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vendredi 30 avril 2010

Claude Pujade-Renaud : Le désert de la Grâce



Je m'intéresse à Port Royal et aux jansénistes depuis que, adolescente ou étudiante, j'ai un peu approché leur vie par l'intermédiaire de Racine, un auteur que j'ai beaucoup aimé et fréquenté. Le problème de la grâce, les rapports de Religieuses de Port Royal et de messieurs les Solitaires avec saint Augustin, la parenté spirituelle des jansénistes et des calvinistes et leurs différences, ne me passionnent pas d'un point de vue religieux. Je suis très peu versée sur la religion. Mais ce savoir est indispensable pour comprendre les tragédies raciniennes, ce que la fatalité antique qui pèse sur Phèdre, par exemple, doit à l'éducation de Racine par Antoine le Maistre et à la notion de prédestination, de  grâce acquise ou de grâce accordée.
Acquérir un savoir ! C'est ainsi que j'ai abordé l'oeuvre et c'est peut-être pour cela que j'ai lu le roman de Claude Pujade-Renaud sans véritable passion parce que j'étais sur les traces de Racine qui n'était pas le sujet principal même s'il est forcément bien présent, parce que  j'ai voulu aussi y trouver des connaissances précises sur des question personnelles.
Le désert de la grâce est un  roman, solidement documenté, où les évènements historiques sont habilement présentés par des personnages les ayant vécus : Françoise de Joncoux qui maintient la mémoire de Port-Royal, Claude Dodart, médecin à la cour mais proche de Port Royal, les différents membres de la famille Arnauld qui, depuis, la fondatrice, la mère Angélique, sont l'âme de Port Royal, Madame de Maintenon, leur ennemie, Blaise Pascal et sa soeur Jacqueline religieuse sous le nom de Sainte Euphémie, Marie-Catherine, la fille de Racine ...
Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, donc, si je n'ai pas été très accrochée par cette lecture, certains aspects de l'histoire ou certains personnages m'intéressant moins. Mais je l'ai été suffisamment, cependant, pour le lire jusqu'au bout et pour apprendre beaucoup sur ce qu'a été Port Royal.
Il y a des moments très forts dans le récit : celui de l'exhumation des religieuses, des Solitaires et  des fidèles de Port-Royal enterrés dans le cimetière de l'abbaye et que Louis XIV fait jeter à la fosse commune. Le roi, sous l'influence des jésuites, veut effacer jusqu'à la mémoire de ceux qui constituent un contre-pouvoir religieux puissant dont le rayonnement spirituel au-delà des frontières lui est insupportable.
Celui où Angélique Arnauld décide la clôture de l'abbaye et tient tête à son père, refusant de le laisser pénétrer dans le cloître.
Celui où l'actrice, La Champmeslé, mourante, va jouer Phèdre, vingt ans après l'avoir créée en l'absence de Racine qui a renié son passé théâtral.
Celui où Marie-Catherine Racine lit pour la première fois les oeuvres de son père et découvre l'existence des passions, amour ou haine..
C'est bien sûr le personnage que j'ai préféré :  Marie-Catherine Racine que son père, courtisan, alors historiographe du roi, retira contre son gré de Port-Royal pour ne pas déplaire à Louis XIV. Mariée, mère de trois enfants, elle part à la recherche de ce père dont le cadavre, comme celui des autres puisqu'il a voulu être enterré à Port Royal, vient d'être exhumé sous ordre du souverain. Poursuivie par le souvenir de celui pour qui elle éprouve affection filiale et  ressentiment, elle fouille le passé de cet homme coupable de tant de bassesses, de reniements et pourtant si grand dans l'expression poétique de la passion et elle découvre les aspects troubles de sa personnalité. C'est finalement dans la lecture des pièces du grand dramaturge qu'elle finira par trouver une réponse et un apaisement.