J'ai beaucoup aimé Six personnages en quête d'auteur de Pirandello mis en scène par Stéphan Braunschweig au cloître des Carmes.
Dans l'adaptation qu'il en propose, Stéphane Braunschweig a actualisé la première partie où l'on voit des comédiens répéter une pièce et s'interroger sur la mise en scène. Les questions sur le théâtre soulevées par Pirandello dataient de 1930. A partir des improvisations de ses acteurs, de leurs questionnements sur ce qu'est leur métier de nos jours, Braunschweig a écrit un prologue qui pose les problèmes du théâtre actuel, et s'interroge sur la primauté du texte, la polémique entre "dramatique" et "post-dramatique", la déconstruction, la transversalité entre les arts. J'ai eu l'impression d'une conversation très juste, à bâtons rompus, comme celles que je peux avoir avec ma fille, très favorable, elle, à la conception nouvelle du spectacle théâtral alors que je reste toujours très attachée au théâtre de texte. Mais Stephane Braunschweig a raison, une mise en scène, c'est comme une adaptation littéraire à l'écran, les plus réussies sont celles qui gardent l'esprit de l'auteur mais savent prendre des libertés avec le texte pour mieux le servir. C'est ce qu'il fait dire aux comédiens "on garde l'auteur, mais on ne garde pas forcément le texte." Et c'est ce qu'il fait lui-même et réussit brillamment avec le texte de Pirandello.
Ces propos théoriques sont donc intéressants mais la pièce ne commence vraiment pour moi qu'avec l'arrivée des personnages qui permet de continuer l'interrogation sur le théâtre d'une manière plus vivante et concrète. De plus, elle introduit aussi une histoire que l'on découvre par bribes, d'une manière fragmentaire et progressive, avec un crescendo dramatique qui crée la tension et l'émotion théâtrale. Le jeu et les disputes entre les "vraies" personnages et les acteurs qui les représentent sont à la fois passionnants, pleins d'humour, et posent tous les problèmes du théâtre en particulier de la convention théâtrale. Les personnages veulent retrouver l'univers "réel" qui est le leur alors que le metteur en scène de la pièce et le metteur en scène Stéphane Braunschweig - oui, je sais cela paraît compliqué! Il y a deux metteurs en scène car n'oublions pas qu'il s'agit d'une mise en abyme, du théâtre dans le théâtre! - les metteurs en scène, disais-je, les placent dans un décor stylisé, un scène et un mur nus, blancs, où sont projetées des scènes filmées qui proposent plusieurs versions de la même histoire selon la subjectivité du personnage qui raconte. Les silhouettes qui apparaissent sur cet écran sont démesurées, menaçantes et semblent dominer et enserrer dans leurs griffes les personnages qui se débattent sur scène, fragiles, minuscules, menées par les passions et le destin. D'autre part, il faut ajouter l'auteur que Stéphane Braunschweig convoque devant nous! Celui-ci ainsi que le metteur en scène et ses comédiens sont comiques par leurs réactions et pourtant fort tourmentés lorsqu'ils voient les personnages leur échapper, vivre leur vie propre, tous préoccupés de la tragédie qu'ils vivent et des terribles relations qui existent entre eux, de ces "affreux noeuds de serpents des liens du sang" dont parle Eluard. Et j'avoue que je suis comme eux. L'auteur et le metteur en scène me paraissent dérisoires face à ce que vivent des hommes et ces femmes, ces enfants aussi, je suis prise par la complexité de leurs sentiments, l'horreur de l'histoire. L'émotion naît, le théâtre a atteint son but loin de toute théorisation! La gorge se serre face à l'absolu de la tragédie!
Un excellent spectacle!
Dans l'adaptation qu'il en propose, Stéphane Braunschweig a actualisé la première partie où l'on voit des comédiens répéter une pièce et s'interroger sur la mise en scène. Les questions sur le théâtre soulevées par Pirandello dataient de 1930. A partir des improvisations de ses acteurs, de leurs questionnements sur ce qu'est leur métier de nos jours, Braunschweig a écrit un prologue qui pose les problèmes du théâtre actuel, et s'interroge sur la primauté du texte, la polémique entre "dramatique" et "post-dramatique", la déconstruction, la transversalité entre les arts. J'ai eu l'impression d'une conversation très juste, à bâtons rompus, comme celles que je peux avoir avec ma fille, très favorable, elle, à la conception nouvelle du spectacle théâtral alors que je reste toujours très attachée au théâtre de texte. Mais Stephane Braunschweig a raison, une mise en scène, c'est comme une adaptation littéraire à l'écran, les plus réussies sont celles qui gardent l'esprit de l'auteur mais savent prendre des libertés avec le texte pour mieux le servir. C'est ce qu'il fait dire aux comédiens "on garde l'auteur, mais on ne garde pas forcément le texte." Et c'est ce qu'il fait lui-même et réussit brillamment avec le texte de Pirandello.
Ces propos théoriques sont donc intéressants mais la pièce ne commence vraiment pour moi qu'avec l'arrivée des personnages qui permet de continuer l'interrogation sur le théâtre d'une manière plus vivante et concrète. De plus, elle introduit aussi une histoire que l'on découvre par bribes, d'une manière fragmentaire et progressive, avec un crescendo dramatique qui crée la tension et l'émotion théâtrale. Le jeu et les disputes entre les "vraies" personnages et les acteurs qui les représentent sont à la fois passionnants, pleins d'humour, et posent tous les problèmes du théâtre en particulier de la convention théâtrale. Les personnages veulent retrouver l'univers "réel" qui est le leur alors que le metteur en scène de la pièce et le metteur en scène Stéphane Braunschweig - oui, je sais cela paraît compliqué! Il y a deux metteurs en scène car n'oublions pas qu'il s'agit d'une mise en abyme, du théâtre dans le théâtre! - les metteurs en scène, disais-je, les placent dans un décor stylisé, un scène et un mur nus, blancs, où sont projetées des scènes filmées qui proposent plusieurs versions de la même histoire selon la subjectivité du personnage qui raconte. Les silhouettes qui apparaissent sur cet écran sont démesurées, menaçantes et semblent dominer et enserrer dans leurs griffes les personnages qui se débattent sur scène, fragiles, minuscules, menées par les passions et le destin. D'autre part, il faut ajouter l'auteur que Stéphane Braunschweig convoque devant nous! Celui-ci ainsi que le metteur en scène et ses comédiens sont comiques par leurs réactions et pourtant fort tourmentés lorsqu'ils voient les personnages leur échapper, vivre leur vie propre, tous préoccupés de la tragédie qu'ils vivent et des terribles relations qui existent entre eux, de ces "affreux noeuds de serpents des liens du sang" dont parle Eluard. Et j'avoue que je suis comme eux. L'auteur et le metteur en scène me paraissent dérisoires face à ce que vivent des hommes et ces femmes, ces enfants aussi, je suis prise par la complexité de leurs sentiments, l'horreur de l'histoire. L'émotion naît, le théâtre a atteint son but loin de toute théorisation! La gorge se serre face à l'absolu de la tragédie!
Un excellent spectacle!