Laure de Noves |
Vestiges de la chapelle Sainte Claire à Avignon |
La chapelle de Sainte Claire à Avignon fut témoin de la naissance d’un amour célèbre, celui de François Pétrarque et Laure de Noves.
François Pétrarque est né à Arezzo, en Italie, en 1313. Mais la guerre fait rage dans son pays et se parents décident de fuir leur pays avec François, 9 ans, et son frère Gérard, 7 ans. La famille arrive à Avignon qu’elle a choisie comme terre d’exil car c’est la ville du pape et il s’y trouve une colonie italienne importante. C’est là que François va vivre, c’est là qu’il va rencontrer à 23 ans, celle qu’il ne cessera jamais d’aimer : C’est en l’an de grâce 1337, à la première heure du 6 avril, que j’entrai dans le labyrinthe de l’amour écrit-il. C’est un vendredi Saint et la jeune femme sort de la chapelle de Sainte-Claire.
Laure portait cette matinée-là une longue robe parsemée de violettes. Les cheveux d’or mêlés de perles jouaient avec le vent. On aurait dit des rayons de soleil et les pleurs de l’aube.. écrit un autre poète, provençal celui-là, Théodore Aubanel.
Mais Laure de Noves est déjà mariée à Hugues de Sade, un chanvrier si riche qu’il est sur le point d’être ennobli. C’est un mari jaloux qui oblige sa femme à vivre en recluse. Elle lui sera toujours fidèle. François, lui, est peu fortuné. Cet amour interdit fera de Pétrarque un errant. Il la fuit, cherche son oubli de pays en pays, mais toujours, attiré par Laure comme un aimant, il revient à Avignon. Il la voit partout, dans le laurier qui porte son nom, dans les fleurs blanches du mois de mai qui a présidé à leur rencontre. Il la célèbre au bord de la Sorgue, à la Fontaine du Vaucluse où il va se réfugier et écrit ses poèmes :
Beaux yeux, foyers étincelants
flambeaux amoureux où s’allume
Fait remarquable la date de leur rencontre, le 6 avril, a marqué toute la vie de Laure et de François : c’est le 6 avril que Pétrarque reçoit à Rome la couronne de laurier réservée au poète. C’est le 6 avril 1348 que Laure atteinte vraisemblablement de la peste noire s’éteint. Pétrarque est à Vérone. Il écrit : L’an 1348, le 6 avril, à la première heure, cette bien aimée a laissé son corps. La belle dame que j’ai tant aimée nous a quittés soudain.
Les vestiges du Couvent des religieuses de Sainte Claire édifié en 1239 et reconstruit au XIV siècle sont encore visibles aux N° 14 à 20 de la rue de la Masse. Il ne reste que quelques bâtiments, un jardin et une chapelle aménagée en théâtre par la compagnie Alain Timar.
Laure fut inhumée dans l’église du couvent des Cordeliers en 1348. Deux siècles après, l’emplacement du tombeau de Laure devient un mystère. Mais le souvenir du bel amour de Pétrarque hante l’imagination d’un autre poète, le lyonnais Maurice de Scève. En 1553, il vient à Avignon et visite les Cordeliers. Dans la chapelle de la Croix, la voûte est décorée d’une étoile à huit rayons. Ce sont les armoiries de la famille de Sade. Juste au-dessous, une pierre tombale porte deux écussons à moitié effacés par le temps où l’on distingue deux branches de laurier entourant une croix et surmontées d’un rose héraldique. Est-ce la sépulture de Laure? Maurice de Scève veut en avoir le coeur net. Il fait ouvrir la tombe et découvre au milieu d’ossements, une boîte en plomb. A l’intérieur, un parchemin qu’il lit avec fébrilité : c’est un poème célébrant la beauté de Laure. Avec émotion, certain d’avoir découvert le tombeau de la Bien-Aimée, il remet en place le coffret et fait refermer le tombeau.
Maurice de Scève |
La même année, le roi François I, de passage à Avignon avec le poète Clément Marot, se rend en pèlerinage sur le tombeau qu’il fait, lui aussi, ouvrir. Il lit les vers découverts par Maurice de Scève et écrit à son tour un poème :
*
Plume, labeur, la langue et le savoir
Furent vaincus par l’amant de l’aimée.
Ah! gentille âme, étant tant estimée.
Qui te pourra louer qu’en se taisant
Car la parole est toujours réprimée
Quand le sujet surmonte le disant
Avant de partir, il laisse aux religieux mille écus d’or pour faire ériger un tombeau digne de Laure. Ce qui ne fut jamais fait. Mais la chapelle des Cordeliers devint un lieu de pélerinage. Les moine retirèrent les objets du tombeau pour les exposer à la curiosité des voyageurs. En 1720, un anglais corrompt le sacristain pour voler le coffret et l’emporte dans son pays. En 1793, les ossements sont enlevés de l’église pour être enterrés dans un cimetière et disparaissent à tout jamais.
L’église appartenait au couvent des Cordeliers, ordre fondé par Saint François d’Assise. Les religieux s’étaient installés sur les bords de la Sorgue, à l’extérieur de la première enceinte marquée aujourd’hui par la rue des Lices, près de la porte Imbert. Les plus grandes familles avignonnaises y avaient leur tombeau.
C’est dans l'actuelle rue des Teinturiers, non loin de la chapelle des Pénitents gris, que l’on peut voir les vestiges de l’église des Cordeliers englobés dans les bâtiments du Lycée Saint Joseph construit sur l’emplacement de l’ancien couvent.