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lundi 28 juillet 2014

Festival d'Avignon 2014 : Bilan dans le IN (1) Le prince de Hombourg de Kleist-Corsetti/The Humans d' Alexander Singh/ Orlando ou l'impatience d' Olivier Py

La cour d'Honneur du palais des papes d'Avignon

Difficile de "faire" le festival d'Avignon et d'écrire en même temps sur ce que je vois! La preuve c'est que j'ai pris un retard que je n'ai pu rattraper. Comment rendre compte, en effet, au fur et à mesure, des 8 pièces du In, des 15 du OFF et des 12 pièces pour enfants auxquelles j'ai assisté pendant ces trois semaines, au total 35 spectacles?
35 spectacles de différentes nationalités puisque entre le off et le in,  j'ai vu, en plus des français, des spectacles en japonais, chinois, portugais (Brésil), italien, anglais, congolais, maori. Comme je veux en garder le souvenir, quitte plus tard à y revenir pour les approfondir, je vais livrer ici un rapide bilan. Je commence par le IN dans l'ordre où j'ai vu les spectacles


Le prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Sergio Barberio Corsetti que j'ai eu le temps de commenter ICI. je cite parce que je suis tout à fait en accord avec ce qu'il dit, Philippe Lançon, journaliste de Libération :
La mise en scène de Corsetti n’arrange rien : des uniformes qu’on dirait russes, des acteurs qui valsent maladroitement entre les registres, tantôt ridicules, tantôt pathétiques, semblant ignorer s’ils jouent une farce ou une tragédie. La pièce unit les deux, encore faut-il choisir la tonalité.
«Je crois, écrit Kleist cette année-là, que la basse continue contient les notions essentielles permettant d’expliquer l’art d’écrire.» Aucune basse continue, dans la cour d’honneur. La voix nasillarde et haute perchée de Xavier Gallais, qui joue le prince, semble livrée aux images qui défilent. Ses mains gigotent comme si elles cherchaient à mimer ce qui manque. A la fin, on l’accroche à des cordes à l’aide de mousquetons : c’est un pantin. Marionnette de son propre rêve, de celui des autres ? Kleist ne choisit pas, mais le signifie en creux. Corsetti souligne, émiette et alourdit, par ses images, un texte dont la délicatesse semble lui avoir échappé.

 The Humans d'Alexander Singh auteur et metteur en scène de la pièce nous présente une création de l'humanité absolument délirante. S'inspirant de tout un bric à brac de références allant d'Aristophane à Woody Allen, en passant par Shakespeare, Nietzsche, ayant recours à toutes les techniques, théâtre, danse, mime, et exploitant les registres de l'absurde avec sa chaude lapine Nesquik et son sculpteur apollinien Charles Ray, passant de la farce, du  grotesque à la scatologie, le plasticien et sculpteur, Alexander Singh crée un univers qui n'appartient qu'à lui et laisse pantois. En nous montrant  en direct la création de l'humanité, il prétend poser la question de la liberté humaine  mais nous montre surtout que s'il y a une chose que les dieux ont ratée, c'est bien l'homme! Euh! Dire que j'ai aimé? Je n'irai pas jusque là mais finalement je ne regrette pas d'avoir vu ce spectacle qui le moins que je puisse dire n'est pas... ordinaire!

Avec Coup fatal le chorégraphe Alain Platel crée la surprise en alliant la musique baroque à la musique traditionnelle congolaise. Les 12 musiciens de Kinshasa avec leurs instruments guitare, percussions, balafons et likembé, sous la direction de  Fabrizio Cassol, dansent et chantent sur scène tandis que Serge Kakudji  contre-ténor, nous livre la beauté et la pureté de sa voix en chantant le répertoire baroque.


Orlando ou l'impatience de Olivier Py. Dans cette pièce touffue, dense, trop longue et que l'on aurait bien envie de voir élaguée, Olivier Py nous livre beaucoup de lui-même et par conséquent de nous. Un texte très riche (trop?) et parfois beau, qui touche, émeut, et parfois lasse, fatigue. Il parle de la vie, de la peur de vieillir,  de la recherche du père, de la solitude, de l'amour, de l'homosexualité, du bonheur, de la politique, de la corruption du pouvoir et surtout de son immense amour pour le théâtre. Et comme la vie même est un théâtre, le dispositif du décor est une scène, théâtre dans le théâtre, qui tourne comme notre planète, laissant le temps s'écouler, la répétition sans fin des années, des mêmes recherches, des mêmes échecs...  entre tragédie et comique, tout comme la vie. Enfin, à noter des acteurs excellents et que de plus l'on entend jusqu'au fond de la pièce (comme le souligne non sans humour un des personnages d'Olivier Py) , ce  qui m'a rappelé ma déconvenue lors de la représentation du Prince de Hombourg.)
J'ai acheté le livre pour pouvoir relire la pièce d'Orlando, cela m'a paru indispensable!



 





mercredi 9 juillet 2014

Heinrich Von Kleist : Le prince de Hombourg au festival d'Avignon



source     Le prince de Hombourg à la cour d'Honneur du Palais des Papes

Le Prince de Hombourg de Kleist mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti m'a déçue car  les acteurs, à l'exception du comédien qui interprète l'électeur Palatin, ne m'ont pas paru dominer les difficultés de cette immense scène de la Cour d'Honneur, on les entend à peine et ils paraissent pour la plupart écrasés par la majesté des lieux. Quant au metteur en scène, il  m'a semblé sacrifier le sens à l'esthétique.
Ce spectacle, en effet, utilise la vidéo et la musique pour créer des effets d'une  grande beauté :  superbe instant, celui où le prince monté sur un cheval de lumière se lance fougueusement dans la bataille, la façade du palais des Papes éclaboussée de taches de sang et de traînées de feu qui suggèrent la violence de la guerre. Visions de cauchemar, les masques grotesques dont l'image projetée sur le mur s'anime, menaçante, quand le prince de Hombourg est jugé en cour martiale.. Moment de grâce, arrêt sur l'image, une voix pure s'élève, suspendue, chantant le poème de Verlaine, le ciel est par dessus le toit au-dessus de la prison du prince.

Mais une fois que s'efface cette beauté ponctuelle, j'ai parfois eu l'impression que la recherche esthétique était ce qui importait le plus à Giorgio Barberio Corsetti et qu'il ne répondait pas toujours aux questions que posent la pièce et, en particulier, le personnage du prince de Hombourg.  Il faut dire que celui-ci est complexe. Voilà un héros romantique, prince et fils adoptif de l'électeur Palatin, officier, amoureux de sa cousine, qui est prisonnier des codes d'honneur de sa classe sociale mais ne paraît pas capable de les assumer. Il est en train de dormir, en pleine crise de somnambulisme, quand ses soldats, eux, sont prêts à partir pour la bataille, il rêve lorsqu'on lui donne des instructions militaires. Plus tard, il n'est pas assez discipliné pour dompter son impatience et il se lance à l'assaut de l'armée ennemie sans en avoir reçu l'ordre. Il est à la fois courageux, fougueux, passionné lorsqu'il s'agit de combattre mais se révèle lâche lorsqu'il est condamné à mort pour désobéissance; il est pris d'une peur panique au point qu'il s'humilie, pleure, supplie, renie son amour, ses engagements, pour avoir la vie sauve; l'honneur n'a plus aucun sens pour lui. Mais il est aussi capable de noblesse et après s'être ressaisi, il finit par obéir au code d'honneur de son rang; enfin quand il est gracié… il s'évanouit!  Que de paradoxes, quelle étrange comportement aux antipodes du héros romantique de Victor Hugo, de Hernani par exemple, qui, lui, est "une force qui va"!  On comprend pourquoi les contemporains de Kleist ont crié au scandale : ce héros romantique est plutôt un anti-héros et nous-mêmes, spectateurs, nous nous interrogeons sur l'étrangeté de ce personnage, sur sa ressemblance avec Kleist qui a démissionné de l'armée et s'est donné la mort peu de temps après parution de sa pièce.

Face à ce personnage, on a l'impression que le metteur en scène est hésitant et oscille entre satire et sérieux. Ainsi, pour souligner le caractère rêveur du prince, G. B. Corsetti le fait jouer presque parodiquement, ce qui provoque le rire, comme s'il voulait tourner le personnage en dérision.  Dans la grande scène ou le prince est pris d'une terreur sans nom devant la fosse ouverte qui va être la sienne et refuse la mort, il y a un tel refus de l'émotion que le si beau texte de Kleist est sacrifié, presque murmuré, en partie inaudible, comme si les acteurs se parlaient à eux-mêmes sans se soucier du spectateur.  Le prince finit pas ne plus nous intéresser et l'ennui surgit là où l'on devrait être touché.
 
Je lis dans France -Info  la phrase suivante : "Très clairement, Giorigio Barberio Corsetti s'est affranchi du texte de Kleist écrit en 1810.".  Très franchement, si c'est un compliment, je me demande bien pourquoi car enfin pourquoi choisir de mettre en scène un texte si on n'a pas envie de le mettre en valeur?


Challenge théâtre chez Eimelle