain parle de l'enfance dérange même de nos jours et l'on peut comprendre pourquoi il a fait scandale en 1929.
 L'excellent film de Mackendrick, tout en restant fidèle aux grandes lignes du roman, offre une interprétation très personnelle du roman.


 Mon nouveau challenge s'imposait :  dans le blog de Will, le Kabaret culturel