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jeudi 1 mars 2018

Michel Bussi : Un avion sans elle


Je m’étais promis d’espacer la lecture des livres de Michel Bussi depuis  que je n’ai pas trop aimé On la trouvait plutôt jolie mais je m’étais engagée à lire un livre de lui pour le blogoclub au mois de mars, aussi le revoici avec un autre titre : Un avion sans elle. Oui, le jeu de mots est voulu, référence à la chanson de Charlélie Couture : comme un avion sans ailes.

Le récit  se déroule  sur deux époques et sur dix-huit ans :

23 septembre 1980  : Un avion s’écrase dans le Jura sur le Mont Terrible et prend feu. Une seule survivante  éjectée de l’appareil, une fillette de trois mois, autour de laquelle deux familles vont se déchirer. Les parents sont morts dans l’avion et ce sont les grands-parents qui revendiquent la garde du nourrisson. Les Vitral, Nicole et Pierre, d’origine modeste, sont persuadés qu’il s’agit de leur petite-fille Emilie, Léonce de Carville, riche industriel, et son épouse Mathilde affirment que la fillette est Lily-Rose. A une époque où les tests d’ADN n’existent pas encore, c’est à la justice de trancher et elle le fera en faveur des Vitral.
2 Octobre 1998  :  Mais dix-huit ans tard, à l’anniversaire  de celle que l’on appelle Lylie, compromis entre les deux prénoms, le doute subsiste encore et c’est d’autant plus tragique que Marc, le frère supposé d’Emilie, est amoureux de la jeune fille et réciproquement. Les tests d’ADN devraient pouvoir trancher ! Mais au contraire, c’est là que les choses se compliquent !
Le détective privé, Crédule Grand-Duc, qui a passé dix-huit ans à enquêter sur l’affaire à la demande de Mathilde de Carville découvre pourtant enfin la vérité avant d’être assassiné. C'est à travers son carnet et des notes prises pendant l'enquête que nous découvrons le récit.

Je retrouve dans ce roman ce que fait la force de Michel Bussi mais aussi ce que je n'aime pas.
Michel Bussi est un bon conteur qui sait embarquer son public et le  livre est d’un abord agréable, facile ; je me suis laissé prendre par l’histoire. Les 573 pages du pavé se lisent donc volontiers mais... le récit finit par traîner en longueur et devient parfois lassant. En effet, le procédé qui consiste à toujours différer les révélations est souvent irritant et coupe l’action. Le livre pourrait être plus court et éviterait ainsi les ficelles employées pour allonger le récit, ce qui nuit à la vérité psychologique. Je prends pour exemple, la scène où Marc vient trouver sa grand-mère Nicole de toute urgence pour avoir des explications et qu’ils prennent le repas ensemble sans en discuter. Et quand il a enfin le test qui va tout révéler, il le laisse tomber de surprise et il faut attendre un chapitre de plus pour savoir la suite alors qu’à ce stade-là on a compris du moins en partie !  Parfois, il me semble que si l’auteur allait plus vite au but, il  maintiendrait le suspense jusqu’au bout et gagnerait en efficacité… De plus, je ne peux m’empêcher de trouver invraisemblable le dénouement qui fait penser à une romance du XIX siècle.
Quant aux personnages, ils manquent de profondeur et sont souvent  trop attendus : la preuve, c'est que les de Carville coupables d'avoir trop d'argent, sont antipathiques mais raffinés, musiciens, alors que les Vitral prolétaires, courageux et sympathiques, sont peu intelligents et peu cultivés. En effet, s'il y a des des doutes sur l'identité d'Emilie, c'est parce qu'elle est trop brillante, trop artiste, trop fine, pour être une Vitral. Il est vrai que ce déterminisme social recevra un pied de nez mais, en attendant, comme il se doit, Emilie lit et fait de brillantes études, Marc ne lit pas et est moyen en classe.
En bref ! Le sujet est intéressant au départ, le livre se lit bien mais je ne suis pas entièrement convaincue par cette lecture.

Lecture commune du blogoclub :  Un roman de Michel Bussi

jeudi 1 septembre 2016

Siri Hustvedt : L'envoûtement de Lily Dahl



Dans le roman de Siri Hustvedt, Lily Dahl, tout juste 19 ans, travaille dans un café restaurant d’une petite ville du Minnesota avant d'entrer à l’université. En fait, elle voudrait être actrice, admire Marylin et joue le rôle de Hermia, personnage du Songe d’une nuit d’été qu'elle interprète avec une petite troupe d’amateurs. Nous sommes dans le monde étriqué d'une petite bourgade provinciale où les jeunes n’ont pas beaucoup d’avenir et où tout le monde se connaît. Aussi  les commérages et les affabulations sur les agissements des uns et des autres vont bon train. Qui est par exemple cet artiste peintre Edouard Shapiro? Pourquoi a-t-il pris une petite chambre dans un hôtel miteux de la ville alors qu’il vit à New York et paraît avoir de l’argent? Pourquoi reçoit-il dans cette chambre des gens aussi dissemblables que Dolorès, une prostituée, et Ted qui se prend pour un cow boy? Mais Lily tombe amoureuse du peintre malgré les on-dit. Pourtant il se passe d’étranges phénomènes assez inexplicables autour de la jeune fille mais auxquels son ami d’enfance Martin semble mêlé.  D'où le titre L’envoûtement de Lily Dahl !

J’ai beaucoup aimé ce roman aux personnages attachants qui nous sont présentés avec beaucoup de finesse et se révèlent à nous dans leur complexité. Lily, toute jeune, « petite dure à cuire » comme l’appelle son employeur, est une fille volontaire, courageuse,  qui fait peu de cas du qu’en dira-t-on mais qui est aussi sensible et fragile. Elle a pour amie la vieille Mabel, personnage intéressant dont nous découvrons peu à peu le passé. Elle joue envers Lily le rôle d’un mentor plein de sagesse et d’affection. Professeur retraitée, elle lui explique Shakespeare et lui fait comprendre le personnage d’Hermia par l’intérieur. La galerie de portraits des clients du café, du patron et des employés est aussi très pittoresque et réussie. En particulier, les frères Franck et Dick connus de tous pour leur refus de se laver mais dont nous découvrons l’humanité à travers la tragédie qu’ils ont vécue dans leur enfance. Lily jouant entre tous le rôle de lien et de passeur.
 Avec Edouard Shapiro, le peintre, apparaît le thème de l’Art qui va au-delà des apparences et sert de révélateur à la vérité de chacun.
Et puis il y a l’aspect fantastique et inquiétant du roman :  les apparitions étranges qui ne sont pas  vues seulement par Lily mais par d’autres habitants de la ville. Une certaine folie s’empare de tous. L’irrationalité caractérise parfois Lily (je pense à l’épisode des chaussures) aussi bien que Martin, dérangé, exalté, douloureux, dont les secrets vont peu à peu se révéler à nous.
Un bon roman qui m’a permis de découvrir dans Siri Hustvedt une écrivaine intéressante, en pleine possession de ses moyens et qui manifeste beaucoup de tendresse pour ses personnages sans tomber toutefois dans le sentimentalisme.

Siri Hustvedt est une écrivaine américaine née le 19 février 1955 à Northfield au Minnesota.
Son père est un américain d'origine norvégienne et sa mère est norvégienne.
Poétesse, essayiste et romancière reconnue, elle est diplômée en littérature anglaise de l'université Columbia.
Son premier roman, Les Yeux bandés est édité en 1992, et son troisième roman Tout ce que j'aimais connaît un succès international. En 2010, elle édite un essai La femme qui tremble, sur les troubles neurologiques qu'elle a étudiés dans les hôpitaux psychiatriques. Le recueil Vivre Penser Regarder paru en 2013 rassemble 32 conférences et articles, prononcés ou publiés séparément entre 2005 et 2011. Elle y développe ses thèmes de prédilection, mêlant les apports de la littérature, de la philosophie, de la psychologie ou encore des neurosciences. Ses œuvres sont traduites dans seize langues à ce jour. En France les écrits de Siri Hustvedt sont traduits par Christine Le Bœuf et publiés chez Actes Sud. (wikipedia)


Lecture commune de Siri Hustvedt  avec le blogoblub de Silyre






mardi 1 mars 2016

Irène Némirovsky : Les chiens et les loups


Les chiens et les loups (1940) se déroule en Ukraine dans les milieux juifs. La société est divisée en trois « castes » : ceux de la ville du bas, les pauvres juifs, petits artisans, boutiquiers, « la racaille infréquentable » qui porte des guenilles et parle yiddish; la ville moyenne où vivent non sans hiérarchie médecins, avocats, commerçants, petits bourgeois et où coexistent juifs, russes et polonais. Et enfin le ville haute interdite aux juifs sauf à ceux qui possèdent une grande fortune et peuvent se permettre de tout acheter. Les chiens et les loups, c’est cette opposition entre ceux qui réussissent et  dominent et ceux qui sont pauvres et obéissent.

C’est dans la ville moyenne qu’habite la petite Ada Sinner dont le père Israël est un intermédiaire entre la ville moyenne et la haute. Chez elle vivent aussi sa tante, veuve, son cousin Ben et sa cousine Lilla. Au cours d’un pogrom, Ada et  Ben se réfugient dans la ville haute. Ils demandent asile aux cousins Sinner, la branche riche de la famille. Les enfants y sont accueillis avec hauteur mais Ada y fait une rencontre qu’elle n’oubliera pas : son cousin, Harry, enfant délicat, raffiné, richement habillé, qui sera le seul amour de toute sa vie. Elle le retrouvera dans l’exil, à Paris, où la famille est obligée de fuir après la mort de son père. La vie à Paris contraste avec la vie en Ukraine mais elle y est toujours difficile; heureusement Ada est peintre et son travail va lui permettre de s’en sortir.

La description de la vie en Ukraine est passionnante et j’ai trouvé que c’était le moment le plus fort du livre. La ville à plusieurs niveaux comme dans un film de Fritz Lang, la misère, le pogrom dans le ghetto, la fuite des enfants, la découverte de l'inégalité sociale vécue comme un choc, tout est animé d’une vie intense, raconté avec un grand talent. J’ai suivi aussi avec intérêt les tribulations du personnage principal qui est, de plus, entourée de personnages secondaires bien campées. Ada est attachante, intelligente et courageuse. Elle lutte contre les difficultés de l’exil, et ne baisse pas les bras! C’est un beau portrait de femme. Son amour pour Harry semble être sa grande faiblesse. Au départ on peut se demander si elle est attirée par Harry qui n'a pourtant rien d'exceptionnel ou par ce qu’il représente. Mais on voit, plus tard, combien elle est désintéressée et fière, n’acceptant rien de lui.

Ce qui m’a frappée dans la description des milieux juifs par Irène Némirovsky c’est l’incroyable étanchéité qui existe entre les classes sociales, une hiérarchie féroce, un mépris et une dureté pour ceux qui ne réussissent pas, l’importance accordée à l’argent. La valeur de l’homme est déterminée par le fait qu’il a ou n’a pas de fortune. L’écrivaine parle de la race juive et de ses caractéristiques physiques et morales et il en sort un portrait peu flatteur. Si Irène Nemirovsky n’était pas juive elle-même, morte dans un camp de concentration, je dirais qu’elle est antisémite, tant sa critique de la société juive est virulente. Elle appartient pourtant elle aussi a une haute bourgeoisie, dont la fortune est assise sur la finance, et elle aussi a vécu en riche et insouciante jeune fille. Pourtant, elle n'hésite pas à publier des nouvelles dans Gingoire, un journal d'extrême-droite connu pour son antisémitisme. Elle se convertit au catholicisme en 1938 peut-être pour des raisons de prudence en ces temps troublés! Il n’en reste pas moins qu’elle reste hantée par son identité juive dans toute son oeuvre, qu'elle la refuse ou non.

Livre lu dans le cadre du blogoclub de Sylire


dimanche 1 mars 2015

Patrick Modiano : L'herbe des nuits


Quand Lisa et Sylire nous ont proposé de lire Patrick Modiano pour le blogoclub, je n’ai eu que l’embarras du choix, moi qui connais peu cet auteur! J’ai choisi L’herbe des nuits car sa résonance poétique me parlait. 

 Le titre

Pavot et Mémoire de Paul Celan
Le titre,  nous dit l’écrivain, est emprunté à un vers du poète russe Ossip Mandelstam :
 rassembler pour les tribus
Étrangères l'herbe des nuits.
Patrick Modiano précise :
Je ne sais pas si le russe exprime la même chose, mais, en français, l'expression «herbe des nuits» me paraissait refléter le climat de mon livre : ces souvenirs qui jaillissent comme des herbes et qu'on broute sans fin.
 D’autre part, dans une interview accordée au Figaro, Modiano fait aussi allusion au recueil de poésies de Paul Celan  Pavot et mémoire, le pavot étant la fleur associée à l’oubli… Une image qui en accord avec le roman dans lequel le narrateur Jean, à l’aide d’un petit carnet noir où il a noté quelques noms, des évènements, des lieux, part à la recherche de son passé. Des décennies se sont écoulées.  Il ne reste plus grand chose du Paris des années 1960, quand jeune étudiant, il avait pour amie une jeune femme mystérieuse, Dannie, qui a disparu soudainement de sa vie sans qu’il puisse la retrouver. Ce Paris est aussi celui de la décolonisation et à travers la vie nocturne, dans les  bars louches de la capitale, le narrateur fait connaissance de personnages interlopes, comme les marocains Aghoumari, ou l’inquiétant « Georges ». Entre oubli et mémoire, Jean retourne sur les lieux de son passé, cherche à faire revivre les fantômes qui ont vécu là.

Un archéologue du passé

Paris semble être ici, comme dans la plupart de ces romans, un personnage à part entière. Il explore la ville recherchant au-delà des rues, des cafés, de l'Unic Hôtel où se passe une grande partie de l'action, du cimetière de Montparnasse, la gare, les traces qu'il a pu laissées.  L'on sent que l'écrivain y a mis beaucoup de lui-même - c'est ce qu'il confirme dans l'entretien donné sur le site de Gallimard-.  Le récit est écrit par petites touches et nous livrent des bribes du passé sans avoir l’air d’y toucher, sans s’appesantir. C’est que la mémoire fonctionne ainsi et les souvenirs se dérobent toujours au présent. Il ne faut pas les forcer.  Le narrateur semble être un archéologue étudiant les couches successives d'un passé récent mais aussi plus ancien : les traces de sa jeunesse recouvrent ou au contraire sont recouvertes par celles de l'Histoire. Gérard de Nerval, Madame du Barry,  Jeanne Duval, Restif de la Bretonne, Tristan Corbière, la baronne Blanche qui a donné son nom à la rue, et que Jean étudie, ont autant de consistance (ou aussi peu) que Dannie, Aghamouri, Georges et les autres qui ont traversé sa vie. Tous sont des ombres qui reviennent vaguement à la lumière du souvenir. Les rues de la capitale changent de nom, les immeubles disparaissent pour laisser place à d’autres, mais parfois, dans une brèche du temps, surgit le souvenir, fragile, d’un moment, un flash, un arrêt sur image. Le tout baigne dans un atmosphère de clair-obscur, entre sommeil et veille, entre réalité et rêve. Car ce passé a-t-il vraiment existé?
Le passé? Mais non, il ne s’agit pas du passé, mais des épisodes d’une vie rêvée, intemporelle, que j’arrache, page à page, à la morne vie courante pour lui donner un peu d’ombre et de lumière.

Un tableau de Hoper

Edward Hoper Noctambules ou nightawks tableau de 1942
Edward Hopper : Noctambules

L’ombre et la lumière!  Le roman de Modiano me paraît très visuel, très pictural. Ses descriptions font écho pour moi aux tableaux nocturnes de Hoper où les personnages sont figés dans des lieux éclairés au milieu de l’obscurité, enfermés dans leur solitude : Cette nuit-là je ne sais pas combien de temps je suis resté à les observer.(…) Ils étaient à quelques centimètres de moi derrière la vitre, et l’autre, avec son visage de lune et ses yeux durs, ne me voyait pas lui non plus. Peut-être la vitre était-elle opaque de l’intérieur, comme les glaces sans tain. Ou tout simplement, des dizaines et des dizaines d’années nous séparaient, ils demeuraient figés dans le passé au milieu de ce hall d’hôtel , et nous ne vivions plus, eux et moi, dans le même temps.
L’image de cette vitre qui sépare le passé du présent est récurrente : Il me semble qu’à cette époque je les voyais tous comme s’ils étaient derrière la vitre d’un aquarium, et cette vitre nous séparait, eux et moi.

J’ai aimé le ton nostalgique de ces souvenirs, cette impression de tristesse douce qui baigne l’ensemble.  J’ai senti combien l’écrivain parlait de lui-même et avec quelle intensité il nous faisait partager ses émotions. J’ai été sensible à l’urgence que l’on sent dans sa recherche du temps perdu, parce que, à un certain  âge, l’on ne peut plus éprouver cette impression d’éternité liée à la jeunesse. Ainsi quand il s’adresse à cette femme aimée dont la personnalité et l’identité même étaient si insaisissables : 
Tu dois te cacher dans ces quartiers là. Sous quel Nom? Mais, chaque jour, le temps presse et, chaque jour, je me dis que ce sera pour une autre fois.



Sylire et Lisa

lundi 1 décembre 2014

Maria Ernestam : Les oreilles de Buster






Le moins que l'on puisse dire c'est que l'incipit du roman de l'écrivaine suédoise Maria Ernestam, Les oreilles de Buster  est en forme de coup de poing :

"j'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet en exécution."

  Au moins on est tout de suite dans l'ambiance! Voilà qui illustre bien le thème du blogoclub de Silyre et Lisa pour lequel j'ai lu ce livre sur "l'amour maternel"!

Le thème principal 

A l'occasion de son 56ème anniversaire Eva reçoit de la part de sa petite-fille un journal intime et elle commence à écrire ses souvenirs. Sa mère, une femme très belle, ne l'aime pas et ne cesse de l'humilier. C'est donc l'absence d'amour maternel qui est décrit ici et la souffrance puis la haine que Eva va finir par éprouver pour cette mère froide, indifférente, sarcastique. S'ajoute un  grand amour brisé mais que Eva n'a jamais pu oublier, voilà quelle est la matière de ce roman.  

Ce livre a eu la malchance de tomber après ma lecture de l'auteure norvégienne Herbjorg Wassmo Le livre de Dina qui met aussi en scène une meurtrière mais... quelle force dans ce portrait et dans la vie de cette femme! Cela m'a presque fait paraître fade l'histoire d'Eva. 

Des personnages peu convaincants 

C'est que, en dehors de l'incipit, j'ai trouvé le roman peu convaincant.  Même s'il raconte des faits assez horribles, il manque de force. Peut-être parce que je n'ai pas pu complètement croire à cette petite fille de sept ans qui nourrit sa vengeance et s'exerce au crime sur son entourage dès qu'il se montre désagréable, humains ou animaux (de là le titre les oreilles de Buster : il faut savoir que Buster est un chien). Peut-être aussi parce que la mère d'Eva, en dehors de son manque d'amour, est un personnage assez convenu et manque de force. Une femme qui préfère ses amants à sa fille, qui n'aime pas son enfant, est une mauvaise mère, mais est somme toute assez banale ! Et si en plus elle préfère travailler parce qu'elle ne s'épanouit pas dans son foyer, là, je suis de tout coeur avec elle!  En fait, elle ne prend une autre dimension qu'au moment de sa mort, quand on en apprend un peu plus sur elle mais c'est un peu tard! Bref! Je n'ai pu complètement adhérer à cette histoire parce que les personnages manquent d'épaisseur et de vérité psychologiques.  A la limite, c'est Eva qui me paraît plus inquiétante que sa mère et pathologiquement atteinte. Son imagination n'a d'égale que sa perversité quand elle cherche à faire le mal! C'est un personnage glauque et qui aurait pu être très fort mais... Il y a trop d'invraisemblances! Très avertie sur la sexualité, machiavélique et sadique envers Bjorn, on la voit jouer ensuite les pucelles effarouchées et sortir les violons pour romancer sa rencontre avec l'homme qu'elle aime. Comment a-t-elle pu avoir une vie normale après son crime? Comment l'auteur peut-elle la peindre en mère et en grand-mère aimante? Je me demande aussi comment l'on peut éprouver de l'empathie pour un pareil personnage lu! Le problème c'est que Eva - pas plus que sa mère-  ne se hisse jamais au niveau d'un héros tragique, elle n'éveille pas en nous ce sentiment mêlé d'effroi et d'admiration. Eva n'est ni une Electre ni un Oreste! On a plutôt l'impression que c'est une boutiquière qui tient mesquinement le compte des méchancetés de sa mère pour mieux pouvoir se venger et justifier son meurtre! 

Des rebondissements gratuits


Je n'ai pas aimé, non plus, certains artifices utilisés par Maria Ernestam pour créer des coups de théâtre qui me paraissent sans grand intérêt : ainsi lorsque l'auteur joue sur l'identité d'Eric et sa fiancée Lisa (ridicule) ou plus gênant sur l'identité de Sven (irritant). Non seulement ces "rebondissements" n'apportent rien au roman mais ils sont gratuits et peu crédibles. Ils n'ont surtout aucune raison d'être quand ils ne sont pas trop amenés, trop prévisibles, comme l'insistance tout au long des pages sur l'amour d'Eva pour ses rosiers. Si on ne comprend pas pourquoi, c'est que l'on y met de la mauvaise volonté!


Reste que récit est bien menée, que certains passages accrochent, que Maria Ernestam écrit bien...  Je comprends que l'on puisse se laisser prendre par la lecture. Moi, chaque fois que je me laissais emporter, un détail venait tout casser, m'agacer et je ne pouvais plus adhérer à l'intrigue!


Blogoclub de Sylire et Lisa
 Le roman proposé par le blogoclub sur le thème de l'amour maternel était La promesse de l'aube de Romain Gary, une oeuvre que j'aime beaucoup mais que j'ai déjà lue deux fois. J'ai préféré choisir le livre qui avait obtenu un peu moins de voix mais que je ne connaissais pas.

dimanche 1 juin 2014

Maylis de Kerangal : Réparer les vivants



Réparer les vivants :  le titre fait référence à un extrait de Platonov de Tchekhov : Que faire Nicolas? Réparer les vivants et enterrer nos morts. Et le roman de Maylis de Kerangal est bien l'histoire d'une réparation, celle d'une transplantation cardiaque. Il  a obtenu plusieurs prix et des critiques élogieuses voire dithyrambiques de la presse. D'où vient que je ne suis pas arrivée à partager totalement cet enthousiasme collectif?

Certes le roman a des qualités : il nous raconte avec une précision rigoureuse toutes les étapes d'une transplantation cardiaque de la mort accidentelle du jeune surfeur, Simon, à la greffe de la malade qui va recevoir le coeur, Claire. Ce sujet est délicat et pourrait glisser dans le pathos;  les précisions médicales, la chronologie  qui se met en branle à partir du moment où le jeune homme est déclaré en mort cérébrale jusqu'à l'opération chirurgicale, pourrait paraître fastidieuse; il n'en est rien! Maylis de Kerangal sait éviter ces pièges et déroule devant nous 24 heures de cette odyssée médicale en parvenant à nous intéresser. L'auteur a aussi le mérite de poser toutes les questions affectives, religieuses et philosophiques que soulève le don d'organe. Les réactions des parents de Simon, leur réticence, leur hésitation, montrent combien le corps reste étroitement lié à l'âme dans les mentalités, le coeur, en particulier, tenu pour le siège de sentiments.

Là où j'ai un peu achoppé, c'est d'abord sur les personnages; ils n'existent pas vraiment, ils sont des représentants  de l'humanité: les parents, la petite amie, les copains, le médecin, l'infirmier … Ils ne m'ont jamais intéressée en tant qu'être humains. Admettons que ce soit le sujet qui impose cela. L'analyse clinique ne permet pas la vie, l'émotion. Et puis il y a surtout la volonté  de l'écrivain d'écrire non pas au ras du sol, au ras de l'humain, mais au niveau cosmique. Il y a une amplification rendu par le style qui transcende le don des organes et en particulier du coeur pour en faire une Grande Messe, un don religieux. La transplantation se fait épopée, pas étonnant que l'on en arrive au mythe avec la convocation des images du Christ, de la Grèce antique et d'Ulysse.. Un style très travaillé, très esthétique, manquant de simplicité, de silence, de recueillement. Bien sûr, c'est un art maîtrisé, l'écrivaine a du talent dans son domaine… J'admire, mais voilà, cela ne me touche pas parce que, dans le fond, le jeune homme, Simon, il peut mourir, le lecteur n'éprouve rien!

Voir Nadael


Un style qui s'éloigne de l'humain pour prendre une dimension cosmique
La catastrophe s'est propagée sur les éléments, les lieux, les choses, un fléau, comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin, en arrière des falaises, la camionnette peinturlurée écrasée à pleine vitesse contre le poteau et ce jeune type propulsé tête la première sur le pare-brise, comme si le dehors avait absorbé l'impact de l'accident, en avait englouti les répliques, étouffé les dernières vibrations, comme si l'onde de choc avait diminué d'amplitude, étirée, affaiblie jusqu'à devenir une ligne plate, cette simple ligne qui filait dans l'espace se mêler à toutes les autres, rejoignait les milliards de milliards d'autres lignes qui formaient la violence du monde, cette pelote de tristesse et de ruines, et aussi loin que porte le regard, rien, ni touche de lumière, ni éclat de couleur vive, jaune d'or, rouge carmin, ni chanson échappée d'une fenêtre ouverte, ni odeur de café, parfum de fleurs ou d'épices, rien, pas un enfant aux joues rouges courant après un ballon, pas un cri, pas un seul être vivant pris dans la continuité des jours, occupé aux actes simples, insignifiants, d'un matin d'hiver …. 


Un style épique, l'apparition du mythe
Et les cicatrices en travers de l'abdomen rappellent un coup mortel- la lance au flanc du Christ, le coup d'épée du guerrier, la lame du chevalier. Alors est-ce ce geste de coudre qui a reconduit le chant de l'aède, celui du rhapsode de la Grèce ancienne, est-ce la figure de Simon, sa beauté de jeune homme issu de la vague marine, ses cheveux pleins de sel encore et bouclés comme ceux des compagnons d'Ulysse qui le troublent, est-ce la cicatrice en croix, mais Thomas commence à chanter.


Sylire et Lisa

dimanche 16 février 2014

Russel Banks : De beaux lendemains



Au nord de l'état de New York, la vie d'une petite ville va être bouleversée par l'accident d'un bus scolaire qui dérape dans la neige et la mort de nombreux enfants. Aussitôt une nuée d'avocats s'abat sur les familles endeuillées. Mais qui est responsable de l'accident? Dolorès Driscol qui conduisait le bus ? Les services municipaux qui ont laissé une sablière s'emplir d'eau sans chercher à la reboucher?

 Russel Banks, à travers ce roman, dénonce ces avocats véreux, qui semblables à des vautours cherchent à faire d'une tragédie, une manne financière. L'auteur montre la manipulation des parents désespérés, qui dans leur désarroi, leur colère, deviennent des proies faciles : une société américaine  ou tout est prétexte à profit et où les plus grands chagrins doivent rapporter gros.

Le roman est polyphonique : quatre personnages vont raconter tour à tour l'accident selon la manière  dont ils l'ont vécu. Ces quatre récits sont un prétexte à peindre la société américaine dans une ville de montagne sans grande ressource économique, où l'absence d'avenir, les difficultés financières, la maladie, les mésententes conjugales, les enfants battus, la dépression liée au retour du Vietnam, composent une société complexe, à la recherche d'un bonheur qui les fuit.

Dolorès Driscoll, mère de deux grands fils qui ont quitté la maison et ne reviennent pas souvent la voir, soigne son mari handicapé avec amour et courage puisque c'est elle qui doit subvenir aux besoins du couple. Conductrice du bus scolaire, sérieuse, elle aime les enfants et son métier qui la met en contact avec eux. Elle n'a jamais eu d'accident mais ce jour-là, il commence à neiger et elle croit voir un chien sur la route. Quand elle cherche à l'éviter, le car part sur le bas-côté.
Billy Ansel, garagiste,  est un vétéran du Vietnam. Pour les gens du village, il est un héros dont tout le monde admire le courage. Personne ne sait ce qui se cache sous ce calme apparent que donne à voir Billy. Il a perdu sa femme des suites d'une maladie, entretient une liaison secrète avec une femme mariée qui perd, elle aussi, son enfant unique dans l'accident. Les jumeaux de Billy meurent; sa vie s'est "vietnamisée" et Billy sombre dans l'alcool.

Mitchell Stephens est un avocat new-yorkais qui cherche à entraîner les familles dans un procès. Mais l'habileté de l'auteur est de lui faire poursuivre d'autres buts que l'argent. N'a-t-il pas lui aussi perdu sa fille droguée même si c'est d'une autre manière? La colère qu'il éprouve contre cette société qui tue ses enfants en faisant de l'argent un Dieu l'anime dans sa recherche d'une vraie justice. Combien de grandes entreprises, de services d'état, en effet, préfèrent exposer leurs employés à la maladie, aux risques d'accident, plutôt que de faire des dépenses pour assurer leur sécurité. Ils savent que les victimes trop modestes n'obtiendront jamais réparation.  Russel Banks montre ainsi le malaise qui existe même dans les classes sociales aisées.

Enfin vient Nicole Burnell, adolescente de 15 ans, qui restera handicapée toute sa vie à la suite de l'accident. Elle quitte alors pour toujours le monde de l'enfance et pose un regard d'une clairvoyance terrible sur sa famille mais aussi sur les autres. Un beau personnage mais cruelle dans sa soif de justice. Pourtant, elle seule parvient à rétablir un ordre dans le chaos même s'il faut pour cela s'appuyer sur un mensonge. Il semble que la communauté ne peut être sauvée que par le sacrifice de l'un d'entre eux.

Cette galerie de portraits est d'une vérité criante. J'ai été très sensible à la peinture de cette société repliée sur elle-même, sur son deuil, sur ces blessures. Le roman est passionnant par le talent de l'auteur à nous faire partager le point de vue de chacun, à nous faire pénétrer dans les pensées, les sentiments des personnages.



Chez Sylire et Lisa




  Ont  trouvé le titre et le nom  de l'auteur : Aifelle, Asphodèle,  Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Somaja, Syl, Thérèse, Valentyne... Félicitations et merci à tous !
Le roman : Russel Banks :  De beaux lendemains

Le film :  Atom Egoyan  : De beaux lendemains

dimanche 1 décembre 2013

Jean-Christophe Ruffin : Globalia




J'ai eu un peu de mal à entrer dans Globalia le roman de Jean-Christophe Ruffin dont le thème me paraît trop connue et me donne une impression de déjà lu depuis Le meilleur des mondes d'Huxley et 1984 d'Orwell.
Pourtant c'est de notre époque que Jean-Christophe Ruffin nous parle et c'est en cela qu'il offre un point de vue différent. Je me suis donc intéressée peu à peu au récit en découvrant la vision critique que l'écrivain donne de notre société, du pouvoir politique, et de la mondialisation des richesses économiques. 

Sous un globe qui le protège du monde extérieur, sous un ciel toujours clément et ensoleillé mais factice, voici un univers, Globalia, ou tout semble parfait, où l'état providence veille sur tout, assure le confort et la santé de son peuple mais où pourtant la liberté fait défaut. C'est pourquoi Baïkal, un jeune globalien cherche à gagner les non-zones, sauvages, peuplées d'après le gouvernement de Globalia de "terroristes". Mais peut-on se libérer vraiment d'un pouvoir qui détient toutes les commandes du pouvoir : L'argent, l'armement et  l'information? 

Dans Globalia, en effet, le pouvoir est concentré entre les mains d'une poignée d'hommes. Ils sont si peu nombreux que leur puissance est presque illimitée. Les politiques n'y font que de la figuration et ne possèdent plus que l'apparence du pouvoir. Ils servent de paravent à des multinationales qui leur dictent les lois. Etonnant, non, comme ce monde ressemble au nôtre? J'ai eu l'impression de voir nos hommes politiques français de gauche ou de droite s'agiter comme des fantoches au service des multinationales!
Quant à ceux qui habitent Globalia, pourvu qu'ils bénéficient du confort et puissent consommer, ils renoncent peu à peu à leur liberté de penser; d'autant plus que le gouvernement de Globalia s'appuie sur la peur pour maintenir les habitants sous dépendance et place la sécurité au coeur de la constitution en présentant la video-surveillance comme un objet de liberté. Vous connaissez? Les globaliens s'endorment dans un quotidien ou l'écran les berce à longueur de journée de publicités mensongères, où la culture n'existe plus et où les livres ont disparu. Alors, bien sûr, les marginaux qui échappent à la règle, ceux qui aiment les livres, par exemple, vont essayer de s'insurger. Mais c'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
J'ai trouvé le roman de Ruffin très pessimiste à moins qu'il ne soit tout simplement lucide et c'est pourquoi même si le roman ne m'a pas paru  passionnant - les personnages ne sont pas attachants, l'histoire d'amour peu convaincante -  j'ai apprécié cette analyse sans concession de notre monde actuel et cette critique politique virulente de la mondialisation.


de Lisa et Silyre

dimanche 1 septembre 2013

Nuala O'Faolain : On s'est déjà vu quelque part?



On s'est déjà vu quelque part? est le titre que l'écrivaine irlandaise Nuala O'Faolain a choisi pour ses Mémoires afin de devancer, dit-elle, les gens hostiles qui auraient pu dire de moi écrivant sur moi-même : pour qui se prend-elle?
Et de fait son livre a eu un succès international et elle a reçu, à sa grande surprise, de nombreux témoignages d'affection, de nombreuses lettres de personnes qui la remercient de parler d'eux-mêmes, de leurs souffrances, de ce qu'ils ont vécu, tant il est vrai que le poète a raison : quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. O insensé qui crois que je ne suis pas toi!

Et pourtant, paradoxalement, j'ai eu du mal à entrer dans ce livre et ne me je ne me suis vraiment intéressée que tardivement à ce qu'elle écrit. Je n'ai ressenti de véritable émotion que dans les derniers chapitres.
Pourquoi? Une première réponse tient à mon ignorance de l'intelligentsia irlandaise, de la société intellectuelle dublinoise. A part quelques grands auteurs ou poètes, je ne connais pas la plupart des gens qu'elle présente. Le milieu des médias forment un monde bien à part et je dois à mon inculture mon peu d'intérêt pour les faits rapportés par Nuala O' Faolain et les  gens dont elle parle. Pourtant, quand je connais les personnes dont il est question, je  suis intéressée par les portraits qu'elle présente comme celui de Hudson, en wasp, gentleman glacial et grand père rigide, portrait qui me surprend surtout lorsqu'on connaît un peu la vie du réalisateur et ses frasques alcoolisées avec son ami Boggart..
La deuxième réponse est que j'ai commis l'erreur de lire le livre en fonction de l'éducation que j'ai reçue et du pays dans lequel j'ai vécu et le personnage m'a irritée. Voilà une catholique fervente et même plus,  entièrement coincée par son éducation religieuse, mais qui couche avec des hommes mariés et même avec les maris de ses amies sans aucun état d'âme apparent; cependant elle ne peut employer le terme "amants" sans se sentir humiliée et quand elle parle de ses liaisons, elle utilise l'euphémisme : "je fréquentais". Enfin, voilà une féministe, qui dénonce l'aliénation des femmes et l'oppression terrible qu'elles subissaient à la fois de la part des hommes mais aussi de l'Eglise catholique dans l'Irlande des années soixante mais qui agit et pense en contradiction totale avec ses idées. Hypocrisie? Non! Mais souffrance et poids de l'éducation! Car peu à peu, en découvrant ce qu'elle a vécu et avec elle bien des femmes de ce pays, j'ai  mieux compris ces contradictions et j'ai fini par avoir de l'empathie avec le personnage, par comprendre sa souffrance. La manière dont elle parle de sa solitude, de son impossibilité de mener une liaison durable, de ses regrets de ne pas avoir d'enfants, est bouleversante.
Nuala O' Faolain est née à Dublin en 1940, la deuxième d'une fratrie de neuf enfants dans une famille divisée. Le père, célèbre journaliste,  inconstant, léger et irresponsable, est indifférent envers ses enfants, les délaisse et oublie même le prénom des derniers. Sa mère, une femme intelligente, lectrice assidue, humiliée par son mari, incapable d'assumer toute seule des charges aussi lourdes, sombre dans l'alcoolisme. De cette enfance, on le comprend, naît un sentiment de dévalorisation, de solitude, un vide que rien ne peut combler. Nuala est alcoolique tout comme certains membres de sa fratrie. Les enfants O' Faolain pour la plupart ne s'aiment pas!  Elle ressent un grand besoin d'être aimée pour cette raison. Féministe, elle cherche l'amour, tout en étant persuadée qu'elle ne le mérite pas, auprès d'hommes qui la font souffrir et l'humilient à l'occasion, reproduisant ainsi le schéma vécu par sa mère. Toute sa vie, elle a dû lutter pour se libérer de ce sentiment.
De plus, alors que je lui reproche ses euphémismes, son livre fait scandale dans le pays et même auprès de sa propre famille et certains de ses amis lui tournent le dos. Elle est la première à oser une dénonciation aussi franche de l'église irlandaise, de l'oppression sexuelle, du déni du corps, de l'infériorisation de la femme.* Son livre provoque une catharsis et est vécu comme une véritable libération.


*(certes, la France a la même époque avait aussi bien des progrès à faire en ce qui concerne la condition de la femme, l'égalité, la liberté sexuelle mais il n'y avait pas une telle emprise de l'église et la violence était moindre. Enfin, tout est relatif!)

Sylire et Lisa

samedi 1 juin 2013

Semaine italienne : Les fiancés de Alessandro Manzoni


 

Alessandro Manzoni, écrivain romantique italien, est né en 1785 à Milan où il meurt en 1873. Son roman Les Faincés lui assure une notoriété dans toute l'Italie et en Europe.  Dans la lignée d'autres écrivains romantiques européens comme Lamartine ou Byron, il  participa à la vie politique italienn.  En 1862, il fut nommé président de la commission pour l'unification de la langue italienne. Sa mort fut l'occasion de funérailles nationales et c'est à sa mémoire que Giuseppe Verdi composa son Requiem.
Les Fiancés (I promesse spozi) de Manzoni est un des classiques majeurs de l'Italie et aussi l'une des oeuvres les plus célèbres du romantisme italien. Commencé en 1821, le roman a connu quatre versions, en 1823, en 1827, Manzoni n'étant jamais satisfait de la version en cours. La dernière édition paraît ensuite entre 1840 et 1842. La structure narrative est remaniée  chaque fois mais c'est surtout au niveau de la langue qu'apparaissent les plus grands changements : au début mélange de latin, de lombard (d'où est originaire l'auteur) et de français (Manzoni a séjourné en France), ensuite, après un séjour de l'écrivain en Toscane où le langage est considéré comme plus pur, le roman paraît dans style qui a contribué pour beaucoup à l'unité de la langue nationale italien. Manzoni, personnage politique, engagé dans le Risorgimento, mouvement qui luttait pour l'unification de l'Italie, est donc l'origine de la naissance d'une identité culturelle commune..


Francesco Hayez peintre italien (source)

Le récit
Les fiancés de Manzoni est l'histoire d'un amour contrarié. Dans un petit village, sur les bords du lac de Côme, Renzo Tramaglino et Lucia Mondella, deux jeunes paysans, vont se marier mais le seigneur Don Rodrigo (nous sommes pendant l'occupation espagnole de la Lombardie au XVIIème siècle) veut s'emparer de Lucia. Il commence par faire peur au curé don Abbondio pour qu'il ne célèbre pas le  mariage puis il essaie d'enlever la jeune fille. Les fiancés fuient et, avec l'aide du frère Cristoforo, Renzo se réfugie à Milan, Lucia et sa mère Agnès dans un couvent de Monza. Mais Renzo, pris dans une émeute de la faim à Milan, est poursuivi comme meneur et s'enfuit à Bergame. Lucia, elle, est enlevée par L'Innommée, un puissant seigneur qui a accepté de venir en aide à Don Rodrigo. Que deviendra l'infortunée jeune fille? Et le jeune homme, parviendra-t-il à la retrouver et à l'épouser? Le fait est qu'ils ne sont pas au bout de leurs peines et que, outre les grands seigneurs "méchants hommes"  pour reprendre une expressions de Molière, les ravages de la guerre et une épidémie de peste vont aussi sévir dans la région…

Le romantisme
Les fiancés appartient bien à tout un courant romantique européen. Quand on le lit, on a l'impression d'y retrouver le Stendhal des Chroniques italiennes, le roman de cape et d'épée ou historique à la Dumas, mais aussi, avec l'enlèvement de Lucia conduite dans un sinistre château, repaire de brigands, le roman gothique d'Ann Radcliffe.

La lutte politique :

 Don Rodrigo (source)

Le roman se préoccupe des classes sociales modestes en prenant pour héros, deux jeunes paysans, Lucia et Renzo. C'est l'occasion pour l'auteur d'y affirmer ses idées politiques tout d'abord en se plaçant du côté des humbles, de ceux qui ont à souffrir de la faim, de la guerre, des exactions des grands uniquement préoccupés de la gloire militaire, de leur pouvoir, de leurs distractions et de la satisfaction de leurs caprices. Tout leur est permis! Leur tyrannie s'exerce non seulement sur ceux qui leur sont inférieurs et qui ne se verront jamais rendre justice mais aussi dans leur propre famille, en particulier sur les filles. Un récit semblable à celui de Diderot, La Religieuse, nous montre la vocation forcée de Gertrude, la fille d'un prince milanais, preuve qu'il ne s'agit pas là d'une mode mais d'une réalité puisque le personnage de Manzoni a réellement existé.
 On y voit aussi à travers la description de l'hégémonie espagnole sur la Lombardie au XVIII,  les préoccupations de Manzoni au XIX siècle luttant pour l'indépendance de l'Italie et l'unification de son pays.

La religion :


le cardinal Federigo Borromeo de Giulio Procaccini (1810) (source)

Manzoni  s'est converti au catholicisme quand il était à Paris et pratique une foi ardente mais lucide. Face aux grand seigneurs tout puissants qui sont au-dessus des lois, Manzoni oppose les forces de l'église et de la foi qui viennent  en aide aux pauvres. Le frère Cristoforo d'abord qui n'a aucun pouvoir sinon moral puis le puissant cardinal Federigo Borromeo, archevêque de Milan qui fonda la bibliothèque ambroisienne, un personnage considéré comme un saint, sont les plus précieux auxiliaires des fiancés.
La foi, la vertu et la pureté peuvent aussi posséder un grand pouvoir. Grâce aux paroles de pardon prononcées par Lucia, l'Innommé, touché par la foi, se convertit et choisit d'exercer le bien et la justice.
Pourtant tous les hommes d'église ne sont pas bons. Don Abbondio, le curé, est tellement dominé par la peur qu'il ne choisit pas le parti du bien. Trop lâche pour marier les fiancés, il n'osera pas prendre leur parti. La foi ne parviendra pas à percer la carapace de son égoïsme.

Un récit historique

On peut remarquer que de longues digressions dans le roman nous éloignent de l'histoire de Lucie et Renzo. C'est que Manzoni  a pris pour prétexte leurs aventures pour nous présenter un état du pays à leur époque au Nord de l'Italie. Il fait oeuvre d'historien, consultant les archives, étudiant maints documents et recoupant ses sources pour nous présenter des situations, des évènements et des personnages qui ont réellement existé. La révolte de la faim à Milan donne lieu à une scène magistrale de désordre et d'anarchie  témoignant du désespoir d'un peuple qui n'a plus peur des représailles puisqu'il n'a plus que le choix de mourir de faim. L'arrivée des soldats pendant la guerre, qui pillent les villages, violent, égorgent les habitants,  ne laissant que dévastation et ruines après eux, la grande épidémie de peste qui a décimé la ville de Milan et les campagnes, emportant plus de la moitié de la population sont aussi de grands moments de cet immense roman. Manzoni sait faire souffler le vent de de l'Histoire dans son oeuvre qui dépasse alors l'individualité de ses personnages pour devenir une grande fresque collective et parler de l'universel, mettant sans cesse en opposition l'Amour et la Mort, Eros et Thanatos.

Je participe avec Les fiancés de Manzoni au Blogoclub de Sylire et Lisa sur le thème des amours contrariés. Le livre choisi était L' expiation mais comme je l'ai déjà lu, j'ai dû en choisir un autre.

Sylire et Lisa

mercredi 29 février 2012

Jane Austen : Lady Suzan






Lady Suzan est le premier roman de Jane Austen qui l'a écrit alors qu'elle n'avait que 18 ou 19 ans. Elle n'a jamais songé à le publier. Il ne parut qu'en 1871, soit 54 ans après sa mort.
Ce court roman épistolaire ne manque pourtant pas de piquant. L'ironie lucide et caustique de Jane Austen s'y exerce avec finesse. Certes, il ne s'agit pas d'un de ses grands romans, mais cette oeuvre de jeunesse est un petit régal!  Il est regrettable que l'écrivaine le termine, malheureusement, de façon si abrupte comme si elle s'en désintéressait. 

Plusieurs personnages s'y croisent mais les deux principales sont Lady Suzan Vernon et Catherine Vernon, sa belle-soeur. Elle s'adressent toutes deux à des destinataires différents, Lady Suzan principalement à sa meilleure amie Alicia Johnson, et Madame Vernon à sa mère Lady de Courcy dont elles reçoivent des réponses qui complètent le récit. D'autres correspondants interviennent aussi, ce qui permet à travers ces échanges de suivre l'histoire mais aussi de découvrir tous les protagonistes du roman. Ainsi Lady Suzan si l'on en croit sa première lettre où elle réclame l'hospitalité à son frère est une femme honorable, veuve  éplorée, injustement décriée par des amis et surtout par madame Manwaring qui l'accuse de coquetterie envers son mari. Elle adore sa fille Frédérica, désagréable et sauvage, dont l'éducation la préoccupe beaucoup. Elle est donc obligée de la mettre en pension, ce qu'elle ne fait qu'avec tristesse.
Mais les écrits qu'elle envoie à sa meilleure amie Madame Johnson présentent un autre éclairage : Lady Suzan est la maîtresse de M. Manwaring, elle déteste sa fille dont elle n'a pas envie de s'occuper. Elle veut la marier de force à Sir James et l'envoie en pension pour l'obliger à y consentir.
Les lettres de madame Vernon contrainte de recevoir lady Suzan chez elle, nous permettent de compléter le tableau. Lady Suzan a jeté son dévolu sur le frère de madame Vernon, Reginald de Courcy et entreprend de le séduire tout en continuant à voir son amant Manwaring. Frédérica se révèle une jeune fille charmante et timide, terrorisée par sa mère mais décidée à refuser le mariage que cette dernière veut lui imposer. De plus, elle tombe amoureuse de Reginald alors que celui-ci qui n'a d'yeux que pour sa mère.  Lady Suzan arrivera-t-elle à ses fins?  Fréderica et Reginald seront-ils ses victimes?

Ces lettres permettent une variation du point de vue et nous éclairent sur la vérité des caractères au-delà des apparences. Jane Austen nous livre là une comédie amère et mordante de la société de son temps.
Le cynisme dont font preuve les deux amies, Suzan et Alicia, dans leur correspondance nous montrent des femmes coquettes et égoïstes, uniquement préoccupées d'elles-mêmes, intéressées et même avides, habituées à s'épauler pour tromper leur mari. Plus encore que l'immoralité de Lady Suzan, c'est son hypocrisie que l'auteure fustige. Lady Suzan se sert de sa beauté mais aussi du beau langage, de l'art de convaincre, comme d'une arme. Elle sait que la beauté n'est pas tout, là où il n'y pas l'intelligence.
L'ironie déployé par Austen à propos de ces dames est assez jubilatoire. Je vous laisse en juger!
Extrait d'une lettre d'Alicia Johnson à lady Zuzan. Madame Johnson pensait profiter de l'absence de son mari qui partait à Bath pour s'amuser avec son amie et ses soupirants.

M. Johnson a trouvé le moyen le plus efficace de tous nous tourmenter. J'imagine qu'il a entendu dire que vous seriez bientôt à Londres et sur le champ il s'est arrangé pour avoir une attaque de goutte suffisante pour retarder, à tout le moins, son voyage à Bath, sinon pour l'empêcher tout  à fait.

Réponse de Lady Suzan

Ma chère Alicia, quelle erreur n'avez-vous pas commise en épousant un homme de son âge - juste assez vieux pour être formaliste, pour qu'on ne puisse avoir prise sur lui et pour avoir la goutte-, trop sénile pour être aimable et trop jeune pour mourir.

Mais si les femmes sont malmenés par sa plume acerbe, les hommes ne sont pas épargnés!  Le frère de Lady Suzan est un homme bon mais sans caractère, incapable de juger ce que fait sa soeur, ni d'avoir un peu d'autorité

Monsieur Vernon qui, comme on a déjà dû s'en apercevoir ne vivait que pour faire ce que l'on attendait de lui...

Quant à Reginald qui, au départ, se croit supérieur à Lady Suzan et la méprise, il n'a que ce qu'il mérite en tombant dans les filets de la dame et en ayant le coeur brisé! Brisé? Encore que...

Reginald de Courcy à force de paroles adroites, de flatteries, de ruses, fût amené à prendre du goût pour elle*, ce qui, compte tenu du temps nécessairement imparti à vaincre son attachement pour la mère, à renoncer à tout autre lien et à prendre les femmes en abomination, pouvait être raisonnablement attendu dans un délai d'un an. Trois mois peuvent suffire en général, mais Reginald avait des sentiments qui n'étaient pas moins vivaces qu'ardents.   * Frederica
Féroce, Jane Austen, je vous l'avais dit! Et dire que certain(e)s la jugent romantique!  J'ai parfois l'impression de lire du Voltaire dans le domaine du sentiment!


Voici un livre de Jane Austen que je n'avais pas encore lu. C'est chose faite aujourd'hui grâce à la lecture commune du blogclub! 

jeudi 1 décembre 2011

Reif Larsen: l'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet



Tecumseh Sansonnet Spivet (ces deux prénoms sont tout une histoire!) vit dans un ranch à Divide, Montana, avec sa famille composée de membres un peu disparates, entre un père cow boy plutôt rustique et une mère, le Dr Clair, entomologiste passionnée. Celle-ci a compris les dons extraordinaires de son fils et les encourage en le confiant au docteur Yorn, un savant qui devient une sorte de père spirituel. Jeune cartographe surdoué de douze ans, passionné de sciences, TS Spivet apprend qu'il a gagné un prix prestigieux décerné par le musée Smithsonian à Washington pour la qualité exceptionnelle de ses illustrations scientifiques. Il décide alors sans avertir ses parents et son mentor de partir à Washington pour recevoir son prix mais là-bas personne ne sait qu'il est un enfant. C'est le début d'une longue traversée des Etats-Unis, caché dans un train de marchandise comme un véritable vagabond  de la Grande Dépression, un hobo.

Disons tout de suite que le personnage principal, TS, jeune garçon surdoué est très attachant. Le contraste entre sa maturité intellectuelle et son comportement parfois enfantin amusent mais est émouvant car il révèle sa fragilité et sa solitude. Son voyage sera une épreuve, il affrontera beaucoup de dangers, il lui faudra patience, intelligence et courage pour réussir.

Le roman est divisé en trois parties qui correspondent à trois moments de la vie de TS et aussi à trois étapes géographiques :  1°L'Ouest  2° la traversée 3 °L'Est.  Au cours de ces trois étapes, Reif Larsen présente à la fois les paysages de l'Amérique mais aussi son passé à travers la saga de sa famille car TS va découvrir, dans un carnet qu'il a volé à sa mère, l'histoire d'Emma, son arrière grand-mère.  Ce récit dans le récit mêle à la fois le passé et le présent et établit des parallèles entre deux destins, celle d'Emma et du Dr Clair, la mère de TS. Scientifiques de haut niveau, elles sont en tant que femmes vouées à l'échec, en butte à la suprématie masculine. Prises au piège de l'amour pour des hommes qui ne leur ressemblent en rien, elles sont retenues au foyer et élèvent leurs enfants. Un parallèle existe aussi entre Emma et son arrière petit-fils. Tous deux ont besoin d'un père spirituel, d'un mentor pour les guider dans le domaine des sciences. Le jeune garçon réussira-t-il là où Emma a échoué? On verra quand il arrivera au Smithsonian que la question se pose. L'enfant, comme la femme, a à affronter des difficultés et déjouer des chausses-trappes inhérents à son fragile statut social. TS rencontre, en effet, la jalousie des scientifiques adultes mais excite aussi leur concupiscence car l'image de l'enfant prodige peut être médiatisée et rapporter gros. Le jeune garçon est transformé en bête de cirque, exposé à la curiosité de tous, exploité. Heureusement pour lui, son père, le vrai, interviendra pour le sortir des griffes de cette "maffia". Vision assez pessimiste de Reif Larsen visant l'une des Instituions les plus prestigieuses du pays!

C'est en ce sens que l'on peut dire que ce voyage est initiatique pour TS. Il va découvrir la vérité des personnes qui l'entourent cachée derrière l'apparence. Pas seulement celle des scientifiques mais aussi celle de ses parents. Il y a un grand sens du tragique dans cette famille dont les membres sont incapables d'exprimer leurs sentiments que ce soit pour dire leur amour ou crier leur désespoir. Entre un père taciturne et un peu primaire, une mère, savante et secrète qui s'enferme dans de vaines recherches pour un insecte qui n'existe vraisemblablement pas, il se sent coupable de la mort tragique de son grand frère Layton dont personne ne parle dans une sorte de déni de la réalité. Sa longue traversée lèvera le voile et lui fera mieux comprendre sa mère et découvrir les sentiments de son père, ce qui tempère la tristesse de l'enfant. Mais l'humour le dispute au tragique avec tout autant de force  car les personnages de cette famille sont si inattendues, si étranges, si extravagants que l'on ne peut s'empêcher d'en rire.... Gracie, la grande soeur, la seule "normale" de la famille fait parfois ce qu'elle appelle un une retraite "anti-abrutis" quand elle ne peut plus les supporter. Elle s'enferme dans sa chambre dont elle ne sort plus même pour prendre ses repas.

Elle y restait des heures, jusqu'à trente-six le jour où je l'avais électrocutée (par accident) avec le polygraphe que j'avais fabriqué moi-même et que, par la suite, j'ai pris la sage décision de démonter. Ce jour-là, je n'avais pas réussi à lui faire abandonner son cocon de pop sucrée qu'en lui offrant presque cent cinquante mètres de chewing-gum en ruban (et toute mon allocation mensuelle de l'Institut de surveillance géoloque y était passée.

 Notons aussi et c'est un des faits remarquables du roman que les connaissances scientifiques de Reif Larsen, son sens du détail, de la précision, lui permet de nous faire découvrir un monde passionnant  dans lequel il nous introduit par l'intermédiaire  de son petit héros à la curiosité insatiable. De plus, l'écrivain mène  une réflexion sur la science avec une telle ferveur qu'il nous la fait aimer. Et quand il demande si celle-ci est bien utile, c'est l'éclat de rire de Mr Englethorpe, le mentor d'Emma, qui répond :
C'est le mot "utile" qui me chiffonne. Toute ma vie ce mot m'a tracassé. Voyager, par exemple, est-ce "utile". Je n'en suis pas certain, mais bon Dieu (..), bon Dieu que c'est passionnant"!

Les marges du livre sont agréablement illustrés et présentent les schémas mais aussi des réflexions scientifiques de TS, des anecdotes familiales... Ceci a été parfois un peu déstabilisant pour moi  (pourtant c'est un des charmes du livre!) car j'avais l'impression d'être détournée de ma lecture, arrêtée dans la progression du récit par tous ces détails foisonnants. Quand je m'y suis habituée, je me suis rendue compte que la plupart de ces notes servait  le récit. Je me suis demandée si les difficultés que j'avais éprouvées pour progresser dans ma lecture étaient liées à cette manière d'écrire un peu partout comme s'il s'agissait d'un carnet de notes prises sur le vif ou si certains passages étaient moins réussis d'où une attention moins soutenue? Par exemple, je n'ai pas aimé cette histoire de société secrète du Mégatherium auquel adhère TS. Je ne vois pas trop où menait cette histoire , ce que l'auteur voulait dire? Mais malgré cette restriction, ce roman est riche, passionnant par bien des aspects.

de Sylire et LIsa