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vendredi 28 mars 2025

Jules Verne : Le pilote du Danube

 

Dans Le Pilote du Danube, Jules Verne concocte pour nous une histoire pleine de dangers et de péripéties, roman posthume qu’il avait à l’origine intitulé Le beau Danube jaune mais son fils, Michel, lui préféra le titre actuel.

Nous sommes en Allemagne, en août 1876, à Sigmaringen où a lieu un concours de pêche auquel participent les plus habiles pêcheurs de La grande Ligue danubienne. Ce concours est gagné par un jeune homme qui se révèle le meilleur à la fois dans le nombre de prises et la taille de la prise. Il s'agit d'un hongrois Ilia Brush …. et celui-ci se dit prêt à réaliser un parcours en barge à partir de la source du Danube jusqu’à son delta en n’utilisant que les produits de sa pêche pour vivre. 3000 kilomètres ! Ce défi provoque l’enthousiasme de tous et de la presse. Chacun est là pour assister au départ triomphal au confluent des deux ruisseaux La Breg et la Brigach qui se rejoignent en amont de Sigmaringen pour former « le danau, d’où les français ont fait Danube. »

Ce Hongrois, personne ne le connaît.  Certains, pleins d’imagination, se demandent s’il n’est pas, en réalité, le chef des brigands qui infestent les bords du Danube et se rendent coupables de vols et de meurtres. D’autres, au contraire, pensent qu’il pourrait bien être, le chef de la police du Danube, Karl Dragoch, qui voyagerait ainsi sous un faux prétexte pour découvrir les coupables. De plus, dès le début de la course, un mystérieux passager, Michel Jaeger, s’invite à bord de la barge.

Pendant ce temps,  nous faisons connaissance d’un jeune homme, Serge Ladko, pilote du Danube, et de sa femme Natcha. Les jeunes époux vivent heureux à Roustchouk, en Bulgarie, au bord du Danube mais ils ont un ennemi, Yvan Striga, rival de Ladko, qui convoite la jeune femme.
En 1875 avait eu lieu le soulèvement de l’Herzégovine et la fièvre gagna les pays sous le joug de l’Empire ottoman. Au mois de Mai 1876 éclate la révolte du peuple bulgare, une rébellion mal préparée, étouffée dans l’oeuf et qui est suivie de représailles terribles ( voir Sous le joug de Ivan Vazov). Ladko, patriote ardent, quitte sa jeune épouse pour participer au soulèvement. Après la défaite, il ne peut rentrer en Bulgarie et bien vite, il n’a plus de nouvelles de Natcha. Serge Ladko décide alors d’aller la rejoindre incognito à Roustchouk.

Voilà! Au lecteur de débrouiller les fils et de s’y reconnaître pour savoir qui est qui et qui est un autre ! Roman policier, roman d’aventures, roman historique et géographique, les centres d’intérêt sont multiples ! Vous traverserez les dix pays du Danube, visiterez les villes du Danube et leurs richesses... 

 


" En effet, d’un côté, à droite, est Buda, l’ancienne ville turque, et à gauche, Pest, la capitale hongroise. Elles se font face comme le font aussi, une centaine de lieues plus bas, Semlin et Belgrade, ces deux ennemis historiques.
C’est à Pest qu’Ilia Kursch avait l’intention de passer la nuit, peut-être même la journée du lendemain et la nuit suivante, toujours dans l’espoir d’avoir des nouvelles de l’absent. Aussi la barge, au milieu de cette flottille d’embarcations joyeuses, longeait-elle tranquillement la berge de gauche.
S’il eût été moins absorbé par le spectacle enchanteur que présentaient ces deux villes, leurs maisons à arcades, à terrasses, disposées en bordure des quais, les clochers des églises que le soleil à cinq heures du soir dorait de ses derniers feux ; oui, si toutes ces merveilles n’eussent pas sollicité son regard, peut-être aurait-il fait cette observation qu’eût faite assurément M. Jaeger : c’est que depuis un certain temps déjà, une embarcation, montée par trois hommes, deux aux avirons, un à la barre, semblait se tenir en arrière de la barge.

Vous naviguerez au mépris du danger, dans la violence des courants, les tourbillons, la tempête, évitant les rocs énormes qui se dressent sur le passage de l’embarcation, pénétrerez dans le défilé des Portes de Fer… Jusqu’à la Mer Noire.

Les portes de Fer par Fritz Lach

Pendant près d’une lieue, entre des murailles hautes de quatre cents mètres, le fleuve s’écoule, ou plutôt se précipite, à travers un lit qui n’en mesure pas la moitié en largeur. Au pied de ces parois sont entassés d’énormes rocs tombés des crêtes, et contre lesquels les eaux se brisent avec une extraordinaire fureur. C’est à partir de ce point qu’elles prennent cette couleur jaune foncée qui permet d’appeler plus justement le beau Danube jaune, le grand fleuve de l’Europe centrale.

Sans compter que toute une série de coups de théâtre, d'enlèvements, de personnages mystérieux et de méchants très méchants, de quiproquos et de confusion dans les identités de chacun, viennent corser le récit. Une lecture très plaisante, et, comme toujours chez Jules Verne, très documentée!

Chez Miriam Jules Verne : Le pilote du Danube 


Challenge Jules Verne Taloidu ciné chez Dasola




jeudi 13 mars 2025

Jorge Gonzales et Olivier Bras : Maudit Allende et Julos Beaucarne : J'veux te raconter Kissinger...


 

Maudit Allende de Olivier Bras et Jorge Gonzales est une bande dessinée dont le titre m’étonne dès le début, moi qui ai toujours pensé à Allende comme à un homme courageux, un  président élu par son peuple, assassiné par la junte militaire aux ordres des Etats-Unis et de Nixon-Kissinger. Un adversaire du capitalisme américain.
Maudit Allende ? A moins que cela soit tout simplement une antiphrase ?

Mais non ! Allende est maudit aux yeux des parents du jeune Léo qui ont préféré s’exiler en Afrique du Sud lorsque celui-ci est porté au pouvoir. Il est maudit aux yeux des bourgeois chiliens, des riches propriétaires, parce qu’il a voulu partager les terres, nationaliser les mines, redistribuer les richesses, apporter plus de justice sociale.

Allende promet de nationaliser les mines et de donner un salaire décent aux mineurs


Léo qui ne connaît pas son pays ne s’est pas trop posé de questions pendant toute son enfance sauf lors d’une visite d’un cousin de son père qui déplore qu’Allende ait été trahi par Pinochet. Il lui laisse, caché dans un livre, le discours de Salvador Allende du 11 septembre 1973, jour où le palais de la Moneda a été bombardé et où le président s’est donné la mort.


 bombardement et incendie du palais de la Moneda : 11 septembre 1973

Devenu adulte, le jeune homme, cherche à se faire une idée sur ce qui s’est passé. Dans un parallèle, la BD retrace le vie des deux hommes, Allende et Pinochet, de leur enfance à la mort d’Allende et à la prise de pouvoir de Pinochet avec la répression sanglante qui suivit.
Revenu au Chili, Léo accompagné de Victoria, sa fiancée, journaliste, enquête sur les tortures, les disparitions, les assassinats dont s’est rendu coupable le gouvernement de Pinochet. Léo est encore au Chili quand il assiste le 3 mars 2000 au retour de Pinochet arrêté en Angleterre en 1998, renvoyé dans son pays prétendument pour des raisons de santé. Et il voit l’homme assis sur un fauteuil roulant se lever, offrir un sourire triomphal à la presse, saluer ses proches…

« Ses partisans se sont rassemblés dans le centre de Santiago, aux alentours de l’hôpital militaire. Ils s’amusent du mauvais tour joué par Pinochet pour échapper aux Européens. »

Au moment de son départ, il entend la confession d’un chauffeur de taxi qui faisait son service militaire au moment des faits et qui avoue avoir reçu l’ordre de transporter des cadavres dans une ambulance pour les jeter dans la rivière Mapocho à Santiago.

«  Ces cadavres me hantent. Je vis avec la peur d'être un jour poursuivi pour tout cela. Mais j'avais besoin de pouvoir le raconter enfin".

Après cela, Léo  a compris qui était Pinochet !  Mais quand il écrit à ses parents restés en Afrique du sud, on dirait bien qu’il s’en lave les mains :

« Les deux camps restaient irréconciliables, trente ans après le coup d’état. Et je ne me voyais pas vivre  dans un pays incapable de partager cette histoire commune».

Que dire de cette BD ? Les évènements paraissent racontés parfois de manière superficielle; tout est survolé. Ce à quoi il fallait s’attendre. Comment résumer trente années de cette tragique histoire en quelques pages ? J'ai eu parfois une impression de décousu et de fouillis à la fois dans le dessin et le récit. Tout est flou comme les belles et glaçantes peintures aux coloris sombres de Jorge Gonzalès, qui baignent dans le brouillard. 

Et la conclusion ? Veut-on ménager les deux parties dans ce désir de monter les défauts de l’un et de l’autre ? Est-ce par souci d’impartialité ?  Mais comment rester sans réaction face à à un coup d'état qui usurpe un pouvoir légitime, une Junte militaire appuyée par les Etats-Unis qui torture et supprime ses opposants ? Comment croire à la réconciliation alors qu’il y a toujours des victimes qui n'ont pas été retrouvées au Chili, toujours des familles qui ne savent pas ce que sont devenus les leurs ? Alors qu'il y a toujours des bourreaux qui échappent à la justice. J’avoue que je n’ai pas trop su comment recevoir ce récit et j'ai trouvé cette conclusion difficile à interpréter.


Lettre à Kissinger : Julos Beaucarne




Kissinger avec Nixon ont encouragé et soutenu le coup d'état du 11 septembre 1973.  Le socialiste Allende et ses réformes gênent les Etats-Unis, alors on s'en débarrasse en s'appuyant sur l'armée.

Kissinger déclare :

"Je ne vois pas pourquoi nous devons rester les bras croisés et regarder un pays devenir communiste en raison de l'irresponsabilité de sa population". "Ces questions sont bien trop importantes pour que les électeurs chiliens puissent décider eux-mêmes."  

Julos Beaucarne dans cette chanson en forme de lettre fait allusion au chanteur populaire chilien Jara emprisonné avec des milliers d'opposants au coup d'état fasciste à l'Estadio Chile (aujourd'hui nommé stade Víctor Jara en mémoire de son martyre) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. (wikipédia ici). Il apparaît dans cette BD.

 (* Kissinger, prix Nobel de la paix, il sera aussi poursuivi par plusieurs tribunaux comme criminel de guerre ! )

Jara


Challenge Littérature Chilienne che Je lis Je blogue


J'veux te raconter Kissinger


L'histoire d'un de mes amis


Son nom ne te dira rien 


Il était chanteur au Chili

Ça se passait dans un grand stade


On avait amené une table


Mon ami qui s'appelait Jara


Fut amené tout près de là

On lui fit mettre la main gauche


Sur la table et un officier


D'un seul coup avec une hache


Les doigts de la gauche a tranché

D'un autre coup il sectionna


Les doigts de la dextre et Jara


Tomba tout son sang giclait


6000 prisonniers criaient

L'officier déposa la hache


Il s'appelait p't'être Kissinger


Il piétina Victor Jara


Chante, dit-il, tu es moins fier

Levant les mains vides des doigts


Qui pinçaient hier la guitare


Jara se releva doucement


Faisant plaisir au commandant

Il entonna l'hymne de l'U


De l'unité populaire


Repris par les 6000 voix


Des prisonniers de cet enfer

Une rafale de mitraillette


Abattit alors mon ami


Celui qui a pointé son arme


S'appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j'ai racontée


Kissinger ne se passait pas


En 42 mais hier


En septembre septante trois

 

 



jeudi 20 février 2025

Jean-Louis Milesi : Flamboyante Zola


 

Flamboyante  Zola de Jean-Louis Milesi. Voilà un livre qui rend bien justice à madame Zola. 

J'ai vu, en 2023, une pièce de théâtre au Festival d'Avignon, Les Téméraires, sur Zola et Meliès et leur lutte contre l'anti-dreyfusisme, une pièce qui montrait bien la place tenue, entre autres, par  madame Zola.  J'ai lu aussi le Zola de Henri Troyat bien trop patriarcal pour accorder une place importante à madame. Il me reste encore  à découvrir le livre Madame Zola d'Evelyne Bloch-Dano. 

Ce livre consacré à madame Zola, commence par la nouvelle qui va être une blessure indélébile et un coup de tonnerre dans la vie conjugale d’Alexandrine  : une lettre anonyme qui lui est adressée et qui lui révèle que son mari a une double vie, qu’il a eu une fille Denise et un fils, Jacques, avec son ancienne lingère Jeanne Rozerot ! La douleur de madame Zola est si violente qu’elle en perd presque la raison, éprouve des envies de meurtre, en tombe malade et sa vie s’effondre.

 

Le déjeuner sur l'herbe de Manet

Par des retours en arrière, le lecteur est introduit dans la vie passée de Gabrielle, c’est ainsi que la jeune fille se faisait appeler à l’époque, quand elle posait comme modèle pour les peintres impressionnistes. C’est elle qui figure au second plan dans Le déjeuner sur l’herbe Manet. Elle est issue d’une classe sociale défavorisée, laissée à la rue par ses parents, exécutant des petits métiers dès son plus jeune âge pour survivre. Elle a eu une fille illégitime qu’elle  a été obligée d’abandonner faute de moyens financiers et qui meurt peu après. Elle fait la connaissance d’Emile Zola par l’intermédiaire de Cézanne et se marie avec lui. Son origine sociale lui vaut moqueries et condescendance de la part de la « bonne » société parisienne et de certains amis de son mari.


Le déjeuner sur l'herbe de Manet (détail) Gabrielle, future madame Zola


Peu à peu, le portrait de madame Zola prend de la netteté et nous découvrons une femme blessée mais forte, courageuse, intelligente, qui se tient dans l’ombre du Grand Homme et lui est indispensable. Elle n’est pourtant pas effacée, fière, le verbe haut, et tient tête à toutes les difficultés, et même aux avanies que Zola lui inflige, encore une fois, avec son dernier livre des Rougon-Macquart où le docteur Pascal, le double de Zola, met en scène son adultère avec Jeanne.
 Flamboyante, madame Zola !  C’est elle qui, encourage Zola et le soutient lorsqu’il lance son J’accuse, qui lui reste fidèle quand de nombreux amis le trahissent, qui affronte l’adversité quand les menaces de mort pèsent sur lui et sur elle, qui organise la vente aux enchères pour payer les dettes et les frais de justice quand il est accusé de traîtrise, qui planifie son exil à Londres, et se montre d’une grande générosité envers les enfants, avant comme après la mort de son mari.

Jean-louis Milesi nous présente -comme probable bien que non prouvé- l’assassinat de Zola, après son retour d’exil, par le fumiste Henri Buronfosse. Il n’y a pas eu d’enquête véritable et on a tout fait pour étouffer l’affaire. Ce qui est certain, c’est que  l’ouvrier, notoirement antisémite, était sur le toit voisin de la maison des Zola la veille de sa mort. Il aurait eu la possibilité de boucher la cheminée qui a provoqué la mort d’Emile Zola par intoxication à l’oxyde de carbone. Alexandrine a survécu.

Même si l’auteur s’appuie sur les fait historiques, la correspondance des époux et des  extraits de journaux, l'écrivain revendique son livre comme un roman, non comme une biographie… Et c’est ainsi qu’on le lit, avec plaisir et intérêt.

jeudi 13 février 2025

Paul Saint Bris : L’allègement des vernis

 

J’ai vu ce titre L’allègement des vernis de Paul Saint Bris bien souvent dans les blogs et j’ai eu envie de le lire car tout ce qui a trait à la peinture m’intéresse!

 

Vinci La Joconde

 

A l’heure où l’on parle beaucoup de la Joconde et de la saturation du Louvre en terme de visiteurs, l’Etat décide qu’il faut améliorer la rentabilité du musée par tous les moyens ! Pour cela, est nommée à la présidence des relations publiques du musée une jeune cadre dynamique « décomplexée », Daphné qui s’ingénie à rendre l’établissement plus attirant en misant sur le sensationnel, appliquant à l’art les mêmes techniques que dans l’industrie cosmétique et l’hôtellerie dont elle vient !
Pauvre Aurélien, conservateur du département des Peintures du Louvre, section Renaissance !  Déjà, il vit un divorce difficile, maintenant il subit les assauts des jeunes loups publicitaires dans son musée, puis « les stars de la pop" se pressent au Louvre "pour tourner leurs clips, les créateurs de mode pour organiser leur défilé, les géants de la Silicone Valley pour y nouer de fabuleux et juteux partenariats.". Mais ce n'est pas tout,  Daphné suggère que l’on pourrait alléger les vernis de la Joconde qui ont jauni et qui nuisent à la visibilité de l’oeuvre. Quelle publicité pour le Louvre au niveau international ! La presse de tous les pays va s’emparer de l'évènement !  Voilà qui va réveiller, entre autres, les Italiens qui croient dur comme fer que le tableau acheté, pourtant, à Léonard de Vinci par François Premier, leur appartient.

Toucher à la Joconde ! Ceci ne fait pas l’affaire d’Aurélien qui freine (mais en vain) des deux pieds.  Mais puisqu’il ne peut l’éviter, alors il confiera le tableau à son ami Gaetano, un restaurateur italien en qui il a toute confiance. Pauvre Gaetano ! A son tour, il est sous les feux des projecteurs. Comment travailler sereinement alors que la planète s’arrête de tourner à chacun de ses gestes et qu’il est surveillé à chaque moment de l’allègement des vernis ! C'est frustrant pour quelqu’un qui se considère comme un génial créateur ! 

 

Le Gaulois blessé

Il y a aussi un certain Homero, danseur raté, préposé au ménage dans le musée du Louvre, imaginant des chorégraphies sur son autolaveuse autour des statues de Sylène portant Dyonisos ou du Gaulois blessé (il y a des moments assez déjantés ! Je n’aime pas ce terme mais là il convient très bien !). 

 

Vinci : La dame à l'hermine


Quant à la suite et au dénouement, je vous les laisse découvrir, sachant qu’ils ne manquent pas d’humour !

Le livre est intéressant à plusieurs titres et d'abord parce que l'on y rencontre des oeuvres du musée à travers le regard d'Aurélien; celui-ci n'aime pas particulièrement la Joconde et lui préfère La Vierge aux rochers ou la Dame à l'Hermine. Je le comprends, j'ai vu ce dernier tableau à Cracovie et c'est une merveille. Mais ce n'est pas Vinci que le conservateur a choisi pour sujet de thèse mais Andrea del Sarto.

 Et puis, si l’on est novice comme moi, l’on y apprend beaucoup sur les techniques de restauration. Par exemple, le restaurateur Robert Picault a transposé La Charité d’Andrea del Sarto et plus tard, en 1773, le Saint Michel de Raphaël  « du panneau de bois pulvérulent qui lui servait de support, au prix d’une patience infinie, puis il l’a marouflée sur un châssis entoilé d’un coutil au point serré », comme s’il s’agissait d’une décalcomanie,  sauvant ainsi ces oeuvres d’une disparition programmée. ( voir ici)


La charité d'Andrea del Sarto


J'aime bien aussi la vision de l'écrivain sur les Bobos parisiens, les politiques, les publicistes ou les visiteurs narcissiques qui se photographient devant les tableaux. Et serait-ce un  roman à clefs? On y trouve même un portrait d'une ministre de la culture qui ressemble fort à Roselyne Bachelot.  (Mais c'est mon opinion personnelle qui n'engage que moi! ). A travers les personnages d’Aurélien et d'Homero, Paul de Saint Bris dresse un état des lieux assez ironique et désabusé sur les enjeux des lieux muséaux, victimes d’une société où l’art n’est plus ce qui importe, mais ce qu’il faut consommer, et qui sont gérés comme des startups.. 

Il haïssait l’idée que les visiteurs montent quatre à quatre les escaliers parcourent au pas de course la Grande Galerie pour s’agglutiner sur la vitrine de Monna Lisa en négligeant ses malheureux voisins de cimaise, les Véronère, Titien et Bassano. Il détestait ce paradoxe qui faisait de La Joconde à la fois le tableau le plus célèbre au monde et le moins regardé. Il maudissait le fait qu’une fois leur pulsion rassasiée ces mêmes visiteurs ne se retournent pas pour contempler à quelques mètres de leur soeur si fameuse les autres chefs d’oeuvre de Léonard, désespérément seuls malgré leur immense intérêt pictural."

mardi 11 février 2025

Ian Manook : Heimaey

 


«  Quoi ? Vous croyez vraiment que ce pays est un pays de certitudes ? Une île à cheval sur deux plaques tectoniques. Cent trente volcans dont au moins trente systèmes actifs. Certains sous le plus grand glacier d’Europe. Vingt-cinq mille tremblements de terre par an. A quelle certitude voulez-vous vous accrocher ? ».

Le roman policier de Ian Manoook, Heimaey, nous entraîne dans une virée en Islande sur les plus grands sites naturels. Ces merveilles de la nature, le français Jacques Soulniz, amoureux de l’Islande, entreprend de les faire  visiter à sa fille, Rebecca, pour renouer avec elle des liens plutôt distendus. Rebecca, Beckie pour les intimes, est le type même de l’ado « chieuse », « emmerdeuse », et autres joyeusetés, mais néanmoins aimée !
Il cherche à retrouver les impressions et les souvenirs du voyage qu’il a fait lui-même quand il était jeune, en 1973, après l’éruption de Leldfell. L’aventure s’est terminée tragiquement sur la petite île de Heimaey, par la mort de la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée, Abbie, tombée accidentellement d’une falaise. Mais ce passé ne risque-t-il pas de ressurgir ? Ce voyage avec Rebecca, loin d’être idyllique, va provoquer bien des ennuis, révéler bien des dangers, semer des cadavres sur la route, et prendre un tournant tragique quand Rebecca disparaît.

Islande : Ile Heimaey Ici

 

Si le suspense est bien mené mais parfois un peu long, ce que j’ai aimé surtout, ce sont les descriptions de ces paysages dont Ian Manook sait rendre à la fois la beauté, la force tellurique avec ses émanations gazeuses, ses fumerolles, ses coulées de lave solidifiées. « La beauté du diable » écrit Manook à propos de l'Islande.

« Quand Beckie ouvre la portière, le hurlement continu du souffle et l’odeur de soufre bousculent aussitôt tous ses repères. Elle sent jusque dans son corps le grondement de la vapeur sous terre qui siffle soudain comme une turbine en fusant à l’air libre. Son râle rauque résonne dans le sol.
- c’est le cri de Gunna, dit Soulniz en forçant la voix, une sorcière dont le fantôme hantait la lande et qu’un prêtre a réussi à jeter dans la solfatare il y a quatre cents ans. Depuis, elle hurle de fureur d’y être prisonnière. »


Les descriptions du pays permettent de « voir » l’île, de la comprendre, d’en saisir les beautés, les mystères avec son petit peuple invisible, ses trolls que l'on ne doit pas déranger, mais aussi les démesures. 

 Te voilà dans un pays où les routes contournent certains rochers parce que les elfes du Peuple Caché y vivent peut-être et où on découvre encore de nouvelles cascades, et dans le même temps on y chasse la baleine avec des harpons explosifs dont la charge perce l’animal pour y enfoncer un tripode qui se déploie dans son corps et le ferre à mort. Comme quoi on peut aimer quelque chose d’odieux et de généreux à la fois.

Si l'on ne connaît pas le pays, ces pages donnent envie de le découvrir et, si on le connaît, je ne peux que supposer que c'est avec plaisir qu'on refait le voyage !

Les marins n’aiment pas la mer. Ils aiment naviguer, mais ils n’aiment pas la mer. Pour quelques mers d’huile dociles, combien de houles fourbes, de grains, de tempêtes et de vagues scélérates. La mer est une maîtresse trompeuse qui prend les hommes et les bateaux par le ventre - et les engloutit. Les autres  marins du monde disent que le vent sème la tempête, mais les Islandais le savent : C’est du gouffre de la mer que surgit la tempête. De ses entrailles. Du fond vengeur que leurs chaluts raclent et pillent. Les tempêtes sont des vengeances. Des sursauts de bête qu’on assassine. »

Par contre, je n’ai pas trop adhéré aux personnages que je ne trouve pas toujours crédibles au point de vue psychologique. Souzny, par exemple, qui laisse sa fille partir à l’âge de quinze ans, après la mort de sa mère, et ne s’occupe pas d’elle pendant trois ans, tout en la gardant à l’oeil selon son expression, sous prétexte de respecter sa liberté. Cela ne me paraît pas être l'attitude d'un père aimant et responsable. Puis lorsqu’elle a dix-huit ans, il essaie de rattraper le temps perdu ? Je sais bien qu’il n’est pas fûté et, en cela, ce n’est pas un personnage très sympathique, (il cogne avant de réfléchir !) mais je ne peux pas croire à ce comportement. La loi aurait placé l’enfant si le père s’était montré à ce point déficient. Que penser aussi de Galdur qui non seulement participe à un trafic de cocaïne mais encore est assez bête pour voler les trafiquants et fait tuer, involontairement, il est vrai, Arnald, son frère jumeau. Rien, aucun chagrin, pas un regret, à peine un début de réflexion, il continue à vivre, s’amuser comme s’il n’était rien arrivé, et est toujours présenté au cours du récit comme « un gamin », innocent, un peu trop léger, comme s’il avait seulement chapardé des cerises dans l’arbre du voisin. Kornélius est aussi un drôle de flic mais lui, au moins se fait virer de la police, ce qui paraît normal ! Ces invraisemblances psychologiques nuisent à l’intérêt du récit. Vous allez me dire que ce sont des détails ? Peut-être, mais ils m'ont gênée. Et c’est dommage car l'écriture est belle !

jeudi 6 février 2025

Eric-Emmanuel Schmitt : La lumière du Bonheur


 

J’ai pris « en marche » si j’ose dire La traversée dans le temps que propose Eric-Emmanuel Schmitt dans La Lumière du bonheur mais il semble que l’on peut les lire de manière indépendante.
L’écrivain imagine le voyage d’un homme Noam qui se découvre immortel et toujours jeune et qui voyage  à travers les millénaires de la préhistoire à nos jours.

Le premier livre s’intitule Paradis perdus (fin du néolithique et déluge)  

Le second La porte du ciel ( Babel et la civilisation mésopotanienne)

Le troisième Soleil sombre (l’Egypte et Moïse).

Enfin le quatrième La lumière du Bonheur nous amène dans la civilisation grecque au temps de Périclès. J’ai eu plaisir à retrouver et à côtoyer rien moins que Sappho, la Pythie de Delphes, ( Vous aurez du mal à interpréter ses oracles !) Hippocrate, (Mais oui, avec Noam, vous conseillerez Hippocrate pour la rédaction de son fameux serment),  Périclès  et Aspasie, et, bien sûr, Socrate pour ne citer qu’eux… Plaisir à participer aux jeux Olympiques avec Noam, à assister aux représentations de pièces de théâtre, à vivre la démocratie grecque très particulière ( qui, comme on le déplore, ne concerne ni les esclaves ni les femmes ! ) à livrer la guerre aux Perses et à vous confronter aux Dieux…

Le roman d'Eric-Emmanuel Schmitt est donc une manière agréable de revisiter la Grèce antique, l’auteur connaît bien son sujet, des notes en bas de page vous invitent à aller plus loin.

Par contre, je n’ai pas trop adhéré à ce personnage immortel, Noam et encore moins à Noura, immortelle elle aussi, et à leur relation entre amour et haine. Ils ne sont pas assez, à mon goût, des personnages mais restent des prétextes. Peut-être me manquait-il finalement la lecture des premiers volumes ?

mardi 28 janvier 2025

Robert Desnos Le dernier Poème et Louis Aragon/Jean Ferrat : Complainte de Robert le diable

Ombres et brouillard : Photographie d'Aurélia Frey
  
 
 
EN MÉMOIRE 

En 2012, j'ai publié ce poème de Desnos que je vous fais redécouvrir à l'occasion des quatre-vingts ans de l'anniversaire de la libération d'Auschwitz. Il est important de commémorer cet évènement à une époque ou les partis d'obédience nazie sont plus forts que jamais en Europe et encouragés par les dirigeants des Etats-Unis.
Je complète ce billet avec le si beau poème d'Aragon Complainte de Robert le diable chanté par Jean Ferrat.


Le dernier poème
 
 
Robert Desnos
 
 
Robert Desnos, poète résistant, est arrêté par la Gestapo le 22 février 1944 et amené à Compiègne. De là, il est envoyé d'abord à Auschwitz puis à Buchenwald et à Floha, en Saxe.  Au moment de l'arrivée des troupes alliées, il est déplacé vers Terezine dans l'ancienne Tchécoslovaquie. Une marche de 200 km à pied dans la neige, des jours de souffrance et de désespoir pour ces hommes affaiblis, sous-alimentés, malades, que l'on achève en cours de route s'ils ne parviennent pas à suivre...
Quand les alliés arrivent à  Terezine, Desnos est atteint du typhus. Il est transporté à l'hôpital militaire installé par les russes pour accueillir les malades. Ceux-ci font appel à des étudiants de la faculté de médecine de Prague pour enrayer l'épidémie.
C'est ainsi qu'un jeune tchèque, Joseph Stuna, lit dans les registres que Robert Desnos est parmi les prisonniers. Epris de poésie française, admirateur du surréalisme et de Robert Desnos, le jeune homme cherche le poète et croit le reconnaître dans les traits émaciés d'un malade et comme on demande à ce dernier s'il connaît le poète français Robert Desnos, il répond :

- Oui!  Robert Desnos, poète français, c'est moi !

Le 8 juin 1945, Robert Desnos s'éteint. Il devra à la poésie, ce langage universel, de ne pas mourir seul, inconnu, et d'avoir autour de lui des amis pour le soutenir.

On a retrouvé dans la poche de son vêtement un poème qui a pendant longtemps été considéré comme le dernier, dédié à sa femme Youki. Or, il n'en est rien. Le poème a été écrit en 1926 et dédicacé à la Mystérieuse, une autre que Youki. Voir le petit monde de Youki.

Mais le poème, devenu légende, n'a rien perdu de sa beauté.


         Le Dernier poème

J'ai rêvé tellement fort de toi,

J'ai tellement marché, tellement parlé,

Tellement aimé ton ombre,

Qu'il ne me reste plus rien de toi.

Il  me reste d'être l'ombre parmi les ombres

D'être cent fois plus ombre que l'ombre

D'être l'ombre qui viendra et reviendra

dans ta vie ensoleillée.

 
Lire aussi :  le livre de André Bessières : destination Auschwitz avec Robert Desnos

 

Louis Aragon : Complainte de Robert le diable


Doisneau : Paris : les Halles

Robert Desnos est né dans le quartier Saint Merry, près des Halles, sa mère était fille du propriétaire  d'une rôtisserie, son père était mandataire en volaille et en gibier, d'où l'importance donné à ce lieu dans le poème d'Aragon. Quand il rejoint les surréalistes, Robert Desnos s'essaye à l'écriture automatique et au langage hypnotique. Il devient le prophète du groupe qui compte Breton, Aragon, Eluard, Soupault, Vitrac... et ses visions souvent déréglées, exaltées, violentes, sont teintées de sang comme, nous dit Aragon,  s'il avait vu le destin qui l'attendait lui et les millions de victimes des camps de concentration. Il est aussi le poète de Paris et de la nuit.


Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval
Quand tu parlais du sang jeune homme singulier
Scandant la cruauté de tes vers réguliers
Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles

Parmi les diables chargés de chair tu noyais
Je ne sais quels chagrins Ou bien quels blue devils
Tu traînais au bal derrière l'Hôtel-de-Ville
Dans les ombres koscher d'un Quatorze-Juillet

Tu avais en ces jours ces accents de gageüre
Que j'entends retentir à travers les années
Poète de vingt ans d'avance assassiné
Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure

Tu parcourais la vie avec des yeux royaux
Quand je t'ai rencontré revenant du Maroc
C'était un temps maudit peuplé de gens baroques
Qui jouaient dans la brumes à des jeux déloyaux

Debout sous un porche avec un cornet de frites
Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry
Dévisageant le monde avec effronterie
De ton regard pareil à celui d'Amphitrite

Énorme et palpitant d'une pâle buée
Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume
Se couvre de mégots de crachats de légumes
Dans les pas de la pluie et des prostituées

Et c'est encore toi sans fin qui te promènes
Berger des longs désirs et des songes brisés
Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées
Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine

Tu te hâtes plus tard le long des quais Robert
Quand Paris se défarde et peu à peu s'éteint
Au geste machinal que fait dans le matin
L'homme bleu qui s'en va mouchant les réverbères

Oh la Gare de l'Est et le premier croissant
Le café noir qu'on prend près du percolateur
Les journaux frais les boulevards pleins de senteur
Les bouches du métro qui captent les passants

La ville un peu partout garde de ton passage
Une ombre de couleur à ses frontons salis
Et quand le jour se lève au Sacré-Coeur pâli
Quand sur le Panthéon comme un équarissage

Le crépuscule met ses lambeaux écorchés
Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change
Quand le soleil au Bois roule avec les oranges
Quand la lune s'assied de clocher en clocher

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Je pense à toi Desnos et je revois tes yeux
Qu'explique seulement l'avenir qu'ils reflètent
Sans cela d'où pourrait leur venir ô poète
Ce bleu qu'ils ont en eux et qui dément les cieux
 





Voir le billet de Nathalie intitulé Mémoire : C'est elle qui recueillera vos liens.
 
 

samedi 18 janvier 2025

Fanny Abadie : Les insoumis du Blizzard

 


Les insoumis du Blizzard de Fanny Abadie est un livre de SF pour les adolescents ( à partir de 14 ans) présentant un monde post-apocalyptique. « La population mondiale, aux deux tiers anéantie, s’est réfugiée sur le continent africain». Nous sommes en 2330 et nous nous intéressons à une petite communauté qui a refusé l’exil climatique et vit à Lille, dans un grand bâtiment, la vieille bourse, au milieu d’un univers gelé, submergé par la neige et glace.
 
Le groupe, composé de 5 adultes et de six adolescents âgés de 10 à 16 ans, tente de survivre sous la direction du chef Kelsang et d’Hélène - la mère de Mirren (10 ans) et Babak (16 ans)- , qui font régner une discipline de fer avec l’aide des autres adultes dont Tamund, médecin-cuisinier. Josh (15 ans) est le dénicheur, celui qui sillonne la ville, s’introduit dans les maisons désertes à la recherche de tout ce qui peut aider la communauté, Nedja, 15 ans et sa soeur Liv (14 ans) sont proches l’une de l’autre mais un incident vient perturber leur complicité et il y a  aussi Afick que le chef considère comme son disciple. La vie des adolescents est rude, remplie de corvées, soumise à une discipline brutale, sans affection et sans joie, dans une communauté qui fonctionne un peu comme une secte.

Le monde antérieur est peu décrit et ce que l’on en apprend, c’est que la reproduction naturelle n’existaient plus, les bébés étaient conçus en éprouvettes. Cependant, étant donné les circonstances et pour la survie de la communauté, les adultes vont encourager les jeunes couples à la reproduction, après les avoir sélectionnés d’après leur génétique. Or, lorsqu’il s’agit de faire l’amour, les sentiments s’en mêlent, tout ne se passe pas comme prévu. Les adolescents se rebellent et décident de s’enfuir :
« Les patins du traîneau crissèrent et ce bruit décupla leur assurance. Les jeunes échangèrent des encouragements qui claquèrent comme des fouets.
Au-delà des immeubles défoncés par le blizzard, l’horizon, blanchi par la tempête, leur parut tout à la fois sombre et exaltant. »

Où vont-ils pouvoir se réfugier ? Quels dangers vont-ils affronter ? Parviendront-ils à s’entendre ?  Que va-t-il arriver ? C’est ce que vous ne saurez pas !  Et le lecteur reste le bec dans l’eau car, au moment où cela devient le plus intéressant, le livre s’arrête ! J’ai cherché, en vain, un deuxième tome. Mais non ! C’est fini et on reste sur sa faim !  


Chez Sandrine Blog Tête de lecture


jeudi 16 janvier 2025

Marcel Proust : Bilan final : livre 6 : Albertine disparue et livre 7 : Le temps retrouvé

 



Nous avons enfin terminé notre défi commun, nous, Miriam et Claudialucia : Lire les sept volumes de La Recherche du Temps perdu l’un après l’autre, dans la foulée… Le challenge lancé le 23 Mars 2024, commencé au mois d’Avril, s’est achevé en Décembre 2024. Une longue marche d’endurance.

Non, cette lecture n'a pas été facile pendant ces 9 mois, contrairement à ce que nous disent les inconditionnels de Proust, en tout cas pour moi !

 Ce que je n'ai pas aimé dans Proust

 Pourquoi la lecture m'a été parfois difficile ?

Plusieurs aspects de l'oeuvre m'ont déstabilisée, non pas la longueur de la phrase, - on s'y habitue très vite-, non pas tant le nombre de pages (plus de 3000), - je suis habituée à beaucoup lire et j'aime les gros livres bien épais dans lesquels on s'embarque pour un long voyage-, que cette impression de répétition d'un livre à l'autre ou d'un paragraphe à l'autre. Répétitions, redondances ? On a parfois envie de dire à l'écrivain : mais c'est déjà dit, on le sait, on n'est pas idiot, on a compris ! Oui, souvent je me suis ennuyée !

Ensuite il faut bien avouer que les personnages dont il parle sont odieux, que ce soit la grande noblesse ou la riche bourgeoisie, les Guermantes ou les Verdurin. Je les trouve vides, snobs, égoïstes, souvent même inintelligents et ridicules.  C'est d'ailleurs ce que dénonce Marcel Proust qui n'épargne pas la critique de ce milieu qu'il admire d'abord pour ensuite en constater la superficialité même s'il conserve malgré tout une certaine connivence avec eux  ! Après tout, c'est son milieu et quand il fréquente des gens du peuple, cela ne peut-être que ses chauffeur, cuisinière ou valet pour qui il a une certaine condescendance.  Quand vous passez des heures et des heures à lire Proust comme nous l'avons fait, cela signifie que vous passez des heures et des heures en compagnie de gens peu fréquentables, terriblement déplaisants ! Et cela ne paraît jamais finir !

Et puis même les personnages principaux ne sont pas tous sympathiques. Marcel, en particulier,  avec son mépris des femmes, ses caprices d'enfant gâté odieux envers sa mère (à Venise); le sentiment qu'il a de sa supériorité (envers Albertine), son incapacité à aimer les autres, sa manière de décrier l'amitié et l'amour. Il n'aime et il ne s'intéresse qu'à lui-même ! Et que dire de Charlus ou de Saint Loup qui, imbus de leur noblesse, satisfont leur sexualité avec des enfants des classes pauvres  !


Ce que j'ai aimé dans Proust

 Ceci dit, je suis bien heureuse de les connaître tous ces personnages même si cela peut paraître paradoxal par rapport à ce qui précède. Ils sont tellement célèbres qu'ils font partie de notre patrimoine littéraire, si je puis dire, et même de notre quotidien. L'autre jour, en regardant une photographie prise par ma fille d'un mineur péruvien au regard fier et au port de tête hautain, je me suis dit spontanément : "Le duc de Guermantes  ne pourrait avoir un air plus altier ! ". Les personnages de Proust comme référence !

 Et puis j'aime Tante Léonie et "ce grand renoncement de la vieillesse qui se prépare à la mort", Françoise,  le Michel Ange de notre cuisine et son boeuf aux carottes en gelée, son franc parler, la grand-mère si aimante, si dévouée et son grand amour pour Madame de Sévigné, Albertine, l'enfant orpheline et pauvre et pour cela jeune fille méprisée qui a le désir d'apprendre, qui lit, se cultive, prisonnière d'un homme malade, jaloux, égoïste,  incapable d'aimer ! Et, bien sûr, je me suis sentie concernée, touchée par ces personnages qui nous font éprouver des émotions et nous renvoient à nous-mêmes.

 Ce que j'aime dans Proust ? C'est aussi le témoin de son temps, l'électricité, le téléphone, l'aviation, le train, la vogue des bains de mer,  l'impressionnisme, l'affaire Dreyfus, la guerre de 14 à Paris...

 Proust et la  nature, la mer, les fleurs et ces magnifiques descriptions de Combray, de Balbec. Proust l'écrivain des fleurs et ses fameuses aubépines : "leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. "

J'adore lorsque Marcel Proust parle de l'art, la peinture, la musique et la littérature. J'aime que certaines scènes ou certains personnages soient décrits comme des oeuvres d'art, que Swann voit  Odette  comme une fresque de Boticelli, que le docteur ressemble à un Tintoret , que Bloch soit un Gentile Bellini, ou que "sous les couleurs d’un Ghirlandajo" soit peint le nez de M. de Palancy.

Proust et l'humour :  A de nombreuses reprises j'ai noté l'humour de Proust avec, par exemple, la vieille madame de Cambremer si mélomane qu'elle bat la mesure "avec sa tête transformée en métronome"; la première rencontre avec Bloch et les parents de Marcel m'ont bien fait rire, de même le baron Charlus et ses ruses pour retenir l'attention de Morel, ou encore les tics de madame Verdurin... pour ne citer que ceux-là.

La Recherche offre des pages admirables au style splendide, au thème fort, qui marquent à la fois par leur beauté et par leur sens, des pages entières qui se détachent des autres et que l'on peut lire à part tant elles ont de force :  "Longtemps, je me suis couché de bonne heure", la page des madeleines et de la tisane, celle des pavés inégaux, de l'aquarium à Balbec, de la robe et des chaussures rouges, du petit pan de mur jaune lors de la mort de Bergotte et bien d'autres encore.

Enfin, j'ai aimé cette recherche sur le temps, sur la mémoire et le souvenir qui est notre quête à tous. Et je pense que nous avons tous éprouvé cette remontée du passé grâce à une impression sensorielle, sensation olfactive, auditive... c'est le goût de la madeleine pour Proust, la triste petite phrase musicale de Vinteuil pour Swann, le chant de la grive pour Chateaubriand, l'odeur du pays qui est dans une pomme...

Nous publions ici la récapitulation des deux derniers livres : Albertine disparue et Le temps retrouvé.


BILAN 7


Miriam


Le temps retrouvé Tansonville

Le temps retrouvé : Monsieur de Charlus pendant la guerre

Le temps retrouvé : Dans la bibliothèque du prince de Guermantes, méditation sur la mémoire et littérature



Claudialucia


Le temps retrouvé (1) Proust, Cendrars et Céline

Marcel Proust : Le temps retrouvé (2)



BILAN 6


Miriam

Marcel Proust : Albertine disparue

 une lecture annexe : Le Lièvre aux yeux d'ambre d'Emund de Waal où j'ai trouvé un personnage ayant peut être inspiré Swann
 


Claudialucia

Marcel Proust :  Albertine disparue


 Bilan 5 : La prisonnière 

 


 claudialucia

La prisonnière : Marcel (1)

La prisonnière Albertine (2)

La prisonnière : Le mythe de Pygmalion

Normandie Calvados Caen : Exposition : Le spectacle de la marchandise, Ville, art et commerce avec Zola et Proust (2)

Marcel Proust et la mode : Mariano Fortuny et Jacques Doucet

Miriam  

 La prisonnière : Emprise, jalousie et mensonges

La prisonnière : mais qui est donc Albertine ?

La prisonnière :  Une soirée musicale chez madame Verdurin

  

  Bilan 4  Sodome et Gomorrhe

 


Claudialucia


Marcel Proust : Sodome et Gomorrhe : Le Baron Charlus et l’homosexualité (1)

Marcel Proust: Sodome et Gomorrhe : Albertine et l’homosexualité (2)

Marcel Proust : Sodome et Gomorrhe l’humour (3)

 

Keisha 

 Marcel Proust : lettres à sa voisine

Keisha a déniché une correspondance rare de Proust


Miriam
 

Sodome et Gomorrhe : Le baron Charlus et Jupien

Sodome et Gomorrhe : La soirée chez la princesse de Guermantes

Sodome et Gomorrhe : Autour de Balbec et les noms des villages normands

Miriam est partie à Balbec découvrir les lieux qui ont inspiré Marcel Proust
le Grand Hôtel, la promenade sur la digue et la plage

La villa du Temps retrouvé : Marcel Proust (l'écrivain) et Marcel, le narrateur, n'ont jamais vécu dans la belle villa du Temps Retrouvé transformé en musée Belle Epoque qui contient des autographes et des tableaux des personnes ayant inspiré Proust.


Si vous avez fait d'autres lectures vous pouvez coller les liens en commentaires ici.


 Marcel Proust Bilan 3  Le côté de Guermantes

Claudialucia

Proust Le côté de Guermantes :  lucidité et pessimisme

Miriam

Proust Le côté de Guermantes :(1ère partie) Le téléphone

Proust Le Côté de Guermantes :(2ème partie) L’Affaire Dreyfus dans le salon de madame de Villeparisis

Proust Le côté de Guermantes :  (3ème partie) Un dîner chez la Duchesse de Guermantes

La Maison de tante Léonie (Musée Proust) à Illiers-Combray

 

 Marcel Proust Bilan 2 : A l'ombre des jeunes filles en fleurs

 

 

Nathalie :

Chloé Cruchaudet, d'après Céleste Albaret, « Bien sûr, monsieur Proust », 2022, édité chez Noctambule.

Chloé Cruchaudet, Céleste, tome 2 Il est temps Monsieur Proust

Laure Murat : Proust, roman familial


Marcel Proust : Bilan 1 Du côté de chez Swann

 




Aifelle


Claudialucia

 
 
Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Combray
 
 
 
 

Le jeudi avec Marcel Proust :  billets sur Un amour de Swann

Evelyne Bloch Dano une jeunesse de Proust

Céleste Albaret : Monsieur Proust

Laure Murat : Proust roman familial


Dominique

Laure Murat, roman familial

Bribes et conseils aux réfractaires


Fanja

Céleste : Bien sûr, monsieur Proust BD  Chloé Cruchaudet


Keisha

Laure Murat : Proust roman familial

Brassaï : Marcel Proust sous l’emprise de la photographie


Luocine

Laure Murat, roman familial


Miriam

Présentation du challenge Marcel Proust

Du côté de chez Swann : Marcel Proust lecture gourmande

Du côté de chez Swann : l’amour de la lecture/écriture

Du côté de chez Swann :  Combray En famille

Un amour de Swann Marcel Proust


Sandrine

Du côté de chez Swann