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vendredi 7 mars 2025

Carmen Castillo : Un jour d'octobre à Santiago

Carmen Castillo
 

Carmen Castillo est une écrivaine et cinéaste franco-chilienne, née à Santagio du Chili. Amie de Beatriz, la fille du président Allende, elle a travaillé un temps au ministère des affaires étrangères au palais de la Moneda. Elle a été la compagne de deux dirigeants du MIR, mouvement de la gauche révolutionnaire : Andres Pascal Allende, neveu du président avec qui elle a eu une fille Camila et Miguel Enriquez.

 

Miguel Enriquez, un des chefs du MIR

Dans son livre Un jour d’octobre à Santiago, alors qu’elle est en exil en France, elle raconte comment elle a choisi avec son compagnon de vivre dans la clandestinité et de continuer la lutte armée jusqu’à ce jour du 5 Octobre 1974 ou Miguel est tué et elle gravement blessé lors d’une attaque de la DINA (police militaire du général Pinochet.). 

La première partie de ce récit a pour titre la maison bleue de Santa Fé, là, où elle a vécu pendant un an après le coup d’état et éprouvé malgré le chagrin et la violence, « un bonheur paisible, intense », avec leurs deux petites filles : Camila (qui est la fille de Carmen Castillo et d’Andres Allende) et Javeira (fille d'un premier mariage de Miguel Enriquez). Mais le danger est trop grand, les enfants des révolutionnaires sont torturés pour faire parler les parents, et les deux petites filles sont envoyées en exil via l’ambassade d’Italie pour assurer leur sécurité. Dans un récit où le danger guette à chaque instant, Carmen Castillo, entre retour dans le passé et présent, nous fait vivre le quotidien de la lutte révolutionnaire, l’organisation, les changements de domicile et d’identité, les pièges, les trahisons, les arrestations de leurs amis, la mort, les disparitions, le chagrin et la peur mais aussi la force morale, la résistance, toujours présente, et qui font partie de la vie. Et elle revit comme un film le déroulement de la sinistre journée du coup d'état 11 septembre 1973. Parfois l’écrivaine emploie la troisième personne pour parler d’elle-même comme si elle voulait mettre une distance entre elle et elle-même, tenir à distance ce qu’elle a vécu.

"Dix mois de vie à la maison bleu ciel de Santa Fé. Et tout ce qu’on peut attendre le long d’une vie, je l’ai vécu, là.
Chaque action de nos jours, le moindre geste dans ce lieu, entrepris comme si c’était le dernier. Et c’était cela simplement notre bonheur.
Pas une compromission, pas une légèreté, pas une défaillance à réaménager le lendemain, on n’avait pas le temps."


La seconde partie La maison José Domingo Canas est une plongée dans l’horreur. Il s’agit de la prison où les révolutionnaires  sont torturés et maintenus en vie le plus longtemps possible afin d’obtenir des aveux. Il y a les amis, membres du MIR, El Chico qui résistera à la torture jusqu’à la mort, Luisa, Amélia, Jaime, Carolina … Une solidarité étroite les unit qui étonne même leurs gardiens. Il y a aussi la Flaca Alexandra qui a cédé sous les tortures, dénonce ses amis et collabore avec les ennemis. 

Mais malgré les détours tout nous ramène au but de ce récit : « Je me dois de refaire, à mes risques et périls, l’interminable et si court enchaînement qui mena au samedi 5 Octobre » quand la police prend d’assaut la maison bleue, Miguel tué en combattant, elle gravement blessée et enceinte conduite à l’hôpital. Et puis, face à la pression internationale, elle est libérée  et expédiée en exil, son bébé meurt peu de temps après.

Enfin la troisième partie La rue Claude-Bernard  où est situé l’appartement dans laquelle elle est hébergée à Paris, elle et d’autres exilés comme Simon, le frère de Miguel.

 

Laura, députée socialiste, soeur du président Allende

Elle va revoir sa fille Camila hébergée chez son père Andrès à la Havane où la famille s’est réfugiée. Javiera, elle, est au Mexique. A Cuba, elle rencontre aussi Laura Allende, la grand-mère de Camila, mère d’Andres, la soeur du président Allende, un beau personnage plein de force, de grandeur, de résilience. Laura Allende raconte l'enterrement de son frère.

"Le cimetière à Viña del Mar. Les quatre proches familiers et des marins en grand nombre. Laurica cueille une petite fleur jaune, une primevère, dans l'herbe qui entoure la sépulture. Elle la met sur le cercueil. La fleur tombe au fond de la fosse. Les soldats ricanent. Laurita s'exclame : Vous devriez avoir honte !... honte d'enterrer ainsi le président du Chili !... Et après un silence, lentement : Ce n'est pas cela l'important... quoi que vous fassiez, le peuple chilien ne l'oublie ni ne l'oubliera.

Elle n'a pas fini ces mots que le fossoyeur saute dans la fosse, ramasse la fleur jaune et la remet sur le cercueil. Personne ne bouge."

Carmen s’apprivoise à la vie en France au point que lorsqu’elle sera à nouveau autorisée à revenir au Chili, elle ne reconnaît plus son pays, la vie a  continué là-bas sans elle. Mais elle ne cesse pas de poursuivre son but, son devoir de mémoire, demandant à tous ceux qui souhaitent lui répondre : Où étais-tu le 5 Octobre ?

 

 


 

Challenge chilien chez Je Lis Je blogue

mercredi 5 mars 2025

Kapka Kassabova : Elixir dans la vallée à la fin des temps


 

Kapka Kassabova avec Elixir dans la vallée à la fin des temps nous emmène en Bulgarie, dans les montagnes des Rhodopes, au coeur de la vallée où coule le Mesta et où vivent les Pomaks, ce peuple enraciné dans la terre, musulman mais non turcophones. Le pays des 742 plantes médicinales. Dans ces paysages encore sauvages malgré l’exploitation intensive qui eut lieu pendant la période communiste, tout paraît connecté, les sommets, les gens et les plantes si bien que l’on y sent quelque chose de « l’ancien temps »

"La Bulgarie, comme je l'ai découvert, est un des premiers pays exportateurs de plantes médicinales et culinaires. Nombre d'entre elles sont toujours récoltées dans la nature, et le bassin de la Mesta est une plaque tournante dans ce secteur du fait de sa richesse écologique : trois chaînes de montagnes, une superposition de plusieurs microclimats, le tout quasiment épargné par l'industrie. Et même par la mécanisation ou la modernité jusque dans les années 1950. L'Etat communiste exploita ensuite la vallée au maximum ".

Dans cet ouvrage, Kapaka Kassabova, écrivain bulgare, installée en Ecosse, part à la recherche de son enfance, des souvenirs de sa grand-mère qui l’a initiée à la cueillette des plantes et à leur savoir, en quête de cet élixir qui est le titre de son ouvrage et dont la composante essentielle est « l’émerveillement » . Mais ajoute-t-elle  : « C’est à vous de le chercher ». « Tout ce que je sais, c’est que notre Terre le fabrique dans son chaudron, en permanence, partout, et que vous faites partie de la recette insensée ».
Elle entre en contact avec les derniers cueilleurs, détenteurs de ce savoir ancestral : les guérisseuses, magiciennes ou sorcières, ou encore saintes, Stoyna, Vanga qui sont vénérées, mêlant christianisme et paganisme. Rocky est l’ensorceleur, Emin, celui qui murmure à l’oreille des chevaux, Tatie Salé est une charmante sorcière au nez crochu et aux yeux chafouins. Tout le pays baigne dans la magie et l’animisme, ce qui n’empêche pas pourtant une approche réaliste des souffrances du peuple Pomak et des difficultés économiques qu’il continue à éprouver.
Dans ce pays, l’Histoire paraît déposer différentes strates qui se superposent pour former un tout mais l’on peut sentir la présence de chacune de ces périodes en restant attentifs : Qui vit sans la nature oublie. Qui vient en pareil endroit se souvient. »

Nous nous intéresserons ici, en particulier, à la Grèce antique si étroitement liée au Rhodopes dont elle est limitrophe, dans ce pays qui vit naître Orphée et où se trouve la grotte ouvrant sur les Enfers. Les plantes entretiennent avec la mythologie des liens étroits : le pissenlit nourrit Thésée et lui donne la force de s’attaquer au minotaure, l’Iris, déesse de l’arc-en-ciel est l’alchimiste originelle, archétype de la Tempérance, figure ailée munie de deux coupes, l’Atropa belladonne évoque les trois Parques, la première déroule le fil, la deuxième le tisse, la troisième Atropa la coupe…
Mais d’autres époques apparaissent.  Les différentes croyances se mêlent,  les formules rituelles, la magie changent d’époque, la samodiva, la nymphe des bois de ce pays n’a rien de bienveillant et change d’apparence  à sa guise, héritière de  la Grecque Thracé, fille du Dieu Oceanos.

Les Rhodopes : les massifs de Pirin et Rila

C’est ainsi que l’écrivaine nous invite à cette communion avec la nature qui ne peut se faire que par l’écoute et le respect. Tout y est musique. La Nature de Kapka Kassabova est bruissante de vie, de paroles, d’incantations :  les fourmis chantent, les pierres, les fleurs, les arbres parlent, révèlent leurs secrets à ceux qui savent les écouter.
La montagne jouait ses variations pour nous. Le Pirin était un conteur virtuose, avec ses fleuves, ses sources, sa palette de verts, ses ruines et ses fantômes.

 La rumeur de la forêt sans cesse en mouvement est « un pas de danse du soleil sur la mousse », les astres appellent, l’arbre sacré, le chinar, vibre, le géranium confie ses pouvoirs à la guérisseuse Vanga « Je sers à calmer les nerfs. Faites-le savoir autour de vous, il me dit. »  Rocky l’Ensorceleur lui confie «  Toutes les plantes sont amour. Mais tu dois apprendre à parler leur langue. Voilà c’est tout pour cette fois. J’espère que ce n’est pas trop tard. ».

Outre la connaissance des plantes médicales, Elixir est un hymne à la nature, un panier de goûts et de saveurs, un enchantement des yeux et des oreilles,  un appel à tous les sens, à la vie. Et j'aime ce style poétique !

La lune semblait pétrie de beurre baratté. Je sentais la sève monter dans les pins, comme le sang afflue vers l'épiderme. Aux phases de pleine lune, tout ce qui est là est doublement là.

« Mon dos absorbait la chaleur du sol et je me muais en ver de terre. Le bruissement de la forêt de haricots verts, l'odeur de résine du tas de bois, le sirop de pin de Zaidé dans le bocal, les hirondelles décrivant en silence des cercles sur les cimes – tout frémissait dans la lumière telle une toile d'araignée, puis volait en éclats à mon réveil, visage brûlé, soleil éclipsé ».

Vanga : « Pas de fleurs coupées surtout, précisait-elle. Elles sont comme des enfants aux mains tranchées… Apportez-moi une plante vivante. »

 

Voir le billet de Miriam Ici 

 

 


 

mardi 25 février 2025

Challenge Bulgarie : Littérature, Histoire, arts.. Qui se joint à moi ?


 

Je pars en voyage en Bulgarie au mois de mai et je commence à lire des livres d'auteurs bulgares fort intéressants.  Qui veut me rejoindre pour découvrir la littérature bulgare ? 

Il s'agit d'une littérature peu connue. Personnellement, je n'avais rien lu jusqu'à maintenant. J'ai commencé avec quelques titres, c'est pourquoi je publierai dès le mois de Mars. Mais la date du début du challenge sera au Mois d'Avril pour vous permettre de trouver des titres.

Donc, à partir du mois de Mars ou Avril jusqu'à la fin septembre, je propose que l'on découvre la littérature bulgare mais aussi l'histoire du pays et les arts, peintures, icônes, fresques, architecture...

Quelques titres pour commencer que j'ai trouvés facilement en médiathèque mais il faut dire qu'il n 'y en pas beaucoup, du moins à Avignon.


Sous le joug de Ivan Vazov :
c'est un grand classique qui raconte le soulèvement des patriotes bulgares contre les Turcs et la répression sanglante qui a suivi en 1876. C'est un livre que j'ai énormément aimé, très agréable à lire, très prenant, à la fois tragique et plein d'humour et qui nous apprend beaucoup sur l'occupation ottomane, les coutumes, les mentalités et l'histoire du pays.. Je vous en parle bientôt. (Lu mais pas commenté.)



 

Je n'ai pas encore lu  Le pays du passé de Gueorgui Gospodinov 

Voir le billet de Fanja qui a beaucoup aimé ICI

 

 

 

 

Elena Alexieva : Le prix Nobel

Le prix Nobel, roman policier, présente la Bulgarie à son entrée dans l'Europe, critique de la corruption du pouvoir, de la mafia, mais aussi du monde de l'édition et réflexion sur l'écriture. (Lu mais pas commenté.)

 

 

 


 Kapka Kassabova  : Elixir 

Sur les plantes médicinales de la montagne des Rhodopes, le pays d'Orphée, un très beau livre sur l'Histoire de la montagne, les traditions de la cueillette ancestrale, la rencontre avec les gens du pays et le pouvoir des plantes. Une vision harmonieuse et poétique de la nature. (Lu mais pas commenté.)

Elixir : voir le billet de Miriam qui l'a beaucoup aimé ICI

Il y a d'autres titres de Kapka Kassabova que je n'ai pas lus : Lisière et l'écho du lac.






Elitza Gueorgieva : Les dévastés Editions des Syrtes

 Voir le billet de Miriam ICI

 

 


 

 Nicolaï Grozni  : Wunderkind

 

 

 

 



 

 Elitza Gueorguieva : Les cosmonautes ne font que passer

 

 

 

 

Livres lus et commentés



                    

Yordan Yolkov mon billet ICI

Yordan Yovkov Soirée étoilée mon billet ICI


 

 

 

Les livres que j'ai commandés 

 Blaga Dimitrova : L'enfant qui venait du Vietnam

 Anton DontchevLes cent frères de Manol. 

Paskov  Victor :  Ballade pour Georg Henig

 Franck Pavloff : Matin brun : un livre pour la jeunesse sur la privation des libertés et les régimes totalitaires, adapté aux enfants. 

 Yordan Raditchkov : Récits de Tcherkaski  reçu, je suis en train de le lire

Yordan Yolkov : nouvelles et légendes du Balkan dont Un compagnon Il s'agit d'une courte nouvelle de 18 pages que j'ai achetée. Je peux l'envoyer en livre voyageur, c'est tout léger.

Angel Wagenstein : Le pentateuque ou les cinq livres d'Isaaac voir Miriam

Livre d'art : Trésors des icônes bulgares 

J'ai trouvé sur Babelio une liste d'écrivains bulgares dont certains sont commentés et qui me paraît assez riche. Elle présente à la fois des auteurs classiques et contemporains. Je vous y renvoie.

https://www.babelio.com/livres-/litterature-bulgare/2655 

Allez voir le blog de Miriam qui est un puits de découvertes sur la Bulgarie : lectures et visite du pays ICI



Logo pour le challenge Bulgarie


mercredi 9 octobre 2024

Grégoire Bouillier : Le syndrome de l’orangerie

 

Le syndrome de l’orangerie de Grégoire Bouillier

Claude Monet ; les nymphéas de l'Orangerie


"J’ai mis du temps à comprendre mes nymphéas. Je les avais plantés pour le plaisir; je les cultivais sans songer à les peindre. Un paysage ne vous imprègne pas en un jour. Et puis, tout d’un coup, j’eus la révélation des fééries de mon étang. Depuis ce temps je n’ai guère eu d’autres modèles." Claude Monet

"Pourquoi des nymphéas ?

 La question est moins stupide qu'elle en a l'air. Car Monet peignit énormément de nymphéas. Quand je dis énormément, je parle d'environ trois cents tableaux, voire cinq cents à en croire Clémenceau, disons quatre cents et n'en parlons plus (quatre cents tableaux ! ). Ce qui représente plus d'un quart de sa production totale. Sans compter tous ceux qu'il détruisit : au bas mot des dizaines et des dizaines... Ce sont quatre cents tableaux pendant trente ans."  Grégory Bouillier

"La mort fardée des couleurs de la vie" Bachelard

 

Claude Monet les nymphéas de l'orangerie

J’avoue que j’ai été d’abord un peu dubitative, n’ayant jamais lu aucun autre livre de Grégoire Bouillier, en abordant Le syndrome de l’orangerie commençant par deux prologues sur la Bmore investigations, l'agence de détectives littéraire de l’enquêteur Baltimore épaulé par son assistante Penny. Référence ? Son  livre précédent Le coeur ne cède pas que je me propose de lire dans un proche avenir maintenant que j’ai lu et apprécié Le syndrome de l’orangerie.

Car dans ce bouquin, Grégory Bouillier, Baltimore, Bmore, (ou quel que soit le nom qu’on lui donne) nous entraîne  à l’orangerie et là…  Plouf ! Splash ! le voilà qui fait un malaise, tourne de l’oeil devant les tableaux de Monet, façon syndrome de Stendhal, mais non pas à cause de la trop grande émotion que procure un spectacle sublime (et pourtant dirais-je !), non, non, à cause de l’horreur qui se cache sous la beauté des fleurs. Et oui, derrière cette magnificence de couleurs, derrière les reflets des nuages dans le miroir de l'étang, dans ce splendide univers inversé, sens dessus dessous, qui nous enchante, (nous qui sommes "normaux"), et bien sachez-le, affirme l'auteur, Monet a planqué bien des  « trucs louches » et "ces peintures puent la mort" ! Qui l’eut cru ? Pas moi, en tout cas, qui, bêtement, n'y voyais que des jolies fleurettes ! Ainsi nous partons avec Grégoire Bmore Bouillier, à la recherche du cadavre (des cadavres ?) qui se cache(nt ?) au fond de l’eau trouble, stagnante, des bassins de Monet.


Claude Monet : la robe verte Camille


Ce qui nous entraîne fort loin, dans la boucherie de la guerre de 14-18, en passant par le camp de concentration d’Auschwitz et le jardin de Giverny, en remontant dans la vie de Monet, son époque, sa famille, ses deux épouses Camille et Alice Hoshedé, ses fils Jean et Michel, sa cécité, mais aussi par des détours vers Edgar Poe, le japonisme et les estampes d’Utagawa Hiroshige, Clémenceau, Tintin et Rackham le Rouge, le professeur Tournesol, Pline l'Ancien, Winston Churchill, le peintre suisse Ferdinand Holder, la Commune de Paris et… et… et j’en passe !

Mais sachez que Grégoire Bouillier s’est maîtrisé (si, si, il avait promis à son éditeur de faire court cette fois-ci, donc pas plus de 426 pages et trois lignes, un record de concision, (paraît-il) et je ne parle pas des parenthèses (et des parenthèses dans les parenthèses ( mais que cachent ces parenthèses ?) )).

Alors fou, Gregory Bouillier ? Alors, là oui, tout fou, bouillonnant même, avec une imagination délirante, on se demande où il va chercher toutes ces idées (lui aussi se le demande !) mais combien passionnant !  Car si vous entrevoyez, derrière la description des nymphéas de Monet, les cadavres que l’écrivain vous avait promis de vous révéler au cours d’une enquête menée tambour battant, ce dernier ne vous laisse jamais le temps de sortir la tête de l’eau (stagnante). Autant dire que l'on ne s'ennuie pas... si l'on en réchappe !


Claude Monet les nymphéas de l'orangerie

Et tout ceci pour vous livrer une analyse très sérieuse, documentée et trépidante de l’oeuvre du peintre et de sa vie et une réflexion sur l'art. Sans compter que vous saurez tout sur la botanique et même la différence entre le nymphéa et le nénuphar ! Et toc !

 Et en plus d’être géniale, cette enquête, elle est drôle car Gregory Bouillier ne manque pas d’humour et vous fait rire ! Passionnant ! vous dis-je ! De plus, inutile de vous demander s’il a raison de voir ce qu’il voit et qu’il nous fait voir sous ces pauvres nymphéas, car de toute façon, maintenant, quand vous irez à l’Orangerie, vous ne pourrez plus voir « la scène du crime » de la même manière !


 Giverny :  sous les Nymphéas ... ?


Le syndrome de l'Orangerie a été préselectionné pour de nombreux prix littéraires.


 

samedi 11 mai 2024

Céleste Albaret : Monsieur Proust, souvenirs recueillis par Georges Belmont

 

Céleste et Odilon Albaret

Céleste Albaret a été la gouvernante de Proust de 1913 à 1922, année de sa mort et a longtemps refusé de publier ses souvenirs. Enfin, quand elle se décide à l’âge de 82 ans, elle confie le travail d’écriture à l'écrivain Georges Belmont, expliquant qu’elle a lu trop de mensonges, trop d’inexactitudes sur Marcel Proust et qu’elle doit à sa mémoire de rétablir la vérité telle qu’elle s’en souvient. 

" Mais aujourd’hui avant de quitter à mon tour ce monde, l’idée qu’il puisse subsister un doute et un mensonge sur tout ce que j’ai vu et qui est la vérité, m’est devenue si intolérable que je voudrais qu’il soit dit, une fois pour toutes que les pages qui vont suivre, notamment, sont l’exacte vérité de ma mémoire, et que j’ai suffisamment réexaminé , contrôlé, vérifié les faits dans mon souvenir pour avoir la certitude de ma fidélité absolue à la réalité de qui fut. C’est un testament que j’écris ici, non pas un témoignage."

Jeune lozérienne, enfant gâtée d’une famille aimante, Cécile est catapultée à Paris après son mariage avec Odilon Albaret. Celui-ci est chauffeur de taxi et a pour client régulier Marcel Proust. C’est lui qui présente Céleste à Marcel Proust car la jeune femme, loin de sa mère, dans cette grande ville inconnue, souffre du mal du pays. C’est ainsi qu’elle entre au service de l’écrivain, d’abord comme courriériste, puis comme gouvernante qui bientôt sait tout de son maître, de sa maladie, de ses besoins, de son traitement, les fumigations, de ses peurs de la poussière, de l’humidité, de tout ce qui peut provoquer l’asthme ou troubler son travail, lui qui fait doubler sa chambre de liège pour éviter le bruit.

 

La période du camélia

 

Si Marcel Proust eut une période mondaine que Céleste appelle « le temps du camélia » (à la boutonnière), qui satisfaisait son goût et son désir d'être connu et reconnu par la noblesse, elle est désormais bien terminée, remarque Céleste. Après la guerre, il travaille au lit, dormant peu et mangeant de même. Il ne sort plus de sa chambre que pour répondre encore à des invitations nécessaires pour nourrir son livre, entamant une lutte contre la mort pour parvenir à écrire le mot fin qui semble parfois impossible à atteindre. Il y a toujours quelque chose à ajouter, des passages à peaufiner.

Voyez-vous Céleste, je veux que dans la littérature, mon oeuvre représente une cathédrale. Voilà pourquoi ce n’est jamais fini. Même bâtie, il faut toujours l’orner d’une chose ou d’une autre, un vitrail, un chapiteau, une petite chapelle qu’on ouvre, avec sa petite statue dans le coin.

C’est Céleste qui a l’idée des " béquets", ces bandes de papier écrites de la main de Proust, qu’elle colle aux endroits où des rajouts sont nécessaires. Elle écrit aussi sous la dictée ou recopie des passages de l’oeuvre. Marcel Proust reçoit peu et c’est Céleste qui est chargé de filtrer les visiteurs. Il faut même qu’elle insiste pour qu’il reçoive Gaston Gallimard quand il vient lui annoncer qu’il a remporté le prix Goncourt pour A l’ombre des Jeunes filles en fleurs ( en concurrence avec Les Croix de bois de Dorgeles). Elle connaît ses amis et les jugements secrets qu’il porte sur chacun d’entre eux. Elle devient, au chevet de son maître, une prisonnière consentante, dormant aussi peu que lui, toujours là pour intervenir à ses moindres désirs, mais le faisant, elle insiste, parce qu’elle le veut bien et qu’elle en retire du bonheur malgré l’épuisement. 

La comtesse de Greffulhe, l'un des modèles de la comtesse de Guermantes

Céleste Albaret parle avec intelligence de l’oeuvre de Marcel Proust qu’elle connaît à la perfection. Ainsi, elle fait connaissance de nombreux personnages qui occupent la scène mondaine de l'époque, soit que Marcel Proust les reçoive chez lui, soit qu'il l'envoie porter des billets chez eux, le baron de Montesquiou, Jacques Rivière directeur de la RNF,  l'actrice Réjane, les Daudet, la mère et ses fils Léon et Lucien, Albert Le Cuziat, tenancier d'un maison pour hommes, la comtesse de Noailles, Reynaldo Hahn, madame Straus, veuve de Georges Bizet et la mère de Jacques Bizet, ami de lycée de Marcel Proust...

Mais aux questions des spécialistes sur les clés des personnages, elle répond :

Quand il me déclarait qu’il voyait son oeuvre comme une cathédrale dans la littérature, cela signifiait qu’il estimait qu’elle resterait debout aussi longtemps que les grandes églises qu’il aimait tant - et alors qu’est-ce que cela pouvait faire que son personnage de la duchesse de Guermantes, par exemple, soit pris pour une part à la comtesse Greffulhe ou pour une autre à Mme Straus - et à la comtesse de Chevigné, et pour le reste à dix autres ? Dans cent ans, quelle importance cela aurait-il qu’on le sache, et qui se souviendrait encore de ces dames ? Mais la duchesse de Guermantes et les autres personnages eux, seraient toujours vivants dans ses livres et devant les yeux des nouvelles générations de lecteurs.

 

Madame Straus  :

Et elle constate quant au sens de son oeuvre  :

"Il y avait un monde qu’il avait connu, toute une société et un mode de vie qui s’effritaient et tombaient peu à peu par pans entiers dans un autre monde qui se refaisait. Il l’avait vu; je suis sûre qu’il avait eu la perspective dès les début. Il avait vu la chute de ce monde, bien avant de la connaître. C’est cela qu’il a voulu décrire, un moraliste, avec tous les ressorts humains, toutes les beautés, mais aussi tous les ridicules. Il était terrible dans ses jugements. Oui, il a prédit la chute- voilà ce qu’il faut lire dans son oeuvre.  Si l’on ne sait pas y lire cela, c’est qu’on n’y a rien compris."

Céleste est enterrée au cimetière de Montfort-l'Amaury aux côtés de son mari et de sa sœur, Marie Gineste, qui fut également pendant quelques années au service de Marcel Proust.

 Comment a été accueilli le "testament" de Céleste Albaret ?  Je lis dans Wikipédia : « Traduit en plusieurs langues, Monsieur Proust connaîtra un grand succès public, mais sera mal accueilli en France par certains critiques, spécialistes de Marcel Proust, qui lui reprocheront d'avoir exagéré son intimité avec l'auteur, ne pouvant admettre qu'il ait passé tant de temps à se confier à « une servante inculte ». »

Je ne sais pas quel imbécile a écrit cette ineptie mais il serait digne de figurer dans un des portraits caricaturaux de Marcel Proust, tant il traduit de sotte suffisance, de snobisme et préjugés de classe. Ce qui témoigne de « l’intimité » de Marcel Proust et de Céleste, par exemple ?  C’est ce poème qu’il a écrit pour elle sous forme de plaisanterie :

"Grande, fine, belle et maigre,
Tantôt lasse, tantôt allègre,
Charmant les princes comme la pègre,
Lançant à Marcel un mot aigre,
Lui rendant pour le miel le vinaigre,
Spirituelle, agile, intègre,
Telle est la nièce de Nègre. »


 et  cette dédicace qu’il écrivit, en mai 1921, sur le feuillet de garde d’un exemplaire réunissant Le Côté de Guermantes II et Sodome et Gomorrhe I :

« À ma chère Céleste, à ma fidèle amie de huit années, mais en réalité si unie à ma pensée que je dirai plus vrai en l’appelant mon amie de toujours, ne pouvant plus imaginer que je ne l’ai pas toujours connue, connaissant son passé d’enfant gâtée dans ses caprices d’aujourd’hui, à Céleste croix de guerre car elle a supporté gothas et berthas, à Céleste qui a supporté la croix de mon humeur à Céleste croix d’honneur. Son ami Marcel. »

Une vraie, une réelle amitié malgré la différence sociale !  Et le résultat est un livre prenant, plein d’émotions, sincère, qui ne tourne pas à l'hagiographie mais est extrêmement positif, on s'en doute !  Et qui nous fait revivre l’écrivain comme nul biographe ne peut le faire, dans les moindres détails de sa vie intime, de ses habitudes, de sa maladie, de sa lutte épuisante pour finir son oeuvre, au plus près de sa création et ceci avec un respect, une admiration, un amour inconditionnels et, ce qui ne gâte rien, une connaissance de l’oeuvre qu’elle a vu naître et à laquelle elle participé à sa façon. 



LC Avec Fanja : Céleste, Bien sûr monsieur Proust

 

samedi 27 avril 2024

Laure Murat : Proust, roman familial

 

 

J’avais beaucoup aimé La maison du docteur Blanche de Laure Murat, aussi ai-je eu envie de lire son Proust, roman familial qui a reçu le prix Médicis de l’essai  2023.

Dire que A la recherche du temps perdu a eu une grande importance dans la vie de Laure Murat est un euphémisme puisqu’elle-même précise en conclusion de son essai  : « A ce titre, il ne serait pas exagéré de dire que Proust m’a sauvée ».
A ce titre ? Elle parle du pouvoir de « dessillement » de Proust qui nous propose des clefs pour comprendre le monde, et, grâce à cette lucidité, se sentir libre. La littérature pour nous ouvrir les yeux, pour nous expliquer le réel, nous le rendre intelligible. La littérature plus réelle que le réel !

Laure Murat est née dans une grande famille aristocratique, héritière par son père de la Noblesse d’Empire et par sa mère de la Noblesse d’Ancien Régime, dont les ancêtres ont servi de modèle à Marcel Proust.
L’éducation donnée par sa mère est avant tout un art du paraître, de montrer par la manière de parler, par l’absence apparente d’émotion, par l'impression d'aisance et de facilité, la supériorité de sa classe sociale. Se démarquer du vulgaire ! Ne pas pleurer afin de ne pas  ressembler à un domestique !  Proust qui a d’abord, par snobisme et idéalisme, été attiré par cette aristocratie finit par bien la connaître et perd peu à peu ses illusions. L’arrière-grand-mère de Laure Murat, Cécile Ney d’Elchingen mariée à 16 ans au prince Murat, « Brutale. Méprisante. Et snob comme un pot de chambre pour tout arranger » résume cela en une phrase  :  « Proust ? ce petit journaliste que je mettais au bout de la table ».
 

Cecile Ney d'Elchingen Giovanni Boldini
 

C’est en lisant La Recherche, en cherchant entre les lignes l’histoire de sa famille que Laure Murat met un nom sur ceux de ses aïeux ou de leurs amis qui ont inspiré les personnages de Marcel Proust. A l’hôtel Murat, l’écrivain rencontre une jeune fille prénommée Oriane de Goyon qui donnera son nom à la duchesse de Guermantes; dans le salon de Madeleine Lemaire (Mme Verdurin) l’écrivain fait connaissance de Robert de Montesquiou ( Charlus) et  c’est là qu’il entend la sonate en ré mineur pour piano de Saint Saens qui  est le modèle de la petite phrase de Vinteuil.
Mais Marcel Proust ne copie pas ses personnages, il les crée, il les assemble par bouts, par strates, il « il établit des passerelles entre personnages inventés et individus ayant existé ». Ainsi un personnage fictif comme Saint Loup peut avoir pour ami un « vrai » personnage comme le duc d’Uzès, la duchesse de Guermantes se dit la nièce d’une Mademoiselle d’Uzès, qui n’est autre que la propre tante de Laure Murat.

 

Le comte de Montesquiou par G. Baldini

Mais c’est aussi en lisant Proust que Laure Murat met un nom sur la vacuité, le vide de ces existences, la prétention de ces nobles qui sont toujours en représentation, comme sur une scène de théâtre, personnages que Proust décrit souvent comme incultes, grossiers et vulgaires.

« Naître et grandir dans ce milieu signifie donc partir avec un handicap cognitif sérieux, puisqu’il est à peu près impossible, lorsqu’on est élevé depuis l’origine dans ce théâtre qui ne ferme jamais, de faire la différence entre le rôle et la personne, la représentation et le référent, la fiction et la réalité. »

Laure Murat va être amenée à rompre définitivement avec sa famille quand elle refuse de suivre les codes que l’on cherche à lui imposer. Dans son milieu, la femme doit se marier et être mère. Laure Murat fait des études, enseigne à l’université de Los Angeles, ne se marie pas, n’a pas d’enfant et vit avec une femme. Le fait qu’elle soit homosexuelle et surtout qu’elle affirme son choix et veuille le vivre à découvert est inacceptable pour sa mère qui la considère comme une « fille perdue ».  Dans ce milieu où le paraître est ce qui importe, on peut être homosexuel à condition de le taire !  Ne pas respecter l’injonction du silence est impardonnable ! C'est la rupture définitive avec sa mère puis avec toute sa famille. Et c'est violent !
 

 Proust avait bien compris la nécessité du silence et il ne laisse pas de nous montrer toute l'hypocrisie de ce milieu. Mais explique Laure Murat, en mettant au centre de la Recherche, sans le dire, l’homosexualité, il en fait un sujet universel. Il traite ce sujet « entre l’indicible et l’innommable, le tacite et l’explicite… tout le roman procède de cette rhétorique de la monstration et du silence, de la revendication et de l’implicite… Une seule situation est rigoureusement exclue : l’aveu. »
Après lui, le sujet ne pourrait plus jamais être traité comme avant,  écrit Laure Murat : « Une fois « universalisé » le sujet pouvait enfin s’affranchir ». Pourtant, il faudra attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé raye l’homosexualité de la liste des maladies mentales ! 

C'est ainsi que la lecture de A la Recherche du Temps perdu a permis à Laure Murat de mieux comprendre le milieu d'où elle venait, de saisir quelle aliénation elle vivait. Alors qu'elle découvrait que "l'oeuvre de Proust se place tout entière sous le signe libératoire du flux, le flux du temps qui s'écoule, bien sûr, mais d'une continuelle transformation des êtres et des choses", elle prenait conscience  que son milieu, au contraire prônait le conservatisme, l'immobilité, le refus des changements, un terreau complètement infertile!

LC avec Aifelle ICI

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mardi 2 avril 2024

Evelyne Bloch-Dano : Une jeunesse de Marcel Proust


Une jeunesse de Marcel Proust d’Evelyne Bloch-Dano est un ouvrage original par le point de vue choisi pour faire revivre l’enfance de  l’écrivain et des amis de son âge. En effet, c’est par  le biais de ce que l’on a appelé le questionnaire de Proust que l’on pénètre dans la Recherche du temps perdu. Une étude passionnante qui nous apprend beaucoup sur les garçons et surtout sur les filles de la fin du XIX siècle et début du XX siècle. Nous avons l’impression de faire une promenade du côté des jeunes filles en fleurs tout droit sorties du questionnaire. Or, celles-ci, parfois, comme elles nous ressemblent ! Je parle pour celles d’entre nous qui avons fait nos études dans les années 1950/ 1960 ! A cette époque-là on regardait plutôt du côté du début du siècle tout au moins en ce qui concernait l’école - avec des programmes semblables, des lectures et des  sujets de devoir aussi - que de la fin du siècle, du moins jusqu’en 68.*

Marcel Proust, Antoinette Faure et un camarade d'école ( inconnu) : 
Antoinette et Marcel ont à peu près le même âge (14 ans). On voit combien la jeune fille paraît plus mûre que son ami.


L’écrivaine part d’un album anglais appartenant à Antoinette Faure, intitulé Confessions. An album to record thoughts, Feeelings etc., album oublié au fond d’une malle, retrouvé bien des années après par le fils d’Antoinette, et dans lequel on a retrouvé les réponses de Marcel Proust daté au 4 septembre 1887 avec la célèbre réplique à la question : "Votre idée du malheur : être séparé de maman.". C’est à l’occasion des derniers jours de l’exposition maritime internationale au Havre que les amis d’Antoinette se sont réunis chez elle et qu’elle présente  le questionnaire comme un jeu de société.

Antoinette et sa soeur aînée Lucie sont les filles de Félix Faure, négociant havrais, qui deviendra président de la république. Monsieur et madame Faure sont amis avec les parents de Marcel. Celui-ci partageait les jeux d’Antoinette au parc des Champs Elysée à Paris et ils avaient nombre d’amis communs..  
Bien sûr, Marcel n’est pas le seul à qui elle a fait remplir son album ! Evelyne Bloch Dano se propose alors de retrouver tous ceux qui figurent dans ces pages. C’est facile quand les personnes ont signé de leur nom et prénom mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois ne figure qu’un prénom, d’autre fois, pour les garçons surtout, moins nombreux, renâclant peut-être à se livrer à ce genre de divertissement, aucune information sur l’identité. Il faut dire que le questionnaire à l’opposé du journal intime est une manifestation publique et que certains ne s’y prêtent pas avec la même sincérité !

Il faut alors retrouver de qui il s’agit par une minutieuse enquête ! Une quête à la recherche du temps perdu est alors menée par l’écrivaine et se révèle une mine riche et inépuisable de renseignements sur Marcel lui-même, sur la jeunesse de son temps du moins dans les milieux sociaux aisés, à l’exclusion des classes populaires, sur les relations qu’il a entretenues avec ses jeunes amis, et sur la manière dont l’enfance influe sur son oeuvre. Un vrai travail de fourmi ou d’enquêteur  qui ramène à la vie des jeunes gens disparus depuis si longtemps!

Comme les policiers dans les séries télévisées, j’aurais pu afficher sur mon mur des feuillets portant les détails récoltés dans les archives !

Evelyne Bloch-Dano s’appuie aussi sur un second questionnaire plus tardif intitulé Les confidences de Salon qui montre les évolutions mais aussi les constantes de Marcel Proust malgré la différence d’âge entre les deux questionnaires.

1887 : Marcel Proust à 16 ans


Que se propose  Evelyne Bloch-Dano  en menant cette enquête ?

L’intérêt n’est pas seulement documentaire. Je n’oublie pas qu’à l’origine de mon projet il y a cette interrogation  : « le questionnaire de Proust » est toujours présenté et analysé seul. Qu’en est-il quand on compare les réponses de Marcel et ses congénères ? Est-il vraiment si exceptionnel ? Sa singularité saute-t-elle aux yeux ?

L’intérêt n’est pas seulement documentaire mais …  il l’est, bien heureusement, et pour notre plus grand plaisir ! Et je dois dire que c’est l’un des aspects que j’ai adoré. L’on y devine les caractères des filles, Lucie, Antoinette, mais aussi Marie, Juliette, Blanche, Mathilde, Madeleine et d’autres encore… leurs rêves, leurs révoltes (l’une d’entre elles ne veut pas se marier ! l’autre veut faire ce qui lui plaît ! et l’autre se bagarrer !) leurs idées du bonheur, leur conception du malheur, leurs loisirs (l’une aime jouer du piano, les autres « causer » avec leurs amies et beaucoup se plonger dans la rêverie mais c’est un défaut qu’on leur reproche ), leurs goûts littéraires, et pas seulement (l’une, originale, apprécie les sandwiches, les autres le chocolat, le chocolat et encore le chocolat,  beaucoup le vin de Champagne mais peu, le thé !), leurs opinions par rapport à leur pays. En filigrane aussi, même si ce n’est pas le but poursuivi par Evelyne Bloch Dano, on voit se dessiner la condition féminine à cette époque. Toutes ces petites filles intelligentes, audacieuses et cultivées qui ont environ 16 ans au moment où elles répondent seront mariées pour la plupart deux ans après. Elles répondent unanimement quand on leur demande : Qu’aimeriez-vous être si vous n’étiez pas vous-même :  un garçon ! ». Pour les garçons, ce qui domine c’est le ton potache, les plaisanteries un peu lourdes, les vantardises, mais aussi apparaissent leur culture et les valeurs morales qu’ils admirent en cette fin de siècle. Tout cela révèle ce qu’ils sont même s’ils sont moins sincères ! Ce sont tous des enfants marqués par la défaite de 1870 et leurs sentiments patriotiques entretenus dans les familles et à l’école sont vifs.

Quant à Marcel ?  Il est la fois mûr intellectuellement mais encore très enfant. Même à l’âge de 17 ans, il avoue qu’il a pleuré quand sa mère est partie en voyage. Mais ajoute l’auteur,  il est beaucoup plus ambivalent que l’on ne croit. Il a pris conscience que son homosexualité l’expose aux railleries et cruautés des garçons de son âge et à la réprobation de sa famille. Il a compris qu’il faut se montrer discret et qu’il faut composer avec la société. Il va lui falloir s'imposer pour conquérir sa liberté.

"Ses réponses nous montrent un garçon différents des autres. Elles ont confirmé la maturité de sa réflexion, son goût des nuances, sa délicatesse, son besoin de tendresse, son affectivité, son attachement à sa mère et aux valeurs transmises par celle-ci. Il a pris les questions au sérieux contrairement à ses camarades, et fait preuve d’un certain courage car il est toujours plus facile de se cacher derrière l’humour et la dérision ( …) Plusieurs réponses le rapprochent des filles, soit parce qu’il les fréquente davantage, soit parce que ses goûts, hérités de sa mère et de sa grand-mère font vibrer une sensibilité identique."

Marcel Proust a-t-il emprunté à ses ami(e)s et à leurs parents pour créer ses personnages ? C’est aussi la question ! On a souvent chercher les « clefs » qui permettaient de les identifier. Mais  il a  toujours nié s’être inspiré d’une seule source. De même que pour les lieux de son roman, les personnages sont composites, ils ne sont pas fixés une fois pour toute mais ils évoluent. Les jeunes filles en fleurs sont vues d’abord en groupe, une vision floue, en mouvement comme «  une bande de  mouettes qui exécute à pas comptés sur la plage - les retardataires rattrapant les autre en voletant -  une promenade… » .

Cette vision en mouvement, écrit Evelyne Bloch-Dano, où les individualisations se fondent dans l’ensemble, ou bien surgissent pour disparaître au profit d’une autre, me rappelle le moment où, feuilletant pour la première fois l’album d’Antoinette, j’avais conscience de la succession des écritures et des couleurs, sans parvenir à m’arrêter à une page, la lisant parfois et l’oubliant aussitôt. »

Un essai passionnant, très agréable à lire et qui nous apprend beaucoup sur la société bourgeoise de cette époque et sur Marcel Proust.




Je rappelle les lectures communes sur Marcel Proust ici


LC Du côté de chez Swann pour le 15 Mai  Miriam Claudialucia

 

LC : Laure Murat : Proust roman familial pour le 25 Avril  :  Aifelle   Claudialucia

 

LC :  Monsieur Proust souvenirs de Céleste Albaret  OU/ET Céleste Bien sûr Monsieur Proust de Chloé Cruchaudet BD 1 et 2  On peut choisir de lire l'un ou l'autre ou les deux.   

Pour le 28 Avril  : Fanja   claudialucia

 


Voici ICI les titres de livres à lire autour de Marcel Proust


Pour ceux et celles qui ont déjà lu La Recherche et qui veulent nous accompagner et pour tous ceux qui veulent approfondir leur lecture, nous  présentons aussi une liste non exhaustive de livres à lire autour de Marcel Proust et il y en a pour tous les goûts. On les lit quand on a a envie, au rythme que l’on préfère. Et là aussi vous mettez un lien et le logo en direction de vos blogs. Nous proposerons de temps en temps une récapitulation  de vos participations.

Proust roman familial Laure Murat  Editions Laffont

Une saison  avec Marcel Proust de René Peter  Editions Gallimard

Une jeunesse de Marcel Proust de Evelyne Bloch-Dano  Editions Stock

Un été avec Marcel Proust  de Antoine Compagnon...  Editions des Equateurs

Le Proustographe Proust à la recherche du temps perdu en infographie de Nicolas Ragonneau  Editions Denoël

Le grand monde de Proust Dictionnaire des personnages de la Recherche du temps perdu de Mathilde Brézet  Editions Grasset

Monsieur Proust souvenirs de Céleste Albaret   Editions Laffont

Céleste Bien sûr Monsieur Proust de Chloé Cruchaudet  BD 1 et 2  Editions Noctambule

A la recherche du temps perdu de Stéphane Heuet BD tome 1 à 8

Comment Proust peut changer votre vie de Alain de Botton

A la lecture de Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet

L’herbier de Marcel Proust  de Dane Mc Dowell   Editions Flammarion
Claudialucia ICI

Le manteau de Proust Lorenza Foscini  Editions Quai Voltaire
claudialucia ICI

Les enquêtes de Marcel Proust : Pierre-Yves Le Prince  Editions Gallimard
claudialucia ICI

La madeleine et le savant Balade proustienne du côté de la psychologie cognitive André Didierjan  Editions Seuil
keisha ICI
claudialucia ICI

Un humour de Proust avec Denis Podalydès et  Jean-Philippe Collard  concert-lecture sur scène
Claudialucia ICI

 La petite cloche au son grêle  Paul Vacca :  ( à propos de Marcel Proust) roman Livre de poche
claudialucia

A la recherche de Robert Proust  Diane Margerie  Editions Flammarion
claudialucia ICI

Le musée imaginaire de Marcel Proust  Tous les tableaux de A la recherche du temps perdu  Eric Karpeles
keisha ICI  Editions Gallimard

Proust et les autres  Proust à Cabourg, Proust et son père, Proust et Céleste  Christian Péchenard   Editions La petite vermillon 

keisha ICI

Proust contre La déchéance de Joseph Czapski  Editions Noir sur blanc

Nathalie ICI
keisha ICI

Dictionnaire amoureux de Proust  Jean-Paul et Raphaël Enthoven  Editions Grasset
keisha ICI

Chercher Proust Michaël Uras  Livre de poche

keisha ICI 


Une autre Proustolâtre, Nathalie qui dédie son blog à Marcel Proust et Mark Twain

 Lire l'introduction à la Recherche du temps perdu  de Nathalie dans son blog Chez Mark et Marcel

  Il vous faut lire aussi la présentation de La Recherche du Temps perdu relu par Nathalie dans son blog Chez Mark et Marcel ICI





samedi 23 mars 2024

challenge Marcel Proust chez Miriam et Claudialucia


 

Il est toujours temps de lire Proust ! Personnellement,  je me suis "initiée" à Proust quand j’étais au lycée; je n’ai pas aimé et j’en suis restée là ! Enfin pas vraiment ! J’ai essayé d’entrer par la petite porte, en lisant beaucoup autour de Proust et de larges extraits.

Mais peut-on rester en dehors toute sa vie de ce monument de la littérature française quand on aime comme nous l’aimons tous la lecture, amis blogueurs ? Certes, Proust intimide mais les incursions que nous  avons faites dans ses oeuvres nous ont bien persuadées qu’il n’est pas rébarbatif et même qu’il a beaucoup d’humour.

Si vous ne faites pas partie des CQLD : de Ceux Qui Le Détestent  : - Anatole France : « la vie est trop courte et Proust, trop long »- , rejoignez-nous : Miriam dans son blog Carnet de voyage et notes de lecture et Claudialucia dans Ma Librairie.


La  recherche du temps perdu


Donc, il  est toujours temps de lire Proust ! C’est en partant de cette affirmation que nous vous proposons un défi : lire  A la recherche du temps perdu du premier au dernier volume.


A partir du mois d’Avril 2024,  lançons-nous dans la lecture des sept volumes de Marcel Proust dans l’ordre :


1) Du côté de chez Swann
2) A l’ombre des jeunes filles en fleurs
3)Le côté de Guermantes
4)Sodome et Gomorrhe
5) La prisonnière
6) Albertine disparue
7) Le Temps retrouvé

 Taloidu ciné propose  aussi: la lecture d'autres oeuvres de Proust : Jean Santeuil/ Pastiches et mélanges

 et on peut y ajouter tous les films sur l'oeuvre et la vie de Proust


Si j’en crois Keisha, La Proustolâtre, il faut se donner une décennie pour les lire et recommencer ! Bon, on va y arriver un peu plus vite, j’espère ! Mais sans pression !

Du coup nous ne mettons pas de date pour clore  notre défi. L’important est de participer au moment où l’on en a envie et d’arriver au bout.

On peut s’inscrire pour cette lecture commune ou préférer la faire en solitaire car il n'est pas question que cela devienne un marathon et chacun pourra choisir de rejoindre la LC ou de lire à son rythme.

LC Du côté de chez Swann pour le 15 Mai  Miriam Claudialucia

 

LC : Laure Murat : Proust roman familial pour le 25 Avril  :  Aifelle   Claudialucia

 

LC :  Monsieur Proust souvenirs de Céleste Albaret  OU/ET Céleste Bien sûr Monsieur Proust de Chloé Cruchaudet BD 1 et 2  On peut choisir de lire l'un ou l'autre ou les deux.   

Pour le 28 Avril  : Fanja   claudialucia

 

Je propose aussi une LC sur un livre que je suis en train de lire et que je trouve passionnant :  Evelyne Bloch-Dano : Une jeunesse de Proust LC 

Vers mi-Avril ??  date à préciser avec les intéressé(e)s.


 Dites-nous quand vous publiez votre billet en mettant un lien dans le blog de Miriam et ici chez Claudialucia.


Les livres autour de Marcel Proust
 



Pour ceux et celles qui ont déjà lu La Recherche et qui veulent nous accompagner et pour tous ceux qui veulent approfondir leur lecture, nous  présentons aussi une liste non exhaustive de livres à lire autour de Marcel Proust et il y en a pour tous les goûts. On les lit quand on a a envie, au rythme que l’on préfère. Et là aussi vous mettez un lien et le logo en direction de vos blogs. Nous proposerons de temps en temps une récapitulation  de vos participations.

Proust roman familial Laure Murat  Editions Laffont

Une saison  avec Marcel Proust de René Peter  Editions Gallimard

Une jeunesse de Marcel Proust de Evelyne Bloch-Dano  Editions Stock

Un été avec Marcel Proust  de Antoine Compagnon...  Editions des Equateurs

Le Proustographe Proust à la recherche du temps perdu en infographie de Nicolas Ragonneau  Editions Denoël

Le grand monde de Proust Dictionnaire des personnages de la Recherche du temps perdu de Mathilde Brézet  Editions Grasset

Monsieur Proust souvenirs de Céleste Albaret   Editions Laffont

Céleste Bien sûr Monsieur Proust de Chloé Cruchaudet  BD 1 et 2  Editions Noctambule

A la recherche du temps perdu de Stéphane Heuet BD tome 1 à 8

Comment Proust peut changer votre vie de Alain de Botton

A la lecture de Véronique Aubouy et Mathieu Riboulet

 
L’herbier de Marcel Proust  de Dane Mc Dowell   Editions Flammarion
Claudialucia ICI

Le manteau de Proust Lorenza Foscini  Editions Quai Voltaire
claudialucia ICI

Les enquêtes de Marcel Proust : Pierre-Yves Le Prince  Editions Gallimard
claudialucia ICI

La madeleine et le savant Balade proustienne du côté de la psychologie cognitive André Didierjan  Editions Seuil
keisha ICI
claudialucia ICI

Un humour de Proust avec Denis Podalydès et  Jean-Philippe Collard  concert-lecture sur scène
Claudialucia ICI

 La petite cloche au son grêle  Paul Vacca :  ( à propos de Marcel Proust) roman Livre de poche
claudialucia

A la recherche de Robert Proust  Diane Margerie  Editions Flammarion
claudialucia ICI

Le musée imaginaire de Marcel Proust  Tous les tableaux de A la recherche du temps perdu  Eric Karpeles
keisha ICI  Editions Gallimard

Proust et les autres  Proust à Cabourg, Proust et son père, Proust et Céleste  Christian Péchenard   Editions La petite vermillon 

keisha ICI

Proust contre La déchéance de Joseph Czapski  Editions Noir sur blanc

Nathalie ICI
keisha ICI

Dictionnaire amoureux de Proust  Jean-Paul et Raphaël Enthoven  Editions Grasset
keisha ICI

Chercher Proust Michaël Uras  Livre de poche
keisha ICI 

Une autre Proustolâtre, Nathalie qui dédie son blog à Marcel Proust et Mark Twain

 Lire l'introduction à la Recherche du temps perdu  de Nathalie dans son blog Chez Mark et Marcel

  Il vous faut lire aussi la présentation de La Recherche du Temps perdu relu par Nathalie dans son blog Chez Mark et Marcel ICI


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