Jake Hinkson est fils d’un prêcheur baptiste et il a été marqué dès son enfance par son éducation religieuse étouffante. Alors quand il parle dans son livre Au nom du bien des formes d’oppression religieuse dans certaines régions des Etats-Unis et, ici, dans un petite ville de l’Arkansas, il sait ce dont il parle. Et cela le rend féroce !
Richard Weatherford est le pasteur de cette ville et il impose son autorité à tous, s’immisçant dans la vie privée des gens, surveillant leur participation au culte ou leur absence, jugeant de leur moralité jusqu’au sein de leur vie de couple, de leur sexualité, réprouvant le divorce, l'homosexualité, interdisant, culpabilisant, guidant de haute main la vie de ses paroissiens, une influence qui s’abat sur la cité, prend une forme pateline, insidieuse et exerce une violence certaine sur les esprits ! Pour l’heure, il intrigue avec ses paroissiens, notables vertueux, pour faire interdire l’alcool et faire fermer les débits de boissons. Considéré par tous comme un saint homme, il est l’exemple qu’il faut suivre pour gagner son paradis !
Son épouse Penny est la parfaite épouse de pasteur, assurant le catéchisme, dirigeant les prières, déjeunant avec les dames de la paroisse. Très attachée à ses prérogatives et à la supériorité que lui donne sa position sociale, elle laisse son mari diriger l’éducation de leurs enfants.
Une vie édifiante dans lequel le pasteur sage et respecté, pourrait couler des jours sereins mais… Car il y un mais, bien sûr, un caillou qui va enrayer les rouages, et faire grincer la machine bien huilée jusqu’alors. Et ce caillou, s’appelle Gary Doane, jeune homme dépressif et suicidaire. Il a pour petite amie Sarabeth Simmons considérée par tous comme une fille immorale, dépravée. Tous les deux ne supportent plus le manque de liberté, les excès d’une religion fondamentaliste, conservatrice, les jugements des bien-pensants persuadés d'agir au nom du bien.
Que veut Gary Doane à Richard Weatherford ? Pourquoi le fait-il chanter ? On le saura bien vite car la réponse à cette question n’est pas l’intérêt principal du roman. Non, l’intérêt réside dans la démonstration magistrale de l’écrivain qui scrute le personnage du pasteur avec un intérêt digne d'un entomologiste étudiant un scarabée. Comment va réagir le pasteur ? Va-t-il reconnaître la vérité ou, au contraire, essayer de la fuir, de s'en sortir ? Le récit adopte plusieurs points de vue, celui du pasteur, de Penny, Gary et de Sarabeth mais aussi celui d'un autre protagoniste, Brian Harten. Péripéties haletantes qui nous mènent de surprise en surprise, suspense, retournements de situation au cours desquels s’exerce l’ironie acérée d’un Jake Hinkson qui décrit une société figée, radicale, hypocrite, et nous livre une vision noire et désenchantée d’une Amérique conservatrice et liberticide.
Un très bon roman !