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mercredi 14 mars 2018

Rose Lagercrantz : On se revoit quand ?



Après les vacances, voici le retour d'Apolline et de ses fiches de lecture.
Apolline va avoir 8 ans au mois de mars et elle est en CE1.
Elle vous présente aujourd'hui une fiche de lecture  : On se revoit quand? roman de 158 pages, écrit bien gros, qu'elle a apprécié.




Titre : On se revoit quand ?

Nom de l’auteure  : Rose Lagercrantz

Nom de l’illustratrice : Eva Eriksson

Nom du traducteur : Traduit du suédois : Nils C. Ahl

Editions : L’école des Loisirs
collection Mouche

Résumé d'Apolline :

Dunne est en CE1. Elle va avec sa classe au zoo de Skansen à Stockholm.  Mais elle se perd et rencontre Ella Frida sa meilleure amie depuis la maternelle, qui est aussi au zoo avec son école. Ella Frida et Dunne ont été séparées car Ella Frida a déménagé et est allée dans une autre école. Elles jouent et ne se préoccupent pas que tout le monde les cherche. Quand on les retrouve les maîtresses sont en colère mais surtout celle d’Ella Frida. Quand Dunne rentre chez elle, elle se rend compte qu’Ella Frida est triste alors elle aussi est malheureuse. Quand se reverront-elles ?

Ma phrase préférée :

"On se revoit quand ?" C’est le titre qui est ma phrase préférée parce que cela a rapport avec le livre et cela montre que les petites filles s’aiment.

Ce que je pense du livre ?

J’ai énormément aimé ce livre  parce que c’est une très belle histoire d’amitié. J’ai aimé le zoo parce que l’histoire se déroule là.
L’histoire m’a fait penser à Olga et moi, parce que nous sommes les meilleures amies.  Je l’ai connue en maternelle mais on n’est  plus dans la même école depuis le CP. Mais on se revoit à mon anniversaire de toute façon.  J’ai trouvé que l’écriture était facile et simple et j’ai bien aimé les illustrations parce qu’elles ont beaucoup de détails et les petites filles sont trop mignonnes.


L’avis de la grand mère : Décidément même lorsque je lis des romans avec ma petite fille, je me retrouve en Scandinavie et plus précisément en Suède. On se revoit quand ? fait partie d’un ensemble qui raconte l’histoire de Dunne et de son amie Ella Frida. C’est le dernier de la série qui commence avec l’entrée en CP dans Ma vie heureuse, livre que, bien sûr, nous allons lire bientôt !



Le  thème principal est l’amitié qui unit les petites filles mais il y a aussi celui de l’école, de la séparation, de la mort et du deuil (la maman de Dunne) et de la vie quotidienne avec ses petits bonheurs, ses contrariétés ou ses gros chagrins. Le papa de Dunne est sorti de l’hôpital où il est resté tout l’été à la suite d’un accident et, alors que sa petite fille est tout heureuse de l’avoir pour elle seule, il invite Eva, une infirmière dont il est tombé amoureux. Et ceci, juste au moment, où Dunne se fait tant de souci pour son amie Ella Frida qui a déménagé et semble très malheureuse dans sa nouvelle école ! Heureusement Dunne est une petite fille très aimée de son papa et tout va s’arranger pour elle et pour sa petite amie.
Le texte est direct, accessible à des enfants âgés entre 6 est 8 ans selon leur niveau de lecture. Il aborde les difficultés de la vie sans pathos, tout simplement, avec optimisme et il parle avant tout du bonheur. J’ai beaucoup aimé ce passage qui clôt le roman, où  Dunne, avant de s’endormir paisiblement, réconciliée avec son papa et Eva, et heureuse de revoir bientôt Ella Frida, parle de bonheur avec ses cochons d’Inde :

"Si seulement, on savait à quel point on est heureux quand on est heureux, dit Dunne.
Les cochons d’Inde se regardèrent sans comprendre. De quoi parlait-elle maintenant ?
Les cochons d’Inde savent toujours à quel point ils sont heureux quand ils sont heureux. On le voit à leurs yeux qui brillent."





Merci à la Librairie dialogues et aux éditions L'école des Loisirs



samedi 3 mars 2018

Bilan du mois de Février 2018

Renoir : Camille Monet lisant
Voici le bilan des livres du mois de Février ; beaucoup de bonnes lectures, très diverses; la littérature des pays nordiques domine.

Romans




Le prodige de Roy Jacobsen
Editions gallimard
304 pages






Le géant enfoui de Kazuo Ishiguro


Editions Des Deux Terres
410 pages





Les fantômes du Vieux pays de Nathan Hill
Editions Gallimard
720 pages








  Le banni de Selma Lagerloff :

Actes Sud
320 pages








Peer-La-Chance de Hans Christian Andersen
Editions Les belles Lettres







 Le rouge vif de la Rhubarbe de Audur Ava  Olafsdottir
Zulma
150 pages

 




 Romans policiers


 

Livre de poche
512 pages

 

Livre de poche 352 pages

 

 







 Livres pour enfants




 Un coup de coeur :
Cinq minutes et des sablés de Stéphane Servant et Iréna Bonacina









Le lièvre des neiges de F. Des Etienne






J'ai lu aussi mais je n'ai pas eu le temps de faire un billet : L'art de perdre d'Alice Zeniter. Editions Flammarion

Je suis en train de lire Derrière les ponts d'André Gardies Editions du Mont

j'ai lu en février et publié le 1er mars pour le blogoclub : Un avion sans elle de Michel Bussi  Edition Pockett


Visite du Palais des papes d'Avignon ici

mercredi 28 février 2018

Asa Larsson : Tant que dure la colère


Au nord de la Suède, à la fonte des glaces, le cadavre d'une jeune fille remonte à la surface du lac Vittangijàrvi. Est-ce son fantôme qui trouble les nuits de la procureure Rebecka Martinsson ? Alors que l'enquête réveille d'anciennes rumeurs sur la mystérieuse disparition en 1943 d'un avion allemand dans la région de Kiruna, un tueur rôde, prêt à tout pour que la vérité reste enterrée sous un demi-siècle de neige...
Après  Le Sang versé  et  La Piste noire, Åsa Larsson nous entraîne une fois encore dans une intrigue aussi complexe qu'envoûtante, où elle dissèque les recoins les plus obscurs de l'âme humaine.

Avec ce quatrième roman sur Rebecka Martisson, Asa Larsson écrit un roman que j’ai trouvé plus réussi, plus direct, que La Piste noire. Il faut dire que Tant que dure la colère a quelque 150 pages de moins et qu’il est débarrassé des longueurs que je reprochais au précédent.
Certes, il y a encore quelques critiques négatives et comme le roman m’a plu, je préfère commencer par celles-là et finir sur une note positive. Rebecka Martisson n’évolue pas beaucoup au niveau de ses sentiments; maintenant qu’elle a Mans pour amant, elle écourte la conversation chaque fois qu’il lui téléphone et s’étonne s’il n’appelle plus. D’autre part, et c’est un tic de l’écrivaine, chacun de ses romans doit absolument se terminer par un épisode tragique, particulièrement horrible, et c’est encore sur la pauvre Rebecka que cela tombe dans ce livre aussi ! Dans les cinq livres que j’ai lus sur elle, elle échappe quatre fois à la mort !  J’aimerais bien que Asa Larsson varie un peu plus la structure de ses romans en particulier du dénouement !

 L’histoire de Tant que dure la colère est très intéressante. Le récit est basé sur l’Histoire de la Suède et la collaboration des habitants avec l’Allemagne nazie. Dans l’année 1943 a eu lieu un évènement que le roman va nous révéler peu à peu.
Asa Larsson décrit des personnages du peuple très vivants, croqués d’après nature semble-t-il, comme la vieille Anni, grand-mère de la jeune victime Wilma, ou la grand-mère de Rebecka, ou encore les membres de l’horrible famille Krekula. Asa Larsson est très à l’aise pour décrire les gens, leur physique, leur mentalité, leurs habitudes. Ses portraits sont vrais et sonnent juste !
L’écrivaine utilise le surnaturel dans ce roman puisque c’est Wilma ou plutôt son fantôme, qui va suivre l’enquête et parfois l’orienter.  Cette idée est une réussite car elle introduit l’étrangeté dans le récit avec les corbeaux et les chats qui « voient » le fantôme, là où la plupart des humains ne distinguent rien. De plus, cela nous permet de connaître Wilma et son amoureux Simon, de revenir sur leur passé et donc de nous attacher à eux. C’est rare, en effet, de partager le point de vue de la victime et de s’identifier à elle !
Mais on voit aussi le point de vue de l’assassin et l’on se retourne sur son enfance sacrifiée et la souffrance qui a fait de lui un monstre. Il y a des passage très forts qui concernent ce personnage : ainsi, celui où il est face à un ours, confronté à la mort, et où il se sent enfin libéré.

« Puis l’ours se retourne, retombe à quatre pattes et s’en va lourdement.
Le coeur de ...? bat. C’est le battement de la vie. C’est le bout des doigts du chaman sur la peau du tambour. C’est la pluie sur le toit de tôle de son chalet de Saarisuanto, un soir d’automne quand on est au lit et que le feu crépite dans la cheminée.
Son sang coule dans ses artères. C’est l’eau de fonte qui se détache de la glace au printemps, qui coule sous la neige, qui grimpe au coeur des arbres, qui se précipite des falaises.
Son esprit entre et sort de ses poumons. C’est le vent qui porte le corbeau dans ses jeux, qui fouette la neige en vifs tourbillons dans la montagne, qui ride doucement le lac le soir puis s’apaise et le laisse retrouver son calme miroir. »
Oui, Asa Larsson écrit bien ! Je vous laisse juge ! 




mardi 27 février 2018

Asa Larsson : La piste noire


J’ai continué la série d'Asa Larsson qui a pour personnage principal récurrent Rebecka Martinson.  (Tome 1 Horreur Boréale Tome 2  : Le sang versé )

 Le troisième tome de la série s’intitule La piste noire. Je laisse à l’éditeur le soin de raconter l’histoire :

Nord de la Suède. Un pêcheur découvre le cadavre torturé d'une femme au bord d'un lac gelé. La belle Inna Wattrang était la porte-parole de Mauri Kallis, un célèbre industriel dont l'ascension et la réussite fascinent le pays.

 Les indices sont minces : les deux inspecteurs de la police judiciaire de Kiruna font appel à l'ex-avocate Rebecka Martinsson, devenue substitut du procureur, pour tenter d'élucider les relations troubles entre Kallis et son employée.

 Derrière le meurtre d'Inna se profile un univers de mensonges, de haines et de faux-semblants où le mal se tient à l'affût comme un corbeau noir. Avec cette nouvelle enquête de Rebecka Martinsson, Åsa Larsson, Prix du meilleur roman policier suédois pour Le Sang versé, sonne le renouveau du polar Scandinave.


 J’ai trouvé ce roman très inégal. Il présente des longueurs, des passages un peu trop didactiques où sont présentés au lecteur les dessous de l’exploitation minière en Suède et en Ouganda. Cela pourrait être intéressant si c’était habilement introduit dans l’histoire mais j’ai trouvé que cela interrompait le récit. Les personnages des "méchants"  m’ont peu intéressée et Rebecca, en proie à une grave dépression, n’a pas un grand rôle dans le roman. Si ce n’est cette passion soudaine qu’elle développe  pour son ancien patron Mans,  coureur impénitent,  qui paraît assez peu intéressant d’ailleurs,  amour auquel on a peine à croire car  les sentiments de la jeune femme ne sont pas suffisamment  analysés.

Par contre et comme d’habitude, le roman présente des passages vraiment très bien écrits qui me réconcilient  avec le roman. C’est ainsi qu'Ester, cette jeune fille au tempérament d’artiste, à la sensibilité exacerbée, confiée à sa naissance à une famille sami, est vraiment intéressante. Sa mère adoptive est un beau personnage, et l’on découvre, au cours du roman, la mentalité des samis pour lesquels le surnaturel est toujours lié à l’idée de nature. De plus, Asa Larsson dénonce le racisme des suédois toujours vif envers cette nation.
 Parfois les personnages secondaires d’Asa Larsson sont plus consistants et plus riches que ces personnages principaux. Je continue à aimer aussi  la manière dont elle parle des animaux et la façon intime dont elle interprète leurs réactions sans anthropomorphisme. Dès qu’il s’agit de la nature nordique, des lac gelés, de la la neige, des chiens et des chats, la plume d’Asa Larsson est dans son élément.
La fin se termine, comme d'habitude,  par un carnage mais pour une fois Rebecka n’y est pas mêlée. C’est Anna-Maria la lieutenant de police et son adjoint Svenn-Erik qui s’y collent !
Le roman a plus de cinq cent pages mais il gagnerait, il me semble à être élagué.


vendredi 23 février 2018

Audur Ava Olafsdottir : Le rouge vif de la rhubarbe


Dépaysement total pour moi dans ce roman de Audur Ava Olafsdottir : Le rouge vif de la rhubarbe qui raconte l’histoire d’une adolescente, Agustina, sur une petite île islandaise. La fillette dont le père est parti avant sa naissance est confiée à la vieille Nina. Elle reçoit régulièrement des lettres de sa mère qui  étudie les oiseaux à l’autre bout du monde.  

Le cadre constitue un lieu à part, très beau mais assez inhospitalier puisque aucun arbre n’y pousse sauf la rhubarbe sauvage qui y abonde et se révèle être « la principale forêt du village ». Sa couleur rouge donne le titre au roman et sa couleur au paysage. C’est un îlot battu par les vents, les embruns et le sel, avec sa plage de sable noir et son village accroché à la pente d’une montagne qui culmine à 844 mètres! C’est cette montagne que la jeune Agustina, quatorze ans, rêve de franchir. Ce qui constitue un défi pour la jeune fille dont les jambes sont paralysées mais qui se déplace sur ses béquilles avec une dextérité courageuse, cherchant à se dépasser malgré ses "jambes de coton".
Le rouge vif de la rhubarbe est roman d’apprentissage. Agustina va à l’école, elle subit les moqueries des camarades, mais rencontre aussi un garçon, Salomon, qui l’apprécie et se montre gentil avec elle. Sa mère lui manque et elle espère pouvoir la rejoindre un jour. Elle est proche de la nature dans laquelle elle se réfugie souvent.
Mais les difficultés de la jeune fille qui rêve d'avoir des jambes font d’elle « une sirène », un personnage à part, introverti, réfléchi. La nature sauvage qui l’entoure joue un grand rôle dans la formation de son caractère. Tout ceci donne une poésie, une étrangeté et un charme particulier au roman.



mardi 20 février 2018

Selma Lagerlof : Le Banni



Dans Le Banni de Selma Lagerlof, au début du XX ième siècle, Sven Elversson est confié par ses parents, pauvres pêcheurs de l’île de Grimön  en Suède, à un couple d’anglais qui l’adopte. Mais après avoir terminé ses études, il part dans une expédition polaire qui se retrouve bloquée par les glaces. Les  savants finissent par manger leurs camarades morts pour survivre. Une fois sauvé, Sven est banni par ses parents adoptifs à qui il fait horreur et retourne chez son père et sa mère qui acceptent de l’accueillir. Mais le pasteur, en révélant en chaire l’acte de Sven, le met à nouveau au ban de la société. Désormais, Sven Elversson, quoi qu’il fasse, n’inspire que dégoût et répulsion même aux plus endurcis des criminels.

 "Je ne sais pas si c'est la seule, pensa-t-il, mais voilà bien une chose que les hommes civilisés n'arrivent pas à commettre. Ils tuent, ils pratiquent l'adultère, ils volent, ils exercent des violences, ils succombent vite à l'ivrognerie, au viol, à la trahison, à l'indiscrétion. Tout cela, ils le commettent quotidiennement. Ces choses répugnent peut-être à certains, mais elles adviennent quand même. L'un des vieux péchés de l'humanité n'est cependant plus commis dans les pays civilisés. Et s'il n'est pas commis, c'est qu'il suscite de la répugnance. Mais moi, j'ai commis ce péché-là. Et je suis plus haï que le diable. »


Suède : Les îles de la côte ouest

Ce récit est pour Selma Lagerlof l’occasion d’explorer le thème de la culpabilité et des ravages qu’elle peut causer à l’âme humaine. Sven Elvesson cherche à se racheter par une conduite exemplaire mais chaque fois la société le rejette avec répugnance. Le jeune homme a une tel dégoût de lui-même qu’il adopte une attitude soumise, obséquieuse. A son frère P’tit Joël qui lui reproche de se laisser humilier, il répond en plein désespoir :

Pourquoi irais-je me défendre … ; quand je me méprise moi-même plus que toi ni aucun autre ne pourrez jamais le faire ? Quand je ressens plus de dégoût pour moi-même que je ne pourrai jamais vous en inspirer ?

Mais Selma Lagerlof peint aussi la dureté des humains entre eux et l’absence de pardon qui domine dans une société qui se dit pourtant chrétienne. Le pasteur lui-même donne l’exemple de cette intolérance.  Même s’il est conscient de manquer d’amour, il participe à l'hypocrisie religieuse générale.
La cruauté des  rapports humains est le propre de tous. Mais les parents de Sven et  deux femmes y  échappent : Sigrun, la jeune épouse du pasteur, douce et bonne, et Rut, la femme que Sven Elversson a épousée et qui fera preuve pour lui d’un amour allant jusqu’à l’abnégation. Mais parce qu’elle est laide et qu’il est amoureux de Sigrun, Sven lui-même aura peu de considération envers elle et restera indifférent à son sort. Seul, l'amour véritable, est capable de tenir en échec les mauvais sentiments, la haine, le mépris, la jalousie.

Au thème de la culpabilité répond celui de la Rédemption. Au cours de la guerre de 14_18, lorsqu’il entreprend une courageuse action pour faire donner une sépulture aux soldats morts en mer, Sven retrouve enfin l’estime de soi. Le sermon du pasteur qui le réhabilite lui fait retrouver sa place auprès de ses semblables et le réconcilie avec dieu. C'est aussi une condamnation virulente de la guerre et de ses horreurs que l'écrivain décrit avec force dans des pages hallucinantes.

Le Boshulän, les îles de la côte ouest

La nature est toujours présente et crée une atmosphère étrange dans le  roman. Elle peut être  effrayante, sauvage et désolée et c’est ainsi que la voit Sigrun, la femme du pasteur, originaire du Nordland couvert de profondes forêts, lorsqu’elle arrive, nouvelle épousée dans le Bohuslän, austère et sauvage.

« La route serpentait dans les creux entre les hauteurs, et jamais ne montait suffisamment haute pour permettre une vue d’ensemble. Où qu’on aille, ce n’étaient que collines dressées derrière d’autres collines. Certaines étaient couvertes d’une herbe maigre, d’autres étaient nues, et d’autres encore tissées de bruyère et de broussailles, et c’était la seule différence. »
C’est Sven Elversson qui lui fait découvrir la mer cachée derrières ses barrières rocheuses, la mer qui va redonner vie à la jeune femme transplantée et lui permet de retrouver l’espoir.

«  Car devant c’était un vaste espace libre. Et là s’agitait toute la mer d’air rouge, et là s’étendait toute la mer d’eau blanche, et que rien refermait. L’espace était libre et ouvert jusqu’au soleil en train de se coucher.
Devant elle il n’y avait aucune terre, à part une mince bande de sable bordée d’un long quai en pierres et, plus loin dans la mer, quelques crêtes d’écueils pointant hors de l’eau nacrée. »

Ce qui me plaît dans la jeune femme, c’est qu’elle trouvera la force de caractère de se  révolter et de se rendre libre… enfin pour un temps !

Selma Lagerlof : prix Nobel

Il y a de très belles scènes, de beaux passages dans ce roman de Selma Lagerlof qui oscille entre réalisme et conte, des passages surprenants, magistralement écrits où les animaux deviennent la métaphore du mal, où le surnaturel s’introduit dans l’histoire, où l’invraisemblable prend le pas sur le rationnel comme dans l’échange des mortes, des moments où l’on ne peut croire à la véracité du récit mais où il présente pourtant un charme certain.
J’ai aimé l’ensemble du roman sauf les derniers chapitres et le dénouement. Selma Lagerloff  devient alors trop édifiante. Le long sermon du pasteur sur Sven est insupportable,  la rédemption qui ne peut conduire qu’au ciel, le revirement de Sigrun aussi. On dirait que l’écrivaine veut  remettre en ordre cette société perturbée et que la morale doit l’emporter. A mon avis c’est la Selma Lagerlof bien pensante qui reprend le dessus alors qu'elle dénonçait l'hypocrisie sociale. Je pense que cette fin affaiblit le récit, surtout en ce qui concerne le personnage de Sven que l'on découvre innocent comme si la rédemption ne pouvait pas être celle d'un coupable, comme si Selma Lagerlof éprouvait les mêmes préventions que ceux qu'elle dénonçait. Même remarque envers le personnage de Sigrun.

Ce qui n’empêche pas que Selma lagerloff possède un don réel pour peindre les caractères tourmentés, complexes, dénoncer les travers de la société, et créer un univers bien à elle. Le livre a donc de grandes qualités malgré mes restrictions très personnelles !

« Ils n’aimaient pas la manière dont l’animal se déplaçait sans un bruit; ni ces yeux striés de vert qu’il tournait vers eux et qui leur paraissaient inexpressifs et sans éclat. Ils ressentaient un malaise à le voir ainsi glissant, souple et joueur alors qu’il n’avait en tête que voler et tirer.
A leurs yeux, le chat grandit, s’allongea, grossit et s’éleva au point de masquer la  bordure rocheuse de la plaine. Tout en grandissant, il ne cessait de ronronner, de roucouler et de faire d’agréables mouvements, et il n’en devenait que plus répugnant.
 Et ils comprirent que ce chat était le dégoût maintenant suscité qui allait s’accroître et s’étendre sur la plaine et qui jamais ne pourrait se développer mieux qu’ici, dans toute cette juste mesure, cette uniformité de proportions, cette étroitesse et cet enfermement. »




dimanche 18 février 2018

Roy Jacobsen : le prodige



J’ai énormément aimé Les invisibles de Roy Jacobsen. Aussi c’est avec plaisir que j’ai découvert Le prodige qui est un livre également réussi même s’il est très différent. Le roman Les invisibles avait pour cadre des îles norvégiennes perdues dans le vaste océan, balayées par la tempête, illustrant la beauté et la sauvagerie de la nature. Le prodige, au contraire décrit une banlieue populaire d’Oslo, dans un milieu modeste, où l’espace est réduit à un petit appartement rendu encore plus exigu par la location d’une  chambre à un locataire. L’espace se réduit encore et le confort aussi. C’est que la mère de Finn, vendeuse de chaussures, doit élever toute seule son fils et, de plus, recueillir Linda, six ans, la fille de son ex-mari, à la mort de celui-ci. La mère de la fillette n'est pas capable de s'occuper d'elle.

Nous sommes dans les années 1960. Le narrateur est Finn, un garçon de neuf ans. Il raconte la vie quotidienne, décrit ce qui se passe autour de lui et observe sa mère dont le comportement n’est pas toujours clair pour lui. C’est l’occasion de constater combien les adultes sont incompréhensibles, parfois, aux yeux des enfants. J’aime cette manière de raconter, où tout n’est pas dit, où les actes des personnages gardent leur part de mystère, quitte à recevoir une explication plus tard.
On suit la vie de cette famille, on voit leurs difficultés financières et les drames qui se tissent à l’intérieur des liens familiaux. Finn adore sa mère mais tout se gâche entre  les deux : l’enfant est jaloux du nouveau locataire Christian, peut-être aussi de la petite soeur car il a peur que sa mère ne l’aime plus. Linda est une enfant traumatisée, au comportement un peu bizarre mais très attachante. C’est pour Finn l’occasion de découvrir l’amour fraternel avec le zeste d’agacement naturel que tout aîné éprouve pour la petite dernière, particulièrement collante !En protégeant la petite soeur, il découvre aussi la violence de ses réactions, ce qui l’amène à s’interroger sur sa véritable nature.
Certes Le prodige est moins original que Les invisibles. C'est un roman d'initiation qui montre le passage de l'enfance à l'adolescence en milieu urbain et, en ce sens, il est plus attendu. Mais Roy Jacobsen est aussi heureux dans l’art de peindre la nature déchaînée que les crises psychologiques que traversent les personnages, adultes ou pas !
Un beau livre, profond, que j'ai lu avec plaisir !


vendredi 16 février 2018

Hans Christian Andersen : Peer-La-Chance



Peer-la-Chance de Christian Andersen, publiée en 1870, est la dernière oeuvre de  l’écrivain. Il meurt en 1875.
Malgré le titre qui fait penser à un conte de fées,  Peer-la-Chance est un court roman dans lequel l'auteur met beaucoup de lui-même.

Les inégalités sociales

 

Hans Christian Andersen

Peer naît dans une mansarde le même jour que Félix, fils de riches négociants, dont le grand appartement est situé au premier étage du même immeuble.  Le père de Peer meurt quand il est enfant, sa mère est lavandière. L’éducation des enfants a lieu en parallèle, l’une modeste et étriquée, l’autre luxueuse et raffinée.
Vous pourriez penser que Hans Christian Andersen compose là un roman réaliste et s’insurge contre l’inégalité sociale et l’injustice.  Ce serait bien mal connaître Andersen ! Les deux enfants sont certes élevés différemment, ce qui donne lieu a des comparaisons ironiques qui permettent à Andersen de pratiquer un humour noir  mais l’affection et les soins attentifs dont il est entouré compense pour Peer l’inégalité sociale. L’amour pour Andersen, écrivain chrétien, est finalement ce qu’il y a de plus important. La révolte serait une injure à Dieu.

Pourtant il y a quelques phrases dissonantes que l'enfant pauvre reçoit comme des humiliations; ainsi la mère de Félix juge que le métier d’artiste est « une voie excellente  pour un garçon comme Peer, bien fait de sa personne, honnête et sans avenir ».
Une autre scène, d’ailleurs assez forte, oppose Peer et Félix lorsqu’ils sont plus âgés.  Tous deux, au cours d'un bal, se disputent les faveurs d’une jeune fille. Peer est obligé de s’effacer devant le plus riche. C’est le seul moment de révolte du jeune homme vite maîtrisé pour l’amour de Dieu, de sa mère et de sa grand-mère qui l'en félicitent.
Bref, on voit que Hans Andersen n’a rien d’un révolutionnaire ! Ce qui ne l’empêche pas de porter un regard lucide sur cette société ce qui donne lieu à des portraits très réussis comme ceux, satiriques, du précepteur de Peer et de son épouse, les Gabriel, qui représentent la petite bourgeoisie hypocrite et conventionnelle, dans toute sa suffisance et sa sottise. Le monde de la grande bourgeoisie n’est pas épargnée avec le portrait de la baronne-veuve, cultivée et raffinée, mais vaine et artificielle. Andersen sait manier l'ironie et ne s'en prive pas.
J’ai beaucoup aimé aussi le personnage du maître de chants qui possède grandeur et dignité et une bonté qu’il refuse d’afficher. Il  est juif. Dans cette fin du XIX siècle si antisémite, Andersen se distingue en faisant preuve d’un remarquable respect pour la religion juive et d’une grande ouverture d’esprit quand il commente le Talmud. C’est assez rare pour être souligné.

Une vocation artistique ou littéraire

Andersen lisant ses contes à des jeunes filles (1860)
Le thème principal du roman est la réussite de Peer. Depuis son enfance, Peer a de la chance. Un maître de chant découvre sa voix prometteuse alors que l’enfant est attiré par le chant, la musique et l’opéra après avoir commencé une carrière de danseur.  Plus tard, ses études sont payées par un bienfaiteur et Peer va devenir un grand ténor et un compositeur d’opéra célèbre.
 A travers lui, Hans Christian Andersen revit sa propre réussite dans le monde des lettres. Dans son autobiographie, il affirme :   « Ma vie est un beau conte de fées, riche et heureux ».   Peer est un peu Hans Christian. Tous deux sont nés dans une famille pauvre mais aimante, ont perdu leur père quand ils étaient enfants. Tous deux ont la passion du théâtre, ont commencé la danse, ont été distingués par leur don, sont allés faire des études dans une pension privée grâce à un mécène.Tous deux ont réussi, l’un dans la musique l’autre dans la littérature.  Peer-la-Chance est donc une réflexion sur la vocation, l’accomplissement d’une destinée, sur le sens de l’art et de la littérature. C’est le regard d’un vieil homme qui se retourne sur son passé.

Je dois ajouter que si j’ai bien aimé le roman, le dénouement, abrupt, m’a laissée surprise voire décontenancée. Non, je ne vous le raconte pas!
J'ai pensé qu'Andersen exploitait une veine romantique, celle du bonheur impossible, de la fragilité de toutes choses. J’ai lu par la suite l'explication suivante : Andersen, c’était une inquiétude constante chez lui, pensait que le succès est fragile. Il avait peur de voir son inspiration tarir et de tomber dans l'oubli. Ces personnages émettent souvent l’idée qu’il vaut mieux mourir en plein bonheur.




vendredi 2 février 2018

RAT d'hiver et challenge nordique




Ce week end, à partir de ce vendredi soir 2 Février  jusqu'à Dimanche 4 Février, a lieu le marathon de lecture lancé par Margotte sur la littérature Nordique.

Je devais y participer mais la visite impromptue de ma petite fille m'a fait y renoncer. C'est que nous allons avoir un samedi et un dimanche bien remplis, elle et moi, vous imaginez !

Mais vous pouvez encourager les marathoniennes chez elles : 







lundi 29 janvier 2018

Henrik Ibsen : Un ennemi du peuple



Dans Un Ennemi du peuple de Henrik Ibsen, le docteur Tomas Stockmann a été nommé directeur de l’établissement des Bains de sa ville natale par le préfet Peter Stockmann, son frère. Il découvre que les eaux sont polluées par les rejets toxiques des tanneries de la ville et propagent fièvre, dysenterie et typhus. Mais lorsqu’il révèle la vérité, tous, son frère, les journaux, les petits propriétaires et bientôt le peuple, se liguent contre lui. Les travaux concernant la réfection des conduites d'eau seraient trop coûteux, trop longs et la ville ne peut se passer des revenus des Bains qui assurent sa prospérité. Tomas Stockmann va mener la bataille épaulé par son épouse parfois défaillante, sa fille Petra, un ami, le capitaine Horster … Il rassemble tout le monde dans une assemblée générale qui tourne au pugilat.

L'inspiration


Un ennemi du peuple est inspiré semble-t-il par la personnalité et la lutte de Harald Thaulow, pharmacien diplômé, qui s’est efforcé de réformer le système d’attribution des pharmacies. Celles-ci étaient accordées par privilège, héritage ou vente sans tenir compte des connaissances et des diplômes. Un apothicaire était alors un simple vendeur de médicaments même s’il n’avait fait aucune étude médicale. Thaulow a provoqué un scandale lors d’une assemblée générale pour défendre ses idées. Il  a fini par l’emporter mais l’on s’en doute s’est fait de nombreux ennemis, parmi lesquels les apothicaires n’étaient pas les moindres !
Ibsen, lui aussi, a fait scandale avec sa pièce Les Revenants qui stigmatise l’hypocrisie sociale et religieuse et fait allusion à la syphilis, sujet tabou. De là à être traité d’ennemi du peuple, il n’y a qu’un pas.  Ibsen met beaucoup de lui-même dans le personnage principal de la pièce, le docteur Stockmann, qui va représenter ses idées politiques.

Un ennemi du peuple est considérée comme une grande pièce d’Ibsen après La Maison de poupée et Hedda Gabbler. Il paraît que le metteur en scène allemand Thomas Ostermeïr a fait une belle mise en scène de Un ennemi du peuple. Qui sait ? il m’aurait peut-être réconciliée avec la pièce ? Car je ne l’ai pas aimée.

Une pièce démonstrative

 

Mise en scène de Claude Stratz Théâtre national de la Colline
D’abord les personnages :  ou ils sont flous, peu développés tant au niveau psychologique qu’au niveau de l’intrigue comme Petra ou Horster, ou complètement inutiles comme les fils de Tomas Stockmann. Ils sont des fonctions et non des êtres de chair dans une pièce qui est avant tout démonstrative et porteuse d’un message.
Le personnage du docteur Stockmann lui-même est assez caricatural. Sa naïveté quand il pense être porté en triomphe par ses concitoyens est d'une stupidité confondante. Il paraît que c'est comique mais il ne m'a pas fait rire, au contraire ! Cependant, il ne faut pas oublier que Henrik Ibsen a voulu faire de Un ennemi du peuple une comédie.

Un thème très actuel mais ...

 

Au festival d'Avignon : Thomas Ostermeier

Rien n’est plus actuel que le thème de cette pièce à notre époque où la survie de la planète est en jeu ! On pourrait multiplier les exemples ! Je m'attendais donc à ce que Ibsen pourfende les gouvernants, le capitalisme,  tous ceux qui défendent leurs propres intérêts au détriment de la santé des autres et de l’environnement.  Mais  les propos tenus par le "bon"  docteur ont pris un autre tour et m'ont surprise. Certes, il est courageux et se sacrifie pour que la vérité éclate. Il se retrouve sans travail, sans logement dans une ville qui ne veut plus de lui. Mais sa conception de la démocratie est atterrante !

Premier choc : lorsqu’il considère que dans son poste précédent, dans le Norland, ( région norvégienne qui englobe Bodo, Troms, les îles Lofoten et Vesteralen …) les hommes sont  au niveau des animaux.

"J’ai passé plusieurs années dans un horrible trou perdu, là-haut dans le Nord. Parfois, en rencontrant les hommes qui y vivaient comme un amas de pierres, j’ai pensé qu’un vétérinaire leur aurait été plus utile qu’un homme comme moi" 

Deuxième choc : " La majorité n’a jamais le droit pour elle, vous dis-je !(…)  je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a une majorité écrasante d’imbéciles sur cette terre. Mais, nom d’un chien, on ne peut pas accepter que les imbéciles gouvernent les intelligents !
La majorité a le pouvoir - mais elle n’a pas raison. C’est moi qui ai raison, moi et quelques autres; de rares hommes isolés. La minorité a toujours raison."

Troisième choc : Stockmann compare les hommes au chiens et conclut que d’un corniaud, "vulgaire chien plébéien" "dégoûtants et mal élevés " et d'un caniche "descendant d’une belle lignée", c’est toujours le caniche qui l’emportera et sera le plus intelligent  !

De choc en choc, je n’ai plus trop su ce que Ibsen voulait défendre et j’ai trouvé très aristocratique et anti-démocratique sa vision du peuple. Contrairement à ce que je pensais au début de la pièce, effectivement Ibsen-Stockmann est un ennemi du peuple, non parce qu’il veut faire fermer les bains pour des raisons sanitaires mais parce qu’il est plein de mépris pour lui.
D’ailleurs la découverte qu’il révèle à la fin de la pièce est empreint de cette esprit élitiste et supérieur :

"Le fait est, voyez-vous  que l’homme le plus fort du monde est le plus seul"

Tout en moi s'est révulsé  à cette lecture même si, finalement, il décide d’éduquer le peuple et d’instruire "les corniauds" - "ils peuvent avoir des têtes remarquables"- pour leur donner les possibilités de "chasser les loups" .

Vous admettrez que la pensée de Ibsen est complexe, à la fois  conservateur et libéral. Il s’est mis à dos la gauche norvégienne par sa conception élitiste de l'homme supérieur et les classes dirigeantes et cléricales dont il dénonce l'égoïsme et l'hypocrisie.

A cette pièce politique, je préfère ses pièces psychologiques qui n’en sont pas moins inscrites dans une société et en dénonce les travers.

Mes billets

La maison de poupée ICI et ICI

La cane sauvage ICI

La dame de la mer ICI

Hedda Gabler ICI

Peer Gynt de Ibsen et Grieg ICI

samedi 27 janvier 2018

Audur Ava Olafsdottir : Ör



Le mot islandais Ör nous dit Audur Ava Olafsdottir « signifie  cicatrices. Le terme s’applique au corps humain mais aussi à un pays, à un paysage malmené par la construction d’un barrage ou d’une guerre.»

Jonas Ebeneser pour sa part a sept cicatrices. La première étant celle de la vie, elle-même. « Nous sommes tous porteurs d’une cicatrice à la naissance : notre nombril »  explique l’auteure. Jonas est un écorché vif de naissance. Tout est blessure pour lui, un oiseau à l’aile cassée, la méchanceté des hommes entre eux, les guerres. Une autre cicatrice, l’abandon de son père. Et puis sa mère Gudrun, professeur de maths, a laissé son esprit aux oubliettes et survit dans une maison de retraite. Son amour Gudrun a trouvé un autre homme et est partie. Sa fille Gudrun-Nymphéa, il l’a appris au moment de la séparation d’avec sa femme, n’est pas de lui. Et le tatouage d’un nymphéa blanc sur la poitrine pour cacher l’une de ses cicatrices ne semble pas remédier à la blessure initiale.
C’est donc un homme qui ne peut guérir. Et c’est dans un pays blessé, un pays qui sort de la guerre, qu’il décide de partir quand il veut se suicider.

Je suis entrée dans le livre d’Audur Ava Olafsdottir avec bonheur. J’aime cette écriture limpide, poétique et intimiste. J’ai retrouvé le goût de cet univers qui parle de personnes sensibles, attentives aux autres.
Pourtant, lorsque le récit s’oriente vers le départ dans un autre pays, j’ai éprouvé de la déception. Il m’a semblé que c’était un poncif  : il y a tellement dans la littérature actuelle de personnages féminins (en général) désespérées qui partent à l’étranger pour y découvrir la guérison voire l’amour ! Et le fait que ce soit un pays qui sorte de la guerre et que Jonas parte, en plus, muni d’une boîte à outils, m’a paru invraisemblable. 
Il y a donc eu un flottement dans ma lecture avant que je ne me rende compte, d’après l’orientation du récit, que oui, bien sûr, c’est invraisemblable mais que le récit est métaphorique, qu’il ne faut pas s’en tenir à une interprétation réaliste comme je le faisais ! Les réparations que Jonas est amené à faire dans ce pays où tout est détruit, où plus rien ne marche, le répare lui-même, panse les blessures, atténue les cicatrices.
Jonas y apprend beaucoup de choses, évidentes mais que l'on oublie trop souvent, que c’est en s’occupant des autres, en agissant qu’il se sentira plus fort, que l’amour paternel et filial (c’est Nymphéa qui le lui dit) ne tient pas à un chromosome mais à l’amour, aux  soins affectueux, au dévouement, au respect, au partage, et à tous les bons et même les  mauvais moments d’une vie commune.

Finalement, malgré ce moment d'hésitation, j'ai aimé ce roman. La pensée d’Audur Ava Olafsdottir est simple, certains diront un peu trop gentille donc simpliste, mais je ne suis pas d'accord. Car l’optimisme, la foi en l’homme et au triomphe de la bonté, sont autant de baumes qui permettent de panser les Ör de notre vie personnelle, la noirceur de la haine, les horreurs des guerres.

lundi 22 janvier 2018

Asa Larsson : Le sang versé




Le  sang versé de Asa Larsson est second livre relatif au cycle de Rebecka Martisson, la jeune avocate de Stockholm, née à Kiruna (comme l’auteure ) en Laponie suédoise.

Après la fin terrible du premier roman Horreur boréale, Rebecka essaie de reprendre son travail d’avocate mais une sévère dépression nerveuse l’empêche d’être performante. Un collègue lui prête sa maison non loin de Kiruna, dans un petit village à 145km du cercle polaire. Elle part là-bas pour se reposer et essayer de retrouver le goût de vivre.
Hélas ! L’assassinat d’une femme pasteur que l’on a retrouvée pendue à l’orgue de l’église provoque un climat délétère. Et la pauvre Rebecka se retrouve à son corps défendant au milieu de l'enquête !

Alors là, je me suis dit : Décidément Asa Larsson a quelque chose contre les pasteurs sinon comment expliquer qu’elle les trucide d’un livre à l’autre et qu’elle brosse de ces religieux une peinture aussi critique et acide ! Je vois dans la postface que je ne suis pas la seule à avoir pensé cela ! Sa famille, son oncle vicaire à la retraite, sa tante laestadienne, la branche la plus conservatrice, la plus austère et rigide du protestantisme, s’en sont émus et lui ont fait promettre de ne plus tuer de pasteurs dans ses livres. Tant mieux parce que c'est un peu fastidieux cette hécatombe de pasteurs !

Mais à mon avis, elle a un compte à régler ! Car le tableau qu’elle dresse du collègue de la victime et de son vicaire est plus que critique. Et oui, même si l’on est pasteur, on peut-être machiste, antiféministe et ne pas supporter qu’une femme vous concurrence ! Malgré tout l'on ne peut s'empêcher de penser que les protestants sont en avance sur les catholiques et moins misogynes car ce n'est pas demain la vieille qu'il y aura de femmes curés  !
 On peut aussi tremper dans des combines louches et détourner l’argent commun à des fins privés. Quant à la femme pasteur, féministe, elle a des aspects bien sympathiques et l’on comprend pourquoi elle se met à dos tous les machos de la ville mais, en même temps, l’importance qu’elle a dans la vie quotidienne des gens m’effraie. Que le poids de la religion puisse être si pesant  dans ce pays-là m’étouffe ! Je n’aurai pas l’impression de liberté si je devais vivre ainsi.
Enfin,  la critique de la chasse et des chasseurs n’est pas mal non plus !

Ce que j'en pense ? A mon avis le livre n'est pas parfait. L’équilibre entre l’histoire policière et la vie de Rebecka, l’analyse des personnages et de la société, n’est pas encore trouvé. L’enquête traîne en longueur mais le personnage de Rebecka s’étoffe, celui de Sivving aussi. On voit apparaître pour la première fois un personnage qui va devenir important par la suite, le policier maître-chien Krister. 
A la fin quand on apprend ce qui arrive à Rebecka on est inquiet pour elle ! Mais nous répond Asa Larsson  : « Rebecka Martinsson va s’en remettre. J’ai foi en cette petite fille avec ses bottes en caoutchouc rouge. Et puis n’oubliez pas : dans mon histoire, c’est moi qui suis Dieu. »
Moralité ? Il me reste à lire le troisième La Piste noire et le quatrième Tant que dure ta colère. A bientôt !



dimanche 21 janvier 2018

Asa Larsson : Horreur boréale


J’ai commencé ma lecture de la série policière d’Asa Larsson par le cinquième volume En sacrifice à Moloch  et me suis intéressée au personnage principal récurrent, l’avocate fiscaliste Rebecka Martinson. Je me suis donc promis de lire les quatre premiers. Voilà qui est presque  fait, du moins pour deux d’entre eux.

Horreur boréale est le premier. On y rencontre Rebecka qui est avocate fiscaliste à Stockholm, carrière brillante mais qui ne semble pas la combler, de même qu’elle n’aime pas trop son patron Mans Wenngren.
Rebecka  reçoit un appel au secours d’une amie d’enfance, Sanna, mère de deux petits filles, dont le frère, pasteur, vient d’être savamment assassinée à Kiruna, une petite ville de la Laponie suédoise. C'est là que Rebecka est née et qu’elle a vécu avec sa grand-mère maintenant disparue dans un chalet, une enfance dont elle se souvient avec nostalgie. Rebecka prend un congé au grand dam de son patron et va rejoindre Sanna. C’est le début d’une dangereuse enquête - qu’elle mène pour sauver son amie accusée à tort- mais qui se terminera tragiquement.

J’ai trouvé que l’intrigue patinait un peu car l’écrivaine semble plus intéressée par ses personnages que par l’enquête policière proprement dite et je me suis un peu ennuyée au début. Mais j'avais envie d'en savoir plus sur Rebecka et sur son pays.
L’histoire  se déroule en sept jours d’hiver, dans la neige et sous un ciel couronné par les aurores boréales. Le temps qu’il a fallu pour créer le monde. Rappel biblique qui nous replace dans cette petite ville protestante dont les pasteurs représentants de différentes églises forment une communauté religieuse. En Laponie suédoise ils sont encore très puissants.
 Asa Larsson a l’art d’analyser les relations complexes entre les êtres, l’amitié-répulsion entre Sanna et Rebecka, l'art aussi de peindre les non-dits, les jalousies, les rapports de domination, les mesquineries et les malhonnêtetés et hypocrisies qui règnent au sein de la communauté religieuse. Un tableau peu reluisant !

 On y découvre des personnages qui vont l’accompagner tout au long de ces volumes, Anna Maria la policière chargée de l’enquête et son adjoint Sven-Erik, le voisin de la grand-mère de Rebecka, le vieux Sivving et ses chiens.
Malgré ses longueurs, j’ai fini par m'intéresser à ce roman mais pas autant que En sacrifice à Moloch.
Le livre a obtenu le prix du premier roman policier suédois en 2003.

A bientôt pour le deuxième volume "Le sang versé"