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jeudi 24 septembre 2020

Marie-Sabine Roger : Loin-Confins Rentrée littéraire 2020


Belle rencontre avec Marie-Sabine Roger et son roman Loin-Confins, paru aux éditions du Rouergue ! Quel livre plein d’humanité et de poésie pour décrire une réalité poignante, celle de la maladie mentale, d’un quotidien gris, fermé à l’espoir par les barres d’une HLM.
Marie-Sabine Roger a un don pour nous emporter dans le rêve, dans le royaume de Loin-Confins, archipel situé dans l’océan Frénétique. Les récits fabuleux du père de Tanah, petite fille de neuf ans, la transporte vers ces rivages merveilleux. Et elle admire ce père, Agapito 1er, magnifique conteur, roi déchu, privé de son royaume par un frère cupide qui a usurpé le trône. En attendant elle est princesse et se prépare à régner mais dans un avenir lointain. Et ce ne sont pas les récriminations de sa mère qui cherche à la ramener à la vraie vie qui vont y changer quelque chose !

Tanah grandit ainsi, petite fille seule mal partagée entre une mère ancrée dans le réel au point de ne voir dans les histoires pour enfants qu’un ramassis de mensonges stupides, et qui méprise au plus haut point tout ce qu’elle appelle « des imaginations », et un père divaguant comme d’autres respirent. »

Mais de son père ou sa mère, la plus prisonnière des deux, n’est-ce pas la mère, « les pieds soudés au sol » « bétonnée dans le concret, le vrai , le quantifiable, les vérités sans poésie »?
Pourtant l’écrivaine, à travers la narration de Tanah devenue adulte, porte aussi un regard compréhensif sur cette femme qui a élevé seule ses sept enfants. Car si l’un vit ailleurs, il faut bien que ce soit elle qui assure les difficultés de tous les jours. La mère, qui, comme toujours, a le mauvais rôle ! Celle que Tanah n’aime pas ! De même qu’elle n’aime pas ses frères qui ont fui la maison dès qu’ils ont été en âge de partir, de fuir la folie.

Loin-Confins est une belle histoire d’amour entre un père et sa fille, un amour triste et tendre qui survit à l’écroulement des rêves, à la révélation de la vérité. Pauvre Agapito, une nouvelle fois déchu de son trône et enfermé dans un asile psychiatrique ! Et pourtant ces « mensonges »  ont construit un lien indéfectible entre les deux personnages  à qui il suffit, parfois, de les évoquer pour partir à nouveau sur les îles lointaines. D’ailleurs, n’est-ce pas les récits de son père qui, en l’arrachant à la tristesse, lui ont donné sa force, l’ont orientée vers le métier qu’elle aime et ont fait d’elle une femme libre et aimante.  « Tanah, elle, se souvient d’une enfance inventée qu’elle garde secrète. Une enfance qui lui donne une force incroyable. La force des enfants choyés. »

Merveilleux roman ! Il décrit une réalité sociale humble et difficile avec finesse, il montre combien le regard des autres sur la maladie mentale est une souffrance pour ceux qui le subissent … Il parle avec sensibilité et intelligence de l’importance de l’imagination qui pare la terne réalité de couleurs scintillantes et permet de vivre. Encore un coup de coeur de cette rentrée littéraire !

« Lorsqu’il est l’heure de s’en aller, Tanah serre tendrement son père dans ses bras, dans un geste très doux et très précautionneux. Elle n’est pas sûre qu’il s’aperçoive de son départ, une fois refermée la porte. Elle n’oublie jamais de lui dire qu’elle l’aime.
C’est un amour de larmes aux yeux. »