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lundi 18 avril 2011

Susan Fletcher : Avis de Tempête



La lecture de Un bûcher sous la neige m'a donné envie de lire d'autres oeuvres de Susan Fletcher. J'ai donc continué la découverte de cet écrivain avec Avis de Tempête, qui, s'il ne m'a pas autant fascinée que le livre précédent, est un bon roman que j'ai lu avec intérêt.
Moïra passe de longs moments au chevet de sa petite soeur Amy dans le coma depuis cinq ans après une chute accidentelle. Elle a longtemps détesté Amy dont la naissance a correspondu pour elle à son envoi en pension loin de ses parents. Elle a toujours éprouvé des sentiments négatifs envers elle, la tenant pour responsable de son éloignement, refusant de s'occuper de la fillette, la  rudoyant ou affichant une parfaite indifférence.
Le sentiment de culpabilité qu'elle éprouve envers sa soeur la pousse à lui raconter son histoire, une manière de lui demander pardon. Nous découvrons un personnage entier, sensible, sauvage, brillante élève dans les matières scientifiques mais repoussée par les autres à cause de son physique disgracieux. Moïra pense que personne ne peut l'aimer et lorsque un jeune homme la courtise, elle imagine qu'il veut se moquer d'elle. Plus tard, devenue son épouse, elle sera à nouveau en proie à la jalousie, ce qui l'amènera au bord de la rupture. Cette confession qui se poursuit de jour en jour permettra à Moïra de faire la paix avec elle-même.
Au départ, j'ai été un peu déçue parce que je m'attendais à ce que le personnage d'Amy prenne une grande place dans le récit et dans l'analyse mais le récit est à une voix : C'est Moïra qui parle, qui présente le monde autour d'elle et si nous voyons Amy, c'est épisodiquement lorsque sa grande soeur la rencontre, c'est à dire peu souvent. Peu à peu, cependant, je me suis laissée prendre par le récit, par les souffrances de cette jeune fille qui se croit mal aimée de ses parents après la naissance de ce bébé qui naît onze ans après elle, alors qu'on ne l'attendait plus. Le monde de l'adolescence qu'elle décrit dans la pension n'est pas tendre avec les sarcasmes des camarades de classe, le harcèlement qu'elle subit de leur part, même s'il y a de temps en temps la gentillesse d'un professeur, le bonheur de l'étude avec son professeur de biologie.
Les talents de conteuse de Susan Fletcher qui m'avait déjà frappée dans Un bûcher sous la neige, sont bien présents. Certains passages  sont très forts:  celui par exemple où la mère enceinte fait une fausse couche dans la neige après avoir voulu porter secours à ses voisins privés d'électricité, celui où Moïra nage dans l'eau glaciale et escalade au péril de sa vie un immense rocher glissant, couvert de moules et d'algues, celui encore où l'on découvre Miss Bailey, dans l'escalier, la tête en bas, les jupes relevées, foudroyée par un accident cérébral...
Susan Fletcher a aussi le don de faire vivre les personnages secondaires, de les croquer comme un peintre le ferait, sur le vif : on voit les parents de Miss Bailey pleurer, petits vieillards recroquevillés sur le banc érigé en l'honneur de leur fille morte, madame Bannister atteinte d'un grave maladie, dire en regardant une photo et en parlant d'elle-même : "comme elle était jolie!" ou encore Annie dégringoler du toit sur lequel elle s'était réfugiée pour échapper au vaccin qui la terrifie.
Vous découvrirez aussi, dans cette pension de jeunes filles, un squelette facétieux qui prouve que l'humour est au rendez-vous.
Mais c'est encore dans la description de la nature que Susan Fletcher excelle le plus  : même si celle-ci est moins présente, hélas, que dans Un bûcher sur la neige, la mer sur la côte-ouest du Pays de Galles,  impose sa présence, si primordiale pour Moïra qu'elle fait partie de sa vie, qu'elle est son premier souvenir :
Quelque fois on allait en barque à Skomer Island : un ciel moutonneux et des ailes pour nous propulser. Je voyais des fous de Bassan, des cormorans huppés et des fulmars; des mouettes à dos noir et des cormorans. Des phoques s'ébattaient sur les rochers, des mouettes tridactyles hurlaient leur nom, et puis il y avait les macareux. Eux, c'étaient mes préférés. J'aimais leurs ailes rapides, leur façon maladroite de toucher terre, et leurs gros becs charbonneux.