Toni Morrison : Prix Nobel de Littérature en 1935
Vers 1870, aux États-Unis, près de Cincinnati dans l'Ohio, le petit bourg de Bluestone Road, dresse ses fébriles demeures. L'histoire des lieux se lie au fleuve qui marquait jadis pour les esclaves en fuite la frontière où commençait la liberté. Dans l'une des maisons, quelques phénomènes étranges bouleversent la tranquillité locale : les meubles volent et les miroirs se brisent, tandis que des biscuits secs écrasés s'alignent contre une porte, des gâteaux sortent du four avec l'empreinte inquiétante d'une petite main de bébé. Sethe, la maîtresse de maison est une ancienne esclave. Dix-huit ans auparavant, dans un acte de violence et d'amour maternel, elle a égorgé son enfant pour lui épargner d'être asservi. Depuis, Sethe et ses autres enfants n'ont jamais cessé d'être hantés par la petite fille. L'arrivée d'une inconnue, Beloved, va donner à cette mère hors-la-loi, rongée par le spectre d'un infanticide tragique, l'occasion d'exorciser son passé. (Source Babelio)
Beloved de Toni Morrison est un roman magnifique qui échappe à toute classification. Ce n’est pas à proprement parler un roman réaliste même s’il parle de toutes les humiliations, les tortures, les souffrances de l’esclavage. Les détails sont terribles, crus et sans complaisance. L'horreur des punitions, la brutalité et la violence, la privation de la liberté qui avilissent l'esclave, le ravalent au rang de la bête, forment un leitmotiv incantatoire et douloureux. Mais le style de l’écrivain transcende la souffrance des individus pour en faire un chant de douleur du peuple noir. Le lyrisme de la prose rappelle les gospels et spirituals qui accompagnaient les fugitifs dans leur recherche de la liberté tout au long du chemin de fer clandestin.
Mais, tout en soulignant le destin du peuple noir, Toni Morrison dresse des portraits individuels inoubliables; en particulier ceux de ces femmes fortes auxquels nous nous attachons comme celle de la grand mère Baby Suggs, une femme qui ne semble ne pas pouvoir plier, chef spirituel de toute la communauté mais qui, dans son immense générosité, sera victime de la mesquinerie de ses semblables. Et puis, Sethe, bien sûr, la mère courage, la mère tragique, qui sacrifie ses enfants dans un geste d’amour grandiose et fou pour leur épargner ce qu’elle a vécu. Une mère qui porte le poids du remords et de la culpabilité durant toute sa vie. Enfin, la frêle Denver qui se révèle de la même trempe que ses aïeules et qui représente peut-être l’espoir dans l’avenir. Autour de ces figures centrales gravite tout une foule de personnages qui forment une humanité étonnante parfois dans ses élans de bonté ou de cruauté mais toujours hautement colorée.
Et puis il y a la dimension fantastique du roman, la présence des morts parmi les vivants, ces esprits qui semblent appartenir à des réminiscences des croyances ancestrales africaines, un fantastique qui côtoie le réel. Mais peut-être faut-il voir ce fantôme, Beloved, comme l’incarnation de la souffrance du peuple noir? C'est peut-être pourquoi quand Beloved est enfin chassée et disparaît, l’espoir est à nouveau permis?
Un grand roman qui occupe une place à part dans la production littéraire des Etats-Unis.
Un grand roman qui occupe une place à part dans la production littéraire des Etats-Unis.
Ce roman a été lu dans le cadre du blogoclub de Sylire et Lisa