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lundi 25 juillet 2011

Louise Edrich : La malédiction des colombes

 


La malédiction des colombes de Louise Erdrich est un livre à plusieurs voix, un récit qui est raconté tour à tour par des personnages différents - Evelina, le juge Antone Bills Court, Marn Wolde, le docteur Cordelia Lochren-  et qui finit par reconstituer non seulement l'histoire d'individus mais aussi celle d'une ville, Pluto, dans le Dakota du Nord. Je dis reconstituer car il s'agit d'un puzzle qui ne suit pas un ordre chronologique et entremêle les époques avec d'incessants retours en arrière dans le passé et un déroulement dans le temps. On voit grandir les plus jeunes, disparaître les plus âgés. Mais un puzzle aussi dans les faits car chaque personnage nous livre un compte rendu incomplet de l'histoire. C'est donc par recoupement que nous finissons par comprendre et avoir une vue d'ensemble.
Cette structure originale rappelle un peu celle du roman d'Elizabeth Strout : Olive Kitteridge et semble être à l'honneur en ce moment aux Etats-Unis chez ces écrivains que je viens de lire et que j'aime. Mais la comparaison ne va pas plus loin car chaque roman est spécifique par l'esprit et le style. Pour mieux comprendre celui de Louise Erdrich, il faut d'abord savoir qu'elle est d'origine indienne et c'est donc bien d'indiens dont elle parle mais aussi de réserve, de spoliation, de crimes racistes. Il faut aussi avoir en mémoire que certaines parties de ce livre sont parues séparément comme des nouvelles dans différentes revues. Pourtant le tout forme bien un roman car chacune s'emboîte dans le récit dont l'unité est garanti par le lieu, les personnages récurrents et par le style, une curieuse combinaison auquel nous sommes peu habitués en France, du moins dans une oeuvre romanesque, entre noirceur et humour voire caricature.
La malédiction des colombes s'ouvre sur une scène superbe racontée par Mooshum qui donne son titre au livre : la  vision hallucinante de milliers de colombes s'abattant sur les récoltes et la procession qui s'ensuit menée par le curé, un indien catholique. Le ton est  neuf, vif, nerveux, évocateur d'images, de sons, d'odeurs et de couleurs. Un récit partagé entre le réalisme de la description, voire la trivialité, la cocasserie et l'irruption de la fantaisie, de la poésie.
Pour ma part, j'ai tout de suite été séduite par ce style et ce va-et-vient entre tragédie et comédie. Mélange de genre qui n'est pas sans me rappeler le Steinbeck -en plus noir tout de même- de Tortilla Flat ou de Tendre jeudi en particulier avec le personnage du vieux Mooshum, menteur, buveur, paillard mais plein d'humour, imprévisible, farceur, gamin insupportable parfois mais... si attachant! Pourtant Mooshum est capable d'amour fou comme tous les membres de la famille Milk et Harp et il a une dimension tragique. Son histoire est  rattachée au  crime terrible dont le souvenir pèse sur tout le village depuis près de cinquante ans : une famille de fermiers blancs massacrée par un tueur fou et le lynchage de jeunes indiens accusés à tort par les habitants de la ville. C'est autour de ce passé jamais effacé que s'organise les relations de chacun, des lyncheurs comme des victimes et leurs descendants, pesant même sur la conscience de ceux qui n'étaient pas encore nés, introduisant à côté des thèmes du racisme, ceux de la violence, de la culpabilité, du remords et  une question présente dans l'esprit de tous : qui était le véritable coupable?
Le roman est riche, dense et tant d'évènements se déroulent, tant de personnages se croisent, tant de thèmes se mêlent qu'il est impossible d'en faire le tour. Un livre à découvrir absolument!

Voir aussi Clara , Keisha , Aifelle

kathel

Avignon : François Pétrarque et Laure de Noves, la chapelle de Sainte Claire

Laure de Noves   

  


Vestiges de la chapelle Sainte Claire à Avignon
La chapelle de Sainte Claire à Avignon fut témoin de la naissance d’un amour célèbre, celui de François Pétrarque et Laure de Noves.

 François Pétrarque est né à Arezzo, en Italie, en 1313. Mais la guerre fait rage dans son pays et se parents décident de fuir leur pays avec François, 9 ans, et son frère Gérard, 7 ans. La famille arrive à Avignon  qu’elle a choisie comme terre d’exil car c’est la ville du pape et il s’y trouve une colonie italienne importante. C’est là que François va vivre, c’est là qu’il va rencontrer à 23 ans, celle qu’il ne cessera jamais d’aimer : C’est en l’an de grâce 1337, à la première heure du 6 avril, que j’entrai dans le labyrinthe de l’amour écrit-il. C’est un vendredi Saint et la jeune femme sort de la chapelle de Sainte-Claire.
Laure portait cette matinée-là une longue robe parsemée de violettes. Les cheveux d’or mêlés de perles jouaient avec le vent. On aurait dit des rayons de soleil et les pleurs de l’aube.. écrit un autre poète, provençal celui-là, Théodore Aubanel.
 
Mais Laure de Noves est déjà mariée à Hugues de Sade, un chanvrier si riche qu’il est sur le point d’être anobli. C’est un mari jaloux qui oblige sa femme à vivre en recluse. Elle lui sera toujours fidèle. François, lui, est  peu fortuné. Cet amour interdit fera de Pétrarque un errant. Il la fuit, cherche son oubli de pays en pays, mais toujours, attiré par Laure comme un aimant, il revient à Avignon. Il la voit partout, dans le laurier qui porte son nom, dans les fleurs blanches du mois de mai qui a présidé à leur rencontre. Il la célèbre au bord de la Sorgue, à la Fontaine du Vaucluse où il va se réfugier et écrit ses poèmes :

Beaux yeux, foyers étincelants
                   
flambeaux amoureux où s’allume
                 
L’ardent plaisir qui me consume..




François Pétrarque
 
 
Fait remarquable la date de leur rencontre, le 6 avril, a marqué toute la vie de Laure et de François : c’est le 6 avril que Pétrarque reçoit à Rome la couronne de laurier réservée au poète. C’est le 6 avril 1348  que Laure atteinte vraisemblablement de la peste noire s’éteint. Pétrarque est à Vérone. Il écrit : L’an 1348, le 6 avril, à la première heure, cette bien aimée a laissé son corps. La belle dame que j’ai tant aimée nous a quittés soudain. 
Les vestiges du Couvent des religieuses de Sainte Claire édifié en 1239 et reconstruit au XIV  siècle sont encore visibles aux N° 14 à 20  de la rue de la Masse. Il ne reste que quelques bâtiments, un jardin et une chapelle aménagée en théâtre par la compagnie  Alain Timar.

Maurice de Scève
 Laure fut inhumée dans l’église du couvent des Cordeliers en 1348. Deux siècles après, l’emplacement du tombeau de Laure devient un mystère. Mais le souvenir du bel amour de Pétrarque hante l’imagination d’un autre poète, le lyonnais Maurice de Scève. En 1553, il vient à Avignon et visite les Cordeliers. Dans la chapelle de la Croix, la voûte est décorée d’une étoile à huit rayons. Ce sont les armoiries de la famille de Sade. Juste au-dessous, une pierre tombale porte deux écussons à moitié effacés par le temps où l’on distingue deux branches de laurier entourant une croix et surmontées d’un rose héraldique. Est-ce la sépulture de Laure? Maurice de Scève veut en avoir le coeur net. Il fait ouvrir la tombe et découvre au milieu d’ossements, une boîte en plomb. A l’intérieur, un parchemin  qu’il lit avec fébrilité : c’est un poème célébrant la beauté de Laure. Avec émotion, certain d’avoir découvert le tombeau de la Bien-Aimée, il remet en place le coffret et fait refermer le tombeau.




François 1er par Clouet

 
La même année, le roi François I, de passage à Avignon avec le poète Clément Marot, se rend en pèlerinage sur le tombeau qu’il fait, lui aussi, ouvrir. Il lit les vers découverts par Maurice de Scève et écrit à son tour un poème :
*
Plume, labeur, la langue et le savoir
                   
Furent vaincus par l’amant de l’aimée.
                   
Ah! gentille âme, étant tant estimée. 
                   
Qui te pourra louer qu’en se taisant
                   
Car la parole est toujours réprimée 
                 
 Quand le sujet surmonte le disant                        

Avant de partir, il laisse aux religieux mille écus d’or pour faire ériger un tombeau digne de Laure. Ce qui ne fut jamais fait. Mais la chapelle des Cordeliers devint un lieu de pélerinage. Les moine retirèrent les objets du tombeau pour les exposer à la curiosité des voyageurs. En 1720, un anglais corrompt le sacristain pour voler le coffret et l’emporte dans son pays. En 1793, les ossements sont enlevés de l’église pour être enterrés dans un cimetière et disparaissent à tout jamais.
 L’église appartenait au couvent des Cordeliers, ordre fondé par Saint François d’Assise. Les religieux s’étaient installés sur les bords de la Sorgue, à l’extérieur de la première enceinte marquée aujourd’hui par la rue des Lices, près de la porte Imbert. Les plus grandes familles avignonnaises y avaient leur tombeau.
 C’est dans l'actuelle rue des Teinturiers, non loin de la chapelle des Pénitents gris, que l’on peut voir les vestiges de l’église des Cordeliers englobés dans les bâtiments du Lycée Saint Joseph construit sur l’emplacement de l’ancien couvent.



Alfred de Musset : On ne badine pas avec l'amour



 De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.

Nouvelle énigme

 Extrait d'un roman du XIXième siècle. Le passage montre une jeune garçon en train de traverser une rivière de nuit.
Il fit bien de s'arrêter, car le trou se creusait toujours, et il en avait jusqu'aux épaules. L'eau était froide, et il resta un moment à se demander s'il reviendrait sur ses pas; car la lumière lui paraissait avoir changé de place, et mêmement il la vit remuer, courir, sautiller, repasser d''un rive à l'autre, et finalement se montrer double en se mirant dans l'eau, où elle se tenait comme un oiseau qui se balance sur ses ailes, et en faisant entendre un petit bruit de grésillement comme ferait une pétrole de résine.
Cette (..) il eut peur et faillit perdre la tête, et il avait ouï dire qu'il n'y a rien de plus abusif et de plus méchant que ce feu-là; qu'il se faisait un jeu d'égarer ceux qui le regardent et le les conduire au plus creux des eaux, tout en riant à sa manière et en se moquant de leur angoisse.
(..) Il ferma les yeux pour ne point le voir, et se retournant vivement, à tout risque, il sortit du trou, et se retrouva au rivage. Il se jeta alors sur l'herbe, et regarda le follet qui poursuivait sa danse et son rire. c'était vraiment une vilaine chose à voir.
 

Réponse à l'énigme de samedi


Oui, c'est On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset et bravo à Aifelle, Wens  et Lystig qui ont trouvé!

En 1834 Alfred de Musset quitte Venise seul après le drame de la rupture avec George Sand quand elle l'abandonne et part avec le médecin Pagello . Commence alors une correspondance amicale « plus ardente que l’amour »  entre les deux amants séparés, où Musset informe qu’il projette d’écrire leur histoire, « de bâtir un autel, fût-ce avec ses os » à George, qui sera le futur Confession d'un enfant du siècle. Mais François Buloz, le directeur de  La Revue des deux Mondes qui fait une commande d’une comédie dans la continuité d’Un spectacle dans un fauteuil, laissant le poète désabusé, ne sachant même pas « comment lui faire une malheureuse comédie ». C’est donc sans enthousiasme qu’il commence l’écriture d’On ne badine pas avec l’amour, finissant deux mois plus tard, pour enfin se tourner vers le projet de son roman.    Histoire de la pièce : Wikipédia

Perdican et Camille s'aiment  mais la jeune fille  qui sort du couvent refuse l'amour, parce que, dit-elle, une soeur  lui a expliqué combien les hommes sont fourbes et infidèles. Perdican lui répond par cette réponse célèbre : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses et dépravées. 

Alfred de Musset a utilisé avec son autorisation  un passage d'une lettre de George Sand qu'il a repris tel quel : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelque fois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.