Je
viens de lire le roman de l'écrivaine canadienne, Annabel Lyon, intitulé : Aristote, mon père. C'est la suite, -
même si l'on peut le lire indépendamment- , de Le juste milieu où l'on
rencontre déjà Aristote, sa fille Pythias et sa concubine Herpyllis. Mais je
n'ai pas lu ce dernier et voilà qui répond un peu à une première frustration :
j'aurais aimé que le roman approfondisse le portrait d' Aristote et et développe sa philosophie mais.. cela a dû être fait dans
le roman précédent.
En
fait, Aristote, mon père, raconte la
fin de vie du philosophe et comme le titre l'indique donne la place primordiale
à sa fille Pythias dite Pytho.
L'auteure
a pris pour point de départ un passage du testament d'Aristote qui concerne sa
fille : Lorsque ma fille aura l'âge
requis, on la donnera en mariage à Nicanor. Mais à la mort d'Aristote, qu'adviendra-t-il
de Pythias si Nicanor, son cousin parti à la guerre, ne revient pas?
Aristote,
macédonien, qui a été le professeur d'Alexandre, vit à Athènes où il a créé son
école Le Lycée. Il jouit d'une grande
renommée, réunit tous les grands esprits de la ville chez lui et se
préoccupe de l'instruction de sa fille Pythias. Celle-ci est intelligente,
curieuse, a soif d'apprendre et se révèle une élève brillante qui connaît toute
l'oeuvre de son père et est capable de tenir tête dans les discussions aux plus
grands savants. Mais elle est de sexe féminin et la société grecque voit d'un
mauvais oeil une fille accéder au savoir.
Quand celle-ci devient femme, le père adopte un lointain cousin, Jason,
surnommé Myrmex, "petite fourmi", qui lui a été envoyé par la
famille. Sans jamais cessé d'aimer Pytho, il va l'écarter des études et
reporter son attention sur le garçon..
Cependant
les Athéniens, vaincus par Alexandre et plein de rancoeur contre les
Macédoniens, le considéreront toujours comme un étranger, lui et sa famille.
Aussi à la mort de l'empereur, Aristote est obligé de quitter la ville sous les
huées et les jets de pierres des Athéniens. C'est l'exil qui se terminera par
la mort d'Aristote et c'est aussi la fin
de la première partie. Les deux autres
parties sont consacrées aux épreuves subies par Pythias, laissée seule, sans
argent, dans un univers hostile aux femmes où, en l'absence de mariage, elle ne
peut emprunter que trois voies : Prêtresse, sage femme et prostituée. Je vous
laisse découvrir ce qu'il advient d'elle.
Disons
tout de suite que mon avis est mitigé sur ce roman.
La première partie, à Athènes, celle de l'accession de Pytho au
savoir m'a intéressée. j'aurais aimé, cependant, plus de détails sur les
méthodes pédagogiques d'Aristote et sur ce qu'il enseignait, j'aurais voulu que
l'érudition de Pythias soit plus apparente moins anecdotique même si les
embryons d'idées qu'elle présente sont intéressants :
- J'ai appris des choses sur le changement
dans l'espace, le temps, la substance. J'ai appris des choses sur le mouvement.
J'ai appris des choses sur l'être éternel et parfait, celui que papa appelle le
moteur immobile
- Sur Dieu, intervient Krios.
-Sur Dieu comme nécessité métaphysique,
dis-je. Lointain, détaché, perdu dans la contemplation
-Vous l'avez vraiment encouragée à s'épanouir
dit Krios à mon père
- Ca commence à devenir un problème,
rétorque papa.
Mais
l'auteure décrit bien la civilisation grecque. Elle nous fait part de nombreux
détails qui nous éclairent sur les rites religieux et funèbres, sur la vie
quotidienne, le marché, la nourriture, sur la condition féminine, les règles,
le mariage et surtout elle essaie avec succès de faire revivre les mentalités. Elle
décrit la place qu'occupe la femme dans la société et son infériorité déclarée
par rapport aux hommes.n Ainsi, on
voit comment Herpyllis, la concubine d'Aristote, qui lui a donné un fils
Nicomaque, n'est pas reconnue et conserve son statut de servante, d'inférieure,
non aux yeux d'Aristote, mais de la bonne société. On comprend alors combien,
malgré ses limites, Aristote était un homme éclairé et ouvert pour l'époque.
j'ai
pourtant moins apprécié les deux autres parties du roman sur les tribulations
de Pythias après la mort de son père. D'abord qu'est devenue son érudition? En
quoi la fille d'Aristote est-elle différente de n'importe quelle jeune fille
tombée dans l'indigence? L'histoire m'a paru alors décousue tant au point de
vue du style que du récit, rapide et parfois peu convaincante. De plus je ne
comprends pas Pytho, Mirmex est très antipahique et sa psychologie est à peine
esquissée. Les autres personnages, Herpillys,
Nicomar, les esclaves disparaissent. Et je n'ai eu aucune empathie
envers ceux qui restaient. J'ai donc été déçue par cet aspect du roman.
En
résumé, le livre présente des moments intéressants qui sont liés à la vision historique
que nous donne l'auteure mais j'ai moins adhéré à l'aspect fictionnel et l'analyse
des personnages m'a paru insuffisante..
Merci à la librairie dialogues et aux Editions Quai Voltaire