Magda Szarbo, est un des plus grands écrivains hongrois, disparue en 2007. Dans La Porte, elle parle de ses rapports avec sa femme de ménage Emerence. Un sujet qui, à priori, paraît bien terre à terre et peut-être même peu attirant. C'est sans compter sur le personnage d'Emerence et le talent de l'écrivain! Car cette vieille femme n'est pas n'importe qui. Douée d'une intelligence supérieure mais sans aucune instruction, elle sait à peine lire et écrire, elle a une personnalité hors du commun! Et ce n'est pas peu dire! Vous en connaissez beaucoup de femmes de ménage qui demandant à ses patrons des références pour accepter de travailler chez eux? Et qui, lorsqu'on les critique injustement, cesse de venir travailler si les patrons ne demandent pas pardon? Emerence est ainsi, imbattable dans son métier, capable de tenir le ménage de plusieurs familles, d'assurer son travail de concierge, de déblayer la neige pendant les longs mois d'hiver. Pleine de générosité, elle s'occupe des malades et des nécessiteux en leur apportant à manger, offre des cadeaux à sa patronne mais n'en accepte jamais d'elle, trop fière pour cela! Elle règne dans son quartier où tout le monde la connaît. Ajouter à cela qu'elle un don pour parler aux animaux et que c'est un rien irritant puisque le chien de l'écrivain n'obéit qu'à elle et la choisit pour maîtresse. Mais elle a un secret. Elle ne laisse jamais personne pénétrer dans son appartement et reçoit ses invités, y compris son neveu, sur le pas de la porte. Cette fameuse porte, qui, le jour où elle sera franchie, signifiera sa mort.
Magda Szarbo écrit ce livre pour avouer sa culpabilité, c'est elle qui a tué Emerence, elle en est persuadée. Ce qu'elle raconte ce sont les rapport d'amour et d'impatience (ce n'est pas toujours facile d'avoir une femme de ménage pareille), les moments tour à tour traversés d'orage ou d'entente, de coups de tonnerre et de pacification entre elle et Emerence. Autour de ce récit se dessine la personnalité de chaque femme. On découvre le passé douloureux d'Emerence, les drames terribles qu'elle a vécus et qui ont fait d'elle ce qu'elle est. Magda Szarbo nous apparaît aussi comme la voit Emerence, une petite bourgeoise incapable de se suffire à elle-même, qui a besoin d'être assistée et ne saurait pas se débrouiller toute seule. Le récit ne manque d'ailleurs pas d'humour. Et certains épisodes sont même carrément hilarants comme lorsque la vieille dame ramène le chien complètement ivre à ses patrons :
On a bu un petit coup, répondit-elle avec flegme. Il n'en mourra pas, il avait soif, cela lui a fait du bien.
Ou encore lorsqu'elle apporte au couple qui a des goûts esthétiques raffinés des chiens et des nains en faïence. Emerence regarde avec beaucoup de suspicion ses patrons (le mari de Magda Szarbo est l'écrivain Tibor Szobotka ) car écrire n'est certainement pas un travail sérieux :
... vous n'aurez jamais d'autres soucis que le mal qu'on peut dire de vous dans les journaux, c'est sans aucun doute une ignominie, mais aussi pourquoi avez-vous choisi ce métier minable où chacun peut vous traîner dans la boue. Je ne sais pas ce qui vous a rendu si célèbre parce que vous n'avez pas grand chose dans la tête, vous ne savez rien des autres.
Il lui arrive, en effet, de morigéner sa maîtresse avec un bon sens à toute épreuve qui se révèle être souvent d'une grande portée philosophique. Ainsi Emerence répond à Magda qui lui reproche de ne pas avoir empêché son amie Polett de se suicider :
Apprenez qu'on ne retient pas celui dont l'heure a sonné, parce que vous ne pouvez rien lui donner qui remplace la vie. Vous vous imaginez que je n'aimais pas Polett, que cela m'était égal qu'elle en ait assez de tout et qu'elle veuille partir? Seulement voilà en plus de l'affection, il faut savoir donner la mort, retenez bien cela, cela ne vous fera pas de mal.
L'écrivain décrit les liens très forts qui naît entre elles, la difficile mais indéfectible confiance que va peu à peu lui accorder Emerence, confiance qu'elle trahira pour le bien de la vieille femme, pense-t-elle, mais aussi par égoïsme et manque de compréhension.
"Il faut savoir tuer qui on aime, c'est plus humain que laisser souffrir" affirme la vieille femme. C'est une leçon dont Magda Szarbo ne comprendra pas la portée.
A travers ce roman apparaît le portrait d'une femme très forte et pourtant très fragile qui tient plus à sa dignité qu'à la vie, avec en arrière-fond le quotidien de tout un quartier et, en filigrane, l'Histoire de la Hongrie et ses tragiques vicissitudes. Un excellent roman.
Il lui arrive, en effet, de morigéner sa maîtresse avec un bon sens à toute épreuve qui se révèle être souvent d'une grande portée philosophique. Ainsi Emerence répond à Magda qui lui reproche de ne pas avoir empêché son amie Polett de se suicider :
Apprenez qu'on ne retient pas celui dont l'heure a sonné, parce que vous ne pouvez rien lui donner qui remplace la vie. Vous vous imaginez que je n'aimais pas Polett, que cela m'était égal qu'elle en ait assez de tout et qu'elle veuille partir? Seulement voilà en plus de l'affection, il faut savoir donner la mort, retenez bien cela, cela ne vous fera pas de mal.
L'écrivain décrit les liens très forts qui naît entre elles, la difficile mais indéfectible confiance que va peu à peu lui accorder Emerence, confiance qu'elle trahira pour le bien de la vieille femme, pense-t-elle, mais aussi par égoïsme et manque de compréhension.
"Il faut savoir tuer qui on aime, c'est plus humain que laisser souffrir" affirme la vieille femme. C'est une leçon dont Magda Szarbo ne comprendra pas la portée.
A travers ce roman apparaît le portrait d'une femme très forte et pourtant très fragile qui tient plus à sa dignité qu'à la vie, avec en arrière-fond le quotidien de tout un quartier et, en filigrane, l'Histoire de la Hongrie et ses tragiques vicissitudes. Un excellent roman.