A la Scala de Provence |
LA SCALA DE PROVENCE : LA PEUR
Présentation du programme du Off
Un univers à la Hitchcock.
Dans les années 50, Irène, mère au
foyer, trompe son mari, Fritz, avocat pénal. Un soir, une femme
l’interpelle à la sortie de chez son amant. Elle prétend être la petite
amie de ce dernier, interdit à Irène de revenir le voir et lui réclame
de l’argent en échange de son silence. Dès lors, Irène vit dans la
hantise que son mari apprenne sa liaison et s’enferme dans le mensonge.
Entre Hallucinations, manipulations, quête de la vérité, cette pièce
nous tient en haleine de bout en bout… jusqu’au dénouement final
saisissant, véritable renversement de situation. Du grand Stefan Zweig !
Mon avis
Non,
ce n'est pas du grand Stefan Zweig ! C'est tout autre chose que Stefan
Zweig ! C'est du Elodie Menant, la metteuse en scène, qui a tiré à soi
l'oeuvre de l'écrivain pour en faire une pièce féministe ! Donc, on peut même dire que c'est tout à l'opposé de la nouvelle et des idées de Stefan Zweig.
En fait, dans la nouvelle, Irène, la femme adultère, est soulagée, heureuse et reconnaissante à son mari quand elle est pardonnée et que le cauchemar se termine. (voir ci-dessous mon billet que je republie). Quand j'ai lu le livre, cela m'a d'ailleurs un peu choquée qu'elle réagisse ainsi et qu'elle accepte ce que son mari lui avait fait ... Je ne développe pas plus pour vous laisser l'effet de surprise du dénouement. Puis, je me suis dit qu'il ne fallait pas juger avec la mentalité de mon époque. En 1920, date de la publication de la nouvelle, une femme de ce milieu ne pouvait penser autrement!
Dans la pièce de théâtre, non seulement Irène n'est pas soulagée mais, encore, elle est révoltée et s'indigne. Elle juge que son mari, aussi, a mal agi envers elle, que les torts sont partagés et que le pardon doit être réciproque. C'est pourquoi Elodie Menant a transposé sa pièce dans les années 50, à l'aube de la timide et très relative indépendance de la femme.
Et
pourquoi pas ? Peut-être est-ce dommage que le personnage du mari soit
plus violent qu'il ne l'est dans la nouvelle. Il n'est pas nécessaire de
le rendre antipathique. Le procédé qu'il emploie pour obtenir l'aveu de
sa femme est déjà assez cruel ! Stefan Zweig est plus subtil dans
l'analyse de ses personnages.
L'interprétation est bonne, la peur, les tourments des personnages sont bien rendus.
Je n'ai pas trop aimé le décor, les murs très hauts de cet appartement, enserrant les personnages, m'ont gênée.
Un pièce intéressante !
PS : Ma
petite-fille (13 ans) s'est ennuyée. Elle dit que les personnages font
beaucoup d'histoires pour pas grand chose ! L'adultère ? Après tout,
une femme a bien le droit d'avoir un autre amoureux si elle ne veut
plus de son mari ! 2023 ! Et oui, nous ne sommes plus en 1920 ni même en
1950 !
- Mise en scène : Elodie Menant
- Interprète(s) : Hélène Degy, Aliocha Itovitch, Ophélie Marsaud, Elodie Menant
- Régisseur : Damien Peray
- Costumière : Cecile Choumiloff
- Créateur lumière : Olivier Drouot
- Constructeur : Olivier Defrocourt
LA SCALA DE PROVENCE
à 19h30
LA PEUR de Stefan Zweig
La peur est une nouvelle de Stefan Zweig dans laquelle l’écrivain analyse les sentiments d’une femme infidèle en butte à un chantage.
Irène
Wagner a un amant, un pianiste de milieu modeste. Un jour qu’elle sort
de chez lui, elle est abordée par une femme d’apparence vulgaire qui lui
reproche de lui avoir pris son amant. Désormais la peur s’empare de la
jeune femme. L’inconnue la suit et la fait chanter, lui extorque de
l’argent. Un jour, elle va jusqu’à s’introduire chez elle en présence de
son mari et ses enfants. La peur devient obsession, vire au cauchemar
dans une sorte de crescendo étouffant malgré les tentatives de son mari
qui s’aperçoit de son trouble et semble prêt à l’écouter. Elle n’ose
plus sortir de chez elle, vit dans l’attente d’une catastrophe, se sent
constamment menacée.
"Elle
se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son
coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude
répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque
douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil;"
Stefan
Zweig analyse les sentiments de cette grande bourgeoise, femme de
magistrat, qui toujours eu une vie protégée et facile. N’est-ce pas par
ennui et non par passion qu’elle a pris un amant ?
"Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure."
Elle prend alors conscience de tout ce qu’elle va perdre si son mari découvre son infidélité : ses enfants, un mari qu’elle aime, une vie aisée… Il se passe peu de choses dans cette nouvelle, tout tient dans l’intensité dramatique que Stefan Zweig a su créer. C’est avec une rare maîtrise qu’il analyse la psychologie de ce personnage féminin dont on l’impression qu’il a le pouvoir de pénétrer la conscience et de la mettre à nue devant nous.
Une lecture prenante, d’une telle force et d’une telle acuité que l’on ne peut s'arrêter dans la lecture jusqu’au dénouement. Pourtant celui-ci ne m'a pas surprise car je m’y attendais un peu mais, à mon avis, ce n'est pas ce qui est important.
J’ai lu cette nouvelle parce que je vais assister à la pièce adaptée à la scène au festival d’Avignon le 16 juillet à La Scala de Provence. Je vous dirai ce que j’en pense en temps voulu. Je dois dire que je suis curieuse de voir comment on peut rendre au théâtre cette urgence de la lecture qui s'empare du lecteur et cette profondeur dans l’analyse.