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lundi 30 décembre 2013

Còstas Hadziaryìris: Le Peintre et le Pirate




Vous ne connaissez pas Còstas Hadziaryìris, l'auteur de Le Peintre et le Pirate (1951)? Ce n'est pas étonnant! Voilà ce qu'en dit le traducteur, Michel Volkowitch, qui est aussi son plus grand admirateur et qui a bataillé pour faire reconnaître l'écrivain grec à sa juste valeur. La première publication en français date de 1992.

 Còstas Hadziaryìris est mort en 1963, à cinquante ans. Il était linotypiste, a écrit six romans (publiés à compte d'auteur), quelques pièces (restées inédites), et mis à part une poignée d'admirateurs fervents, il est resté inconnu jusque dans son pays.
Avouons-le, c'est un peu de sa faute. Hadziaryìris n'est pas de ceux qui caressent le lecteur dans le bon sens. (Et pour commencer, quel nom ! imprononçable ! inexportable !) Je dirais même plus : il est passé maître dans l'art dangereux de la frustration. Dans tous ses livres, pourtant épatants — même le premier, Sourires et angoisses (1948), que personne n'a lu, où l'on trouve une scène fabuleuse —, il arrive un moment où la tension baisse, où l'on dirait que la machine se déglingue ; et puis ça redémarre. Je suis prêt à parier qu'il le fait exprès. Et qu'il a de bonnes raisons — au delà du masochisme et du goût de l'autodestruction que je crois deviner chez lui. Lesquelles ? Lisez, vous verrez.

Oui, lisez et vous verrez! laissez vous embarquer dans cette folle histoire, inénarrable, complètement loufoque, qui semble partir dans tous les sens et vous mener en bateau au sens propre et au sens figuré et ceci pour votre plus grand plaisir.

En bateau, nous y sommes dans la première partie du récit et il s'agit même d'un bateau-pirate, théâtre des exploits sanguinaires du féroce capitaine Costandis, le légendaire ancêtre de notre écrivain (si vous acceptez de le croire)! Et ce pirate n'est pas piqué des vers! Le désignant, le mot sanguinaire est un euphémisme! Mais quand le peintre qu'il a embarqué sur son navire pour immortaliser les scènes d'abordage et d'exécution, obtient sa conversion, c'est tout aussi réjouissant : imaginez un Costandis religieux et des pirates qui récitent leurs prières en pillant un navire!

Jean Léon Ferris : combat de Barbe-Noire et du lieutenant Maynard
 Et oui, l'on rit en lisant Costas Hadziaryìris mais un rire jaune. Sous l'humour noir et grinçant, se cache en effet une vision pessimiste de l'humanité que la seconde partie de l'histoire ne va pas démentir.
Nous nous retrouvons alors en Angleterre où règne fanatisme, susperstition, obscurantisme et tribunal religieux. Ah! religion que de crimes l'on a commis en ton nom!
Enfin, dans le troisième partie, nous assistons au retour en Grèce de nos héros qui vont s'installer dans un petit village. Costas Hadziaryìris à travers des épisodes bouffons et des personnages grotesques dresse alors le tableau d'une société très hiérarchisée, très capitaliste, où règne la peur du Turc, mais où personne n'est vraiment sympathique. Les riches exploitent les pauvres, les plus malins ont toujours le dessus, les plus humbles, eux-mêmes, se donnent le luxe de mépriser ceux qu'ils jugent au-dessous eux. Pour finir que dire de ce roman? Que Le peintre et le pirate est une sorte de petite ovni littéraire qui prétend n'avoir l'air de rien mais qui, avec son humour noir, décalé, dynamite la société.

mardi 6 mars 2012

Sonya Harnett : Une enfance australienne




Une enfance australienne de Sonya Hartnett est un  beau roman  plein d'émotions mais l'on referme ce livre, le coeur serré.
Le récit débute, dans une petite ville d'Australie, par la disparition de trois enfants, enlevés, pense-t-on, par un individu suspect que l'on a aperçu rôdant autour d'eux. C'est dans le quartier où vit Adrian. Comme il est triste et chaotique parfois le chemin de l'enfance lorsqu'on est un enfant rejeté. Adrian (9 ans) pourrait être  un petit garçon comme les autres mais voilà, il a une mère irresponsable qui a été déchue de ses droits et un père qui n'entend pas gâcher sa vie en élevant un fils qu'il ne supporte pas. Alors Adrian est confié à sa grand mère qui l'aime, peut-être, à sa manière rude et sévère mais sans savoir le lui dire. Adrian est solitaire mais il va se lier d'amitié avec Nicole, l'aînée de ses petits voisins qui est une fille sensible et torturée. Un jour Adrian entend une conversation sur lui entre son oncle, sa tante et sa grand mère. Il décide de s'enfuir...

Le récit est raconté au présent de l'indicatif, dans un style simple et sobre qui semble souvent épouser le point de vue de l'enfant et sa naïveté. Pourtant ce qu'il voit est souvent terrible et une société impitoyable est ainsi dévoilée à travers ce regard enfantin. L'histoire des enfants disparus hantent tous les esprits et fait peser une menace sur les autres. J'ai pensé, en le lisant, au conte de Grimm, le Joueur de flûte d'Hamelin, à l'histoire de cet homme qui entraîne vers la mort tous les enfants d'une ville. Un conte cruel.
Et puis il  y a les riches et les pauvres et c'est de ce côté que se situe Adrian avec ses vêtements trop grands pour qu'il puisse les porter longtemps même si c'est disgracieux. Et il y a l'orphelinat et ceux qui y vivent sont bizarres parce qu'ils n'ont pas de parents comme cette grande fille à l'école qui se prend pour une jument et sombre dans la folie. 
La  folie et la mort : ce sont les thèmes omniprésents du récit : l'oncle du petit garçon n'a plus le courage de vivre depuis qu'il a tué son ami dans un accident de voiture, la voisine s'éteint lentement vaincue par le cancer, les petits disparus sont certainement morts eux aussi. L'enfance est abandonnée, laissée à elle-même, l'amour des parents est une chose peu sûre, précaire, l'amitié aussi. Adrian l'apprendra à ses dépens. Il y a une désespérance qui règne dans tout le roman. La cruauté est partout, des adultes envers les enfants, mais aussi des enfants entre eux. Pourtant l'enfant sait encore rêver, dessine le dessin de ce monstre marin décrit par le journal,  rêve d'avoir un chien,  se crée un monde magique où une soupière joue un très grand rôle, un monde étrange que Sonya Harnett décrit avec poésie. Un beau roman.