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dimanche 12 juin 2011

Wilkie Collins : Une belle canaille




Les jours se suivent et ne se ressemblent pas! Hier c'était un roman désespérant que je présentais, L'oiseau Bariolé. Aujourd'hui, je passe à un genre plus léger et qui m'a bien amusée!
Le roman Une belle canaille  est paru en 1879 alors qu'il a  été écrit en 1856 dans une période très heureuse de la vie de Wilkie Collins invité alors à Paris par son ami, Charles Dickens. Le ton de ce roman étonnant et même détonant dans la prude Albion de la reine Victoria explique ce retard!
Ce récit gai, insolent, et même iconoclaste, est le reflet de cette insouciance ressentie par Wilkie Collins alors qu'il passait avec Dickens joyeusement ses heures de loisir en compagnie de maints autres amis qui tous avaient à voir avec l'art et la littérature. Tellement désinvolte, d'ailleurs que Collins est très conscient de ce que les pisse-vinaigre (j'espère que vous ne vous reconnaissez pas dans ce termes!)vont en penser!
Francis Softly est un rejeton de bonne famille, petit-fils de lady, et fils de médecin et il a reçu, noblesse oblige, une éducation soignée même si la fortune de son père laisse à désirer. Cependant, s'il écrit pour nous ses confessions, ce n'est pas, surtout pas, dans un but moralisateur mais parce qu'il a eu une vie "hors du commun". Car toutes les turpitudes qu'il nous expose joyeusement, non seulement, il ne s'en repent pas mais encore il s'en vante! Auteur de caricatures qui sont publiées sous un pseudonyme, ne voilà-t-il pas qu'il se laisse aller à caricaturer sa grand mère elle-même et à la représenter en vieille chouette. Et lorsque son père lui enjoint de renoncer à cette activité lucrative, il quitte la maison pour vivre de son art et connaître toutes sortes d'aventures : tour à tour emprisonné pour dettes, faussaire ...  il multiplie les exactions avec une bonne humeur et une drôlerie irrésistible. Et puis, il est amoureux, d'un amour vrai, sincère, et pour les beaux yeux d'Alicia, que ne ferait-il pas? Voilà qui nous le fait juger fort sympathique, ce mauvais garçon! D'ailleurs, le méchant, (car il y a toujours un méchant chez W Collins) ce n'est pas lui! Vous le découvrirez en lisant le livre.
La lecture de ce roman est donc réjouissante d'autant plus que l'humour s'exerce aux dépens d'une société bien pensante, hypocrite et près de ses sous et ceci avec une audace certaine. Jugez plutôt :
A force de tendre ses filets avec beaucoup de dextérité et de patience sous la houlette de ses père et mère ma séduisante soeur Annabella avait réussi à capturer un bon parti en la personne d'un quinquagénaire fané, pingre, au teint bistré, ayant fait fortune aux Antilles.(...) Ce poisson-là avait été très difficile à ferrer et même après qu'Annabella l'eut pris à l'hameçon, mon père et ma mère eurent toutes les peines du monde à le sortir hors de l'eau..
Et voilà pour le mariage, une des institutions les plus sacrées de l'époque victorienne!
Il en est de même pour la Famille considérée comme la valeur la plus noble! Or, notre canaille n'a l'air d'éprouver pour ses parents et sa soeur que de l'indifférence et réciproquement! Le seul qui témoigne un réel intérêt pour sa santé est son beau-frère mais l'on apprend bien vite que c'est parce qu'un héritage est en jeu.
Quant à la leçon de morale que Franck reçoit et respectera toute sa vie -la seule peut-être- elle lui est donnée en prison et à coups de poing par Gentleman Jones, son codétenu :
Il m'a apporté le seul enseignement utile que j'aie jamais reçu; et pour le cas où ceci tomberait sous ses yeux, je le remercie ici d'avoir entrepris et achevé mon éducation en deux soirées et sans qu'il m'en coûtât un sou, à moi ou à ma famille.
Enfin, Francis Softly finira par devenir respectable mais ce n'est que lorsqu'il sera devenu riche; peu importe alors qu'il soit  bagnard et transporté en Australie.
Et Wilkie Collins de conclure avec ce trait d'esprit féroce :
Non, non, mes bons amis! Je ne suis plus intéressant; tout comme vous je suis devenu respectable.



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