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mardi 4 février 2025

Emily St John Mandel : La mer de la tranquillité

 

 

Dans  le roman d'Emily St John Mandel, La mer de la tranquillité, Edwin se promenant les bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver, entend une berceuse interprétée par un violon accompagné d’un bruit non identifiable. Nous sommes en 1912 et le jeune homme qui entend ces sons bizarres, Edwin St John St Andrew, est britannique, fils cadet d’une noble famille descendant de Guillaume le Conquérant, envoyé par son père au Canada. A Caiette, Edwin rencontre aussi un prêtre sorti de nulle part et qui disparaît de même. Des expériences inexplicables qui vont se renouveler à travers les siècles !

En 2020, Mirella voit une vidéo tournée par son amie Vincent quand celle-ci était jeune où le phénomène se reproduit et elle rencontre un journaliste qui semble intéressé par la vidéo. Soudain elle reconnait un homme qu’elle a vu quand elle était enfant, arrêté par la police, et qui a crié son nom Mirella alors qu’elle ne le connaissait pas. En 2203 nous nous retrouvons en train de faire une tournée de promotion d’un livre avec l’écrivaine Olive qui vit dans une colonie lunaire. Il y est question d’une pandémie interplanétaire bien pire que le covid 19 et d'un personnage qui porte la prénom de son héros Gaspery.. Enfin en 2402, les colonies lointaines sont peuplées depuis plus d’un siècle, celles de la lune sont désormais vétustes.  Un certain Gaspery Roberts est envoyé dans l’espace-temps pour remonter les siècles par sa soeur Zoey, physicienne de génie. Il doit enquêter sur les anomalies qui se sont produites mais il a interdiction d’interférer dans la marche du temps.

Nous retrouvons donc les personnages à différentes époques de leur vie et obtenons la réponse à nos questions sur cet étrange phénomène perçu dans les bois et sur bien d’autres choses aussi ! Ainsi, Zoey voudrait avoir la réponse à cette question qui l’angoisse, le monde dans lequel elle vit est-il une simulation? Voilà que vous pensez vivre une vie réelle et vous n’êtes, en fait, qu’une invention, qu’un programme, l’expérimentation d’un informaticien démoniaque. La réponse qui est donnée ne manque pas d’humour !

 Se pose aussi la question morale : Gaspery laissera-t-il le cours du temps se dérouler même si cela implique la mort des êtres qu’il a devant lui ? Est-ce juste ? N’y a-t-il pas un devoir de compassion ? La solidarité humaine ne prévaut-elle pas sur les lois ?
Si le roman est de science-fiction, il ne s’intéresse pas à l’aspect technique mais à l’aspect humain, à la psychologie des personnages, à leur vie, leurs sentiments.

1912 :  Ainsi le personnage d’Edwin, dix-huit ans, est un personnage fragile malgré son côté provocateur. Il ose exprimer en présence de ses parents et des invités ce qu’il pense de l’impérialisme britannique qu’il juge oppressant.
« Guillaume le conquérant, c’était il y a mille ans. Nous devrions quand même être capables de nous montrer un peu plus civilisés que le petit-fils dément d’un pillard viking.
son père prit la parole sur un ton posé :
«  Chacun des privilèges dont tu as bénéficié en ce monde, Edwin, a découlé d’une manière ou d’une autre du fait que tu descends, comme tu l’as exprimé avec tant d’éloquence « du petit-fils dément d’un  pillard viking ».
- Bien sûr, dit Edwin. Ca pourrait être pire. Il leva son verre «  A Guillaume le bâtard ».

 Le personnage d’Olive, écrivaine de roman post-apocalyptique, sent le vécu non seulement dans les questions que lui posent les lecteurs permettant de réfléchir au genre littéraire qu'elle écrit. "Pour ma part,  je suis convaincue que si nous nous tournons vers la fiction post-apocalyptique, ce n'est pas parce que nous sommes attirés par le désastre en soi, mais parce que  nous sommes attirés par ce qui, dans notre esprit, risque fort de se produire. Nous  aspirons à un monde moins technologique."

Mais aussi parce qu’en 2203, désolée de vous le dire, les femmes ne sont pas encore sorties du patriarcat ! Olive qui fait la promotion de son livre trouve toujours sur sa route un imbécile (homme) pour lui reprocher de travailler au lieu d’être près de sa fille ou (femme) pour encenser le père qui est si « gentil » de garder son propre enfant comme si ce n’était pas naturel ! Nul doute qu’Olive ne soit autre qu’Emily St John et que celle-ci ait dû faire face à ce genre d’ânes bâtés !

"J'ai une fille dit Olive

- Quel âge ?

- Cinq ans.

- Qu'est-ce que vous faites ici alors ?

-Eh bien, c'est ce qui me permet  de subvenir à ses besoins" répondit Olive de sa voix la plus suave. Elle fut tentée d'ajouter : " Ducon, je sais que tu ne poserais jamais cette question à un homme..."

 
Je dois dire en conclusion que ce roman est très agréable et m’a donné envie de lire d’autres titres de cette auteure. Il paraît que l'on retrouve ici certains personnages de ses livres antérieurs. Ils sont d'ailleurs attachants, leur histoire est bien contée et les questions soulevées sont intéressantes.