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dimanche 1 décembre 2013

Jean-Christophe Ruffin : Globalia




J'ai eu un peu de mal à entrer dans Globalia le roman de Jean-Christophe Ruffin dont le thème me paraît trop connue et me donne une impression de déjà lu depuis Le meilleur des mondes d'Huxley et 1984 d'Orwell.
Pourtant c'est de notre époque que Jean-Christophe Ruffin nous parle et c'est en cela qu'il offre un point de vue différent. Je me suis donc intéressée peu à peu au récit en découvrant la vision critique que l'écrivain donne de notre société, du pouvoir politique, et de la mondialisation des richesses économiques. 

Sous un globe qui le protège du monde extérieur, sous un ciel toujours clément et ensoleillé mais factice, voici un univers, Globalia, ou tout semble parfait, où l'état providence veille sur tout, assure le confort et la santé de son peuple mais où pourtant la liberté fait défaut. C'est pourquoi Baïkal, un jeune globalien cherche à gagner les non-zones, sauvages, peuplées d'après le gouvernement de Globalia de "terroristes". Mais peut-on se libérer vraiment d'un pouvoir qui détient toutes les commandes du pouvoir : L'argent, l'armement et  l'information? 

Dans Globalia, en effet, le pouvoir est concentré entre les mains d'une poignée d'hommes. Ils sont si peu nombreux que leur puissance est presque illimitée. Les politiques n'y font que de la figuration et ne possèdent plus que l'apparence du pouvoir. Ils servent de paravent à des multinationales qui leur dictent les lois. Etonnant, non, comme ce monde ressemble au nôtre? J'ai eu l'impression de voir nos hommes politiques français de gauche ou de droite s'agiter comme des fantoches au service des multinationales!
Quant à ceux qui habitent Globalia, pourvu qu'ils bénéficient du confort et puissent consommer, ils renoncent peu à peu à leur liberté de penser; d'autant plus que le gouvernement de Globalia s'appuie sur la peur pour maintenir les habitants sous dépendance et place la sécurité au coeur de la constitution en présentant la video-surveillance comme un objet de liberté. Vous connaissez? Les globaliens s'endorment dans un quotidien ou l'écran les berce à longueur de journée de publicités mensongères, où la culture n'existe plus et où les livres ont disparu. Alors, bien sûr, les marginaux qui échappent à la règle, ceux qui aiment les livres, par exemple, vont essayer de s'insurger. Mais c'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
J'ai trouvé le roman de Ruffin très pessimiste à moins qu'il ne soit tout simplement lucide et c'est pourquoi même si le roman ne m'a pas paru  passionnant - les personnages ne sont pas attachants, l'histoire d'amour peu convaincante -  j'ai apprécié cette analyse sans concession de notre monde actuel et cette critique politique virulente de la mondialisation.


de Lisa et Silyre

Laura Kasischke : La vie devant ses yeux, une déception




Emportée par mon enthousiasme pour Esprit d'hiver j'ai voulu lire un autre Kasischke : La vie devant ses yeux. Mal m'en a pris! Le roman est une déception complète. Qui plus est je dois battre ma coulpe et demander à Wens (voir sa critique du film) pardon car le film est loin d'être bon!

Diana et Maureen sont amies lorsque a lieu le drame. Dans leur lycée, un élève devenu fou tire sur ses camarades, allusion à la tuerie de Colombine, et pénétrant dans les toilettes où elles sont réfugiées leur demande laquelle des deux il doit tuer. Diana répond "tue-la". La suite du roman montre la vie de Diana devenue adulte, avec sa fille Emma, son mari, un brillant universitaire … Mais sous cette apparence de bonheur, la fêlure …

Comme d'habitude, Laura Kasischke  mène l'intrigue avec habileté, nous amène là où elle veut avec son écriture élégante et cette sorte de cruauté qui est en elle, lorsqu'elle peint sous le calme, la beauté d'un jardin et des fleurs, le malaise et la menace.  On y retrouve maints thèmes communs à Esprit d'hiver. Mais je comprends mieux pourquoi certains lecteurs (devrais-je dire lectrice, n'est-ce pas Dominique (à sauts et à gambades?) ne peuvent supporter ce que l'on a  pu appeler "manipulation". Le lecteur envoyé sur une fausse piste croit ce qu'on lui raconte avant d'être retourné comme un crêpe et de s'apercevoir que tout ce qu'il pensait voir n'était qu'un reflet inversé de l'image présentée.  Mais en faisant cela Laura Kasischke, pour le plaisir d'un dénouement époustouflant, détruit ce qui était vraiment au centre de cette histoire : comment peut-on vivre après un tel drame et une telle culpabilité?  Question qui est le véritable intérêt du récit ou aurait dû l'être.

C'est du grand art, et si le roman m'a déplu, ce n'est pas parce que l'habileté et le talent d'écriture de Kasischke sont en cause mais parce que la manipulation est gratuite, le dénouement décevant, et que je ne peux adhérer au récit qui perd tout son intérêt et sa logique interne quand on connaît la vérité. Au contraire, j'ai totalement accepté ce procédé dans Esprit d'Hiver parce qu'il obéit à une logique psychologique, que le point de vue du récit, unique, celui de Holly, nous amène à cette vision faussée; et  l'écrivaine ne triche pas puisqu'elle nous donne toutes les clés pour comprendre. De plus, le roman rend compte de l'immense douleur d'une mère et donc il n'est jamais gratuit. Ce qui n'est pas le cas pour La vie devant ses yeux qui est un roman à sensation..

Quant au film s'il a les mêmes défauts que le livre, il n'en a pas les qualités. Le récit est mélo et au cas où l'on n'aurait pas compris ce qu'éprouve Diana, le metteur en scène Vadim Pelman en rajoute des tonnes. L'histoire devient moralisatrice : la jeune héroïne dévoyée mais libre de Kasischke, qui n'obéit pas à la morale bourgeoise bien pensante, devient une pauvre petite jeune fille mal aimée, larmoyante,  qui se rachète par sa grandeur d'âme.

Réponse à l'énigme n° 76



La bonne réponse : Aifelle,  Asphodèle, Dasola, Eeguab, Gwenaelle, Valentyne

 Le roman : Laura Kasischke : La vie devant ses yeux
Le film :  Vadim Pelman : La vie devant ses yeux