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mardi 12 mars 2019

Sibilla Aleramo : Une femme


Dans Une femme (Una Donna) publié en 1906, Sibilla Aleramo publie une autobiographie romancée et raconte un fait inouï pour l’époque : Comment elle a quitté son mari et a dû pour cela abandonner son fils.
Sibilla Aleramo, de son vrai nom Rina Faccio, commence son récit avec son enfance, petite fille déchirée entre un père qu’elle admire et une mère effacée, qui ne supporte pas les infidélités de son mari. La fillette est d’une grande intelligence et son père adoré dirige son éducation, lui donnant lui-même des cours, l’incitant à lire, développant en elle des connaissances précoces. A 13 ans, l’enfant travaille dans l’usine de son père comme comptable et l’aide à la gestion. Mais celui-ci se désintéresse de sa famille pour s’installer avec une autre femme et l’adolescente souffre beaucoup de cet abandon qui la laisse seule avec ses frères et soeurs, sa mère sombrant progressivement dans la folie. Aussi quand elle est violée à l’âge de 15 ans par un employé de son père, elle ne peut se confier à personne et se persuade qu’elle doit l’épouser. C’est le début d’une vie conjugale horrible où la jeune femme -elle a 16 ans- doit abdiquer toute personnalité, se fondre dans son rôle d’épouse, face à un mari jaloux et violent qui l’humilie et la bat. La société conformiste et étriquée de province accentue son isolement. Seule la naissance de son fils lui apporte la joie et l’amour. Pour lui, elle accepte encore des années de souffrance mais après sa tentative de suicide, elle comprend qu’elle ne peut plus continuer ainsi, c’est une question de survie ! Pour être libre, retrouver sa dignité et aussi pour avoir le droit d’écrire, de devenir l’écrivain qu’elle porte en elle, elle s’enfuit de son foyer en laissant son enfant derrière elle. Elle n’obtiendra jamais le droit de le revoir. Un geste si douloureux qu’elle en portera la blessure toute sa vie. 

J’ai aimé ce récit écrit dans un style simple, limpide et sobre. Ce témoignage émouvant et douloureux montre toute l’horreur de la condition féminine la fin du XIX siècle et au début du XX ème en Italie. Au XVII ème siècle la peintre, Artemisia Gentileschi, était elle aussi prête à épouser son violeur pour « réparer » la faute. On voit que la situation féminine n’a pas beaucoup évolué tant de siècles après ! Sibilla Aleramo mène une réflexion intéressante et intelligente sur les grands problèmes liés au statut de la femme. Elle y répond à sa manière en montrant que oui, la femme peut gagner sa liberté.
Si ce récit a fait scandale à sa parution auprès de la bonne société italienne catholique et pratiquante, il a placé Sibilla Aleramo au rang d’icône du féminisme, à l’époque et encore de nos jours …

 Extraits de Une femme   

Sibilla Aleramo réfléchit  à la condition de la femme et en particulier lorsque celle-ci devient mère. Mais qu’est ce qu’une « bonne mère » ?

Mais la bonne mère ne doit pas être comme la mienne une pauvre créature à sacrifier : elle doit être une femme, une personne humaine.
Et comment peut-elle devenir une femme si ses parents la donnent, innocente, fille, incomplète, à un homme qui ne la regarde pas comme son égale, mais qui en use comme d’un objet dont il est le propriétaire….


Sibilla Aleramo écrit ses impressions, ses notes s’accumulent :
 
Une ardeur secrète courait dans ces feuillets que je commençais à aimer comme quelque chose qui serait le meilleur de moi-même, comme s’ils m’assuraient que je pourrais vivre intensément et utilement. Vivre ! je voulais désormais non plus seulement pour mon fils, mais pour moi, pour tous.
 

La liberté
Penser, penser ! Comment avais-je pu vivre tant de jours sans penser ? Les personnes, les choses, les livres, les paysages, tout provoquait chez moi désormais d’interminables réflexions.

Mon prochain billet présentera une autre oeuvre de Sibilla Aleramo : Le Passage

Sibilla Aleramo


 Sibilla Aleramo, pseudonyme de Rina Faccio, est une écrivaine italienne, née à Alexandrie dans le Piémont le 14 août 1876 et morte à Rome le 13 janvier 1960.
Mariée à 16 ans à l'homme qui l'avait violée, elle écrit son premier roman Une femme, en 1906 après avoir quitté son mari et son enfant. Le livre, qui connaît immédiatement un grand succès, est traduit en plusieurs langues. Féministe, militante communiste, Sibilla Aleramo a toujours lutté pour la cause des pauvres.