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mercredi 8 juin 2011

Michel Quint : Les joyeuses



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En choisissant Les Joyeuses de Michel Quint chez BOB, je pensais me faire un double plaisir :  d'abord lire un livre de cet auteur dont j'ai beaucoup apprécié Effroyables jardins, à la lecture comme au théâtre (voir ici), ensuite aborder une pièce de Shakespeare  in situ, pendant le laps de temps nécessaire à son éclosion théâtrale sur les planches. Je savais, en effet, qu'il y était question d'une troupe de comédiens travaillant sur la mise en scène de : Les joyeuses commères de Windsor. Autant vous le dire tout de suite, je n'ai pas aimé ce roman qui ne manque pourtant pas d'ambition pour des raisons que je vais expliquer.
L'intrigue plein de rebondissements se déroule en Vaucluse, à Sablet, près de Gigondas, en plein coeur des vignobles. Ce détail une importance capitale puisque le vin qui coule à flots va être le Maître des divertissements orgiaques de ces nuits d'été shakespeariennes et ceci aussi bien dans la vie qu'au théâtre. En effet, Edwige, la soixantaine bien conservée, propriétaire d'un grand domaine viticole, a invité son ancien amant, Jean-Pierre Barnier, metteur en scène et acteur, à monter la pièce de Shakespeare. La troupe est composée de comédiens professionnels et l'on emploiera pour les seconds rôles les bonnes volontés locales. Simone, la fille d'Edwige, ne voit pas d'un très bon oeil cet homme dont sa mère semble toujours amoureuse et qu'elle lui présente de plus comme étant son père.
Le jeune narrateur Federico Peres, au cours de cet été enflammé va oublier le bégaiement qui l'a toujours handicapé pour faire ses premiers essais sur la scène et s'initier aux jeux de l'amour. C'est lui qui observe et décrit, en même temps que ses premiers émois, les différents personnages autour desquels plane un drame passé dont personne ne veut parler clairement. Qui est, en effet, le père de Simone? Quel est la véritable personnalité du père de Federico, David Peres? Quel chagrin secret ronge la belle Béatrice, médecin de Sablet?
Le thème du théâtre domine, bien sûr, dans le roman. Les joyeuses commères de Windsor ou Les gaillardes épouses de Windsor est une farce cocasse, assez simple, vraisemblablement une oeuvre de commande de la Reine Elizabeth, pièce que Shakespeare a un peu bâclée. Le metteur en scène inspiré par le décor du vignoble a décidé de le monter comme une farce dionysiaque, consacré aux vins, aux plaisirs de la chair, à la sensualité grossière et débordante. Lui-même, Jean-Pierre Barnier n'est-il pas un Falstaff, énorme, truculent, hommes à femmes en train de perdre son pouvoir de séduction et plus proche de la mort qu'il ne le voudrait? Les Fées deviennent donc des Bacchantes, la leçon donnée à Falstaff, une lapidation, une boucherie au sens propre : la mort de Falstaff  et celle de Barnier se répondant comme un écho. Pourquoi pas? L'idée est bonne.
Là où je ne le suis plus, c'est lorsque les personnages gagnés par la contagion finissent par se conduire dans la vie comme sur scène. Je sais bien que c'est un des grands thèmes de Shakespeare - le monde est une scène-  mais le roman n'est pas théâtre et la transposition passe mal. Les orgies paraissent sans grand intérêt et finalement on ne parvient pas à s'intéresser à ces gens, à leurs beuveries répétitives, aux coucheries de même. Du coup j'ai ressenti une impatience devant cette histoire ou la grande préoccupation semble être de se procurer des Joyeuses (les bouteilles! je vous laisse le soin de découvrir le champ sémantique du mot) et de lutiner, ou plus si affinités, sa voisine. J'ai trouvé aussi peu vraisemblable l'histoire elle-même.
D'autre part, où est passé le style de Michel Quint, celui qui assurait le succès de Effroyables jardins? Le jeune narrateur parle dans un style familier prétendument incorrect mais évidemment très travaillé. Emploi de l'adjectif  là où l'on attend un adverbe, verbes pronominaux doublement transitifs et autres recherches stylistiques qui me détournent de ma lecture! La phrase est nerveuse, incontinente et charrie un flot de mots qui se bousculent, rivalisent entre eux. Comme si, parce que l'on était dans le Midi, l'on ne pouvait parler sobrement.
Pourtant le début partait bien: Longtemps les mots ont roulé au fond de moi comme des cailloux au lit d'un torrent. Et puis, changement de ton :
Elles sont enchantées, sourient féroce, s'évaluent mutuellement les élégances, les rondeurs bandantes et l'outrage des ans, se guettent la ride véloce et la pesante graisse, et puis rien, t'es toute nue sous ton pull, jolie môme.. Et moi j'en pétille de partout, couillon de petit roi lion qui croit voir deux femelles montrer les crocs pour être sa favorite.
Certes, c'est bien écrit, c'est réussi dans le genre. Mais voilà, je n'aime pas. Pour moi, cela sonne faux, une fausse faconde méridionale, une fausse bonhomie, non pas du Marcel Pagnol mais une Pagnolade.

logotwitter2.1294593887.jpgMerci à BOB et aux éditions Gallimard

shakespeare2_p1291970470.1294594141.jpg Cet article participe aussi au challenge Shakespeare initié par Maggie et Claudialucia

Voilà comment Jean-Pierre Barnier  présente sa vision de la pièce Les Joyeuses commères de Windsor à ses acteurs dans le roman de Michel Quint :
Alors on jouera une bacchanale, une fable païenne dont les personnages sont pétris d'une terre où coule le vin! Falstaff est possédé de l'esprit de Bacchus et les ménades qu'il poursuit de son désir primitif, le bouffent à la fin dans un banquet dionysiaque! Bref résumé : Falstafff, vieux chevalier sans le sou, veut séduire deux bourgeoises  de Windsor, madame Ford et madame Page qui découragent ses avances à l'insu de leurs maris et finissent, au moment de ce que l'on traite généralement en mascarade féerique où la petite Anne Page va duper ses parents et se livrer en cachette à un coquin, par se révéler prêtresses de Dinysos et détruire complètement ce brave homme dans un dernier piège, l'humilier, le battre  le brûler dans une cérémonie au dieu de la force virile et de la boisson, alors qu'il est déguisé en bête.