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samedi 20 mars 2021

Olga Tokarczuk : Dieu, le temps, les hommes et les anges

 

Encore un très beau livre d’Olga Tokarczuk, Dieu, le temps, les hommes et les anges. L’écrivaine a ce talent inimitable de nous maintenir entre le réel souvent tragique dans cette tranche du XX siècle qui englobe deux guerres mondiales, et le surnaturel, Anges, Dieu, Ombres des morts, dans lequel il faut accepter de se perdre car il est poésie mais aussi prétexte à une réflexion philosophique. Olga Tokarczuk nous amène donc, comme souvent,  dans une frange indéfinie entre réalité et fantaisie où tout est transcendé par l’écriture :  la violence des combats et des rapports humains, la déportation et le massacre de la population juive dans un décor champêtre, les viols, la bestialité de l’homme (Le mauvais bougre, qui se transforme en animal) ; la grande Histoire se mêle à la petite, amour contrarié, sacrifié au devoir, (Geneviève), amour paternel (Michel et sa fille Misia), misère physique et morale (la Glaneuse), enfance saccagée (Isidor) et dominant le tout, le Temps, le temps qui passe et met à mal, celui contre lequel nul ne peut rien, même pas Dieu.

Le livre est divisé en chapitre, si l’on peut employer ce terme, comme autant de petits récits qui pourtant ne sont pas indépendants comme on pourrait le croire au début, mais se répondent, introduisant des personnages secondaires qui réapparaîtront par la suite, propulsés sur le devant de la scène, devenant à leur tour personnages principaux. Entrées, sorties, côté cour, côté jardin, arrière-scène, coulisses, comme dans un théâtre, celui du Monde tel que le voit Shakespeare.  
Intitulés Le Temps de Geneviève au début de la guerre de 1914, Le temps de la Glaneuse, Le temps des anges gardiens, Le temps d’Isidor…  tous ces récits sont ainsi placés sous le signe du Temps, qui est, fut et sera toujours le grand gagnant de l’histoire. A remarquer aussi que le village se nomme Antan et est situé «  au milieu de l’univers ».

Vierge noire Pologne
 
Dans cette galerie de personnages où se mêlent Dieu, les anges et les humains, les êtres surnaturels ne sont dotés d’aucun pouvoir. Au contraire, Dieu comme les anges assistent, impuissants, à la sauvagerie humaine

Qui suis-je se demande Dieu. Dieu ou homme ? Peut-être l’un et l’autre à la fois ? Peut-être aucun des deux. Ai-je créé les hommes ou les hommes m’ont-ils créé ?  

L’unique instinct conféré aux anges, c’est l’instinct de compassion. Une compassion infinie, lourde comme le firmament.


S’en retournant vers le château Mr Popielski passa devant l’église, se décida à y entrer, aperçut l’icône de la Vierge de Jezkotle, mais aucun Dieu capable de rendre l’espoir au châtelain n’était présent.

Quant à la Vierge de Jeszkotle, elle s’efforce d’exaucer les prières de tous ceux qui s’adressent à elle mais elle a beau ressentir une miséricorde infinie envers l’humanité, elle ne peut rien si celle-ci a cessé de croire au miracle.

Au fond, ce que nous dit ce roman, c’est que les dieux sont morts et que les humains sont abandonnés à eux-mêmes, dans une déréliction absolue. Et si certains êtres humains ont un pouvoir tout en conservant leur humanité, ce sont souvent ceux qui sont mis au ban de la société. Ainsi, la Glaneuse qui accouche toute seule d’un enfant mort, dans la forêt,au cours d'une scène hallucinante, est celle qui soigne, celle qui fait corps avec la nature et en tire sa force. Elle devient capable de voir au-delà de la réalité. Capable de concevoir Dieu non comme immuable mais comme celui « qui se manifeste dans le flux du temps ».

Il faut rouler son regard vers tout ce qui se modifie et se meut, vers ce qui déborde des formes, ce qui ondoie et disparaît : la surface de la mer, les danses du disque solaire, les tremblements de terre, la dérive des continents, la fonte des neiges, et les pérégrinations des icebergs, les fleuves qui coulent vers l’océan, la germination des semences, le vent qui sculpte les montagnes, la maturation du foetus dans le ventre maternel, la décomposition des cadavres dans les tombeaux, le vieillissement des vins, les champignons qui poussent après la pluie.
 

Isidor considéré comme un idiot malgré un esprit toujours en alerte, une conscience tourmentée, représente l’enfance naïve, pure et innocente. C’est le russe Ivan Moukta, matérialiste, qui lui retire ses illusions et lui fait voir un monde sans Dieu, et l’animalité dans la sexualité. Il tue ainsi l’enfance en lui, le laissant désespérément chercher un sens à la vie. Isidor finit par remplacer Dieux par des chiffres : Le temps des quadruplets. Tout est quatre dans la Nature.

Le châtelain Popielski, oscille entre trouver un sens à la vie et se laisser submerger par son non-sens mais c’est le temps qui provoque cette remise en question chez lui, le passage à l’homme mûr, autrement dit l'usure de la jeunesse.

A force de manifester sa puissance, la jeunesse se fatigue. Une nuit, un matin, l’homme franchit la ligne de démarcation, atteint son sommet, esquisse le premier pas de la descente. Survient la question : faut-il descendre fièrement, défier le crépuscule, ou bien tourner son visage vers le passé, s’efforçant de sauver les apparences, prétendre que cette pénombre résulte simplement du fait qu’on a provisoirement éteint la lumière dans la chambre?

Si je devais définir ce roman en quelques mots, je dirai qu’il est très riche (je ne vous ai rendu compte que d’une petite partie de l’oeuvre), douloureux et profondément humain. C’est aussi une réflexion philosophique sur le Temps, la vie et la mort et il nous donne à ressentir une gamme infinie d’émotions. Il correspond aussi à beaucoup de questionnements que l’on se fait quand on atteint un certain âge ou plutôt un âge certain ! Un coup de coeur.

Le temps du moulin à café : de la supériorité des choses

Et si la matière était la seule à pouvoir tenir tête au Temps ? Michel ramène de la guerre un moulin à café qui devient celui de sa fille Misia.

Les gens croient vivre plus intensément que les animaux, les plantes et - à plus forte raison - les choses. Les animaux pressentent que leur vie est plus intense que celle des plantes et des choses. Les plantes rêvent qu’elles vivent plus intensément que les choses. Les choses cependant durent; et cette durée relève plus de la vie que qui que soit d’autre.

A la fin du roman la fille de Misia, Adelka, longtemps après la disparition de son grand père, emporte le moulin avec elle en quittant définitivement la maison familiale. Elle s’installe dans le car :

Elle ouvrit la valise et sortit le moulin à café. Lentement, elle se mit à tourner la manivelle. Dans son rétroviseur, le chauffeur lui jeta un regard étonné.

Peut-être, s’interroge Olga Tokarczuk, nul ne connaît la signification générale d’un moulin. Ils sont là pour moudre. Mais seulement ?
Peut-être le moulin est-il un débris de quelque loi fondamentale de la transformation, une loi dont ce monde-ci ne pourrait se passer sans être tout à fait différent ? Peut-être les moulins à café sont-ils l’axe de la réalité, le pilier autour duquel tout gravite et se développe? Peut-être sont-ils plus importants que le monde des humains ? Peut-être le moulin à café de Misia constitue le pilier central de ce qui se nomme Antan.

 


jeudi 28 janvier 2021

Kiran Millwood Hargrave : Les graciées

 

1617, Vardo, au nord du cercle polaire, en Norvège. Maren Magnusdatter, vingt ans, regarde depuis le village la violente tempête qui s'abat sur la mer. Quarante pêcheurs, dont son frère et son père, gisent sur les rochers en contrebas, noyés. Ce sont les hommes de Vardo qui ont été ainsi décimés, et les femmes vont désormais devoir assurer seules leur survie. Trois ans plus tard, Absalom Cornet débarque d'Ecosse.
Cet homme sinistre y brûlait des sorcières. Il est accompagné de sa jeune épouse norvégienne, Ursa. Enivrée et terrifiée par l'autorité de son mari, elle se lie d'amitié avec Maren et découvre que les femmes peuvent être indépendantes. Absalom, lui, ne voit en Vardo qu'un endroit où Dieu n'a pas sa place, un endroit hanté par un puissant démon. Inspiré de faits réels, Les Graciées captive par sa prose, viscérale et immersive.
Sous la plume de Kiran Millwood Hargrave, ce village de pêcheurs froid et boueux prend vie. (quatrième de couverture )

Le mémorial des Sorcières à Vardo Par  Louise Bourgeois et  Peter Zumthor

La chasse aux sorcières en Norvège et en particulier dans l’île de Vardo au nord du cercle polaire, dans le Finnmark, a réellement existé pendant une grande partie du XVII siècle et non seulement en Norvège où elle a été d’une violence extrême mais dans toute l’Europe. Christian IV, roi du Danemark, dont dépendait la Norvège, voulait que les habitants, en particulier les Samis, abandonnent leurs traditions et leurs rites et se soumettent strictement à la religion protestante. Le roi nomme un ambassadeur écossais, John Cunningham, qui va entreprendre la chasse aux sorcières en s’entourant d’hommes zélés et fanatiques. Absalom Corner, personnage fictif, est l’un d’entre eux. Inquisiteur,  intolérant, intransigeant et misogyne, il traque l’hérésie partout, encourageant les unes et les autres à la délation, semant le trouble dans les esprits ! Le processus est très bien décrit, il est celui de tout pays où s’exerce la tyrannie, et l’angoisse s’installe en même temps que la privation de liberté, l’interdiction de penser, la peur de trop en dire, l’obligation de suivre les offices et de rentrer dans le rang.

Or, les femmes de Vardo qui ont perdu leur mari et qui ont dû assumer le travail des hommes, en particulier la pêche pour pouvoir survivre, vont être des proies faciles et toutes désignées. Outre que certaines se vêtent en homme pour accomplir ces travaux, elles affichent une indépendance suspecte au yeux de l’église en sortant de la bienséance et du rôle qui leur est assigné. Un climat malsain s’installe dans l’île, les accusations tombent et les procès commencent.

Kiran Millwood Hargrave peint avec beaucoup de vérité la vie de ces femmes sur cette île rude, hostile, rongée par les vents, une vie primitive où vivre est une lutte de tous les jours. Les personnages sont intéressants Maren encore toute jeune qui perdu son père et son frère dans le naufrage, sa belle soeur Dannia qui est Sami, Kirsten, trop indépendante, pas assez soumise, pas assez prudente, et puis les autres femmes du village qui vont réagir en fonction de leur caractère, de leurs croyances, de leurs mesquineries et jalousie. L’arrivée Ursa, l’épouse malheureuse de Absalom Cornet, qui détone au milieu de ces pauvres femmes de pêcheur, va introduire un regard neuf sur le drame qui se déroule dans cette île.

Un roman qui a des qualités dans les descriptions, dans les portraits, et qui explore une époque historique terrible ! D’où vient qu’il ne m’a pas laissé entièrement convaincue ? Peut-être est-ce l’histoire d’amour que j’ai trouvé un peu "cucu" et mal venue. Elle arrive à un moment fort et affaiblit le récit. Elle paraît en trop. Peut-être aussi parce que j’ai déjà lu des livres sur le thème de sorcières et sur la Norvège qui décrivent cette période et qui m’ont déjà secouée. Mais c’est surtout, je crois, parce que je suis restée extérieure au récit. Certes, le sort de ces femmes m’a horrifiée mais je les ai regardées sans jamais être avec elles ! Dommage car les blogs se sont enflammés pour ce roman et  moi, et moi, et moi… 

mercredi 17 octobre 2018

Alexandra Lapierre : Artémisia


Alexandra Lapierre quand elle se lance sur les traces d’Artémisia Gentileschi (1593_1654), peintre italienne du XVIIème siècle, va vivre une aventure qui durera des années. S’installant à Rome, ce qui lui permet de retrouver les lieux où Artemisia a habité, l’écrivaine consulte les archives de Rome, d’abord, où est née l’enfant, puis de Florence et Naples, où l’artiste a vécu et a travaillé et de même en Angleterre. 

Artemisia Gentileschi : auto portrait
C’est dans l’atelier de son père Orazio Gentileschi, peintre célèbre, ami de Le Caravage dont il était aussi le disciple que la petite fille a appris à peindre. Aucune femme à cette époque n’aurait pu s’initier au métier autrement que par l’intermédiaire de sa famille. Employée d’abord comme apprentie, broyant et préparant elle-même les couleurs, elle apprend peu à peu les ficelles de son art, la technique, la couleur, et elle révèle très vite un don et une passion précoces, influencée elle aussi par le Caravagisme. Déjà, sa beauté et son talent lui valent des inimitiés auprès des autres apprentis qui font courir des rumeurs malveillantes sur elle et sur ses moeurs.
Si  l’on connaît bien la vie de la jeune peintre, c’est d’abord à cause du viol qu’elle a subi de la part d’un ami de son père que celui-ci lui avait donné pour professeur de dessin, Agostino Tassi, lui-même bon peintre, maître de Claude Lorrain ..
 
Agostino Tassi : autoportrait
Le procès intenté à Agostino par Orazio, fut d’une violence inouïe pour la jeune fille âgée de dix-huit ans, accusée de mensonge, de prostitution, soumise à la torture qui, à l’époque, si l’on ne se rétractait pas sous l’effet de la douleur, était la preuve qu’on disait vrai. Elle tient bon et elle révèle ainsi un caractère bien trempé en décidant de se battre, de s’imposer comme peintre et de vivre de son travail. La rivalité entre les peintres étant alors féroce, il lui faudra beaucoup de talent, de courage, de pugnacité et de… bons protecteurs pour pouvoir réussir.  Dans sa vie privée, elle s’affranchira du mari choisi par son père, aura des amants tout en s’occupant de ses filles et en répondant aux commandes des mécènes. Elle fut la seule femme à être admise à la fameuse Accademia delle Arti del Disegno de Florence, dont furent membres Michel-Ange, Cellini, Vasari, Le Titien ou Le Tintoret.  Une vie exceptionnelle, on s’en doute, pour une femme même si elle n’est pas la seule peintre de son temps.
C’est ce portrait de femme libre et de peintre de talent qu'Alexandre Lapierre a voulu mettre en avant dans ce roman historique très documenté et où nous croisons bien des personnages célèbres. Mais elle axe aussi son roman sur le thème de la rivalité entre les deux artistes, le père et la fille, Orazio et Artemisia, une sorte d’amour-répulsion qui a duré toute leur vie.
Orazio Gentilschi : La joueuse de Luth
L'un des premiers tableaux d'Artemisia représente Suzanne et les vieillards. Déjà, la jeune fille de dix huit ans affirme sa personnalité en prêtant à Suzanne une expression de répulsion et un geste défensif tout à fait neufs et originaux par rapport au sujet traité jusqu’alors par des peintres masculins.

Artemisia Gentileschi : Suzanne et les vieillards (1610)
L’intérêt du livre d'Alexandra Lapierre est donc aussi, bien sûr, l'analyse des oeuvres de l'artiste.

Artemisia Gentleschi : autoportrait en Allégorie de la peinture (1630)
 Dans cet autoportrait, Artemisia se présente en Allégorie de la peinture ainsi que l'attestent les attributs qu'elle porte, la robe en velours vert et le collier en or avec un crâne pour pendentif, symbole du temps qui passe, fugitif et aussi du temps emprisonné par la peinture. Le portrait est original car elle ne se ne peint pas de face comme la plupart des portraits de l'époque mais en action, en train de peindre. Elle est de trois quart, ne regarde pas le spectateur qui l'indiffère, indépendante, concentrée sur sa toile. Il y a ici une volonté d'affirmer son statut de femme libre qui gagne sa vie et qui est fière de son art.

Artemisia Gentileschi : Muse de la peinture
Artemisia Gentileschi : Judith et Holopherne
Les détracteurs d’Artemisia pensent que son talent est surfait et n’aurait pas la force qu’on lui prête. Pour eux, seuls le viol, le procès, ces éléments romanesques qui attirent l'attention sur elle, lui ont donné sa notoriété. Peut-être ses oeuvres n'ont-elles pas toutes la même valeur, je ne sais, mais ceci doit être vrai pour la plupart des peintres. Par contre, ce qui est sûr, c'est que nombre de ces tableaux ont une grande puissance. Bien sûr, il faut aimer la peinture baroque et apprécier à sa juste valeur tout ce que le Caravage a apporté de neuf à la peinture. Dans les scènes qui empruntent au Caravage, avec ses clairs-obscurs, sa mise en scène théâtrale, son réalisme, Artemisia Gentileschi ne copie pas le maître mais impose son point de vue, sa personnalité et sa passion.

Artemisia Gentileschi : Judith et Holopherne (1611_1612)
Son tableau le plus célèbre bref, celui de Judith et Holopherne sur un thème récurrent pour l’époque innove par rapport aux tableaux contemporains sur ce thème. Bien sûr, le fait qu'Artemisia se soit peinte sous les traits de Judith et ait représenté Holopherne sous les traits de son violeur ajoute à l’intérêt que l’on porte au tableau qui devient ainsi une représentation de la vengeance, une sorte de catharsis.  Mais il est certain que la violence et le réalisme de la mise en scène, les sentiments qui émanent de ses personnages prouvent qu’il ne s’agit pas d’une pâle imitation du grand Maître.

Le Caravage : Judith et Holopherne (1598)
Artemisia Gentileschi  : Holopherne et Judith  1620
Le réalisme de la scène du Caravage avec le cou tordu d'Holopherne et le flot de sang qui jaillit avait saisi et horrifié les admirateurs du maître.
Mais si l'on compare les tableaux du Caravage et ceux de Gentileschi sur ce même thème, l'on s'aperçoit que Le Caravage peint Judith comme une femme relativement frêle, qui agit seule, n'a pas besoin de l'aide de sa servante et présente une expression un peu ennuyée voire dégoûtée mais sans passion.
 Alors que la Judith d'Artemisia sait qu'il lui faut de la force pour tuer Holpherne-Agostino, elle l'empoigne vigoureusement, on sent qu'elle pèse sur lui, que tous les muscles de ses bras sont bandés; c'est une maîtresse-femme mais elle a appelé sa servante à la rescousse et  toutes les deux ne sont pas de trop pour parvenir à leur fin. Ce n'est pas un acte facile. Le visage d'Artemisia-Judith est animé d'une farouche détermination, surtout dans le deuxième tableau, et d'un sentiment de vengeance implacable,comme si elle égorgeait un porc et non un homme. Le sang coule sur le drap qui est maculé de grosses traînées rouges et noirâtres.  Une vraie boucherie !

lundi 26 janvier 2015

Donald McCaig : Le voyage de Ruth : la mama d'Autant en emporte le vent

le voyage de Ruth de McCaig : la Mama d'Auntant en emporte le vent aux éditions Laffont
Le voyage de Ruth


Mes filles me connaissent bien. Je leur ai raconté que dans ma prime jeunesse j'avais tellement pleuré en regardant le film Autant en emporte le vent que je m'étais enrhumée! Et je me souviens avoir lu et adoré le roman quand j'étais en troisième. Que celui ou celle qui n'a jamais pleuré au cinéma me jette la première pierre! 
Pas étonnant, alors, que le Père Noël m'ait apporté cette année, dans sa hotte, Le voyage de Ruth : la mama d'Autant en Emporte le vent de Donald MC Graig paru aux éditions Laffont. L'écrivain n'en est pas à son premier essai en ce qui concerne une œuvre inspirée du livre culte de Margaret Mitchell puisqu'il a déjà écrit Le clan de Rhett Butler. Le roman est dédicacé à Hattie Mc Daniel, l'interprète de Mama, première actrice noire à avoir reçu un oscar au cinéma pour un rôle secondaire..

Le récit 

 

Film de Victor Fleming  avec  Vivian Leigh dans le rôle de Scarlett O'Hara :
Scarlett O'Hara : Vivian Leigh
Ruth, petite fille noire échappe au massacre qui a décimé toute sa famille sur l'île de Saint Domingue. Nous sommes en 1804, au moment de la révolte des esclaves contre les colons français. Elle est recueillie par un couple français, Solange et Augustin Fornier, planteurs qui parviennent à fuir l'île pour s'installer au sud des Etats-Unis, à Savannah. Solange prend en affection la petite esclave, - même si elle considère toujours que celle-ci à une valeur marchande en cas de coup dur- et en fait sa demoiselle de compagnie. Plus tard Ruth est rachetée par Jehu dont elle est amoureuse, un noir libre, très bon artisan connu dans tout le sud, qu'elle épouse. Mais celui-ci participe à une rébellion contre les blancs et est pendu. Toujours esclave, Hattie va être séparée de son enfant qui mourra loin d'elle, vendue à nouveau avant de revenir après maintes péripéties chez Solange. Après avoir survécu à la douleur de ces deux deuils, son grand amour et sa fillette, Mama est brisée et refuse d'aimer à nouveau. Elle se consacre à l'éducation de la fille de Solange, Ellen, qui deviendra la mère de Scarlett. Le roman se termine lors de la fameuse réception aux Douze Chênes quand Scarlett rencontre Rhett Butler pour la première fois, quand elle est repoussée par Ashley et qu'elle dit oui par dépit à la demande en mariage de Charles Hamilton, le frère de Mélanie. C'est à la veille de la guerre de Sécession.

 La Mama de Scarlett


film de de Victor Fleming La mama de Scarlett : Hattie MC Daniel
La Mama de Scarlett :  Hattie Mc Daniel

 Dans Autant en emporte le vent, Mama est un personnage important, c'est la nounou de Scarlett. Elle veille sur elle, lui apprend les bonnes manières, est un guide à la fois affectueux, solide et sévère mais parfois dépassée par la jeune récalcitrante. C'est une esclave qui aime ses maîtres, leur est fidèle, et semble ne se poser aucune question sur sa condition. Non seulement elle ne paraît jamais remettre l'esclavage en question mais elle a l'air d'avoir épousé les mœurs des blancs, tant au point de vue religieux qu'au point de vue des bienséances, des conventions et des codes de la société blanche. On la voit de l'extérieur par le regard des autres et elle n'a pas de vie propre, pas d'histoire. Donald Mc Graig va lui en donner une. 

L'idée est séduisante mais... Mais, je le dis tout de suite, le roman n'est pas au niveau de Autant en emporte le vent, il lui manque le souffle qui confine à l'épopée, il lui manque le romantisme flamboyant qui fait de ses personnages des êtres de passion emportés par leurs sentiments et par les tempêtes de l'Histoire. Le voyage de Ruth ne transmet rien de la fougue et de l'impétuosité des personnages et son  rythme est assez lent. J'ai eu du mal d'ailleurs à entrer dans l'histoire au début. J'ai regretté que le personnage de Solange soit si présent qu'il occulte celui de Ruth. Puis peu à peu, je me suis intéressée au récit. J'ai même pris plaisir à découvrir comment MC Graig mettait en place les personnages du best seller de Margaret Mitchell; comment il donnait un passé à Ruth mais aussi à Solange, la grand-mère, à  Ellen, la mère,  à Gérald O'Hara, le père, et enfin à Scarlett que nous connaissons petite fille, bien avant que le roman commence. Peu à peu les personnages prennent du poids et leur caractère s'affirme.

Le point de vue  


Esclaves dans un champ de coton

  Ce qui me paraît le plus réussi est le changement du point de vue, l'histoire se faisant du côté des esclaves. Ce qui évidemment n'était pas le propos de Margaret Mitchell qui écrivait un livre à la gloire du Sud. Dans la troisième partie, Mama devient narratrice, ce qui permet à l'écrivain d'aborder le personnage par l'intérieur, de nous faire découvrir son indépendance de pensée et sa lucidité en ce qui concerne les blancs. Réussi aussi le style pittoresque qui reproduit le parler populaire de Ruth et montre sa sagesse acquise au prix de beaucoup de souffrances.


« Un idiot prétend savoir plus qu'c'qu'il sait. Mama prétend en savoir moins. J'savais c'qu'j'savais et j'l'ai dit à personne. C' que j'suis pas supposée voir, j'ai pas vu, mais c'que j'veux savoir j'sais. Les mamas doivent tout savoir »

Au final, pas d'enthousiasme  pour ce roman mais une lecture agréable.


jeudi 5 janvier 2012

Robert Sylverberg : Le long chemin du retour


Le long chemin du retour de Robert Silverberg nous entraîne dans une lointaine planète, Patrie, dont le peuplement a été le fait de terriens. Sur Patrie cohabitent désormais trois peuples :  les autochtones dont la civilisation est restée intacte et qui n'ont manifesté ni désir d'intégration, ni opposition aux nouveaux colons;  le Peuple qui correspond à une première vague d'immigration venue de Terre dans des temps immémoriaux, et les Maîtres, humains arrivés plus tard, il y a quelques milliers d'années, qui ont conquis la planète avec des moyens technologiques avancés.  Les Maîtres possèdent désormais toutes les terres et exercent le pouvoir en seigneurs tout puissants sur leurs immenses domaines nommés Maisons. Le Peuple travaille les terres en échange de leur protection et des soins qui leur sont prodigués. L'ordre règne. Joseph Keilloran, un adolescent de 15 ans qui appartient à la caste des Maîtres, en est persuadé. Il est pour l'instant en vacances dans la noble Maison des Geften  située à des milliers de kilomètres de celle de son père. La vie est belle, oisive,  promenades, chasses, jeux, danses avec les jeunes amis de son âge qui ont, de plus, une soeur fort jolie! Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Et pourtant, Joseph est réveillé une nuit par des explosions. Bientôt il comprend que le Peuple s'est rebellé contre les Maîtres, la famille Geften est anéantie. Grâce au soutien d'une servante loyaliste, Joseph parvient à s'enfuir, persuadé qu'il obtiendra de l'aide dans un domaine voisin et un avion pour pouvoir rentrer chez lui. Mais il découvre bientôt que toutes les autres Maisons  nobles ont été détruites et qu'il ne peut compter que sur lui-même. Il entreprend alors à pied le long chemin du retour, des milliers de kilomètre à franchir en affrontant de nombreux dangers...

Le livre est un roman d'initiation transposé dans un monde du Futur. Ce long voyage va transformer l'adolescent et bouleverser sa manière de concevoir l'univers qui l'entoure. Il le constate plusieurs fois au cours de ses épreuves, il vieillit prématurément, quitte le monde de l'enfance pour devenir un homme. Il était jusque-là un jeune maître choyé, déchargé de tous soucis matériels, uniquement préoccupé par ses loisirs et ses heures d'étude où il devait apprendre les devoirs de sa charge en tant qu'aîné, héritier de la Maison Keilloran. Il va devoir alors  à échapper à ses ennemis,  souffrir de la faim et du froid, terribles épreuves qui l'amèneront aux portes de la mort. Sa vie n'est plus qu'une question de survie. Sa conception sociale est aussi complètement bouleversée. Il découvre en ethnologue les moeurs et croyances des autochtones et s'étonne qu'ils aient des croyances religieuses et que, contrairement à ce qu'il pensait, les Maîtres ne soient pas placés au centre de leur univers mais considérés comme inexistants. Il est traité d'ailleurs en esclave, devient la propriété de ces indigènes qui exploitent ses connaissances médicales. Leçon philosophique de la relativité de toutes choses et aussi de modestie qui remet chacun à sa juste place sur la planète Patrie. Recueilli par une famille libre du Peuple, Joseph va prendre conscience de l'exploitation que sa caste fait subir aux autres. Cette découverte remet tout en question pour lui.
Je n'ai pas ressenti en lisant le roman la magie, la poésie,  la complexité des univers mythiques de Tolkien, d'Ursula Le Guin ou de Robin Hobb.  Il manque un souffle, une force,  un élan, à la fois dans le style et dans le récit. Mais les thèmes de Le long voyage de retour  qui proposent une réflexion sur notre propre Monde sont intéressants. L'auteur laisse, par ailleurs, libre cours à son imagination en créant des créatures fantastiques dont on ne sait pas trop distinguer ceux qui ont une conscience même primitive de ceux qui ne sont que des animaux.  Autre sujet de réflexion! Tout ceci devrait plaire à des adolescents qui suivront avec  plaisir les aventures de ce  jeune garçon courageux, sa découverte de l'injustice mais aussi de l'amour.



Première participation au Challenge de Aymeline sur Les Mondes imaginaires. Présentation :


Oyez, oyez, blogueurs, blogueuses, Aymeline a décidé d'organiser son premier challenge ! Qu'on se le dise !
 
En espérant ne pas faire doublon avec un autre challenge et sous la pression (amicale) de certaines blogueuses qui du coup devraient s'inscrire, j'ai décidé de faire un challenge centré sur les lieux et mondes imaginaires.
Autre avantage, vous allez me donner de belles idées de lectures.
Enfin, j'ai envie par le biais de ce challenge de vous faire découvrir d'autres mondes et d'autres univers de lecture...
 
Entendons-nous bien d'abord sur ce qu'est un monde imaginaire.
Dans la définition que j'ai choisie pour ce challenge, un monde imaginaire a ceci de particulier qu'il ne fait pas partie de notre monde connu et cartographié. Ainsi, tous les romans dont l'intrigue se déroule sur une autre planète font de fait partie du challenge.
 Voir La suite  ICI

dimanche 12 juin 2011

Charlotte Brontë : Le Professeur


Le Professeur ou la xénophobie et l’intolérance de Charlotte Brontë

Il est des livres qu'il vaudrait mieux ne pas lire! Non seulement parce qu'ils sont mauvais mais parce qu'ils détruisent l'image idéalisée d'un écrivain que l'on a  aimée  depuis l'enfance. Tel est le cas du roman de Charlotte Brontë Le Professeur et je comprends qu'il ait été en son temps refusé par l'éditeur. Mais ce qui m'afflige davantage, c'est de découvrir la personnalité de Charlotte Brontë. Quand on aime un écrivain, on aimerait pouvoir aussi estimer l'homme ou la femme qui est derrière.

L'intrigue?
Un jeune homme de noble condition mais pauvre, William Crimsworth, perd l'appui de ses oncles en refusant d'entrer dans l'église car il ne se sent pas la vocation. Il est donc obligé de gagner sa vie pour vivre. Après un essai raté dans l'entreprise de son frère Edouard qui le traite en subalterne et ne cesse de l'humilier, il décide, sur les conseils d'un ami, monsieur Hundsen, de partir en Belgique. Là, il est engagé comme professeur dans un pensionnat de garçons et de jeunes filles. Cependant les intrigues de la charmante directrice, Mademoiselle Zoraïde Reuter, lui fait perdre son double poste. Pourra-t-il retrouver un travail? Pourra-t-il épouser  Frances, la femme qu'il aime?
Charlotte Brontë fait appel pour écrire ce roman à  sa propre expérience d'enseignante en Angleterre et à Bruxelles où elle est allée perfectionner son français.
J'ai été horrifiée par la xénophobie, l'intolérance, le conformisme et l'étroitesse d'esprit qui  forment le fond de ce roman! Voilà la présentation des élèves du pensionnat belge de William Crimsworth qui les juge selon leur nationalité.

Xénophobie et racisme   
Les jeunes filles :
les flamandes : Derrière elles, deux flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient remarquer cette difformité physique et morale que l'on rencontre si fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le climat est assez insalubre pour amener la dégénérécence de l'esprit et du corps.
Les françaises : Les deux premières ne sortaient pas du commun des mortels, leur physionomie, leur éducation, leur intelligence, leurs pensées, leurs sentiments, tout en elles était ordinaire; Zéphyrine avait un extérieur et des manières plus distinguées que Suzette et Pélagie; mais c'était au fond une franche coquette parisienne, perfide, mercenaire et sans coeur.
L'espagnole : (mi-belge, mi-espagnole) Je suis étonné  qu'en voyant cette jeune fille quelqu'un ait pu consentir à la recevoir sous son toit.  (...) La partie supérieure de son crâne conique  était large et saillante, et le sommet fuyant et déprimé (..) mais la couardise se lisait quelque part sur son visage..
La russe (mi-russe, mi germaine) Quant au moral une ignorance crasse, une inintelligence complète
 les garçons :
Certes, les deux garçons étaient belges et avaient la figure nationale, où l'infériorité intellectuelle est gravée de manière à ne pouvoir s'y méprendre : mais ce n'en était pas moins des hommes...

sentiment de supériorité britannique
Les anglaises  sont nettement au-dessus des autres jeunes filles du pensionnat :
un visage moins régulier que celui des belges, mais plus intelligent, des manières graves et modestes (...) on distinguait du premier coup d'oeil l'élève du protestantisme de l'enfant nourrie au biberon de l'église romaine et livrée aux mains des jésuites.
  
sentiment de supériorité de la classe sociale
 Mais si les anglaises s'en sortent mieux que les autres, elles ne sont pas exemptes de défaut quand elles sont de condition modeste!
et répulsives (plus d'un aurait appliqué cette dernière épithète aux deux ou trois anglaises solitaires, roides, mal habillés et modestes dont j'ai parlé tout à l'heure)..

Intolérance religieuse
Je ne sais rien des arcanes de la religion et je suis loin d'être intolérant en matière religieuse; mais je soupçonne que cette impudicité précoce si frappante et si générale dans les contrées papistes, prend sa source dans la discipline sinon dans les préceptes de l'église romaine. Ces jeunes filles appartenaient aux classes les plus respectables de la société (...) et cependant la masse avait l'esprit complètement dépravé.



la conception de la femme
Le seul domaine où Charlotte Brontë fasse preuve d'ouverture d'esprit et soit en avance sur la société de son temps c'est lorsqu'elle parle du rôle de la femme et de l'épouse.
Frances, la femme idéale  dans Le professeur est douce mais sans faiblesse. Son mari peut avoir de l'influence sur elle mais sans la dominer. Elle est intelligente, curieuse et aime étudier. Elle est prompte à se révolter devant l'injustice. Elle affirme qu'elle préfèrerait se séparer de son époux s'il se montrait indigne et tyrannique. Enfin, elle veut travailler car elle s'ennuierait à son foyer en attendant son mari. Elle veut être active, entreprenante et préfère contribuer à l'entretien de son foyer.
Il faut dire, cependant, que si Frances est un  femme supérieure c'est que, bien que belge par son père, elle est anglaise par sa mère et protestante, bien sûr! Ouf! On l'a échappé belle!

Walter Scott : Rob Roy



Walter Scott  qui est né à Edimbourg en 1771 fut non seulement le plus grand écrivain de l'Ecosse mais eut aussi une place considérable dans la littérature romantique par l'énorme retentissement de son oeuvre qui mit à la mode le roman historique en Europe.
De plus, par son engagement en faveur des coutumes, de la culture et de la langue écossaise  il est considéré comme  un héros national. C'est lui qui rétablit le port du tartan et du kilt  qui avait été interdit en 1746 après la défaite des écossais jacobites, partisans de Bonnie Prince Charlie (Stuart), à  la bataille de Culloden contre les anglais. En effet, lors d'une cérémonie officielle dont il est l'ordonnateur, il demanda non seulement aux notables mais aussi au roi d'Angleterre de revêtir le costume traditionnel de l'Ecosse, coutume qui est toujours en vigueur dans la famille royale de nos jours. Un monument à sa gloire se dresse au pied du château médiéval dans la Ville Neuve.


Rob Roy

 Monument à Walter Scott  Edimbourg


Son roman Rob Roy s'appuie sur un personnage historique Rob Roy, du clan Des Mc Gregor dont le nom avait été aboli par un décret en 1617. En dépit de cet interdit les Mc Gregor continuèrent sous des noms d'emprunt à former un clan. Rob Roy est un de leurs descendants. Eleveur de bestiaux, il devint insolvable en 1712 à cause de la mauvais foi d'un associé.
C'est alors que commença la vie de brigand et de proscrit, protégé par ses amis, alliés, parents. Jacobite, il menait la vie dure à ceux qui soutenaient le gouvernement anglais, distribuant généreusement ses prises à ceux qui en avaient besoin. On a souvent dit qu'il était le Robin des Bois de l'Ecosse.
Le récit commence pourtant à Londres avec un personnage fictif, Francis Osbaldistone, jeune homme épris de poésie, qui est banni par son père après avoir refusé de prendre ses responsabilités dans la maison de commerce familiale. Il est envoyé dans le Northumberland, à la frontière de l'Ecosse chez son oncle. Là, dans le manoir de la famille, il fera connaissance de la belle, intelligente et mystérieuse Diana et du perfide Rasleigh, son cousin. Les machinations de Rasleigh qui menace l'entreprise paternelle et son honneur amèneront Francis Osbaldistone en Ecosse, au coeurs des Highlands, à la recherche de Rob Roy, le seul qui puisse lui venir en aide.
L'histoire est romantique à souhait et l'on prend bien vite le parti du jeune et fougueux Osbaldistone même s'il a la tête près du bonnet et ne réfléchit pas toujours avant d'agir. Pourtant le récit traîne un peu en longueur et il m'a fallu attendre plus de 200 pages avant de franchir la frontière et plus de 300 avant de pénétrer dans le domaine de Rob Roy, territoire ingrat et montagneux situé entre les trois lacs Lomond, Ard et Katrine, et qu'on nommait vulgairement le pays de Rob-Roy ou de Mc Gregor.
Ce que j'ai aimé dans le roman, c'est toute cette partie sur L'Ecosse, la description de ces paysages sauvages et beaux, de ces villages misérables, de cette population réduite à la famine, hostile et farouche, de ces hommes toujours prêts à manier la dague, de ces guerriers qui ne trouvent leur subsistance que dans les raids et la rapine.
A gauche, à travers une vallée, serpentait le Forth, dont une guirlande de bois taillis dessinait le cours vers l'orient, autour d'une charmante colline entièrement isolée. A droite, au milieu d'une quantité de rocs nus, d'épais halliers et de monticules, s'étendait un vaste lac; le souffle d'une brise matinale y soulevait par places de courtes vagues, où pointaient en reflets étincelants des facettes de lumière....
La connaissance de l'Ecosse, des mentalités de l'époque avec la solidarité des clans, le sens de l'honneur bien particulier des Highlanders, les dissensions religieuses, la description des coutumes et des vêtements donnent au roman un intérêt non seulement historique mais ethnologique.
Les nouveaux-venus portaient la plupart des pistolets à la ceinture, et presque tous des dagues (dirk) suspendues à la gibecière (sporran) qu'ils ramenaient par devant. Chacun d'eux était muni d'un bon fusil, d'une claymore, et d'un solide bouclier rond, ou targe, en bois léger, doublé de peau et artistiquement plaqué de cuivre, avec une pointe de fer au centre...