Résultat de l'énigme n°46
Félicitations à tous ceux qui ont reconnu Les Misérables de Victor Hugo et les Misérables de Robert Hossein : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Marie-Josée, Mireille, Miriam, Océane, Pierrot Bâton, Somaja..
On ne présente plus Les Misérables. Que nous l'ayons lu ou non, nous connaissons tous au moins quelques uns des personnages et quelques épisodes de l'histoire de ce roman fleuve paru en 1862 qui a marqué les esprits par ses thèmes et ses personnages.
Cosette Emile Bayard
L'autre jour comme ma petite fille de 2 ans1/2 s'emparait de mon balai, je l'ai appelée Cosette! Quand elle a su qui était cette petite fille, ce qui de fil en aiguille nous a amenées à faire connaissance des Thénardier, elle a déclaré : "moi, veux pas être Cosette!". Je crois que je l'ai dégoûtée pour la vie de faire le ménage! J'espère aussi que je l'aurais amenée pour la vie du côté de la justice et de la liberté. Tout ceci, non pas par la "faute" de Rousseau ou de Voltaire mais de Victor Hugo! Car des "misérables" notre société n'en a jamais autant comptés qu'en ce moment, depuis le XIX e siècle, et, tandis que ceux qui sont du côté du pouvoir s'en tirent toujours comme dans le roman, quel que soit le changement de régime, tandis que les grosses fortunes augmentent, les victimes de plus en plus nombreuses sont à la rue ou s'entassent dans des banlieues inhospitalières, dans des immeubles délabrés et dangereux.
Victor Hugo en était d'ailleurs très conscient puisqu'il écrivait en exergue de son oeuvre :
Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » — Victor Hugo, Hauteville-House, 1862.
Hugo a commencé ce roman en 1845 sous la Restauration, puis il l'a interrompu pendant douze ans et enfin repris en 1860, au moment de son exil à Guernesey pour fuir le régime de Napoléon III.
Roman réaliste, historique et social
Roman réaliste et historique, Les Misérables reflète les évolutions politiques de l'auteur, d'abord royaliste puis bonapartisme et républicain. L'écrivain y décrit la société du XIX siècle en pénétrant dans tous les milieux sociaux, en décrivant la vie quotidienne de ses contemporains mais aussi les grandes luttes politiques et révolutionnaires. Il y développe ses idées sur la justice sociale, son combat contre la peine de mort et les sévices du bagne. Il dénonce l'égoïsme et l'indifférence des nantis et les ravages dont sont responsables la misère et les mauvais traitements sur le peuple. Il y présente ses idées philosophiques sur le Bien et le Mal et montre que le Bien ne peut l'emporter chez celui qui est maintenu dans la souffrance et l'ignorance.
Un roman romantique
Mais les Misérables reste aussi un roman romantique. L'évocation de la bataille de Waterloo prend des allures d'épopée, la grande solidarité des barricades balaie l'oeuvre d'un souffle puissant associée à l'idéal de liberté chère aux romantiques. Le thème de l'amour y est décliné sous toutes ses faces, celui de l'amour divin avec Monseigneur Bienvenu, de l'amour paternel de Jean Valjean envers Cosette, enfin l'amour partagé de Marius et Cosette.
Romantique, enfin, le style de Victor Hugo qui manie les images, les métaphores, les hyperboles, les contrastes, les clairs-obscurs, les antithèses. Un style qui donne à l'oeuvre une ampleur et une force épique animées par la foi en un monde meilleur et emplies d'émotion.
La mort de Gavroche, un style au service du romantisme
Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l'air de s'amuser beaucoup. C'était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s'effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d'anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n'était pas un enfant, ce n'était pas un homme ; c'était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus leste qu'elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-cache avec la mort ; chaque fois que la face camarde du spectre s'approchait, le gamin lui donnait une pichenette.
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l'enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s'affaissa. Toute la barricade poussa un cri ; mais il y avait de l'Antée dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé, c'est comme pour le géant toucher la terre ; Gavroche n'était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l'air, regarda du côté d'où était venu le coup, et se mit à chanter :
Je suis tombé par terre, C'est la faute à Voltaire, Le nez dans le ruisseau, C'est la faute à...
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler."
Je suis tombé par terre, C'est la faute à Voltaire, Le nez dans le ruisseau, C'est la faute à...
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler."
Le texte de la mort de Gavroche est un exemple du style de Victor Hugo qui exalte les idées romantiques la liberté, met en valeur le personnage de Gavroche et le magnifie, transformant ainsi l'enfant en héros et même plus en symbole.
Tout le texte est basé sur ces thèmes La mort/ le jeu : avec des figures de style multipliant les
antithèses et oxymores : épouvantable # charmant; fusillé #taquinait;
Visait sans cesse # /manquait toujours; tremblait# chantait; et
Le grand/le petit : le moineau#
chasseurs; le gamin, nain # le géant; Antée # pygmée, petite#grande
(âme)
L'enfant devient ici le symbole de la Révolution en marche, de la liberté debout sur les barricades. On pense au tableau de Delacroix. Le gamin fée, l'enfant feu follet est auréolé par une lumière qui lui donne une aura surhumaine. Malgré sa fragilité, sa petite taille, sa solitude vis à vis de ses nombreux ennemis, il incarne une force supérieure, celle de l'Esprit et ceci bien que le combat physique soit perdu d'avance. La lutte pour la liberté ne peut s'acheter que par le sang.
Le couplet que chante Gavroche montre aussi ce
que les mouvements révolutionnaires doivent au Siècle des Lumières et aux grandes idées soicales, de justice, d'égalité et de liberté, à
travers ces deux grands philosophes Rousseau et Voltaire.
Delacroix : La liberté guidant le peuple