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mardi 25 juillet 2017

Carmen Flamenco d'après Mérimée, Bizet, Louise Doutreligne Festival OFF d'Avignon


Carmen Flamenco : Ana Perez, José luis dominguez, Luis de de la Carrasca, Magali Paliès

Pour ce spectacle Carmen Flamenco, ce n’est pas Carmen que j’ai choisi  (je connais trop le livre et l’opéra ! ) ni le flamenco (je ne connais pas du tout!) c’est le metteur en scène Jean-Luc Paliès et sa complice Louise Doutreligne dont j’ai vu il y a quelques années les inoubliables Dom Juan d’origine et Vita brevis.

Carmen flamenco est un spectacle écrit par Louise Doutreligne à partir de l’histoire de la Carmen de Mérimée et Bizet, mêlant chants lyriques, Cante Jondo et danses Flamenco. Le Cante Jondo ou chant profond en espagnol andalou est un un type de chants anciens à l’origine du Flamenco. C’est du moins la définition simplifiée que j’ai pu trouver sur le net. Un curieux mélange au départ mais qui se complète parfaitement.



Sur scène un beau rideau de scène représente les remparts de Séville, noirs sous un ciel écarlate. Un comédien incarne le personnage principal, José. Il est allongé sur un lit, dans sa prison. C’est le narrateur. Il n’interprète pas le rôle, il est plutôt le passeur car il introduit les personnages et les met en présence tout en déroulant le fil du récit.
L’opéra de Bizet - chanté en espagnol - est étroitement liée au répertoire gitan andalou, la voix du chanteur flamenco, Luis de la Carrasca, et celle de la chanteuse lyrique Magali Paliès offrant un duo réussi. Tous les personnages sont ainsi chantés et/ou dansés par un couple de « bailaores », accompagnés par deux musiciens à la guitare et au piano.
Je n’ai pas eu besoin de connaître  les règles et les principes du Flamenco pour apprécier la virtuosité des danseurs, des musiciens et du chanteur, leur complicité entre eux et la précision de cette danse, la rigueur qu’elle réclame dans chaque geste des mains ou claquement des pieds. Le rythme est fou et endiablé, crescendo, mais reste toujours parfaitement maîtrisé. C’est beau, entraînant, joyeux et sauvage à la fois, et surtout cette mise en scène renouvelle l’opéra, lui apportant quelque chose d’un peu fou, de libéré, qui est dans le caractère de Carmen, la rebelle.
Ici, contrairement à l’opéra, ou du moins aux mises en scène que j’ai vues, Carmen n’apparaît pas comme une femme fatale et mauvaise qui entraîne le pauvre et faible héros dans la déchéance. C’est avant tout une femme libre aussi bien par rapport à la société que sexuellement, par rapport aux hommes. En fait, c’est elle qui est la victime de José dont le caractère violent s’est affirmé bien avant qu’il ne la connaisse. Plusieurs fois meurtrier, il ne supporte pas qu’elle lui échappe.
Un spectacle original, passionné, que je suis heureuse d’avoir vu !


Carmen Flamenco de Louise Doutreligne au Chêne noir
À 22h00
Durée : 1h10
+33 (0)4 90 86 74 87
 Danse-théâtre
Interprète(s) : Luis de la Carrasca, Magali Paliès, Benjamin Penamaria, José Luis Dominguez, Jérôme Boudin-Clauzel, Ana Pérez, Kuky Santiago
Metteur en scène : Jean-Luc Paliès 
Technicien son : A. Dalmasso 
Création lumières : JM Dutriaux

Les bonnes de Genêt mise en scène de Katie Mitchell Festival In d'Avignon


De Meiden d'après les Bonnes de Jean Genêt, mise en scène de Katie Mitchell

J'ai lu et présenté Les Bonnes dans mon blog ICI 
Deux bonnes, Claire et Solange, profitent de l'absence de Madame pour investir sa chambre : Claire enfile une robe de sa maîtresse et devient Madame et Solange joue le rôle de sa soeur cadette Claire. Leur conversation nous apprend par bribes et par recoupements que Claire a accusé Monsieur de malversations par une lettre anonyme. Il est maintenant en prison. Et Solange a cherché à tuer Madame sans avoir le courage d'aller jusqu'au bout. Mais elles reçoivent un coup de téléphone de Monsieur qui est libéré et comprennent qu'il a découvert la vérité et va la révéler à Madame. Elles décident de tuer leur maîtresse en empoisonnant son tilleul. Celle-ci qui a appris la bonne nouvelle part rejoindre son amant en refusant de boire la tisane. Solange et Claire reprennent leur jeu de rôles. Claire redevenue Madame boit le tilleul présenté par Solange-Claire et meurt. Toutes deux ont perdu le sens de la réalité et leur véritable identité. 

La pièce surtitrée est présentée en néerlandais et polonais car Katie Mitchell, metteure en scène anglaise qui vit au Pays-Bas, a voulu transposer l'action de la pièce de Genêt à Amsterdam, dans un milieu bourgeois qui emploie (et exploite) des bonnes immigrées polonaises. Ceci afin de mieux coller à l'actualité. 
Autre transposition qui personnellement me convainc moins, Katie Mitchell fait de Madame un transsexuel. Féministe, elle ne veut pas montrer l'exploitation des femmes par une femme mais par un homme. A la limite ceci me paraît parfois gênant car les séances d'habillage de "Madame"  avec le harnachement spécial pour la transformation d'un homme en femme paraît anecdotique et détourne l'attention du sens de la pièce.

Sur la scène, une chambre à coucher cossu et un dressing bien fourni. Le décor rompt le huis clos par l'aménagement d'un couloir, espace qui permet une échappée vers la cuisine : deux domaines séparés et opposés. La metteure en scène, en effet, met l'accent sur le conflit social, l'exploitation des bonnes, la maltraitance.
 Genêt faisait agir Madame comme une privilégiée un peu sotte, égocentrique voire égoïste, incapable de comprendre les sentiments des  personnes à son service et de ce fait les humiliant sans même s'en rendre compte. Katie Mitchell, elle, met en scène une "Madame", homme brutal, violent, qui humilie physiquement les bonnes, en les frappant et les terrorisant. La Madame de Genêt est "bonne" envers ses "bonnes"; l'auteur joue d'ailleurs sur ces mots. Du coup, l'humiliation est plus subtile et plus perverse finalement que celle imaginée par K. Mitchell. 

La mise en scène propose donc un point de vue auquel je n'ai pas complètement adhéré mais qui se défend même si le spectacle est un peu froid. Mais il faut dire que les monstrueuses bonnes de Genêt ne peuvent pas attirer l'empathie et pour cause !  Ajoutons que les trois comédiens sont excellents.