Qu'est-ce que la robe noire? C'est celle du machiavélique jésuite, le père Benwell, qui cherche à récupérer une ancienne abbaye qui appartenait jadis à l'église catholique mais confisquée, en son temps, par Henri VIII. Machiavélique, ce jésuite, car après avoir converti le propriétaire de l'abbaye, Lewis Romayne, il place auprès de celui-ci un autre membre de son ordre, Penrose, fervent et sincère mais convaincu d'agir pour le bien de la religion. Le mariage de Lewis avec Stella Eyrecourt et l'arrivée d'un enfant, met en péril le complot du jésuite qui cherche à obtenir un testament en faveur de l'église. Parviendra-t-il à ses fins? Lewis Romeyne sous influence va-t-il déshériter son fils?
Comme d'habitude, Collins fait preuve de talent pour nous conter une histoire noire, autant que la fameuse robe, couleur qui symbolise l'église catholique mais aussi l'âme du jésuite. Il sait créer une ambiance qui tient le lecteur en haleine, faire vivre des personnages torturés et pas seulement le "méchant" père Benwell mais aussi le tourmenté et mystique Lewis Romayne. Il sait décrire à merveille les rapports de domination spirituelle du religieux sur son disciple et montrer comment il exploite la faiblesse psychique du jeune homme dans des buts intéressés. Nous retrouvons ici un thème toujours d'actualité, celui du pouvoir exercé par des "gourous" sur des personnages fragiles et sous influence.
Ceci dit ce livre est loin d'être mon préféré. Il souffre d'être trop démonstratif, ce qui nuit au récit. Collins a une thèse, celle de démontrer l'ineptie et la malhonnêteté de l'église catholique et l'on sent trop le pamphlet dans le roman. C'est tellement gros que cela prête parfois un peu à sourire!
Quant à la vision de la femme dans ce roman! Où est passé, je vous prie de me le dire, le Collins de Mari et femme qui prenait fait et cause pour les femmes en critiquant violemment la législation sur le mariage qui place l'épouse sous la tutelle de son mari et lui ôte tout pouvoir de décision sur sa propre vie? Wilkie Collins se laisse aller à une misogynie de bas étage. Jugez plutôt :
Mais où se trouve la femme qui peut s'associer intimement avec le dur travail cérébral d'un homme qui s'est voué à des recherches intellectuelles absorbantes. Elle peut l'aimer, l'admirer, le servir, croire en lui plus que tout autre homme mais- en dépit d'exceptions qui ne viennent que confirmer la règle- elle n'est pas à sa place lorsqu'elle pénètre dans le cabinet de travail au moment où l'homme a la plume en main."
Il oublie de préciser que l'éducation de la jeune fille maintenue dans l'ignorance et la soumission par sa famille et la loi de la société victorienne, d'une part, et l'impossibilité, d'autre part, d'accéder au savoir détenu par les hommes sont peut-être les causes de cette prétendue infériorité de la femme. Il oublie aussi que même à son époque des écrivaines féminines (des exceptions?) lui tenaient la dragée haute et ne déméritaient pas, bien au contraire, à côté de lui!!