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dimanche 4 décembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 13 Madame de Lafayette : Mademoiselle de Montpensier



Les brillantes gagnantes  sont aujourd'hui :  Keisha, Aifelle, Maggie, Lireaujardin, Dasola, Miriam, Gwen, Jeneen,Pierrot Bâton, Sabbio... Bravo à toutes et merci pour votre participation.
 
Madame de lafayette:  Histoire de la princesse de Montpensier sous le règne de Charles X, roi de france
Bertrand Tavernier : La princesse de Montpensier voir chez WENS

Madame de La Fayette

De son nom complet Marie-Madeleine Pioche de la Vergne est plus connue sous le nom de madame de Lafayette qui est le nom de son mari, le comte François de la Fayette, noble désargenté à laquelle sa mère l'a mariée.
Demoiselle d'honneur de la reine Anne d'Autriche en 1650, elle prend  conscience des intrigues de la cour dont elle s'inspirera dans ses écrits. Elle se forme à la littérature dans les salons littéraires de madame de Rambouillet et de Mlle de Scudéry. Elle fréquente aussi le cercle janséniste de l'Hôtel de Nevers et se lie, vers 1660, au philosophe Arnaud et François de la Rochefoucault. Grâce à son amitié avec Henriette d'Angleterre qui épouse le frère du roi elle pénètre l'intimité de la cour.
En 1662, elle publie anonymement L'histoire de la Princesse de Montpensier, en 1670, Zaïde, et en 1678 le roman fondateur de la littérature française qui est considéré comme le premier roman moderne psychologique : La Princesse de Clèves (comme dit Keisha,  la copine de notre président!). Après la mort de son mari et de son ami La Rochefoucauld, elle écrit  Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689 qui ne seront publiés qu'après sa mort  (résumé  de la biographie de Evènement)

Mademoiselle de Montpensier est un court roman (ou une nouvelle) qui raconte dans un style maîtrisé, simple et sobre, l'histoire de Marie de Mézières. D'une grande famille, celle-ci est promise dès l'enfance au duc du Maine, un  fils des Guise. Mais elle tombe amoureuse - et réciproquement- de Henri, le duc de Guise, qui sera dit plus tard Le Balafré, frère de du Maine. Son père décide, reniant sa promesse à la famille des Guise, de la marier au duc de Montpensier. Marie s'insurge mais elle doit céder à la pression familiale et épouser cet homme qu'elle ne connaît pas. Elle s'efforce alors d'être une bonne épouse, mène une vie studieuse en compagnie du vieil ami de son mari le comte de Chabannes qui lui sert de précepteur. Celui-ci, un huguenot qui a renié sa foi par amitié avec Montpensier et par rejet de la violence, tombe amoureux d'elle malgré la maîtrise qu'il croit exercer sur ses sentiments. Marie n'accorde aucun crédit à l'amour de ce subalterne. Mais lorsque Henri de Guise et elle-même se revoient, leur amour renaît. La rivalité de tous ces hommes amoureux d'elle, y compris du duc d'Anjou, frère du roi,  futur Henri III, excite la jalousie du mari et va mener au drame. Le récit se déroule sur un fond de guerre de religion et la mort, corollaire de l'amour, semble toujours peser sur les personnages à l'image de cette terrible guerre civile qui déchire le pays. D'ailleurs, le roman débute par cette si  belle phrase, d'une grande pureté stylistique, qui résume si bien l'intrigue et le sens du  roman :
Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d'en causer beaucoup dans son empire.
 Une des différences qui me frappent le plus entre le roman et le film mais qui est importante parce qu'elle traduit une réalité du XVI siècle, c'est la différence d'âge entre les héros du roman et ceux du film.  Dans le roman de madame Lafayette les personnages sont presque des enfants, reflets d'une époque où les filles nobles étaient mariées très jeunes pour  servir les intérêts familiaux et les jeunes gens de même, envoyés sur les champs de bataille avant même d'avoir vécu.  Dans la scène ou l'on voit Marie et Henri amoureux avant le mariage de Marie ils ont moins de quinze ans. Plus tard, au moment où se passe l'histoire, la princesse de Montpensier n'a pas plus de dix-sept. Le prince de Montpensier Henri du Guise, le duc d'Anjou sont des jeunes gens âgés de dix-huit ou dix-neuf ans. Vous imaginez donc quel âge a le "vieux" comte de Chabannes!
Même si Bertrand Tavernier a un profond respect et une grande admiration pour Madame de la Fayette et pour ce  roman, il est bien certain qu'il a dû mettre beaucoup de lui-même dans ce film. Comment, en effet, adapter un récit aussi court, dépouillé de tout détails, qui raconte les faits bruts, et en faire une oeuvre cinématographique développée, si ce n'est en interprétant, en allant au-delà de ce qui est écrit? Et c'est ce qu'a fait le réalisateur mais toujours dans le respect de l'oeuvre littéraire qui est analysée au mot près et aussi de l'Histoire, Bertrand Tavernier s'appuyant sur les connaissances d'un historien. Il a pourtant pris des libertés par rapport à l'oeuvre, guidé par son admiration pour le personnage de Marie, en allant plus loin que madame de Lafayette dans la revendication de la liberté de la femme et du féminisme. L'écrivaine écrivait, en effet, plutôt pour donner des leçons de prudence aux jeune filles,  mais comme dans toute oeuvre littéraire digne de ce nom, elle est dépassée par les possibilités de son personnage.

"Elle mourut peu de jours après, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde et qui aurait été heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit ses actions.

J'ai devant moi, la nouvelle de madame de Lafayette aux éditions Flammarion publié en même temps que le scénario du film. Faire cette lecture comparative est passionnant. Le livre est  précédé d'un avant-propos de Bertrand Tavernier qui explique les étapes de la construction du scénario. Je vous donne un exemple en le citant : 
je me suis arrêté sur une phrase de la nouvelle:
 Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents, voyant qu'elle ne pouvait épouser M. de Guise et connaissant par sa vertu qu'il était dangereux d'avoir pour beau-frère un homme qu'elle souhaitait pour mari, se résolut à obéir à ses parents..."
Un mot en particulier m'a saisi : "tourmentée". Qu'entendait par là madame de Lafayette? Des historiens, notamment Didier Lefur, à qui j'ai posé la question, m'ont répondu que "tourmentée" signifiait "torturée" et qu'alors les lecteurs entendaient ce mot dans toute sa force et sa violence. Je me suis souvenu que ce terme est utilisé au Moyen-âge pour décrire les horreurs de l'Enfer. Marie avait donc pu être battue, frappée, menacée d'être enfermée dans une prison, ou plus sûrement dans un couvent. (..)Le mot "tourmentée" signifiait donc que Marie avait d'abord farouchement refusé ce projet de mariage.  Cette révélation m'a permis d'entrevoir la couleur, l'état d'esprit, la tessiture de Marie. J'allais bientôt saisir la tonalité, comme dans un morceau de musique. La jeune fille que décrit madame de Lafayette est prisonnière de sa caste, de traditions, de coutumes qui ne lui confèrent pas plus de droits, malgré son rang, que n'en a aujourd'hui une jeune fille née chez les mormons ou des protestants traditionnalistes américains, ou encore dans une famille religieuse fondamentaliste turque, yéménite ou hindoue.

Ce seul mot "tourmentée"  va donner lieu à un long développement, dans le film, qui ne couvrira pas moins de quatre scènes 24, 25, 26, 27. C'est un bel exemple de la démarche du cinéaste et de ses scénaristes-dialoguistes, Jean Cosmos et Olivier Rousseau, tout au cours de l'élaboration du scénario. Tavernier s'empare d'une phrase, d'une idée, d'une situation et se demande chaque fois comment il va le traduire en images en restant fidèle à l'époque historique et au caractère des héros.
Tavernier s'intéresse aussi beaucoup au comte de Chabannes qui avec Marie est le personnage principal et a inspiré à Madame de Lafayette un très beau portrait d'humaniste (qui refuse la guerre) et d'amoureux vieillissant prêt à mourir pour la femme qu'il aime.

Je râle parce que j'ai raté le visionnement du film et ne le connais que par le scénario. Voilà une lacune que je vais m'empresser de combler.