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vendredi 25 juillet 2025

Molière : Tartuffe / Hugo Mille francs de récompense /Wilde De profundis

Au théâtre l'Albatros
  

Et oui bientôt la fin du festival. Je pars le 25 dans mes Cévennes où je ne pourrai pas écrire tout de suite mais je reprendrai au mois d'août.  Aussi je me dépêche de dire quelques mots sur les spectacles que j'ai vus. Il m'en reste encore beaucoup à vous présenter. 

 
MOLIÈRE LE TARTUFFE
 
  
COLLEGE DE LA SALLE  MOLIERE Le Tartuffe  13H45 1H30  relâche  le 10 
 
présentation de la compagnie : 
"Savez-vous, après tout, de quoi je suis capable ?" (Acte III sc 4)
description
Dans une mise en scène épurée, la part belle est faite au jeu, au texte, aux thèmes et aux figures intemporel.le.s que nous offre le génie de Molière.

François Clavier, inspiré par son professeur Antoine Vitez, fait le rapprochement entre "Le Tartuffe" et "Théorème" de Pasolini : ce qui fascine chez Tartuffe, c'est son pouvoir de séduction. L'emprise qu'il a sur Orgon, c'est celle qu'il doit avoir sur le public. C'est le beau jeune homme blond, c'est le démon déguisé en ange. C'est, surtout, celui dont on n'aurait pas cru qu'il irait jusque là, celui qu'on ne soupçonnait pas, celui dont on ne se méfiait pas.

Le cadre de cette comédie sombre et sensuelle : celui de la famille bourgeoise - l'univers de prédilection de Molière, qui lui consacre ses plus grandes pièces. Les phénomènes de crise qui la traversent, l'auteur nous les présente comme de vrais chemins de résolution. Les conflits souterrains qui agitent ce microcosme trouvent leur issue dans l'épreuve de ces crises, dans cette entropie qui passionne Molière et qu'il nous donne à voir comme le point d'équilibre, le début de l'harmonie."

 Mon avis

La pièce a un début un peu difficile et le passage du "pauvre homme" est assez plat et ne provoque pas le rire. Mais par la suite Dorine la servante se déchaîne et prend de l'assurance, Mariane, la fille d'Orgon,  joue très bien la stupéfaction quand elle apprend le projet de son père de la marier à Tartuffe et c'est à Dorine d'organiser sa défense, de la réconcilier avec Valère. La belle-mère Elmire reçoit avec dédain les déclarations amoureuses de Tartuffe. Elle a beaucoup de classe, ce qui rend les propos de l'hypocrite encore plus infâmes..  J'ai aimé leur interprétation de ces personnages. 

J'ai trouvé, de plus, que c'était une  bonne idée et originale de la part du metteur en scène François Clavier d'avoir confié l'interprétation de Tartuffe à un jeune comédien.  D'habitude, celui-ci est toujours interprété par un homme d'âge mûr.  Ici, le comédien est un Tartuffe débutant, qui sait se rendre odieux et indigne par son audace et son sang froid lorsqu'il est découvert. Mais sa jeunesse, effectivement, peut expliquer la séduction qu'il exerce sur ceux qui ne jugent que par l'apparence et aussi qu'il tombe plus aisément dans le piège qu'Elmire lui tend. Une interprétation vraiment intéressante.  Un bon spectacle !



équipe artistique
François Clavier - Mise en scène
Léna Allibert-My - Interprétation
Gaspard Baumhauer - Interprétation
Marie Benati - Interprétation
François Clavier - Interprétation
Alex Dey - Interprétation
Yoachim Fournier-Benzaquen - Interprétation
Leslie Gruel - Interprétation
Taddéo Ravassard - Interprétation
Guillaume Villiers-Moriamé - Interprétation
Anaïs Ansart-Grosjean - Lumière
JY Ostro-0679151352 - Diffusion
Collectif Nuit Orange
Compagnie française
Compagnie professionnelle

VICTOR HUGO MILLE FRANCS DE RECOMPENSE

 3S - LE SEPT  Victor Hugo Mille francs de récompense  du 4 au 26 juillet relâche les 7, 14, 21 juillet 20h35 1h30      


 présentation de la compagnie : 

"Glapieu, un ancien bagnard en cavale, veut se repentir en accomplissant un acte immense : sauver Cyprienne et sa mère, au bord de l'effondrement. Mais sur sa route se dresse Rousseline — froid, puissant, prêt à broyer les faibles pour asseoir son empire. Un monstre en cravate, plus dangereux qu’un fusil.
Un combat entre le bien et le mal, s’engage.
Glapieu agit-il pour se racheter… ou simplement par pur humanité ?
Un drame social haletant, tendre et parfois comique, écrit par Victor Hugo et brûlant d’actualité."

 Mon avis

 Léonie a beaucoup aimé. J'étais contente qu'elle découvre une pièce de Victor Hugo rarement jouée. Mais les comédiens ont tout simplement taillé dans la pièce et passé sous silence le magnifique éloge de la Marseillaise. Et c'est dommage car cela enlève le panache de la pièce qui, de plus, donnait tout son sens à ce texte sur l'injustice sociale dans lequel un bagnard vient au secours des femmes opprimées et lésées par un riche malhonnête, au coeur dur ! 

auteur
De Victor Hugo
équipe artistique
Arnaud Fiore - Mise en scène
Stanislas Bizeul - Interprétation
Raphaël Duléry - Interprétation
Arnaud Fiore - Interprétation
Sylvain Gavry - Interprétation
Tess Lepreux - Interprétation
Sophie Perron - Interprétation
Charlotte Calmel - Diffusion
Caviars sur jerrican
Compagnie française
Compagnie professionnelle

OSCAR WILDE DE PROFUNDIS

 

L’ALBATROS De Profundis Wilde 16H30

Excellent interprétation qui m'a donné l'envie d'en savoir plus sur Oscar Wilde. Il a écrit cette lettre à  son amant quand il était en prison. Une belle réflexion sur la valeur de la souffrance qui permet d'accéder à l'humilité et sur l'amour nécessaire pour continuer à vivre.  Le comédien qui dit ce texte difficile et poignant est Josselin Girard et je l'avais déjà apprécié dans Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute. Les deux pièces sont mises en scène par Bruno Dairou.

auteur⸱ice
De Oscar Wilde
équipe artistique
Bruno Dairou - Mise en scène
Josselin Girard - Interprétation
Philippe Hanula - Photographie
Arnaud Barré - Création lumière
Solenne Deineko - Régie
Cie des Perspectives
Compagnie française
Compagnie professionnelle



vendredi 18 juillet 2025

Nathalie Sarraute : Pour un oui ou pour un non

 

Pour un oui ou pour un non est une pièce de théâtre de Nathalie Sarraute, créée comme pièce radiophonique en décembre 1981, publiée en 1982 et représentée pour la première fois au théâtre en 1986. C'est la pièce la plus jouée de Nathalie Sarraute, avec plus de 600 représentations professionnelles depuis sa création. (Wikipedia)

Deux amis proches, pour une expression maladroitement employée, déclenchent une guerre qui met en cause leur amitié, leur partage, leur complicité. Les mots se chargent de comique, de tragique, de ridicule et d’absurde pour aboutir à un échange verbal qui fait de ce texte une tragi-comédie contemporaine unique.

J'ai décidé d'amener ma petite-fille voir Pour un oui ou pour un non, pièce que j'avais vue seule. Elle va entrer en seconde et j'ai supposé qu'elle aimerait cette pièce qui (comme le Menteur) est au programme du bac français; Et bien non, c'est raté. Elle n'a pas aimé. Moi oui. Voilà ce que j'écrivais en 2023.

 

Mon avis

 Quel plaisir de voir  pour la première fois sur scène cette pièce que j'ai lue et appréciée il y a déjà bien des années !

Imaginez deux amis d'enfance, avec tout ce que cela comporte de moments partagés, de complicité, de souvenirs communs. L'un d'eux réussit très bien socialement. Quand l'autre, qui se sent peut-être dévalorisé, se vante d'avoir réussi, le premier  lui répond : " C'est bien, ça !".

 Pas de quoi fouetter un chat, semble-t-il ! Oui, mais ... cela dépend comment la phrase est dite et comment on la reçoit. De fil en aiguille, les deux amis vont vider leur sac et mettre des  mots sur des riens, petites mesquineries, jalousies, sentiments refoulés, mais qui, une fois exprimés, se révèlent au grand jour. Et voilà comment, pour un oui ou pour un non, la belle amitié est brisée.

Les amis interprétés par Pablo Chevalier, Josselin Girard, se font face sur la scène et tiennent les spectateurs en haleine !  Tout le jeu, qui procure un vif plaisir, consiste à l'interprétation d'une phrase que le ton de la voix, les pauses,  les respirations, éventuellement le geste accompagnateur, peuvent rendre élogieuse ou péjorative. Il fallait d'excellents comédiens pour donner à entendre toutes les nuances de la langue française, de ses intonations, et il fallait Nathalie Sarraute pour jouer ainsi avec le langage et pour peindre avec tant de subtilité la psychologie de l'âme humaine 

 

Pour un oui ou pour un non
du 5 au 26 juillet
10h00 1h
CABESTAN (THÉÂTRE LE)
Salle : Théâtre Le Cabestan

auteur⸱ice
De Nathalie Sarraute
équipe artistique
Bruno Dairou - Mise en scène
Pablo Chevalier - Interprétation
Josselin Girard - Interprétation
Héléna Castelli - Création lumière
Philippe Robinet - Scénographie
Nina Dumont - Billetterie
Camille Vigouroux - Graphisme
Cie des Perspectives
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
La Compagnie des Perspectives inscrit sa démarche artistique dans la volonté de créer des pièces du répertoire contemporain. Il s’agit à la fois de mettre en valeur la richesse de l’écriture dramatique actuelle mais aussi de refuser de s’engager dans un théâtre du « politiquement correct ». S’il n’est en aucun cas question de nourrir le débat entre théâtre de divertissement et théâtre destiné aux élites averties, il nous paraît particulièrement pertinent de montrer que le théâtre peut toujours constituer un art du combat pour des valeurs.




lundi 14 juillet 2025

Corneille : Le menteur et l'Illusion comique au festival OFF d'Avignon 2025

 

Quand j'étais au collège, on étudiait une pièce de Corneille et une pièce de Racine par année et il s'agissait des tragédies, le genre considéré comme noble à l'époque classique, au siècle de Louis XIV, la comédie étant un genre inférieur. Molière s'en plaignait : "C'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ". Bref ! c'est le contraire de nos jours. Au festival d'Avignon 2025, deux comédies cette année et une seule tragédie, toujours Le Cid.   

Le Menteur de Corneille que ma petit-fille a vu trois fois déjà est un spectacle génial, enlevée, un hommage brillant, amusant, au théâtre, traitée comme une opérette où chacun chante sa partition. Le Menteur, Dorante, jeune étudiant à Poitiers, arrive à Paris où, au jardin des Tuileries, il rencontre deux jeunes filles et tombe amoureux de l'une d'entre elle. Il faut dire que celle-ci est interchangeable, le jeune homme ayant un coeur d'artichaut ! L'intrigue repose sur une méprise au sujet des prénoms des jeunes filles et va l'entraîner de mensonge en mensonge... toujours plus énorme. Comment va-t-il pouvoir s'en sortir ? Lui-même se le demande et il faut être brillant pour retomber toujours sur ses pieds. En fait Corneille, loin d'être moraliste, ne se préoccupe pas de punir le menteur, au contraire, puisque la pièce se termine :

"Comme en sa propre fourbe un menteur s’embarrasse !
Peu sauroient comme lui s’en tirer avec grâce.
Vous autres qui doutiez s’il en pourroit sortir,
Par un si rare exemple apprenez à mentir."  

Le mensonge, après tout, n'est-il pas le propre de  la comédie et le dramaturge n'est-il pas un habile menteur ?

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette seconde ( pour moi puisque je l'ai vue l'année dernière)  représentation de la pièce. Ils vont fêter la 400ième à Paris cette année. Les mimiques du menteur (Alexandre Bierry) la gestuelle, les expressions  du visage font  passer tous les sentiments et provoquent le rire tant on a l'impression de le voir réfléchir à toute allure pour inventer un nouveau mensonge. Ils forment avec son valet (Benjamin Boyer) un couple hautement comique ! Et tous les autres comédiens sont bons. La musique d'opérette donnent un rythme enlevé, vif et gai, au récit et crée parfois un effet amusant dans le contexte comme lorsque les comédiens entonnent la chanson de Barbara : Dis quand reviendras-tu ?

J'ai noté aussi  la  façon dont Corneille se parodie lui-même en faisant dire au père de Dorante : "O vieillesse ennemie !".

 

Mon avis 2024

Voilà ce que j'écrivais l'année dernière 

L’action de la comédie de Corneille Le Menteur se déroule dans un décor mobile figurant les maisons des jeunes filles qui s’ouvrent pour suggérer de larges espaces comme les jardins des Tuileries et rappellent aussi un castelet, les visages des personnages apparaissant dans le cadre des fenêtres comme des marionnettes. Il faut dire que tous vont bien se laisser mener en bateau par Dorante qui tire les ficelles !

 On y voit un hilarant Dorante (Alexandre Bierry excellent avec un vrai tempérament comique)  se débattre dans des mensonges toujours plus énormes, toujours plus invraisemblables et l’on attend, bien sûr, qu’il s’emmêle les pinceaux et finisse par recevoir le châtiment qu’il mérite ! Et bien non ! Il retombe toujours sur ses pieds. A moins que l’obligation de se marier à la fin de la comédie ne soit une punition ! Pour un séducteur débutant, ce n’est vraiment pas de chance !

Dorante forme avec Cliton (Benjamin Boyer, lui aussi très bon, très amusant) un couple Maître-Valet qui n’est pas sans évoquer celui de Dom Juan et de Sganarelle, avec des ressorts comiques bien rôdés : la stupéfaction, la réprobation puis l'admiration de Cliton effaré par les mensonges de Dorante qui paraît souvent en mauvaise posture mais prend de plus en plus d’assurance. Tout va crescendo ! Le reste de la distribution est au diapason.
 A la manière d’une opérette, l’intrigue  est rythmée par des chansons, des musiques légères, entraînantes. La mise en scène de Marion Bierry est vive, enlevée, étourdissante! Un vrai plaisir théâtral !  Une réussite! 

LE MENTEUR DE CORNEILLE    LE GIRASOLE

De Corneille
Mise en scène Marion Bierry

du 4 au 26 juillet
relâches les mardis
durée 1h30

Avec Alexandre Bierry, Stéphane Bierry, Benjamin Boyer, Marion Lahmer, Mathilde Riey, Mathurin Voltz

Décor Nicolas Sire
Costumes Virginie Houdinière
Lumières Laurent Catsaingt
Assistant Mise en scène Denis Lemaître

BMS Productions, Collectif Asap

 

Corneille L'illusion comique



« Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes / Qu'ont éloigné de moi des traitements trop rudes »

Désespéré par la disparition de son fils Clindor, dix ans plus tôt, Pridamant vient consulter le magicien Alcandre afin qu’il lui révèle le destin de son héritier, maltraité et fugueur. Alcandre propose à Pridamant de lui montrer, sous la forme de figures animées, la vie de son fils depuis son départ: après des années d’errance, celui-ci se retrouve au service de Matamore, bouffon et amoureux d’Isabelle. Profitant de son statut d’intermédiaire, Clindor séduit Isabelle ainsi que sa suivante Lise. Intrigues, trahisons, fugues, prison, exil : le scénario cinématographique de cet « étrange monstre » aboutit dans le sang, la crise conjugale, la tragédie et le dévoilement du mensonge.

Après Le Jeu de l’amour et du hasard, F
rédéric Cherboeuf et le Collectif l’Émeute revisitent avec insolence cette pièce virevoltante dans un spectacle où le music-hall côtoie la comédie romanesque.
Et si les images comme les sentiments n’étaient qu’une illusion? Et si Corneille avait inventé le cinéma 250 ans avant les frères Lumière ? Les enjeux et les audaces de cette pièce labyrinthique font de l'Illusion comique l'œuvre la plus moderne de l’auteur du Cid.


Mon avis

 Pridamant n'a plus vu son fils Clindor depuis dix ans et ne sait ce qu'il est devenu. Il se sent responsable de la rupture et vient consulter un magicien, Alcandre, pour savoir ce que Clindor est devenu.

Alcandre convoque des images, des illusions, qui racontent au père éploré ce qu'a été, après son départ, la vie de son fils. Ce dernier a vécu des aventures picaresques au service du capitaine Matamore. Corneille crée ici le personnage du Matamore qui incarne le type du " faux brave,  un vantard plus courageux en paroles qu'en réalité " selon la définition du dictionnaire. Suit une histoire d'amour contrarié qui amène Clindor en prison. Il s'en évade  et avec sa bien-aimée Isabelle fuit en Angleterre. Mais le dernier acte est une tragédie puisque Clindor, infidèle à Isabelle, se fait tuer avec sa maîtresse Rosine par le mari, le prince Florilame, qui enlève Isabelle dont il est amoureux.

Tragédie ou faux-semblant ? Je ne vous en dis pas plus ! Mais sachez que Corneille est un virtuose de génie ! Cette pièce, théâtre dans le théâtre, est une suite de mises en abyme, imbriquées les unes dans les autres, qui perd complètement le spectateur. Celui-ci ne sait plus où il en est. Il s'agit d'un jeu incessant entre L'Illusion et la réalité. La pièce plus proche du baroque que du clacissisme,  est en fait, un peu comme Le Menteur, mais plus explicitement, un hommage au théâtre et au métier de comédien. 

 Le metteur en scène Frédéric Cherbeuf et les comédiens du  collectif de l'Emeute sont les chéris de ma petite-fille (15 ans). Elle va assister ce soir à la représentation de Le Jeu de l'amour et du hasard pour la quatrième fois en deux ans (au festival 2024, trois fois) ! Si j'avais une critique à formuler, je dirai que, comme dans Le jeu de l'amour et du hasard le décor est "une guinguette"  ou plutôt un bar mais le choix me paraît ici plus judicieux que dans Marivaux car la vie du picaro dont s'est inspiré Corneille l'amène plus facilement dans ce lieu que la jeune Silvia, fille chérie, choyée et protégée de monsieur Orgon.  L'utilisation de la vidéo pour montrer l'évasion de Clindor, la projection sur une toile de la neige qui tombe sur le décor (apparemment) tragique du dénouement m'ont plu. Les comédiens  sont  convaincants avec peut-être un petit bémol pour le personnage de Matamore qui est traité comme un personnage un peu gâteux, plutôt que comme un vantard insupportable, un  (faux) foudre de guerre ! Mais dans l'ensemble L'Illusion comique est un agréable moment théâtral. J'ai vraiment bien aimé. Léonie aussi !

 

 CORNEILLE L'ILLUSION COMIQUE

informations
du 5 au 26 juillet relâche les 8, 15, 22 juillet
10h00 1h30
FACTORY (LA) - 1-Théâtre de l'Oulle
Salle : OULLE (THÉÂTRE DE L') 

équipe artistique
Frédéric Cherboeuf - Mise en scène
Julie Cecchini - Interprétation
Adib Cheikhi - Interprétation
Matthieu Gambier - Interprétation
Jérémie Guilain - Interprétation
Lucile Jehel - Interprétation
Alain Rimoux - Interprétation
Marc Schapira - Interprétation
Justine Teulié - Interprétation
Sabine Arman - Presse
Florence Banks - Collaboration artistique
Adib El-Bouzaidi Cheikhi - Collaboration artistique
Matthieu Gambier - Scénographie
Lucile Jehel - Costumes
Jules Morain - Production
Camille Riey - Création son
Aurélie Saget - Régie générale
Oriane Trably - Création lumière
Collectif l'Émeute et JUMO Production
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
Le Collectif « L’ÉMEUTE » est né de la rencontre d'une dizaine de jeunes comédien.ne.s et de professeurs du Cours Florent désireux de mettre en pratique leur expérience d’école, leur désir de théâtre et leur goût pour le travail de troupe.

mardi 8 juillet 2025

Beaumarchais : Le mariage de Figaro


 

Le mariage de Figaro ou la folle journée Mise en scène de Léna Bréban 

Virtuose, Philippe Torreton est Figaro dans cette nouvelle adaptation du chef-d’œuvre de Beaumarchais, mise en scène par Léna Bréban.

Amoureux, Suzanne et Figaro veulent se marier. Mais les obstacles se multiplient : Suzanne plaît tellement au Comte Almaviva qu’il veut rétablir le droit de cuissage ; la Comtesse cherche à reconquérir son mari ; Chérubin est amoureux de la Comtesse ; et Marceline espère épouser Figaro au nom d’une vieille promesse. Durant cette « folle journée », billets secrets, rendez-vous cachés, manigances et quiproquos s’enchaînent à bâtons rompus. Figaro pourra-t-il épouser celle qu’il aime ?

L’une des pièces les plus complexes du répertoire français, La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro est une comédie en cinq actes écrite par Beaumarchais en 1778. Continuation du Barbier de Séville, elle donne à voir la fin de l’Ancien Régime et la naissance d’un monde nouveau.
Sous les traits d’une comédie enlevée, riche en rebondissements, l’auteur déguise son propos faisant « la critique d’une foule d’abus qui désolent la société »

Un spectacle-événement du Festival Off Avignon 2025 !

 

 Mon avis

 Si j'ai trouvé la mise en scène bien classique et les décors aussi, j'avoue que j'ai savouré le texte de Beaumarchais dit d'une manière magistrale par Philippe Torreton.

" Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ..."

Le texte est splendide et, dit par un excellent acteur, il a une puissance qui fait vibrer : 

" Il s’élève une question sur la nature des richesses ; et comme il n’est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n’ayant pas un sou, j’écris sur la valeur de l’argent, et sur son produit net : aussitôt je vois, du fond d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château-fort, à l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits."

Et encore... 

Le désespoir m’allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. Il ne me restait plus qu’à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m’ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J’aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore".

Quant au texte de Marceline, il est  si bien mis en valeur par Anny Mercier qui joue une Marceline, virago autoritaire, qui se révèle être la mère de Figaro dans une scène de reconnaissance hautement comique.  Voilà ce qu'elle dit quand on lui reproche sa faute de jeunesse (un enfant né hors mariage)...

Marceline, s’échauffant par degrés.

Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je le suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui peut-être en sa vie a perdu dix infortunées !

Marceline, vivement.

Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? 

Marceline, exaltée.

Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire : leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !

Oui, ce texte va loin, écrit en 1778, joué officiellement sur la scène en 1784. Il annonce les idées révolutionnaires et se révèle trop souvent, encore, d'actualité ! Vous l'avez compris, j'adore Beaumarchais ! et les bons comédiens !

 

Quant à ma petite-fille (15 ans), si elle a bien aimé Le Barbier, le mariage de Figaro vu  dans la foulée et présenté comme une suite, ne lui a pas plu. Je crois qu'elle n'a pas aimé voir un Figaro et un comte infidèle et tous deux vieillissant... C'était trop brutal en une seule journée !

 

 La Scala de Provence : Le mariage de Figaro ou la folle journée 18H30


Dates du 5 au 25 juillet 2025


Relâches les lundis 7,14,21 juillet


Durée 1H50


 
Equipe artistique
Léna Bréban - Mise en scène
Eric Bougnon - Interprétation
Gretel Delattre - Interprétation
Salomé Denis Meulien - Interprétation
Jean-Jacques Moreau - Interprétation
Grégoire Oestermann - Interprétation
Antoine Prud’homme de La Boussinière - Interprétation
Jean-Yves Roan - Interprétation
Philippe Torreton - Interprétation
Marie Vialle - Interprétation
Léna Bréban - Adaptation théâtrale
Annie Mercier - Interprétation
La Scala Productions & Tournées
 
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
Les productions Scala naissent de la volonté de Mélanie et Frédéric Biessy d’accompagner l’émergence artistique sur la scène française.
13 projets sont aujourd’hui produits par le Projet Scala. Entre résidences et représentation à La Scala Provence et La Scala Paris, le but est de permettre aux productions de rayonner ensuite en tournée, sur l’ensemble du territoire.






 

vendredi 2 mai 2025

Jules Verne : Paris au XX siècle

 

 

Le roman d’anticipation Paris au XX siècle que Jules Verne a  écrit en 1860  n’est paru à titre posthume qu’en 1994. Il a été refusé par son éditeur Hetzel peu après la publication de Cinq semaines en ballon. J’ai lu la lettre de refus et je me suis dit que l’éditeur était bien méchant envers le pauvre jeune écrivain. J’étais décidée à bien l’aimer, ce roman !… Et bien non, il m’a agacée !

Hetzel explique à Jules Verne que son livre est raté parce que personne ne pourra croire à toutes les « prophéties » qu’il  présente pour décrire Paris dans le Futur. Et pourtant, ce qu’imagine Jules Verne est parfois extravagant mais jamais autant, finalement, que la réalité. Par exemple, il n’a pas prévu que l’on réduirait certains problèmes techniques par l’infiniment petit et non par le gigantisme, pour les machines qui ressemblent à l’ordinateur, la calculatrice, la photocopieuse. Que Paris soit devenu un port par l’aménagement d’un canal et la création de docks, que les véhicules y circulent proprement - voitures à hydrogène- sans émettre de vapeur (et oui pas de pollution), métros grâce à un système d’air comprimé, après tout, pourquoi pas ? Le moteur à air comprimé était déjà inventé et Verne voyait loin à l’adaptant aux transports, même s'il délirait un peu en utilisant les catacombes pour y stocker l’hydrogène ! Bref ! Tout cela cela ne me gêne pas !

Comme dans tout roman de science-fiction, Jules Verne critique la société de son temps à travers la présentation du futur, il prend à parti le matérialisme d’une époque tournée vers les sciences et qui accorde peu d’attention à la spiritualité et à la culture. Là aussi, c’est ce que l’on attend ! Mais cette critique trop répétitive, trop appuyée, frôle la démesure et finit par être lassante. Il n’a pas tort, pourtant, Jules Verne, lorsqu’il prévoit l’abandon du latin et du Grec dans les lycées au profit des chiffres, des mathématiques, mais il n’a plus aucune nuance quand il prévoit que les écrivains, Hugo, Balzac, Stendhal… seront tous tombés dans l’oubli.

« - Que désirez-vous, monsieur, lui dit l'employé, chef de la Section des demandes.

- Je voudrais avoir les œuvres complètes de Victor Hugo, répondit Michel.
L'employé ouvrit des yeux démesurés.
- Victor Hugo, dit-il Qu'est-ce qu'il a fait?
- c'est un des plus grands poètes du XIXe siècle, le plus grand même, répondit le jeune homme en rougissant. »


Tout est vu, raconté ou décrit pour servir son propos !  On dirait  un roman à thèse et il finit par être maladroit et lourd.

Le personnage principal, Michel, est un jeune étudiant fort en thème, c’est à dire bon à rien, selon les critères de son oncle, financier, qui l’élève et veut faire de lui un comptable  alors qu’il se veut poète. Heureusement, Michel  a un ami, musicien, un oncle du côté maternel qui est archiviste-bibliothécaire, un professeur de latin-grec doté d’une fille, l’adorable Lucy. Histoire d’amour forcément !  Il existe des gens sauvables, tout de même ! Mais les personnages sont si caricaturaux, si manichéens, (l’oncle, le cousin), si démonstratifs,(les jeunes gens) que l’intérêt est réduit. Ils  manquent de vie et d'étoffe.


Au fond, Jules Verne reste un visionnaire dans ce livre  mais le récit est plat et sans grand intérêt littéraire si ce n'est qu'il est une curiosité !

 Voir Patrice ICI

 



dimanche 6 avril 2025

Francois Rivière et Riccardo Federici : La Madone de Pellini


La Madone de Pellini est une bande dessinée fantastique présenté en deux tomes  1) Lamb House et 2) L’orphelinat de Rosewood, sur une histoire imaginée par François Rivière et illustrée par Riccardo Federici.

Londres 1891

A la médiathèque, c’est la beauté des illustrations qui m’a attirée et lorsque j’ai vu qu’il était question de Henry James, j’ai cru un instant qu’il en était l’auteur.  En réalité, le scénariste de cette BD,  Francis Rivière, imagine que les nouveaux propriétaires de Lamb House, l'ancienne maison de Henry James, découvrent dans une cachette des documents et des manuscrits de l’écrivain et, en particulier une nouvelle intitulée La Madone de Pellini dans laquelle Henry James est à la fois auteur et personnage.
Nous sommes en 1891. La mode au XIX ème siècle est à l’occultisme et aux séances de spiritisme. Une jeune fille, Nora de Wing, habitant à Bruxelles, arrive à Londres pour rejoindre l’institut d’études psychiques. Elle veut développer ses dons de médium. Les pensionnaires de l’institut ont tous des particularités, un certain Mr Arnoldo, en particulier, a des dons de visionnaire. Plus tard, cet homme étrange la fait fuir avec ces visions effrayantes de l'avenir. 

Nora de Wing est ensuite présentée à l’écrivain Henry James et à son ami, Francisco Guibilati, un peintre épris de peinture italienne du XVI siècle. 

 

Nora est présentée à Henry James et au peintre

Lors d’une visite dans un musée, avec ses nouveaux amis, Nora découvre le tableau d’une femme nommée La Bella Donne di Lucca du peintre Pellini, un  artiste de la Renaissance, que Francisco Guibilati admire.


La Bella dona di Luccas de Pellini

Nora se rend à une séance de spiritisme, et là, la jeune fille est hantée par l’esprit d’une femme, Antonia, qui s'impose à elle. Elle s’évanouit et se réveille en proie à la terreur, poursuivie par des visions d'une vie antérieure qui n'est pas la sienne. Elle est alors invitée par Guibilati chez Henry James d'où elle disparaît brusquement.    

 



Dans le tome 2, Nora réapparaît à Londres sous le nom de miss Antonia dans l’orphelinat de Rosewood  où elle enseigne le théâtre aux enfants. Et là, j’avoue que je n’ai plus trop compris l’histoire tant le récit est complexe. Dans une autre vie, Francesco Guibilati, assistant du peintre Pellini, (celui-ci est doté d'un pouvoir magique)  jalouse le talent de son maître. De plus, tous deux sont amoureux d'Antonia qui doit incarner la Madone dans le tableau que Pellini a commencé. Francesco assassine son maître, l'empêchant de terminer le tableau qui disparaît dans "les limbes de l'art". 

 

La madone de Pellini

 

Pour  faire vivre ce chef d'oeuvre, les esprits des personnages du tableau sont rappelés à la vie avec l'aide des médiums de l'institut des études psychiques, rassemblés puis aspirés dans la toile. 

 


Nora, en particulier, possédée par l'esprit d'Antonia, incarne la Madone. Désormais son image rayonne sur la toile mais la jeune fille meurt. 

 

"Pauvre enfant" dit Henry James

 

Il m’a fallu deux lectures pour le tome 2 avant de débrouiller les fils de cette intrigue et je suis loin d'avoir tout compris.  C’est bien dommage car les dessins sont envoûtants, l’atmosphère fantastique avec les images hallucinées des victimes et le retour dans le passé de la Renaissance italienne.

 

L'assassinat de Pellini


Henry James découvrant les "esprits" qui vont figurer dans le tableau


 

vendredi 28 mars 2025

Jules Verne : Le pilote du Danube

 

Dans Le Pilote du Danube, Jules Verne concocte pour nous une histoire pleine de dangers et de péripéties, roman posthume qu’il avait à l’origine intitulé Le beau Danube jaune mais son fils, Michel, lui préféra le titre actuel.

Nous sommes en Allemagne, en août 1876, à Sigmaringen où a lieu un concours de pêche auquel participent les plus habiles pêcheurs de La grande Ligue danubienne. Ce concours est gagné par un jeune homme qui se révèle le meilleur à la fois dans le nombre de prises et la taille de la prise. Il s'agit d'un hongrois Ilia Brush …. et celui-ci se dit prêt à réaliser un parcours en barge à partir de la source du Danube jusqu’à son delta en n’utilisant que les produits de sa pêche pour vivre. 3000 kilomètres ! Ce défi provoque l’enthousiasme de tous et de la presse. Chacun est là pour assister au départ triomphal au confluent des deux ruisseaux La Breg et la Brigach qui se rejoignent en amont de Sigmaringen pour former « le danau, d’où les français ont fait Danube. »

Ce Hongrois, personne ne le connaît.  Certains, pleins d’imagination, se demandent s’il n’est pas, en réalité, le chef des brigands qui infestent les bords du Danube et se rendent coupables de vols et de meurtres. D’autres, au contraire, pensent qu’il pourrait bien être, le chef de la police du Danube, Karl Dragoch, qui voyagerait ainsi sous un faux prétexte pour découvrir les coupables. De plus, dès le début de la course, un mystérieux passager, Michel Jaeger, s’invite à bord de la barge.

Pendant ce temps,  nous faisons connaissance d’un jeune homme, Serge Ladko, pilote du Danube, et de sa femme Natcha. Les jeunes époux vivent heureux à Roustchouk, en Bulgarie, au bord du Danube mais ils ont un ennemi, Yvan Striga, rival de Ladko, qui convoite la jeune femme.
En 1875 avait eu lieu le soulèvement de l’Herzégovine et la fièvre gagna les pays sous le joug de l’Empire ottoman. Au mois de Mai 1876 éclate la révolte du peuple bulgare, une rébellion mal préparée, étouffée dans l’oeuf et qui est suivie de représailles terribles ( voir Sous le joug de Ivan Vazov). Ladko, patriote ardent, quitte sa jeune épouse pour participer au soulèvement. Après la défaite, il ne peut rentrer en Bulgarie et bien vite, il n’a plus de nouvelles de Natcha. Serge Ladko décide alors d’aller la rejoindre incognito à Roustchouk.

Voilà ! Au lecteur de débrouiller les fils et de s’y reconnaître pour savoir qui est qui et qui est un autre ! Roman policier, roman d’aventures, roman historique et géographique, les centres d’intérêt sont multiples ! Vous traverserez les dix pays du Danube, visiterez les villes du Danube et leurs richesses... 

 


" En effet, d’un côté, à droite, est Buda, l’ancienne ville turque, et à gauche, Pest, la capitale hongroise. Elles se font face comme le font aussi, une centaine de lieues plus bas, Semlin et Belgrade, ces deux ennemis historiques.
C’est à Pest qu’Ilia Kursch avait l’intention de passer la nuit, peut-être même la journée du lendemain et la nuit suivante, toujours dans l’espoir d’avoir des nouvelles de l’absent. Aussi la barge, au milieu de cette flottille d’embarcations joyeuses, longeait-elle tranquillement la berge de gauche.
S’il eût été moins absorbé par le spectacle enchanteur que présentaient ces deux villes, leurs maisons à arcades, à terrasses, disposées en bordure des quais, les clochers des églises que le soleil à cinq heures du soir dorait de ses derniers feux ; oui, si toutes ces merveilles n’eussent pas sollicité son regard, peut-être aurait-il fait cette observation qu’eût faite assurément M. Jaeger : c’est que depuis un certain temps déjà, une embarcation, montée par trois hommes, deux aux avirons, un à la barre, semblait se tenir en arrière de la barge.

Vous naviguerez au mépris du danger, dans la violence des courants, les tourbillons, la tempête, évitant les rocs énormes qui se dressent sur le passage de l’embarcation, pénétrerez dans le défilé des Portes de Fer… Jusqu’à la Mer Noire.

Les portes de Fer par Fritz Lach

Pendant près d’une lieue, entre des murailles hautes de quatre cents mètres, le fleuve s’écoule, ou plutôt se précipite, à travers un lit qui n’en mesure pas la moitié en largeur. Au pied de ces parois sont entassés d’énormes rocs tombés des crêtes, et contre lesquels les eaux se brisent avec une extraordinaire fureur. C’est à partir de ce point qu’elles prennent cette couleur jaune foncée qui permet d’appeler plus justement le beau Danube jaune, le grand fleuve de l’Europe centrale.

Sans compter que toute une série de coups de théâtre, d'enlèvements, de personnages mystérieux et de méchants très méchants, de quiproquos et de confusion dans les identités de chacun, viennent corser le récit. Une lecture très plaisante, et, comme toujours chez Jules Verne, très documentée!

Chez Miriam Jules Verne : Le pilote du Danube 


Challenge Jules Verne Taloidu ciné chez Dasola


voir lien ici


jeudi 13 mars 2025

Jorge Gonzales et Olivier Bras : Maudit Allende et Julos Beaucarne : J'veux te raconter Kissinger...


 

Maudit Allende de Olivier Bras et Jorge Gonzales est une bande dessinée dont le titre m’étonne dès le début, moi qui ai toujours pensé à Allende comme à un homme courageux, un  président élu par son peuple, assassiné par la junte militaire aux ordres des Etats-Unis et de Nixon-Kissinger. Un adversaire du capitalisme américain.
Maudit Allende ? A moins que cela soit tout simplement une antiphrase ?

Mais non ! Allende est maudit aux yeux des parents du jeune Léo qui ont préféré s’exiler en Afrique du Sud lorsque celui-ci est porté au pouvoir. Il est maudit aux yeux des bourgeois chiliens, des riches propriétaires, parce qu’il a voulu partager les terres, nationaliser les mines, redistribuer les richesses, apporter plus de justice sociale.

Allende promet de nationaliser les mines et de donner un salaire décent aux mineurs


Léo qui ne connaît pas son pays ne s’est pas trop posé de questions pendant toute son enfance sauf lors d’une visite d’un cousin de son père qui déplore qu’Allende ait été trahi par Pinochet. Il lui laisse, caché dans un livre, le discours de Salvador Allende du 11 septembre 1973, jour où le palais de la Moneda a été bombardé et où le président s’est donné la mort.


 bombardement et incendie du palais de la Moneda : 11 septembre 1973

Devenu adulte, le jeune homme, cherche à se faire une idée sur ce qui s’est passé. Dans un parallèle, la BD retrace le vie des deux hommes, Allende et Pinochet, de leur enfance à la mort d’Allende et à la prise de pouvoir de Pinochet avec la répression sanglante qui suivit.
Revenu au Chili, Léo accompagné de Victoria, sa fiancée, journaliste, enquête sur les tortures, les disparitions, les assassinats dont s’est rendu coupable le gouvernement de Pinochet. Léo est encore au Chili quand il assiste le 3 mars 2000 au retour de Pinochet arrêté en Angleterre en 1998, renvoyé dans son pays prétendument pour des raisons de santé. Et il voit l’homme assis sur un fauteuil roulant se lever, offrir un sourire triomphal à la presse, saluer ses proches…

« Ses partisans se sont rassemblés dans le centre de Santiago, aux alentours de l’hôpital militaire. Ils s’amusent du mauvais tour joué par Pinochet pour échapper aux Européens. »

Au moment de son départ, il entend la confession d’un chauffeur de taxi qui faisait son service militaire au moment des faits et qui avoue avoir reçu l’ordre de transporter des cadavres dans une ambulance pour les jeter dans la rivière Mapocho à Santiago.

«  Ces cadavres me hantent. Je vis avec la peur d'être un jour poursuivi pour tout cela. Mais j'avais besoin de pouvoir le raconter enfin".

Après cela, Léo  a compris qui était Pinochet !  Mais quand il écrit à ses parents restés en Afrique du sud, on dirait bien qu’il s’en lave les mains :

« Les deux camps restaient irréconciliables, trente ans après le coup d’état. Et je ne me voyais pas vivre  dans un pays incapable de partager cette histoire commune».

Que dire de cette BD ? Les évènements paraissent racontés parfois de manière superficielle; tout est survolé. Ce à quoi il fallait s’attendre. Comment résumer trente années de cette tragique histoire en quelques pages ? J'ai eu parfois une impression de décousu et de fouillis à la fois dans le dessin et le récit. Tout est flou comme les belles et glaçantes peintures aux coloris sombres de Jorge Gonzalès, qui baignent dans le brouillard. 

Et la conclusion ? Veut-on ménager les deux parties dans ce désir de monter les défauts de l’un et de l’autre ? Est-ce par souci d’impartialité ?  Mais comment rester sans réaction face à à un coup d'état qui usurpe un pouvoir légitime, une Junte militaire appuyée par les Etats-Unis qui torture et supprime ses opposants ? Comment croire à la réconciliation alors qu’il y a toujours des victimes qui n'ont pas été retrouvées au Chili, toujours des familles qui ne savent pas ce que sont devenus les leurs ? Alors qu'il y a toujours des bourreaux qui échappent à la justice. J’avoue que je n’ai pas trop su comment recevoir ce récit et j'ai trouvé cette conclusion difficile à interpréter.


Lettre à Kissinger : Julos Beaucarne




Kissinger avec Nixon ont encouragé et soutenu le coup d'état du 11 septembre 1973.  Le socialiste Allende et ses réformes gênent les Etats-Unis, alors on s'en débarrasse en s'appuyant sur l'armée.

Kissinger déclare :

"Je ne vois pas pourquoi nous devons rester les bras croisés et regarder un pays devenir communiste en raison de l'irresponsabilité de sa population". "Ces questions sont bien trop importantes pour que les électeurs chiliens puissent décider eux-mêmes."  

Julos Beaucarne dans cette chanson en forme de lettre fait allusion au chanteur populaire chilien Jara emprisonné avec des milliers d'opposants au coup d'état fasciste à l'Estadio Chile (aujourd'hui nommé stade Víctor Jara en mémoire de son martyre) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. (wikipédia ici). Il apparaît dans cette BD.

 (* Kissinger, prix Nobel de la paix, il sera aussi poursuivi par plusieurs tribunaux comme criminel de guerre ! )

Jara


Challenge Littérature Chilienne che Je lis Je blogue


J'veux te raconter Kissinger


L'histoire d'un de mes amis


Son nom ne te dira rien 


Il était chanteur au Chili

Ça se passait dans un grand stade


On avait amené une table


Mon ami qui s'appelait Jara


Fut amené tout près de là

On lui fit mettre la main gauche


Sur la table et un officier


D'un seul coup avec une hache


Les doigts de la gauche a tranché

D'un autre coup il sectionna


Les doigts de la dextre et Jara


Tomba tout son sang giclait


6000 prisonniers criaient

L'officier déposa la hache


Il s'appelait p't'être Kissinger


Il piétina Victor Jara


Chante, dit-il, tu es moins fier

Levant les mains vides des doigts


Qui pinçaient hier la guitare


Jara se releva doucement


Faisant plaisir au commandant

Il entonna l'hymne de l'U


De l'unité populaire


Repris par les 6000 voix


Des prisonniers de cet enfer

Une rafale de mitraillette


Abattit alors mon ami


Celui qui a pointé son arme


S'appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j'ai racontée


Kissinger ne se passait pas


En 42 mais hier


En septembre septante trois

 

 



jeudi 20 février 2025

Jean-Louis Milesi : Flamboyante Zola


 

Flamboyante  Zola de Jean-Louis Milesi. Voilà un livre qui rend bien justice à madame Zola. 

J'ai vu, en 2023, une pièce de théâtre au Festival d'Avignon, Les Téméraires, sur Zola et Meliès et leur lutte contre l'anti-dreyfusisme, une pièce qui montrait bien la place tenue, entre autres, par  madame Zola.  J'ai lu aussi le Zola de Henri Troyat bien trop patriarcal pour accorder une place importante à madame. Il me reste encore  à découvrir le livre Madame Zola d'Evelyne Bloch-Dano. 

Ce livre consacré à madame Zola, commence par la nouvelle qui va être une blessure indélébile et un coup de tonnerre dans la vie conjugale d’Alexandrine  : une lettre anonyme qui lui est adressée et qui lui révèle que son mari a une double vie, qu’il a eu une fille Denise et un fils, Jacques, avec son ancienne lingère Jeanne Rozerot ! La douleur de madame Zola est si violente qu’elle en perd presque la raison, éprouve des envies de meurtre, en tombe malade et sa vie s’effondre.

 

Le déjeuner sur l'herbe de Manet

Par des retours en arrière, le lecteur est introduit dans la vie passée de Gabrielle, c’est ainsi que la jeune fille se faisait appeler à l’époque, quand elle posait comme modèle pour les peintres impressionnistes. C’est elle qui figure au second plan dans Le déjeuner sur l’herbe Manet. Elle est issue d’une classe sociale défavorisée, laissée à la rue par ses parents, exécutant des petits métiers dès son plus jeune âge pour survivre. Elle a eu une fille illégitime qu’elle  a été obligée d’abandonner faute de moyens financiers et qui meurt peu après. Elle fait la connaissance d’Emile Zola par l’intermédiaire de Cézanne et se marie avec lui. Son origine sociale lui vaut moqueries et condescendance de la part de la « bonne » société parisienne et de certains amis de son mari.


Le déjeuner sur l'herbe de Manet (détail) Gabrielle, future madame Zola


Peu à peu, le portrait de madame Zola prend de la netteté et nous découvrons une femme blessée mais forte, courageuse, intelligente, qui se tient dans l’ombre du Grand Homme et lui est indispensable. Elle n’est pourtant pas effacée, fière, le verbe haut, et tient tête à toutes les difficultés, et même aux avanies que Zola lui inflige, encore une fois, avec son dernier livre des Rougon-Macquart où le docteur Pascal, le double de Zola, met en scène son adultère avec Jeanne.
 Flamboyante, madame Zola !  C’est elle qui, encourage Zola et le soutient lorsqu’il lance son J’accuse, qui lui reste fidèle quand de nombreux amis le trahissent, qui affronte l’adversité quand les menaces de mort pèsent sur lui et sur elle, qui organise la vente aux enchères pour payer les dettes et les frais de justice quand il est accusé de traîtrise, qui planifie son exil à Londres, et se montre d’une grande générosité envers les enfants, avant comme après la mort de son mari.

Jean-louis Milesi nous présente -comme probable bien que non prouvé- l’assassinat de Zola, après son retour d’exil, par le fumiste Henri Buronfosse. Il n’y a pas eu d’enquête véritable et on a tout fait pour étouffer l’affaire. Ce qui est certain, c’est que  l’ouvrier, notoirement antisémite, était sur le toit voisin de la maison des Zola la veille de sa mort. Il aurait eu la possibilité de boucher la cheminée qui a provoqué la mort d’Emile Zola par intoxication à l’oxyde de carbone. Alexandrine a survécu.

Même si l’auteur s’appuie sur les fait historiques, la correspondance des époux et des  extraits de journaux, l'écrivain revendique son livre comme un roman, non comme une biographie… Et c’est ainsi qu’on le lit, avec plaisir et intérêt.