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vendredi 29 juillet 2011

Arnaldur Indridason : Hypothermie


J'aime les romans d'Arnaldur d'Indridason, écrivain islandais né à Reikjavik. C'est même, je crois, mon préféré parmi les écrivains "venus du Nord", selon l'expression consacrée, depuis que j'ai lu La dame en vert.
Hypothermie raconte une enquête du commissaire Erlendur. Ici, pourtant, ce n'est pas sur un meurtre, du moins en apparence, mais sur un suicide qu'enquête Erlendur. Maria, une jeune femme, épouse du médecin Baldvin, fragilisée par la mort de sa mère Eléonore, est retrouvée pendue, dans son châlet d'été sur les bords du lac Thingvellir. L'affaire est classée mais Erlendur continue ses recherches car  Karen, une amie de Maria,  lui apporte la preuve que la jeune femme, très attirée par l'idée de la vie après la mort, est allée consulter un médium avant son suicide et que le passé de la jeune femme et son entourage, en particulier son mari, sont loin d'être aussi clairs que ce qu'ils paraissent l'être!
Parallèlement, Erlendur, reçoit la visite d'un vieil homme qui se sait mourant et qui le remercie de l'attention et de la gentillesse dont il à fait preuve envers lui depuis la disparition restée inexpliquée de son fils, David, il y a trente ans. Poussé par l'envie de donner une réponse à ce père qui n'a jamais cessé de souffrir, Erlendur rouvre le dossier de David, bientôt lié à celui d'une jeune fille nommée Gudrun.

Un récit complexe
L'intrigue du roman est complexe puisque Erlendur mène de front deux enquêtes qui, sans être liées sont enchevêtrées l'une dans l'autre et finissent même par se recouper. De plus, à l'intérieur de ces deux récits intervient l'histoire d'Erlendur lorsqu'il était enfant à la fois vécue par le principal protagoniste mais aussi reprise par un journaliste dans un livre qu'Erlendur lit à sa fille.

Un retour dans le passé et l'impossible oubli
Tous les romans d'Arnaldur Indridason présentent une intrigue qui trouve sa solution dans des évènements anciens et distille ainsi une nostalgie en demi-teintes, douce-amère, que nous partageons  avec les personnages pour qui l'oubli est impossible. Car les recherches entreprises par Erlendur sur la disparition de ces jeunes gens n'est pas une enquête mais une quête comme celle qu'il a toujours menée pour retrouver le corps de son petit frère, Bergur, disparu dans une tempête de neige et jamais retrouvé. C'est cette perte, ce sentiment de culpabilité aussi (il est vivant alors que Bergur est mort) qui expliquent la personnalité du policier.
-Parfois j'aimerais qu'il me laisse tranquille, qu'une journée entière passe sans qu'il vienne dans mes pensées.
- Et ça n'arrive jamais?
- Non, ça n'arrive jamais.

Le personnage d'Erlendur, d'aspect plutôt revêche à priori, gagne à être connu, un peu comme un ami qui ne se livre pas facilement, avec ses pudeurs, ses secrets. Il s'enrichit de roman en roman. Les rapports qu'il entretient avec sa fille Eva Lind et son fils Sindri évoluent. Dans Hypothermie, il parvient enfin, lui qui est incapable d'exprimer ses sentiments, à se rapprocher de sa fille, elle aussi, marquée douloureusement par le divorce ses parents et l'abandon de son père. Le père et la fille essaient chacun de faire un pas l'un vers l'autre malgré le mur dressé entre eux par la blessure originelle d'Erlendur. Les liens qui se créent avec Eva Lind sont très beaux et c'est un des aspects le plus passionnant du roman.

La présence d'un pays
Dans Hypothermie comme dans les autres romans, l'Islande a une présence très forte avec ses hivers plongés dans  la nuit propice aux suicides mais complice d'Erlendur :
L'obscurité et le froid ralentissait le passage du temps que le nuit couvrait d'un voile paisible
Et puis il y a ces lacs si nombreux et si beaux qui forment le paysage islandais, personnages eux aussi de l'action puisqu'ils président à la vie et à la mort de ceux qui leur font confiance : celui de Thingviller  ou celui d'Uxavatn ...
Fillette, elle écoutait le clapotis de l'eau, assise seule au bord du lac. Jeune femme, elle promenait son regard au loin à la surface, goûtant toute la beauté et la clarté qui en émanaient.

* Si l'on n'a pas encore lu Arnaldur Indridason, mieux vaut prendre les romans dans l'ordre pour mieux suivre l'évolution des personnages : La cité des jarres ; La dame en vert ; la voix ; l'homme du lacHiver arctique ; Hypothermie

 

Gérard de Nerval, les filles du feu


De qui est-ce? Le jeu de l'été (10) :
 De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.


Nouvelle énigme

Et si je vous disais qu'il s'agit d'un roman policier venu du Nord?

Elle resta longtemps immobile à scruter les ossements comme s'ils n'auraient pas dû se trouver là. Pas plus qu'elle-même, d'ailleurs.
Elle se disait que c'était encore un mouton qui s'était noyé jusqu'à ce qu'elle parvienne assez près pour distinguer un crâne à demi enfoui au fond du lac ainsi que la forme d'un squelette humain.  Les côtes dépassaient du sable et, en dessous, on pouvait distinguer les contours des os du bassin et du fémur. Le squelette reposait sur le côté gauche. 


Réponse à l'énigme (9)


Gwen, Wens , Aifelle et Lystig ont trouvé.
Il s'agit  de Sylvie du recueil de nouvelles de Gérard de Nerval, qu'il a rassemblé sous le titre de Les Filles du feu. Presque toutes portent un prénom féminin.  Le recueil paraît en 1854 juste un an avant le suicide du poète.

Angélique qui ouvre le recueil est un récit composé de lettres
Sylvie souvenirs du Valois d'où est extrait le texte cité : Sylvie et Adrienne sont les deux figures féminines de la nouvelle.
Chansons et légendes du Valois
Jemmy
Octavie
Isis
Corilla
Emilie
 
Les Chimères Ces sonnets ont aussi été intégrés par Nerval à la suite de Les filles du Feu


 Sylvie est, de loin, le récit que je préfère, empreint de poésie, de douceur et de mélancolie. On y retrouve tous les thèmes chers au poète et d'abord Le Valois, cette région brumeuse avec ses vieux châteaux, ses mystères, ses moeurs mélancoliques un peu désuètes, ses jeunes filles qui chantent des chansons d'amour. Nerval y évoque les souvenirs de son enfance. A la recherche de son passé, le narrateur, qui s'exprime à la première personne, convoque ses souvenirs et décrit les premiers émois  amoureux. Il éprouve une double attirance envers Adrienne, la blonde châtelaine, figure de la femme inaccessible qui incarne l'amour rêvé, idéalisé et Sylvie, la brune, qui représente la réalité terre à terre, bonheur possible que le poète, en proie à l'inquiétude et au doute, ne saurait saisir. Les filles du feu laissent déjà présager une autre oeuvre, Aurélia ou "la descente aux Enfers", dans laquelle Gérard de Nerval retrace sous forme de rêves prophétiques ses troubles mentaux et son cheminement vers la folie.
Résume du livre :  L'évènement
Sylvie nous mène au coeur de la géographie nervalienne et de son univers mental : noms de villages et de jeunes filles en fleurs, rondes et déguisements, initiation amoureuse et faux mariage, chansons populaires et vieilles légendes, tout fait resurgir le passé tel qu'on le rêve : la résurrection du souvenir est aussi importante que son contenu. Nerval est à la poursuite d'une image, celle d'une actrice belle comme le jour et pâle comme la nuit. Tout se brise et se recompose perpétuellement, à partir d'un feu primordial où naîtraient les âmes. Il n'y a pas d'ordre, pas de hiérarchie, le monde extérieur et le monde mental n'ont plus de frontière, ni d'ailleurs l'érudition qui truffe ces récits. La pensée est toujours soutenue par le chant : c'est pourquoi, non seulement à cause des thèmes (et des femmes aimées), mais à cause de la recherche de la poésie pure, Nerval a voulu annexer Les Chimères à son recueil, dont elles sont le sommet et la conclusion.


 Initié par Sabbio