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dimanche 17 novembre 2024

Partir en mer avec les poètes

Caillebotte

 Il fallait pour participer au Book trip en mer de Fanja un peu de poésie. Voici quelques textes poétiques pour partir en voyage !

 Homère :  Charybde et Scylla

Charybde et Scylla
 

Tels sont ces deux écueils. L’un, de son faîte aigu, atteint le haut Ouranos, et une nuée bleue l’environne sans cesse, et jamais la sérénité ne baigne son sommet, ni en été, ni en automne ; et jamais aucun homme mortel ne pourrait y monter ou en descendre, quand il aurait vingt bras et vingt pieds, tant la roche est haute et semblable à une pierre polie. Au milieu de l’écueil il y a une caverne noire dont l’entrée est tournée vers l’Érébos ; et c’est de cette caverne, illustre Odysseus, qu’il faut approcher ta nef creuse. Un homme dans la force de la jeunesse ne pourrait, de sa nef, lancer une flèche jusque dans cette caverne profonde. Et c’est là qu’habite Scylla qui pousse des rugissements et dont la voix est aussi forte que celle d’un jeune lion. C’est un monstre prodigieux, et nul n’est joyeux de l’avoir vu, pas même un Dieu. Elle a douze pieds difformes, et six cous sortent longuement de son corps, et à chaque cou est attachée une tête horrible, et dans chaque gueule pleine de la noire mort il y a une triple rangée de dents épaisses et nombreuses. Et elle est plongée dans la caverne creuse jusqu’aux reins ; mais elle étend au dehors ses têtes, et, regardant autour de l’écueil, elle saisit les dauphins, les chiens de mer et les autres monstres innombrables qu’elle veut prendre et que nourrit la gémissante Amphitrite. Jamais les marins ne pourront se glorifier d’avoir passé auprès d’elle sains et saufs sur leur nef, car chaque tête enlève un homme hors de la nef à proue bleue. L’autre écueil voisin que tu verras, Odysseus, est moins élevé, et tu en atteindrais le sommet d’un trait. Il y croît un grand figuier sauvage chargé de feuilles, et, sous ce figuier, la divine Charybde engloutit l’eau noire. Et elle la revomit trois fois par jour et elle l’engloutit trois fois horriblement. Et si tu arrivais quand elle l’engloutit, Celui qui ébranle la terre, lui-même, voudrait te sauver, qu’il ne le pourrait pas. Pousse donc rapidement ta nef le long de Scylla, car il vaut mieux perdre six hommes de tes compagnons, que de les perdre tous."

 

Victor Hugo

Eugène Boudin:  un grain

Oceano nox

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? -
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!

 

 Albert Samain

 

William Turner : Soleil levant Venise

 

Matin sur le port

Le soleil, par degrés, de la brume émergeant,
Dore la vieille tour et le haut des mâtures ;
Et, jetant son filet sur les vagues obscures,
Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent.

Voici surgir, touchés par un rayon lointain,
Des portiques de marbre et des architectures ;
Et le vent épicé fait rêver d’aventures
Dans la clarté limpide et fine du matin.

L’étendard déployé sur l’arsenal palpite ;
Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite,
Font sonner en courant les anneaux du vieux mur.

Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur
Bondissant et léger sur l’écume sonore,
S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

Albert Samain, Le chariot d’or

 

Blaise Cendrars

Le douanier Rousseau

  Iles

Iles
Iles où l'on ne prendra jamais terre
Iles où l'on ne descendra jamais
Iles couvertes de végétations
Iles tapies comme des jaguars
Iles muettes
Iles immobiles
Iles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu'à vous.

 

Jules Supervielle

Georges Lemmen : la plage de Heist

 

 Quand nul ne la regarde

Quand nul ne la regarde,
La mer n’est plus la mer,
Elle est ce que nous sommes
Lorsque nul ne nous voit.
Elle a d’autres poissons,
D’autres vagues aussi.
C’est la mer pour la mer
Et pour ceux qui en rêvent
Comme je fais ici.

 

Jules Supervielle

Félix Valotton : la marée montante

 La mer n'est jamais loin de moi

La mer n'est jamais loin de moi,
Et toujours familière, tendre,
Même au fond des plus sombres bois
À deux pas elle sait m'attendre.
Même en un cirque de montagnes
Et tout enfoncé dans les terres,
Je me retourne et c'est la mer,
Toutes ses vagues l'accompagnent,
Et sa fidélité de chien
Et sa hauteur de souveraine,
Ses dons de vie et d'assassin,
Enorme et me touchant à peine,
Toujours dans sa grandeur physique,
Et son murmure sans un trou,
Eau, sel, s'y donnant la réplique,
Et ce qui bouge là-dessous.
Ainsi même loin d'elle-même,
Elle est là parce que je l'aime,
Elle m'est douce comme un puits,
Elle me montre ses petits,
Les flots, les vagues, les embruns
Et les poissons d'argent ou bruns.
Immense, elle est à la mesure
De ce qui fait peur ou rassure.
Son museau, ses mille museaux
Sont liquides ou font les beaux,
Sa surface s'amuse et bave
Mais, faites de ces mêmes eaux,
Comme ses profondeurs sont graves !

 

Alain Bosquet

Henri Edmond Cross : Les îles d'or

  Mer

La mer écrit un poisson bleu,
efface un poisson gris.
La mer écrit un croiseur qui prend feu,
efface un croiseur mal écrit.
Poète plus que les poètes,
musicienne plus que les musiciennes,
elle est mon interprète, la mer ancienne,
la mer future, porteuse de pétales,
porteuse de fourrure.
 Elle s’installe au fond de moi :
 la mer écrit un soleil vert,
efface un soleil mauve.
La mer écrit un soleil entrouvert
sur mille requins qui se sauvent.
 Alain Bosquet

 

 

 Et la mer en musique avec Claude Debussy

 


 

 


 

lundi 11 novembre 2024

Normandie Calvados Caen : Exposition : Le spectacle de la marchandise, Ville, art et commerce avec Zola et Proust (2)

Joseph Hornecker : Les magasins Réunis à Epinal (1908)
 

L'Exposition Le spectacle de la marchandise, Ville, art et commerce que je suis allée voir à Caen au mois de Juin au musée des Beaux-Arts de Caen, installé dans le château ducal, s’intéresse à la manière dont le développement commercial sans précédent des villes se manifeste dans le regard des artistes de 1860 à 1914. À nouveau, le musée adopte un point de vue élargi sur les oeuvres produites avant la Première Guerre mondiale, déplaçant les oppositions habituelles pour mêler différentes visions d’une même modernité : Jules Adler et Fernand Pelez sont exposés aux côtés de Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Raoul Dufy, Maximilien Luce ou Théophile Steilen... Le parcours fait revivre le bouillonnement des villes marchandes à travers une centaine d’oeuvres (peintures, photographies, films, dessins, gravures) auxquelles se mêlent de petits ensembles d’enseignes commerciales, d’affiches publicitaires et d’objets promotionnels. (Texte site du musée)

Mais déjà avant cette époque : 

 


Les Grands Magasins : Paris

 Dans les grandes métropoles, au premier rang desquelles Paris, les lieux de commerce se multiplient et se diversifient. L’apparition des grands magasins n’entraîne pas la disparition des vendeurs ambulants, des échoppes ou des boutiques traditionnelles. La rue prolonge la boutique. Les marchandises abondent et le spectacle est permanent.

 

Victor Gilbert : Une fruitière

Camille Pissarro : l'avenue de l'opéra


Camille Pissarro dépeint l’activité débordante des nouvelles voies percées au coeur de Paris par le baron Haussmann avec une circulation abondante de passants et de voitures dans l’avenue de l’opéra  bordée de devantures, qui débouche sur l’opéra Garnier.

 

Giuseppe de Nittis  1878)  Le percement de l'avenue de l'opéra entre 1876 et 1879
 

Paris est le symbole de la ville moderne avec ses larges artères et l’invention du grand magasin qui constitue un phénomène spécifiquement parisien. Le Bon Marché ouvre en 1852.

Affiche Au Tapis rouge ( 1872)
 

Le grand magasin Au Tapis rouge a été détruit par les incendies de la fin de la commune de Paris. Il est reconstruit et réouvert en 1872. Sur la gauche, une femme soulève un rideau semblable à celui d'un théâtre pour dévoiler le spectacle du  grand magasin,  avec son monogramme TR  porté par un phénix, symbole du magasin, avec ses  enseignes, les voitures de livraison, la foule. A gauche le phénix  renaît des flammes de l'ancien magasin.

C'est le spectacle que Denise, le personnage principal de Le bonheur des Dames d'Emile Zola, découvre avec admiration quand elle arrive à Paris.

"Denise hocha la tête. Elle avait passé deux ans là-bas, chez Cornaille, le premier marchand de nouveautés de la ville ; et ce magasin rencontré brusquement, cette maison énorme pour elle, lui gonflait le cœur, la retenait, émue, intéressée, oublieuse du reste. Dans le pan coupé donnant sur la place Gaillon, la haute porte, toute en glace, montait jusqu’à l’entresol, au milieu d’une complication d’ornements, chargés de dorures. Deux figures allégoriques, deux femmes riantes, la gorge nue et renversée, déroulaient l’enseigne : Au Bonheur des Dames. Puis, les vitrines s’enfonçaient, longeaient la rue de la Michodière et la rue Neuve-Saint-Augustin, où elles occupaient, outre la maison d’angle, quatre autres maisons, deux à gauche, deux à droite, achetées et aménagées récemment. C’était un développement qui lui semblait sans fin, dans la fuite de la perspective, avec les étalages du rez-de-chaussée et les glaces sans tain de l’entresol, derrière lesquelles on voyait toute la vie intérieure des comptoirs. En haut, une demoiselle, habillée de soie, taillait un crayon, pendant que, près d’elle, deux autres dépliaient des manteaux de velours."

Jules Chéret : Les grands magasins de la Paix

Mais souvent les artistes peignent l'extérieur plutôt que l'intérieur des magasins, les rues, les boulevards qui débordent de passants mais aussi de marchandises, les boutiques, les échoppes animées, les marchés, les marchands ambulants, qui continuent à vivre à côté des grands magasins.

 

Nicolas Tharkhoff : Boulevard des italiens

 

Pierre Bonnard: Boulevard de Clichy
 

Pierre Bonnard: Boulevard de Clichy marchande ambulante (détail)


Victor Gilbert : Le carreau des Halles


Victor Gilbert : Le carreau des Halles (détail)

Victor Gilbert : Le carreau des Halles (détail)


Kupka : Les boutiques ( 1908_1910)


Maximilien Luce : Rue des Abbesses


Maximilien Luce : Rue des abbesses (détail)


C'est ce "dehors" que Marcel Proust dans La prisonnière choisit de décrire par l'intermédiaire des bruits qu'il entend de sa chambre le matin au réveil.

 "Dehors, des thèmes populaires finement écrits pour des instruments variés, depuis la corne du raccommodeur de porcelaine, ou la trompette du rempailleur de chaises, jusqu’à la flûte du chevrier, qui paraissait dans un beau jour être un pâtre de Sicile, orchestraient légèrement l’air matinal, en une « ouverture pour un jour de fête ». L’ouïe, ce sens délicieux, nous apporte la compagnie de la rue, dont elle nous retrace toutes les lignes, dessine toutes les formes qui y passent, nous en montrant la couleur. Les rideaux de fer du boulanger, du crémier, lesquels s’étaient hier abaissés le soir sur toutes les possibilités de bonheur féminin, se levaient maintenant comme les légères poulies d’un navire qui appareille et va filer, traversant la mer transparente, sur un rêve de jeunes employées. Ce bruit du rideau de fer qu’on lève eût peut-être été mon seul plaisir dans un quartier différent. Dans celui-ci cent autres faisaient ma joie, desquels je n’aurais pas voulu perdre un seul en restant trop tard endormi. C’est l’enchantement des vieux quartiers aristocratiques d’être, à côté de cela, populaires."

 

Adolphe Binet : la marchande de fleurs


"Certes, la fantaisie, l’esprit de chaque marchand ou marchande, introduisaient souvent des variantes dans les paroles de toutes ces musiques que j’entendais de mon lit. Pourtant un arrêt rituel mettant un silence au milieu d’un mot, surtout quand il était répété deux fois, évoquait constamment le souvenir des vieilles églises. Dans sa petite voiture conduite par une ânesse, qu’il arrêtait devant chaque maison pour entrer dans les cours, le marchand d’habits, portant un fouet, psalmodiait : « Habits, marchand d’habits, ha… bits » avec la même pause entre les deux dernières syllabes d’habits que s’il eût entonné en plain-chant : « Per omnia saecula saeculo… rum » ou : « Requiescat in pa… ce », bien qu’il ne dût pas croire à l’éternité de ses habits et ne les offrît pas non plus comme linceuls pour le suprême repos dans la paix." Proust La prisonnière


Du dehors au dedans 


Félix Valotton : chez la modiste

Félix Valotton est un de ces artistes qui nous fait pénétrer à l'intérieur comme dans ce tableau peignant le magasin Le bon marché ou une foule de clientes entièrement féminine se presse et se bouscule pour acheter des coupons de tissu à des marchands obséquieux, dans un rapprochement parfois presque trop intime et fiévreux animé par la passion commerciale qui  les saisit tous.


Félix Valotton : Le bon marché


Zola aussi va nous faire pénétrer à l'intérieur du magasin d'Octave Mouret Le bonheur des dames. D'abord par les vitrines dont il décrit la magnificence :

"Mais la dernière vitrine surtout les retint. Une exposition de soies, de satins et de velours, y épanouissait, dans une gamme souple et vibrante, les tons les plus délicats des fleurs : au sommet, les velours, d’un noir profond, d’un blanc de lait caillé ; plus bas, les satins, les roses, les bleus, aux cassures vives, se décolorant en pâleurs d’une tendresse infinie ; plus bas encore, les soies, toute l’écharpe de l’arc-en-ciel, des pièces retroussées en coques, plissées comme autour d’une taille qui se cambre, devenues vivantes sous les doigts savants des commis ; et, entre chaque motif, entre chaque phrase colorée de l’étalage, courait un accompagnement discret, un léger cordon bouillonné de foulard crème. "

à l'intérieur :

"Enfin, on rouvrit les portes, et le flot entra. Dès la première heure, avant que les magasins fussent pleins, il se produisit sous le vestibule un écrasement tel, qu'il fallut avoir recours aux sergents de ville, pour rétablir la circulation sur le trottoir. Mouret avait calculé juste: toutes les ménagères, une troupe serrée de petites-bourgeoises et de femmes en bonnet, donnaient assaut aux occasions, aux soldes et aux coupons, étalés jusque dans la rue. Des mains en l'air, continuellement, tâtaient «les pendus» de l'entrée, un calicot à sept sous, une grisaille laine et coton à neuf sous, surtout un Orléans à trente-huit centimes, qui ravageait les bourses pauvres. Il y avait des poussées d'épaules, une bousculade fiévreuse autour des casiers et des corbeilles, où des articles au rabais, dentelles à dix centimes, rubans à cinq sous, jarretières à trois sous, gants, jupons, cravates, chaussettes et bas de coton s'éboulaient, disparaissaient, comme mangés par une foule vorace."

 

A hauteur d'enfants


Edouard Vuillard : l'écharpe rouge


Deux images montrent les enfants en promenade dans la ville : Peint à hauteur de la petite fille, dans une composition audacieuse, le tableau de Vuillard coupe la silhouette de l'homme qui accompagne et adopte la vision de l'enfant.

 

Geoffroy Henry Photogravure : Sur le chemin de l'école

Les enfants aussi intéressent les grands magasins puisqu'ils peuvent être à l'origine d'un achat, jouets, vêtements ...  En les  séduisant, on ferre la mère. C'est l'idée d'Octave Mouret.

 "Mais son idée la plus profonde était, chez la femme sans coquetterie, de conquérir la mère par l'enfant ; il ne perdait aucune force, spéculait sur tous les sentiments, créait des rayons pour petits garçons et fillettes, arrêtait les mamans au passage, en offrant aux bébés des images et des ballons. Un trait de génie que cette prime des ballons, distribuée à chaque acheteuse, des ballons rouges, à la fine peau de caoutchouc, portant en grosses lettres le nom du magasin, et qui, tenus au bout d'un fil, voyageant en l'air, promenaient par les rues une réclame vivante !" 

 

L’envers social  d’un monde en mutation 

 

Henri Weigelen Alfred Chauchart, propriétaire des Galeries du Louvre

 

Et puis dans ce monde capitaliste en plein essor qui s'ouvre au commerce et s'enrichit, il y a la foule des invisibles, les employés de commerce des grands magasins et les vendeurs ambulants, souvent des enfants pauvres, misérables, fréquemment représentés en peinture, mais qui sont des laissés pour compte dans la société en mutation.


Fernand Pelez : le vendeur de citrons


Paul Sérusier : la marchande de bonbons


Jules Adler : La marchande de fleurs


Norbert Goeneutte : Fleuriste sur le boulevard

La prisonnière Marcel Proust, les bruits ou plutôt la musique de la rue : "C’était : « ah le bigorneau, deux sous le bigorneau », qui faisait se précipiter vers les cornets où on vendait ces affreux petits coquillages, qui, s’il n’y avait pas eu Albertine, m’eussent répugné, non moins d’ailleurs que les escargots que j’entendais vendre à la même heure. Ici c’était bien encore à la déclamation à peine lyrique de Moussorgsky que faisait penser le marchand, mais pas à elle seulement. Car après avoir presque « parlé » : « les escargots, ils sont frais, ils sont beaux », c’était avec la tristesse et le vague de Maeterlinck, musicalement transposés par Debussy, que le marchand d’escargots, dans un de ces douloureux finales par où l’auteur de Pelléas s’apparente à Rameau : « Si je dois être vaincue, est-ce à toi d’être mon vainqueur ? » ajoutait avec une chantante mélancolie : « On les vend six sous la douzaine… "







mardi 6 août 2024

Musée des Beaux-Arts de Rouen : Albert Fourié : la mort de madame Bovary

Albert Fourié (1854_1937) La mort de madame Bovary Musée des Beaux-Arts de Rouen

 

En visitant le musée des Beaux-arts de Rouen et avant de vous parler des impressionnistes que j'y ai admirés et de la magnifique exposition de Hockney en hommage aux impressionnistes, voilà une peinture qui m'a surprise car je ne la connaissais pas et ne m'attendais pas à la trouver là !  Il s'agit d'un grand tableau (141 sur 203 cm) peint par Albert Fourié, intitulé, la mort de madame Bovary. Le peintre  a choisi de figurer la fin de la veillée funèbre, lorsque le jour se lève. On y voit Monsieur Bovary, debout au pied du lit,  éploré, la tête dans les mains, et l'on comprend que c'est ainsi, dans l'affliction la plus complète, qu'il a dû passer la nuit. Derrière lui, le curé Bournisien et le pharmacien Monsieur Homais ont cédé à la fatigue et dorment sur leur chaise. Le tableau fut présenté au Salon 1883, obtint un franc succès et permit à Albert Fourié d'être choisi comme illustrateur du livre de Flaubert.

La jeune morte est représentée,  en accord avec la description de Flaubert, vêtue de sa robe de mariée. Un voile couvre sa tête, ses longs cheveux noirs sont dénoués et l'on aperçoit, par transparence, son beau visage envahi par les couleurs de la mort.

 


 Incapable de rembourser ses dettes, abandonnée par son amant Rodolphe, Emma a volé une forte dose d’arsenic chez le pharmacien et a décidé de mettre fin à ses jours.
La mort d’Emma  est tout sauf romantique. La force des détails réalistes plongent le lecteur dans l'horreur d'une mort violente et douloureuse. C'est ce qui valut à Flaubert un procès à la suite du scandale que ce dénouement provoqua.


 La mort d'Emma Bovary

 

"La nuit tombait, des corneilles volaient.
Il lui sembla tout à coup que des globules couleur de feu éclataient dans l'air comme des balles fulminantes en s'aplatissant, et tournaient, tournaient, pour aller se fondre sur la neige, entre les branches des arbres. Au milieu de chacun d'eux, la figure de Rodolphe apparaissait. Ils se multiplièrent, et ils se rapprochaient, la pénétraient; tout disparut. Elle reconnut les lumières des maisons, qui rayonnaient de loin dans le brouillard.
Alors sa situation, telle qu'un abîme, se représenta. Elle haletait à se rompre la poitrine. Puis, dans un transport d'héroïsme qui la rendait presque joyeuse, elle descendit la côte en courant, traversa la planche aux vaches, le sentier, l'allée, les halles, et arriva devant la boutique du pharmacien. […]
En effet, elle regarda tout autour d'elle, lentement, comme quelqu'un qui se réveille d'un songe; puis, d'une voix distincte, elle demanda son miroir, et elle resta penchée dessus quelque temps, jusqu'au moment où de grosses larmes lui découlèrent des yeux. Alors elle se renversa la tête en poussant un soupir et retomba sur l'oreiller.
Sa poitrine aussitôt se mit à haleter rapidement. La langue tout entière lui sortit hors de la bouche; ses yeux, en roulant, pâlissaient comme deux globes de lampe qui s'éteignent, à la croire déjà morte, sans l'effrayante accélération de ses côtes, secouées par un souffle furieux, comme si l'âme eût fait des bonds pour se détacher. Félicité s'agenouilla devant le crucifix, et le pharmacien lui-même fléchit un peu les jarrets, tandis que M. Canivet regardait vaguement sur la place. Bournisien s'était remis en prière, la figure inclinée contre le bord de la couche, avec sa longue soutane noire qui traînait derrière lui dans l'appartement. Charles était de l'autre côté, à genoux, les bras étendus vers Emma. Il avait pris ses mains et il les serrait, tressaillant à chaque battement de son cœur, comme au contrecoup d'une ruine qui tombe. À mesure que le râle devenait plus fort, l'ecclésiastique précipitait ses oraisons; elles se mêlaient aux sanglots étouffés de Bovary, et quelquefois tout semblait disparaître dans le sourd murmure des syllabes latines, qui tintaient comme un glas de cloche.
Tout à coup, on entendit sur le trottoir un bruit de gros sabots, avec le frôlement d'un bâton; et une voix s'éleva, une voix rauque, qui chantait :
Souvent la chaleur d'un beau jour
Fait rêver fillette à l'amour.
Emma se releva comme un cadavre que l'on galvanise, les cheveux dénoués, la prunelle fixe, béante.
Pour amasser diligemment
Les épis que la faux moissonne,
Ma Nanette va s'inclinant
Vers le sillon qui nous les donne.
– L'Aveugle s'écria-t-elle.
Et Emma se mit à rire, d'un rire atroce, frénétique, désespéré, croyant voir la face hideuse du misérable, qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un épouvantement.
Il souffla bien fort ce jour-là,
Et le jupon court s'envola !
Une convulsion la rabattit sur le matelas. Tous s'approchèrent. Elle n'existait plus."

 

 
Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857.
 
 
 
Albert Fourié : la noce d'Emma

 


Albert Fourié : Emma


dimanche 4 août 2024

François Edouard Raynal : Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des îles Auckland.

 

 

Ayant emprunté à la bibliothèque le recueil intitulé dans les Naufragés Témoignages vécus aux éditions Omnibus, je n’ai eu le temps de lire, avant de partir en voyage, que  L’aventure sanglante du Batavia  et les Robinsons des îles Auckland, ce dernier ayant paru sous le titre originel de Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland.

Je dois dire que c’est ce dernier que j’ai préféré non seulement pour les aventures qui y sont contées mais parce que l’auteur François Edouard Raynal possède une belle plume descriptive et vivante, et nous livre d’intéressantes réflexions sur l’homme, sa capacité de résistance, ses efforts pour garder son humanité malgré le doute et le désespoir. Le récit du Batavia, beaucoup moins littéraire, ne lui cède en rien au niveau des aventures mais est glaçant car les rescapés échoués sur l'île tombent sous la coupe d’un espèce de psychopathe qui fait régner la terreur,  le viol et le meurtre et se livre à la piraterie!

 

Emplacement des îles Auckland

 

Loin d'être seulement un témoignage Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, est donc un objet littéraire qui se lit comme une extraordinaire aventure de naufrage. C’est lui qui a inspiré à Jules Vernes son roman, L’île mystérieuse.


François Edouard Raynal


François Edouard Raynal  écrit ce récit et le publie en1870. Français, il était chercheur d’or en Australie ( ce qui explique ses multiples savoir-faire et son entraînement à la survie) quand un de ses amis lui propose une mission sur l’île Campbell dans le but de découvrir une mine aurifère ou, à défaut, une réserve naturelle de phoques. Raynal part sur le Grafton avec ses compagnons : Il y a l’américain Tom Musgrave, qui est le capitaine du navire. Bon marin, il a une grande valeur intellectuelle et morale, nous dit Raynal. Les deux hommes sont du même milieu. Les autres sont des hommes du peuple qui se révèleront courageux et inventifs : le norvégien, Alexandre dit Alick Mac-Larren, l’anglais, George Harris et le portugais, Henri dit Harry Forgès. 

 

Les îles Auckland en Nouvelle-Zélande


L’expédition s’étant révélée infructueuse sur l’île Campbell, le Grafton prend le chemin du retour mais, poussé par la tempête, il s’échoue dans la nuit du 2 au 3 Janvier 1864 sur l’une des îles de l’archipel néo-zélandais des Auckland. C’est dans ce lieu inhabité, ingrat, battu par les vents, à l’hiver glacial, que les cinq hommes vont passer vingt mois de leur vie dans de rudes conditions, en proie à l’angoisse mais ne perdant pas courage.

 

La hutte construite par les naufragés


Ce récit eut beaucoup de succès à sa parution et il fut longtemps, en France, offert comme livre de prix dans les écoles. On comprend pourquoi ! Les aventures racontées ne pouvaient que plaire, la construction de la cabane étayée par des arbres pour résister aux tempêtes, la chasse aux lions de mer qui un jour les attaquent, la famine quand ces animaux quittent l’île pendant l’hiver, la fabrication du savon par Raynal, la  reprise des vêtements élimés, la confection de chaussures en peau de phoque… Tout est passionnant. Les hommes établiront même une forge pour construire un bateau quand les secours n’arrivent pas.


Les lions de mer attaquent la barque


On a parfois reproché à ce récit d’être (trop?) moral. Mais personnellement, c’est cette partie que j’ai trouvée particulièrement intéressante. On sait ce qui est arrivé aux naufragés du Wager, de la Méduse, du Batavia, et bien d’autres…
Raynal a tout de suite conscience du danger qui les guette, de partir à la dérive, de sombrer dans l’anarchie, l’individualisme, la violence et la folie. Aussi, il propose à ses compagnons de nommer non pas un chef mais plutôt un « père » qui sera là pour apaiser les querelles, régler les différents. C’est Tom Musgrave qui est désigné. Tous ensemble ils rédigent une constitution qu’ils écrivent sur les pages de la Bible pour la rendre sacrée. La journée est consacrée au travail en commun, à la chasse, la soirée est dédiée aux leçons. Chacun peut apprendre de l’autre. Harry, analphabète, apprend à lire mais il enseigne à son tour le portugais. Il est ainsi valorisé. Un jour, François Edouard Raynal fabrique de l’alcool à partir de baies. Quand il voit l’effet du breuvage sur les hommes, il vide tous les récipients dans la mer. Conserver sa dignité, se maintenir propre, raccommoder ses vêtements, oeuvrer pour la collectivité, apprendre de l’autre, célébrer l’office, les aident à rester des êtres humains. C’est peut-être moralisateur mais pourtant c’est vrai et c’est ce qu’ils ont fait.

Une belle histoire et qui fait plaisir car, à  l’inverse du roman de William Golding Sa majesté des mouches, elle montre que les hommes peuvent réussir à ne pas tomber dans l’abjection  même quand ils sont éloignés des lois de leur pays et de leur civilisation  mais pourtant c'est difficile et cela ne va pas tout seul !



Les îles Auckland


Port Carnley a été le lieu de naufrage du Grafton dans Les naufragés ou Vingt mois sur un récif des Îles Auckland, l'archipel est incorporé au territoire néo-zélandais en 1863.
 

Les toponymes de la baie Musgrave, du mont Raynal (644 m) et de la pointe Raynal au sud d'Epigwaitt sur les îles Auckland commémorent la vie des naufragés du Grafton.
 

Dans les collections du Museum of New Zealand (Te Papa Tongarewa) à Wellington se trouvent des photographies14, un morceau de la quille et deux boîtes.
 

Divers objets de cette aventure ont été offerts par F.-E. Raynal à la bibliothèque de Melbourne : une paire de bottes en peau de phoque, une aiguille à voile en os d'albatros, des soufflets de forge en peau de phoque. Certains se trouvent aujourd'hui dans la collection du muséum de Melbourne. ( wikipédia)



 

Chez Fanja

samedi 20 avril 2024

Jules Verne : Le phare du bout du Monde


"Au moment où le disque solaire ne montrait plus que sa partie supérieure, un coup de canon retentit à bord de l’aviso Santa-Fé, et le pavillon de la République Argentine, se déroulant à la brise, fut hissé à la corne de la brigantine. Au même instant jaillit une vive lumière au sommet du phare construit à une portée de fusil en arrière de la baie d’Elgor, dans laquelle le Santa-Fé avait pris son mouillage.
Deux des gardiens, les ouvriers réunis sur la grève, l’équipage rassemblé à l’avant du navire, saluaient de longues acclamations le premier feu allumé sur cette côte lointaine.
Deux autres coups de canon leur répondirent, plusieurs fois répercutés par les bruyants échos du voisinage. Les couleurs de l’aviso furent alors amenées, conformément aux règles des bâtiments de guerre, et le silence reprit cette Île des États, située au point où se rencontrent les eaux de l’Atlantique et du Pacifique."


C’est ainsi que, dans le roman de Jules Verne, s’allument les premiers feux du Phare du Bout du Monde dans l’île aux Etats où Jules Vernes place son récit. L'écrivain situe l'action en 1859 mais il prend pour modèle le phare de San Juan del Salvamento édifié en 1884 par la République argentine et qui fut remplacé en 1902 par le Phare Nuevo mieux situé.

L’île des Etats et le phare du Bout du Monde

 

Le phare du Bout du Monde

Le roman commence au mois de décembre, au début de la belle saison, et trois gardiens restent sur place pour veiller au bon fonctionnement du phare. Vasquez est le chef. Un peu plus âgé que ses compagnons, Felipe et  Moriz, Vasquez est doté d’une solide expérience, d’un bon sens et d’une bonhomie souriante. Ils savent tous trois que rester seuls pendant trois mois avant la relève, sur une île aussi isolée, ne va pas être de tout repos. Mais le phare est un asile solide, les provisions sont abondantes,  et ils sont motivés par leur mission qui est de sauver des vies humaines, la navigation étant extrêmement dangereuse dans ces eaux houleuses, hérissées d’écueils, en proie à  de violentes et soudaines tempêtes.

"La tour était d'une extrême solidité, bâtie avec les matériaux fournis par l'île des États. Les pierres d'une grande dureté, maintenues par des entretoises de fer, appareillées avec une grande précision, emboîtées, les unes dans les autres à queue d'aronde, formaient une paroi capable de résister aux violentes tempêtes, aux ouragans terribles qui se déchaînent si fréquemment sur cette lointaine limite des deux plus vastes océans du globe. Ainsi que l'avait dit Vasquez, le vent ne l'emporterait pas, cette tour."

Jules Verne nous explique le fonctionnement d’un phare à cette époque :

" La lanterne était donc munie de lampes à double courant d’air et à mèches concentriques. Leur flamme, produisant une intense clarté sous un petit volume, pouvait dès lors être placée presque au foyer même des lentilles. L’huile leur arrivait en abondance par un système analogue à celui des Carcel. Quant à l’appareil dioptrique disposé à l’intérieur de la lanterne, il se composait de lentilles à échelons, comprenant un verre central de forme ordinaire, qu’entourait une série d’anneaux de médiocre épaisseur et d’un profil tel que tous se trouvaient avoir le même foyer principal. Dans ces conditions, le faisceau cylindrique de rayons parallèles produit derrière le système de lentilles était transmis au dehors dans les meilleures conditions de visibilité. "

Il nous fait découvrir cette île inhabitée aux côtes déchiquetées, où les plaines du centre cèdent la place vers l’ouest à des hautes falaises et à des pics escarpés qui rendent la circulation dans l’île difficile.


Une histoire de pirates


 Cependant, si les deux premiers chapitres nous décrivent le départ de l'aviso La Santa Fé, l’installation de Vasquez et ses collègues et posent le cadre du récit, la description du travail et de la vie des gardiens va être de courte durée car c’est un récit d’aventures que Jules Verne nous propose et assez haut en couleurs !  Rapidement nous nous apercevrons que l’île n’est pas aussi inhabitée qu’il le paraît !
Le troisième chapitre intitulé La Bande Kongre nous présente des pirates qui ont fait naufrage sur l’île et attendent de pouvoir mettre la main sur un bateau pour repartir. Pendant la durée de construction du phare, ils ont vécu cachés dans une caverne entassant les provisions et les richesses des navires naufragés. Quand ils parviennent à prendre possession d’un bateau échoué encore en état de naviguer mais nécessitant des réparations, ils décident de s’installer à l’abri dans la baie d’Elgor,  d’attaquer les gardiens et de s'emparer du phare. Désormais les chapitres vont présenter en alternance les agissements des pilleurs d’épave qui sont aussi des naufrageurs et la résistance de Vasquez.   

Une leçon de navigation

Un trois-mâts


Si l’on apprend relativement peu de la vie dans un phare, par contre les pirates qui sont d’excellents navigateurs nous en apprennent beaucoup sur la navigation dans des eaux tumultueuses et sur les types de bateaux de l’aviso, le bateau de guerre qui assure la relève et est prêt à intervenir avec ses canons, à la Goélette, la Maule, que vont réparer les pirates : 

 "Dans cette position, on voyait son pont depuis le gaillard d’avant jusqu’au rouf de l’arrière. Sa mâture était intacte, mât de misaine, grand mât, beaupré, avec leurs agrès, ses voiles à demi carguées, sauf la misaine, le petit cacatois et la flèche qui avaient été serrés."

au  trois-mâts, aux baleiniers, aux steamers qui passent devant l'île ou s'y échouent.
 

"Le premier était un steamer anglais venant du Pacifique, qui, après avoir remonté le détroit de Lemaire, s’éloignait, cap au nord-est, probablement à destination d’un port d’Europe. Ce fut en plein jour qu’il passa à la hauteur du cap San Juan.
Le second navire était un grand trois mâts dont on ne put connaître la nationalité. La nuit commençait à se faire, lorsqu’il se montra à la hauteur du cap San Juan pour longer la côte orientale de l’île jusqu’à la pointe Several. "



Un vocabulaire riche sur les parties du navire : 

"Les lames avaient tout saccagé. Elles avaient arraché les planches du pont, démoli les cabines de la dunette, brisé les gaillards, démonté le gouvernail, et le choc sur les récifs avait achevé l’oeuvre de destruction."


"Il vint alors examiner la carène du côté du large. Le bordé ne paraissait pas avoir souffert. L’étrave, un peu enfoncée dans le sable, semblait intacte, de même l’étambot, et le gouvernail adhérait toujours à ses ferrures."

"Dans toute la portion comprise entre l’étrave et l’emplanture du mât de misaine, aucune avarie ne fut
constatée. Varangues, membrure, bordé étaient en bon état; chevillés en cuivre, ils ne se ressentaient pas du choc de l’échouage sur le banc de sable"
 

sur les voiles  "On hissa la trinquette et le foc… »  « Carcante fit établir  la misaine, la brigantine qui est la grande voile dans le gréement d’un goélette, puis hisser le hunier à bloc. "


 

 Henri Paasch, Illustrated Marine Encyclopedia, 1890, croquis de la poupe. 1. quille ; 2. aileron ; 3. massif d'étambot / courbe d'étambot ; 4. étambot ; 5. garniture pour bois ; 6. petites barres d'arcasse ou barres de contre-arcasse ou contre-lisses ; 7. barre d'hourdi, lisse de hourdi ou grande barre d'arcasse ; 8. jaumière ; 9. allonge de poupe (voûte) ; 10. bord (voûte) ; 11. apôtre d'étambot ; 12. jambette de voûte ; 13. allonge de côté (voûte) ; 14. couples de l'arrière ; 15. estain ; 16. couples dévoyés ou élancés ; 17. Couples droits.

 Un étambot : Partie du navire qui continue la quille à l'arrière et où se trouve le gouvernail.

 

La varangue (16) fait la jonction entre la quille (9) et les couples(14)

Une varangue est une des pièces de charpente d'un bateau, servant, dans les fonds, de liaison transversale entre la quille et les deux couples de chaque côté, à la base de la coque1.( wikipedia)

Bref ! Un livre qui entre très bien dans la thématique de Book Trip en mer.