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mercredi 31 janvier 2018

Michel Bussi : On la trouvait plutôt jolie



Leyli Maal est émigré, d’origine béninoise, et vit dans une cité pauvre de Port de Bouc près de Marseille. Elle cherche à obtenir un appartement plus grand pour loger ses trois enfants Bamby, une très belle fille de 21 ans, Alpha, déjà un géant à l’âge de seize ans et le petit Tidiane, dix ans.
Mais Leyli Maal a un secret que  le lecteur ne découvrira qu’à la fin en se disant qu’il s’est fait mener en bateau par l’auteur. Personnellement, en effet, je ne m’étais doutée de rien ! Je me suis un peu perdue dans tout ce qui m’a été révélé sans être vraiment convaincue que c ‘était vraisemblable et que cela apportait quelque chose à l’intrigue.

Deux meurtres ont lieu coup sur coup dans un hôtel de rencontres minable. L’enquête est confiée au commandant Petra Velika et à son adjoint, le jeune Julo Florès. Ils  s’aperçoivent bien vite que les deux victimes sont tous deux des membres de Vogelzug, une association pour l’aide à l’immigration présidée par le très riche et très antipathique Jourdain Blanc-Martin. Très vite les soupçons se portent sur Bamby, la fille de Leyli. Je ne vous révèle rien, on le sait dès le début ! Et je ne raconte pas plus !

Le roman alterne entre l’histoire policière et les récits de Leyli qui retrace la misère et les malheurs qui ont été son lot depuis son enfance et son long, douloureux et périlleux voyage pour gagner la France,  pour obtenir ses papiers puis pour faire venir ses enfants.

Un roman humaniste


Michel Bussi veut, dit-il, écrire un roman « humaniste » donc il ne détaille pas les problèmes économiques, sociaux, religieux et moraux que pose l'installation en France de migrants et il se défend d’avoir écrit un roman politique.
L’auteur parle avec générosité d’une question d’actualité qui lui tient à coeur :  l’accueil réservé aux immigrants en France, les lenteurs et les inepties de l’administration française pour statuer de leur sort, pour leur accorder des logements, le renvoi de ceux qui sont des migrants économiques alors que les migrants politiques peuvent rester . 

"Et ne viens pas me demander pourquoi on a le devoir d’accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim." 

Il s’attaque en particulier aux passeurs qui s’enrichissent sur le dos des hommes et des femmes qu’ils transportent dans des conditions inhumaines, au péril de leur vie et qu’ils abandonnent parfois à une mort certaine en pleine Méditerranée. Et l’on ne peut que s’indigner, comme l’auteur, contre ceux qui font le commerce d’êtres humains, ces nouveaux négriers qui ne sont pas arrêtés comme ils devraient l’être.

Un roman un peu trop démonstratif

 Humaniste, idéaliste, certes. Malheureusement, le roman présente des aspects trop démonstratifs et maladroits car plein de contradictions. 

"Ceux qui traversent la terre entière ne sont pas des hordes affamés jetées sur les routes, ce sont les ambitieux, les inconscients, les bannis, les fous, les rêveurs, les libres."

Et c’est bien vrai pour Leyly ! L’on ne peut que la trouver sympathique, courageuse, un petit bout de femme que la vie a malmenée, qui n’a jamais baissé les bras et l’on voudrait que sa vie soit plus facile et qu’elle ait enfin droit au rêve mais.. l’on ne peut s’empêcher de penser que les hommes qui l’accompagnent, qui la violent ou la prostituent (elle et les autres femmes seules) pendant le voyage ne sont pas des gens que l’on a envie de recevoir en France. L’idéalisme a des limites !
D’autre part, je n’ai pas trouvé dans ce livre les personnages des migrants toujours convaincants ni vrais dans leur manière de parler, ni dans leur mentalité, ni dans leur culture qui m’a paru trop française alors que certains n’ont jamais vécu en France. Les dialogues sonnent souvent faux, trop léchés et trop littéraires.   Et puis, un gosse qui a abandonné ses études,  délinquant voire meurtrier, et qui déclame « Le cimetière marin » en braquant un yacht, vous y croyez, vous ?  Une fille de milieu pauvre qui change de vêtements ( avec quel argent ?) et d’identités pour chaque meurtre, capable de se faire passer pour une doctorante etc.. n’est pas très crédible, non plus. Et des grands-parents béninois installés au Maroc qui racontent la mythologie grecque à leur petit-fils sans rapport avec leur propre culture, c’est dommage !

Ceci dit le livre se lit bien car on a envie de comprendre l’histoire et d’apprendre le secret de Leyli mais il est loin d’emporter mon adhésion.




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Presses de la cité

vendredi 18 août 2017

Elizabeth George : Un patience d'ange



En promenant son chien dans la lande près du cercle de pierres de Nine Sisters Henge, au nord de l'Angleterre, une vieille dame découvre le cadavre d'un jeune homme, poignardé. La police, rapidement arrivée sur les lieux, ne tarde pas à trouver, non loin de là, le corps d'une jeune femme, tuée d'un violent coup à la tête. Et très vite les premières questions se posent : les victimes se connaissaient-elles ? Existait-il un lien entre elles ? Y a-t-il une raison pour que le meurtrier les ait tuées de deux façons différentes ? (Résume quatrième de couverture)

Un double meurtre sur une lande dans le Derbyshire. Elizabeth George nous concocte ici une intrigue vraiment complexe avec une foule de personnages qui tous auraient eu une raison - y compris ses propres parents-  pour tuer Nicola Maiden! Nicola, une fille qui n’a pas froid aux yeux et collectionne les amants comme des vieilles chaussettes ! Voilà de quoi  faire quelques mécontents ! Mais ce n’est pas tout ! Ce que l’on va découvrir sur elle au cours de l’enquête complique encore le récit  et l’on peut en dire tout autant, quoique pour d’autres raisons, du jeune homme occis en même temps qu’elle, Terry, artiste autoproclamé. Bien, n’oublions pas le prologue qui a une importance extrême et pourrait nous mettre sur la voie si nous étions plus fûtés.
 C’est tout à l’honneur de Elizabeth George de pouvoir nous tenir en haleine en nous amenant de fausse piste en fausse piste ! De plus elle nous balade dans des milieux interlopes pas piqués des vers qui feront votre éducation ! Et oui, l’on apprend beaucoup dans ce livre sur les milieux sado-masochistes !
J’ai bien aimé aussi, dans un tout autre ordre, me promener dans ce paysage du Derbyshire (même si l’auteure nous dit qu’elle a pris des libertés envers les lieux) au milieu de ces landes trouées de grottes, qui offrent des sites préhistoriques et des vieux châteaux en ruine.

C’est le premier livre que je lis de cette auteure aussi ai-je découvert ses personnages récurrents, les deux policiers : le très aristocrate Thomas Linley chargé de l’enquête, homme à principes, peut-être un peu misogyne, et sa coéquipière Barbara Havers issue du peuple. Celle-ci a du caractère et a l’air assez difficile à gérer mais est généreuse et humaine. Ma sympathie va à la seconde et j’aimerais bien lire le roman précédent qui l’a mise dans une situation difficile et l’a fâchée avec son chef. Quant à la victime Nicola, Elizabeth George a créé un personnage assez étonnant au point de vue psychologique  : une femme tellement exempte de préjugés et tellement libérée de toute morale judéo-chrétienne en ce qui concerne la sexualité déviante ou non, qu'elle paraît être une ovni.

En résumé un livre qui se lit bien et maintient notre intérêt pendant 650 pages !



dimanche 18 mars 2012

Un Livre/ Un film : réponse à l'énigme N° 26 Simenon, L'horloger de Saint Paul


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Les gagnants sont : Aifelle, Asphodèle, Eeguab, Dasola, Keisha, Jeneen, Nanou, Pierrot Bâton, Somaja.
Le livre :  L'horloger  d'Everton de Simenon
Le film : l'horloger de Saint Paul de Tavernier
 Merci à tous et toutes pour votre participation et une petite pensée, en particulier, aux collables, collés et englués! Et oui tout ça!

Lorsque Simenon écrit l'Horloger d'Everton, il est aux Etats-Unis où il est parti s'installer après la guerre jusqu'en 1955. C'est pourquoi le récit du roman se situe à Everton, une petite ville du Missouri. Et la cavale des enfants poursuivis par la police se poursuit à travers deux états jusqu'en Indiana.

La vie de Dave Galloway, horloger à Everton se poursuit paisible dans cette petite ville jusqu'au jour où en rentrant de sa partie de cartes hebdomadaire chez son ami Musak, il s'aperçoit que son fils Ben, seize ans, est parti en empruntant sa voiture. Il a bien vite des nouvelles de Ben et de sa petite amie Lillian qui sont partis pour se marier. Ben a tué un homme pour lui voler son argent et tous les deux sont traqués d'un état à l'autre par la police. Pendant cette chasse à l'homme tragique, Dave Galloway accompagne son fils en pensée. Lui qui croit si bien connaître son enfant qu'il a élevé seul après le départ de sa femme, s'interroge sur les causes de cette violence, il essaie de comprendre comment Ben en est arrivé là.

Ce roman de Simenon n'a rien de policier, c'est surtout un roman d'analyse psychologique où Simenon explore les rapports d'un père avec son enfant. La symbiose étroite qui existait entre le garçon élevé par un père qui lui tient lieu de tout vole en éclats d'une manière brutale, imprévisible. Aucun prémisse ne l'a annoncé. Galloway en porte-t-il la responsabilité? C'est ce qu'on lui reproche pendant le procès de son fils. Pourquoi ne s'est-il pas remarié après le départ de sa femme, pourquoi a-t-il privé l'enfant d'une présence féminine?
Galloway retourne dans le passé et nous en apprenons plus sur la personnalité de Ruth, cette femme qu'il a choisie d'épouser contre l'avis de tous, en sachant lui-même qu'il faisait une erreur et que cela ne pouvait pas marcher! Pourquoi ce choix malgré sa lucidité? L'interrogation sur la filiation l'amène aussi à explorer ses propres rapports avec son père bien-aimé à qui il s'identifiait totalement mais qui est mort quand il était encore enfant. Sa mésentente avec sa mère et surtout avec son beau-père après le remariage de sa mère est aussi analysée.Trois générations, le grand père, Dave, Ben, trois êtres qui se ressemblent malgré leur différence, et qui portent tous trois le germe de la révolte plus ou moins étouffé en eux, sans pouvoir totalement se libérer, voilà ce qui peut expliquer l'acte de Ben!

Les différences avec le film sont notables. Il y a d'abord le lieu, bien sûr, mais surtout l'époque! Le film transpose le récit d'Everton à Lyon dans la société français d'après 68. Dave Galloway devient Michel Descombes (Philippe Noiret), le fils Ben devient Bernard (Sylvain Rougerie). Le film prend alors une toute autre coloration car Tavernier en fait un film engagé. Les motivations de Bernard, quand il tue le patron de Liliane (Christine Thomas) sont à la fois sentimentales et politiques. Il veut venger l'humiliation peut-être même le viol de son amoureuse et l'injustice de son renvoi même  s'il le nie. La victime devient le symbole de l'oppresseur, du patron qui abuse de son pouvoir, du harcèlement des femmes dans les entreprises. Les jeunes amies de Liliane en témoignent. Dimension politique absolument absente du roman. Nous sommes ancrés dans un quartier populaire de Lyon, le quartier de Saint Paul. Michel Descombes est un anar sympathique qui refusera , en accord avec son fils, d'utiliser  cette histoire à des fins politiques. Son meilleur ami Antoine (Jacques Denis) est communiste et la conversation quand tous se rencontrent roulent autour de faits sociaux ou politiques, des élections par exemple. Ce qui, à l'origine était une faiblesse (Tavernier n'avait pas le financement pour tourner aux Etats-Unis) devient force en s'intégrant ainsi à la réalité quotidienne de la France des années 1970, dans la France de Pompidou et  les mentalités de l'époque.

Dans le film comme dans le roman le thème de l'amitié est largement développé : Musak, le bourru, le taiseux du roman se montre solide et sûr quand l'horloger a besoin de lui, de la même manière que  Antoine dans le film, même si les personnalités des amis sont très dissemblables.
 Le rôle du policier dans le film prend une ampleur qu'il n'a pas dans le roman. Dans le livre il n'apparaît qu'une fois et témoigne de la sympathie et de la compréhension pour Galloway. Il lui dit : 
Je crains bien, monsieur Galloway, que tous, tant que nous sommes, soyons les derniers à  connaître nos enfants mais il disparaît bien vite. Alors que dans le film, le commissaire Guibout est un personnage important, humain, compatissant, interprété avec finesse par Jean Rochefort. L'horloger et le policier pourraient presque devenir amis si ce n'était les circonstances et si leur analyse des faits ne divergeait pas autant (voir chez Wens la vidéo de la fameuse discussion, si poétique et si émouvante, avec les belles voix de Noiret-Rochefort, sur le petit garçon méchant). Le commissaire est celui qui doit arrêter Edouard, donc l'ennemi. Cette amitié est d'autant plus impossible que nous sommes encore dans la mentalité soixante-huitarde où "tout flic est un homme à abattre".

jeudi 3 novembre 2011

Michel Bussi : Nymphéas noirs

Nymphéas de Monet

Les Nymphéas noirs de Michel Bussi aux Presses de la cité commence par un prologue qui  semble nous plonger dans l'univers du  conte :

Trois femmes vivaient dans un village.
La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste.
Leur village portait un joli nom de jardin Giverny. (...)
La première avait plus de quatre-vingts ans et était veuve. Ou presque.. la deuxième avait trente six ans  et n'avait jamais trompé son mari. Pour l'instant. La troisième avait onze bientôt et tous les garçons de son école voulaient d'elle pour amoureus
e.


Puis le roman débute par... la découverte d'un cadavre au crâne défoncé,  celui de Jérome Merval,  dont le corps est trouvé à l'endroit exact où a eu lieu le meurtre d'un petit garçon bien des années auparavant. L'inspecteur Laurenç Sérénac et son adjoint adjoint Sylvio Bénavides mènent l'enquête qui  tourne autour de la très jolie institutrice du village que l'inspecteur Sérénac semble trouver à son goût. Vous vous doutez que les trois femmes vont jouer un rôle primordial dans cette histoire ainsi que le chien Neptune, et les fameux Nymphéas noirs qui donnent le titre au roman.

Mais je ne vous en dis pas plus! car si vous êtes comme moi, vous allez vous faire avoir en beauté! Je me suis laissée mener (suis-je la seule? Suis-je particulièrement naïve?) par le bout du nez. Je n'ai pas soupçonné jusqu'à la fin... quel était le mystère! Pour une surprise, ce fut une surprise que j'ai particulièrement appréciée! Bravo à l'auteur qui a conçu ainsi une intrigue aussi bien menée!

A cette réussite de l'intrigue policière s'ajoute le plaisir de vivre à Giverny  l'espace d'un roman, un village qui nous livre ses beautés, ses secrets aussi, un Giverny que l'écrivain connaît bien et où il nous promène pour notre plus grand plaisir, nous permettant de découvrir Monet et les impressionnistes, chez eux, dans leur intimité. De plus l'écrivain, grâce à l'enquête policière, nous amène en balade jusqu'à Rouen.  Nous admirons la cathédrale peinte vingt huit fois par Monet.  Vingt huit fois, oui, de la même manière qu'il a peint toujours les mêmes nymphéas de Giverny pendant trente ans!

Les gens devaient le prendre pour un fou...
Les gens, au fond, admirent les fous


Nous visitons le musée de Rouen mais aussi celui de Vernon avec son fameux tondo  de Nymphéas donné par Monet en 1925, un an avant sa mort. Il y a dans ces pages, un réel intérêt pour la peinture que j'ai amplement partagé avec l'écrivain!

Un agréable roman policier donc qui a reçu le prix du polar au festival de Villeneuve-Lez-Avignon 2011.