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vendredi 10 juillet 2020

Camilla Grebe : L'archipel des larmes


Autour de meurtres horribles et de femmes crucifiées, trois enquêteuses, policières, et une professeur d’université, vont mener une enquête qui se prolongera, d’une femme à l’autre,  de 1944 à nos jours, à la poursuite de celui que l’on a appelé : l’assassin des bas-fonds. C’est le sujet du thriller de Camilla Grebe qui se déroule à Stockholm et permet à Camilla Grebe d’explorer un thème féministe ayant pour fond l’histoire de son pays.

Je n’ai pas lu L’archipel des larmes  de Camilla Grabe, prix du meilleur roman suédois 2019, mais je l’ai écouté aux éditions Audiolib que je remercie pour cet envoi, texte dit par Audrey Sourdive.
C’est une de mes rares expériences de livre audio et c’est pourquoi, je commence mon billet par mon ressenti en l’écoutant. Je l’ai trouvé bien interprété par une comédienne qui fait entendre les voix des différents personnages et nous permet ainsi de les imaginer. Mais contrairement à la lecture personnelle et silencieuse, je pense que ces longues heures d’écoute ( ce qui pour moi est plus fatigant que lorsque je lis moi-même) met en relief - et m’a permis ainsi de les remarquer-  certains imperfections du livre, tics de langage qui reviennent souvent sous la plume de Camilla Grebe, comme l’expression « les papillons dans le ventre », certains moments répétitifs dans le discours féministe, et l’aspect un peu trop didactique de l’histoire des femmes dans la famille et le travail, en particulier dans la police. 
 Et puisque j’en suis à mon ressenti négatif, je note aussi que la quasi-absence de personnages masculins positifs me paraît aussi trop démonstratif et systématique. Maris ou chefs, il y en a peu qui plaident en faveur de la gent masculine. Je sais bien que la misogynie n’a jamais cessé au cours des siècles et que l’égalité des sexes n’est encore qu’un rêve lointain. Mais, tout de même, oui, il y a des hommes qui se comportent autrement. Ce serait intéressant de les montrer. Heureusement, Camilla Grebe introduit avec le dernier personnage de la jeune Malin, mère d’un petit garçon, une autre idée qui me plaît et qui compense un peu cette peinture caricaturales des hommes : lorsque, dans le travail, les femmes peuvent enfin accéder aux postes supérieurs, elles se comportent de la même manière que les hommes et discriminent les femmes qui cherchent à concilier travail et enfants mais pas obligatoirement au détriment de l’enfant. Il s’agit d’une question de pouvoir et non de sexe.
D’autre part, c’est un détail qui a de l’importance pour moi, je n’aime pas les portraits qui donnent trop de détails vestimentaires. Parfois, oui, quand ils apportent des renseignements sur le caractère et la classe sociale du personnage mais systématiquement, non ! Qu’il ait une cravate rayée ou unie n’est pas essentiel !

Ce que j’ai aimé dans le roman, c’est l’originalité de la construction romanesque qui s'appuie, chaque fois, sur un destin de femme différent et permet de prendre la mesure de l’évolution de la conditions féminine des années 40 à nos jours : en 1944, lors du premier meurtre, Elsie ne peut être que « aide policière » dans son commissariat et son chef la méprise; en 1971, Britt-Marie est intégrée dans la police mais bien qu’elle soit la meilleure tireuse du groupe, et une bonne enquêtrice, on la cantonne au secrétariat. Dans les années 80, Linda, de milieu populaire, est une jeune adjointe optimiste et gaie. Hanne qui devient son amie, issue d’un milieu bourgeois intellectuel, a fait de hautes études et est devenue profileuse. Si certains collègues masculins la considèrent comme une égale et même ont de l’admiration pour elle, elle subit encore le harcèlement d’un supérieur éconduit. Enfin Malin, à notre époque, est elle aussi discriminée mais par une femme. L’égalité n’est pas encore à l’ordre du jour mais elle a désormais des moyens de se défendre. Ces personnages féminins sont très attachants et l’on ne peut qu’être en empathie avec elles.
L’enquête est suffisamment compliquée pour que l’on se demande tout au long du roman qui peut être le coupable. En tout cas, je n’avais pas deviné.

Les inconditionnels de Camilla Grebe seront conquis. Pour ma part, malgré mes restrictions, j’ai pris plaisir à suivre le récit de ces femmes courageuses et victimes.


Merci à Masse critique et aux éditions Audiolib 


 

dimanche 8 mars 2020

La citation du dimanche : Camilla Grebe : les réseaux sociaux

Camilla Grebe
Dans L’ombre de la baleine, roman policier, l’écrivaine suédoise, Camilla Grebe, ne se prive pas de jeter un coup d’oeil critique sur notre société et en particulier sur notre addiction aux réseaux sociaux. Je n'ai pas encore commenté le livre mais, en attendant, voilà de quoi, nous interroger sur nous-mêmes et sur notre société.

Le syndrome du "J'en ai plus rien à foutre du temps présent"
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

L’un des personnages secondaires, Martin, est étudiant en sociologie. Il discute avec Manfred, le narrateur, et son épouse Afsaneh sur le sujet de sa thèse, le narcissisme.

« - Le narcissisme ou plus précisément, pourquoi les personnalités narcissiques sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui. (…)
J’interviens
- Mais pourquoi serions-nous devenus plus narcissiques?
Martin a un sourire en coin.
-La société a changé, les structures sociales ont éclaté, la plus petite unité n’est plus la famille, mais l’individu. S’ajoute à cela la montée en puissance des réseaux sociaux. Plus d’un milliard de personnes se connectent sur Facebook chaque mois. Un milliard. Vous imaginez ? Et les autres plateformes se développent à vitesse grand V. Il y a une forte corrélation entre la dépendance aux réseaux sociaux et le comportement narcissique. Une corrélation établie par essai clinique. En réalité, ce n’est pas étonnant - l’objectif est de montrer une façade qui permet d’engranger le plus de likes, de commentaires, enfin ce qui intéresse l’utilisateur.
- Mais les gens n’ont-ils pas toujours eu besoin de reconnaissance sociale ? demandé-je.
-Si, mais la technologie a pris en otages notre quête naturelle d’interactions et d’acceptation sociale. Aujourd’hui, il y a des gens qui ne sortent plus de chez eux, qui ne font que se prendre en photo ou se filmer dans différentes situations pour poster leurs images sur les réseaux sociaux. Et tous leurs amis sont en ligne. Ils ont fusionné avec la technologie.
-C’est un peu comme les mariages chinois (dit Afsaneh)
Il est assez courant de ne pas organiser de fête pour son mariage. Au lieu de cela, les jeunes époux se rendent chez un photographe et se font tirer le portrait avec un tas d’accessoires, verre de champagne à la main, couteau et fausse pièce montée, décors devant lesquels ils s’embrassent. Et au Japon, apparemment, on peut faire appel à des figurants pour poser sur la photo de mariage.
-  Tout à fait répond Martin.(..) Je me suis rendu à Auschwitz, l’hiver dernier : vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui prennent des selfies ! Comme si elles avaient d’avantage à coeur de montrer qu’elles y étaient allées que de réfléchir à ce qui s’y est passé.
Le visage d’Afsaneh se tord dans une grimace.
-C’est vrai ? ça m’aurait fait vomir de voir quelqu’un prendre la pose devant les chambres à gaz.
-Et pourtant c’est ce que faisaient les gens. Et ce n’est que le  début. Internet a modifié le contrat social. Celui qui régule le nombre de fois que l’on peut dire : «  regarde-moi ». Dans la vie réelle, on ne peut recevoir des commentaires positifs sans relâche comme sur Internet. Alors pourquoi se concentrer sur la vie réelle?
-Donc Facebook a gagné ?
C’était dit comme une plaisanterie, mais Martin ne sourit pas.
- Sais-tu que Facebook a explosé au moment où l’entreprise a inventé le like ?
Une certaine Leah Pearlman en a eu l’idée, si je ne m’abuse. C’était il y a près de dix ans et cette petite icône, le pouce levé, a transformé internet. Il a changé les comportements humains, il a permis à des entreprises de fleurir, à d’autres de s’effondrer. Il a fait élire et fait tomber des présidents.
- Tu n’exagères pas un peu ?
Martin secoue vivement la tête.
-Les réseaux sociaux vont transformer notre société en profondeur. Ils vont NOUS transformer en profondeur.  Et pas nécessairement en bien.


Et la solitude pour ceux qui ne suivent pas le mouvement
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

Un narcissisme accru
Voir dessins humoristiques sur notre addiction aux réseaux sociaux

lundi 20 janvier 2020

Lars Kepler : Le Pacte et Ragnar Jonasson : Sott



Deux petits polars en un billet... ou plutôt un « gros » polar  (600 pages) Le Pacte de Lars Kepler et un petit, Sott de Ragnar Jonasson, (342 p),  un suédois et un islandais.

Lars Kepler est le pseudonyme d’un couple d’écrivains suédois Alexandra et Alexandre Anhdoril. Nous sommes à Stockholm. Le thème principal du roman Le Pacte porte sur les ventes d'armes illicites consenties de manière frauduleuse à des états coupables de génocide ou proches des djihadistes. Cette dénonciation est vécue à travers les aventures d’une jeune femme, Pénélope, pacifiste convaincue, présidente de l’association pour la paix et l’arbitrage.  Pourchassée par un tueur, elle ne comprend pas pourquoi elle est ainsi devenue une cible.


En arrière-plan, kastskar, l'île où Pénéloppe s'est arrêtée.
Pénélope est sur le bateau de son amoureux Bjorn et s’apprête à passer de bons moments avec lui mais sa mère lui impose la présence de sa soeur Viola. Pour s’isoler, elle met pied à terre avec Bjorn à Kasrska, sur l’une des trente mille  petites îles de l’archipel de Stockholm, en laissant Viola dans le bateau ancré près de là. Quand elle revient sa soeur est morte, assassinée. Bjorn et elle échappent de peu à leur poursuivant et commence alors une course-poursuite haletante et désespérée.
Parallèlement la police, en la personne de Joanna Linna, enquête sur la mort de Carl Palmcrona, directeur général de l'Inspection pour les produits stratégiques, l'homme chargé de valider les contrats d’armement de la Suède. Il est retrouvé pendu chez lui : suicide ou meurtre ? Le corps de Viola retrouvé à bord du yacht passe d’abord pour un accident.  Bientôt, le policier va être amené à lier les deux affaires.

La lecture procure des moments de tension réussis surtout lors de la fuite de Pénélope qui relève du cauchemar. Mais j’ai eu l’impression de passages moins soutenus, moins bien écrits, et je me suis demandée si c’était l’écriture à quatre mains qui en était responsable ou seulement un manque d’inspiration. Le roman est intéressant par ce qu’il nous apprend des ventes d’armes et des trafics qui y sont liés même si l’on n’a pas besoin d’aller en Suède pour découvrir cela ! Hélas ! Le récit est pessimiste, car tout amène à croire que rien n’arrêtera jamais cette corruption !
 Le Pacte a des visées politiques mais il ne va pas très loin dans la critique car la complexité de l’intrigue nous amène ailleurs, à l’aspect thriller du livre que les auteurs semblent avoir privilégié : complots, personnage mystérieux et pactes sanglants que rien peut rompre. C'est l'aspect que j'ai le moins apprécié.  En résumé, Le Pacte est un thriller qui fonctionne assez bien mais pas un coup de coeur.
C’est le premier livre que je lisais avec ce personnage récurrent de l’inspecteur Joanna Lina.  Certaines critiques disent que ce roman n'est pas le meilleur et que le policier se révèle plus intéressant dans d'autres enquêtes.

Ragnar Jonasson : Sott


J'avais lu avec plaisir le livre de Ragnar Jonasson Snjor qui décrivait avec brio le sentiment de claustrophobie qui s'emparait de l'inspecteur Ari Thor, envoyé dans une ville du Nord profond de l'Islande, Siglufjordur. Coupé du reste du monde par une tempête, l'inspecteur menait ses enquêtes dans une atmosphère angoissante.
 Avec Sott, nous retrouvons donc l'inspecteur. Cette fois-ci, il n'est plus fâché avec Kristin, il s'est réconcilié avec elle et il la voit régulièrement malgré l'éloignement puisqu'elle travaille dans la capitale et lui est toujours en train de végéter à Siglufjordur. Il faut savoir qu'il fait si noir et si froid dans cette ville et pendant si longtemps que Reykjavik passe pour une ville du sud chaude, lumineuse et privilégiée! Ceci pour faire comprendre la situation.
L'écrivain renouvelle le scénario précédent. Ari Thor, est à nouveau isolé de tout, la ville étant mise en quarantaine à la suite d'une épidémie.

Siglufjordur, plutôt joli..  hors hiver!
Bon, comme point de départ, je constate que Jonasson ne fait pas dans l'original. Mais voyons l'intrigue. Un homme  vient le trouver pour élucider la mort de sa tante qui a été classée comme accidentelle il y a vingt ans de cela. Il a, en effet, trouvé une photo qui introduit un doute et est incontestablement une raison pour relancer l'enquête. Ari Thor s'y emploie, ce qui nous permet de découvrir un fjord et une ferme encore plus reculés et coupés de tout en hiver que ne l'est Siflufjordur ! Et ce n'est pas peu dire! 
 L'intérêt du roman, à mes yeux, réside là, dans la description de cette ferme et des activités des habitants,  dans  la description d'une vie dure, d'un isolement presque total qui privait les gens de tout secours avec des chemins enneigés, dangereux à travers la montagne.  Les recherches de l'inspecteur nous font découvrir qui étaient ces personnes, leurs rapports entre eux, les non-dits, les haines, les rancunes et la personnalité de chacun se révèle à nous. Nous nous rendons avec Ari Thor dans ces lieux maintenant reliés par une route. Un long tunnel  traverse la montagne. L'écrivain rend très bien la pesanteur qui règne dans cet endroit, l'absence de vie qui peut expliquer la folie des hommes. 
Par contre, je n'ai pas du tout aimé le dénouement dans lequel le héros fait preuve d'un manque de sensibilité voire d'humanité envers l'homme qui lui a commandé cette enquête et, ceci, d'autant plus que les conclusions d'Ari Thor ne sont que des supputations. A mon avis, il n'a pas de preuves à l'appui. Cela rend le personnage peu sympathique et ne convainc pas le lecteur.



mercredi 14 mars 2018

Rose Lagercrantz : On se revoit quand ?



Après les vacances, voici le retour d'Apolline et de ses fiches de lecture.
Apolline va avoir 8 ans au mois de mars et elle est en CE1.
Elle vous présente aujourd'hui une fiche de lecture  : On se revoit quand? roman de 158 pages, écrit bien gros, qu'elle a apprécié.




Titre : On se revoit quand ?

Nom de l’auteure  : Rose Lagercrantz

Nom de l’illustratrice : Eva Eriksson

Nom du traducteur : Traduit du suédois : Nils C. Ahl

Editions : L’école des Loisirs
collection Mouche

Résumé d'Apolline :

Dunne est en CE1. Elle va avec sa classe au zoo de Skansen à Stockholm.  Mais elle se perd et rencontre Ella Frida sa meilleure amie depuis la maternelle, qui est aussi au zoo avec son école. Ella Frida et Dunne ont été séparées car Ella Frida a déménagé et est allée dans une autre école. Elles jouent et ne se préoccupent pas que tout le monde les cherche. Quand on les retrouve les maîtresses sont en colère mais surtout celle d’Ella Frida. Quand Dunne rentre chez elle, elle se rend compte qu’Ella Frida est triste alors elle aussi est malheureuse. Quand se reverront-elles ?

Ma phrase préférée :

"On se revoit quand ?" C’est le titre qui est ma phrase préférée parce que cela a rapport avec le livre et cela montre que les petites filles s’aiment.

Ce que je pense du livre ?

J’ai énormément aimé ce livre  parce que c’est une très belle histoire d’amitié. J’ai aimé le zoo parce que l’histoire se déroule là.
L’histoire m’a fait penser à Olga et moi, parce que nous sommes les meilleures amies.  Je l’ai connue en maternelle mais on n’est  plus dans la même école depuis le CP. Mais on se revoit à mon anniversaire de toute façon.  J’ai trouvé que l’écriture était facile et simple et j’ai bien aimé les illustrations parce qu’elles ont beaucoup de détails et les petites filles sont trop mignonnes.


L’avis de la grand mère : Décidément même lorsque je lis des romans avec ma petite fille, je me retrouve en Scandinavie et plus précisément en Suède. On se revoit quand ? fait partie d’un ensemble qui raconte l’histoire de Dunne et de son amie Ella Frida. C’est le dernier de la série qui commence avec l’entrée en CP dans Ma vie heureuse, livre que, bien sûr, nous allons lire bientôt !



Le  thème principal est l’amitié qui unit les petites filles mais il y a aussi celui de l’école, de la séparation, de la mort et du deuil (la maman de Dunne) et de la vie quotidienne avec ses petits bonheurs, ses contrariétés ou ses gros chagrins. Le papa de Dunne est sorti de l’hôpital où il est resté tout l’été à la suite d’un accident et, alors que sa petite fille est tout heureuse de l’avoir pour elle seule, il invite Eva, une infirmière dont il est tombé amoureux. Et ceci, juste au moment, où Dunne se fait tant de souci pour son amie Ella Frida qui a déménagé et semble très malheureuse dans sa nouvelle école ! Heureusement Dunne est une petite fille très aimée de son papa et tout va s’arranger pour elle et pour sa petite amie.
Le texte est direct, accessible à des enfants âgés entre 6 est 8 ans selon leur niveau de lecture. Il aborde les difficultés de la vie sans pathos, tout simplement, avec optimisme et il parle avant tout du bonheur. J’ai beaucoup aimé ce passage qui clôt le roman, où  Dunne, avant de s’endormir paisiblement, réconciliée avec son papa et Eva, et heureuse de revoir bientôt Ella Frida, parle de bonheur avec ses cochons d’Inde :

"Si seulement, on savait à quel point on est heureux quand on est heureux, dit Dunne.
Les cochons d’Inde se regardèrent sans comprendre. De quoi parlait-elle maintenant ?
Les cochons d’Inde savent toujours à quel point ils sont heureux quand ils sont heureux. On le voit à leurs yeux qui brillent."





Merci à la Librairie dialogues et aux éditions L'école des Loisirs



mercredi 28 février 2018

Asa Larsson : Tant que dure la colère


Au nord de la Suède, à la fonte des glaces, le cadavre d'une jeune fille remonte à la surface du lac Vittangijàrvi. Est-ce son fantôme qui trouble les nuits de la procureure Rebecka Martinsson ? Alors que l'enquête réveille d'anciennes rumeurs sur la mystérieuse disparition en 1943 d'un avion allemand dans la région de Kiruna, un tueur rôde, prêt à tout pour que la vérité reste enterrée sous un demi-siècle de neige...
Après  Le Sang versé  et  La Piste noire, Åsa Larsson nous entraîne une fois encore dans une intrigue aussi complexe qu'envoûtante, où elle dissèque les recoins les plus obscurs de l'âme humaine.

Avec ce quatrième roman sur Rebecka Martisson, Asa Larsson écrit un roman que j’ai trouvé plus réussi, plus direct, que La Piste noire. Il faut dire que Tant que dure la colère a quelque 150 pages de moins et qu’il est débarrassé des longueurs que je reprochais au précédent.
Certes, il y a encore quelques critiques négatives et comme le roman m’a plu, je préfère commencer par celles-là et finir sur une note positive. Rebecka Martisson n’évolue pas beaucoup au niveau de ses sentiments; maintenant qu’elle a Mans pour amant, elle écourte la conversation chaque fois qu’il lui téléphone et s’étonne s’il n’appelle plus. D’autre part, et c’est un tic de l’écrivaine, chacun de ses romans doit absolument se terminer par un épisode tragique, particulièrement horrible, et c’est encore sur la pauvre Rebecka que cela tombe dans ce livre aussi ! Dans les cinq livres que j’ai lus sur elle, elle échappe quatre fois à la mort !  J’aimerais bien que Asa Larsson varie un peu plus la structure de ses romans en particulier du dénouement !

 L’histoire de Tant que dure la colère est très intéressante. Le récit est basé sur l’Histoire de la Suède et la collaboration des habitants avec l’Allemagne nazie. Dans l’année 1943 a eu lieu un évènement que le roman va nous révéler peu à peu.
Asa Larsson décrit des personnages du peuple très vivants, croqués d’après nature semble-t-il, comme la vieille Anni, grand-mère de la jeune victime Wilma, ou la grand-mère de Rebecka, ou encore les membres de l’horrible famille Krekula. Asa Larsson est très à l’aise pour décrire les gens, leur physique, leur mentalité, leurs habitudes. Ses portraits sont vrais et sonnent juste !
L’écrivaine utilise le surnaturel dans ce roman puisque c’est Wilma ou plutôt son fantôme, qui va suivre l’enquête et parfois l’orienter.  Cette idée est une réussite car elle introduit l’étrangeté dans le récit avec les corbeaux et les chats qui « voient » le fantôme, là où la plupart des humains ne distinguent rien. De plus, cela nous permet de connaître Wilma et son amoureux Simon, de revenir sur leur passé et donc de nous attacher à eux. C’est rare, en effet, de partager le point de vue de la victime et de s’identifier à elle !
Mais on voit aussi le point de vue de l’assassin et l’on se retourne sur son enfance sacrifiée et la souffrance qui a fait de lui un monstre. Il y a des passage très forts qui concernent ce personnage : ainsi, celui où il est face à un ours, confronté à la mort, et où il se sent enfin libéré.

« Puis l’ours se retourne, retombe à quatre pattes et s’en va lourdement.
Le coeur de ...? bat. C’est le battement de la vie. C’est le bout des doigts du chaman sur la peau du tambour. C’est la pluie sur le toit de tôle de son chalet de Saarisuanto, un soir d’automne quand on est au lit et que le feu crépite dans la cheminée.
Son sang coule dans ses artères. C’est l’eau de fonte qui se détache de la glace au printemps, qui coule sous la neige, qui grimpe au coeur des arbres, qui se précipite des falaises.
Son esprit entre et sort de ses poumons. C’est le vent qui porte le corbeau dans ses jeux, qui fouette la neige en vifs tourbillons dans la montagne, qui ride doucement le lac le soir puis s’apaise et le laisse retrouver son calme miroir. »
Oui, Asa Larsson écrit bien ! Je vous laisse juge ! 




mardi 27 février 2018

Asa Larsson : La piste noire


J’ai continué la série d'Asa Larsson qui a pour personnage principal récurrent Rebecka Martinson.  (Tome 1 Horreur Boréale Tome 2  : Le sang versé )

 Le troisième tome de la série s’intitule La piste noire. Je laisse à l’éditeur le soin de raconter l’histoire :

Nord de la Suède. Un pêcheur découvre le cadavre torturé d'une femme au bord d'un lac gelé. La belle Inna Wattrang était la porte-parole de Mauri Kallis, un célèbre industriel dont l'ascension et la réussite fascinent le pays.

 Les indices sont minces : les deux inspecteurs de la police judiciaire de Kiruna font appel à l'ex-avocate Rebecka Martinsson, devenue substitut du procureur, pour tenter d'élucider les relations troubles entre Kallis et son employée.

 Derrière le meurtre d'Inna se profile un univers de mensonges, de haines et de faux-semblants où le mal se tient à l'affût comme un corbeau noir. Avec cette nouvelle enquête de Rebecka Martinsson, Åsa Larsson, Prix du meilleur roman policier suédois pour Le Sang versé, sonne le renouveau du polar Scandinave.


 J’ai trouvé ce roman très inégal. Il présente des longueurs, des passages un peu trop didactiques où sont présentés au lecteur les dessous de l’exploitation minière en Suède et en Ouganda. Cela pourrait être intéressant si c’était habilement introduit dans l’histoire mais j’ai trouvé que cela interrompait le récit. Les personnages des "méchants"  m’ont peu intéressée et Rebecca, en proie à une grave dépression, n’a pas un grand rôle dans le roman. Si ce n’est cette passion soudaine qu’elle développe  pour son ancien patron Mans,  coureur impénitent,  qui paraît assez peu intéressant d’ailleurs,  amour auquel on a peine à croire car  les sentiments de la jeune femme ne sont pas suffisamment  analysés.

Par contre et comme d’habitude, le roman présente des passages vraiment très bien écrits qui me réconcilient  avec le roman. C’est ainsi qu'Ester, cette jeune fille au tempérament d’artiste, à la sensibilité exacerbée, confiée à sa naissance à une famille sami, est vraiment intéressante. Sa mère adoptive est un beau personnage, et l’on découvre, au cours du roman, la mentalité des samis pour lesquels le surnaturel est toujours lié à l’idée de nature. De plus, Asa Larsson dénonce le racisme des suédois toujours vif envers cette nation.
 Parfois les personnages secondaires d’Asa Larsson sont plus consistants et plus riches que ces personnages principaux. Je continue à aimer aussi  la manière dont elle parle des animaux et la façon intime dont elle interprète leurs réactions sans anthropomorphisme. Dès qu’il s’agit de la nature nordique, des lac gelés, de la la neige, des chiens et des chats, la plume d’Asa Larsson est dans son élément.
La fin se termine, comme d'habitude,  par un carnage mais pour une fois Rebecka n’y est pas mêlée. C’est Anna-Maria la lieutenant de police et son adjoint Svenn-Erik qui s’y collent !
Le roman a plus de cinq cent pages mais il gagnerait, il me semble à être élagué.


mardi 20 février 2018

Selma Lagerlof : Le Banni



Dans Le Banni de Selma Lagerlof, au début du XX ième siècle, Sven Elversson est confié par ses parents, pauvres pêcheurs de l’île de Grimön  en Suède, à un couple d’anglais qui l’adopte. Mais après avoir terminé ses études, il part dans une expédition polaire qui se retrouve bloquée par les glaces. Les  savants finissent par manger leurs camarades morts pour survivre. Une fois sauvé, Sven est banni par ses parents adoptifs à qui il fait horreur et retourne chez son père et sa mère qui acceptent de l’accueillir. Mais le pasteur, en révélant en chaire l’acte de Sven, le met à nouveau au ban de la société. Désormais, Sven Elversson, quoi qu’il fasse, n’inspire que dégoût et répulsion même aux plus endurcis des criminels.

 "Je ne sais pas si c'est la seule, pensa-t-il, mais voilà bien une chose que les hommes civilisés n'arrivent pas à commettre. Ils tuent, ils pratiquent l'adultère, ils volent, ils exercent des violences, ils succombent vite à l'ivrognerie, au viol, à la trahison, à l'indiscrétion. Tout cela, ils le commettent quotidiennement. Ces choses répugnent peut-être à certains, mais elles adviennent quand même. L'un des vieux péchés de l'humanité n'est cependant plus commis dans les pays civilisés. Et s'il n'est pas commis, c'est qu'il suscite de la répugnance. Mais moi, j'ai commis ce péché-là. Et je suis plus haï que le diable. »


Suède : Les îles de la côte ouest

Ce récit est pour Selma Lagerlof l’occasion d’explorer le thème de la culpabilité et des ravages qu’elle peut causer à l’âme humaine. Sven Elvesson cherche à se racheter par une conduite exemplaire mais chaque fois la société le rejette avec répugnance. Le jeune homme a une tel dégoût de lui-même qu’il adopte une attitude soumise, obséquieuse. A son frère P’tit Joël qui lui reproche de se laisser humilier, il répond en plein désespoir :

Pourquoi irais-je me défendre … ; quand je me méprise moi-même plus que toi ni aucun autre ne pourrez jamais le faire ? Quand je ressens plus de dégoût pour moi-même que je ne pourrai jamais vous en inspirer ?

Mais Selma Lagerlof peint aussi la dureté des humains entre eux et l’absence de pardon qui domine dans une société qui se dit pourtant chrétienne. Le pasteur lui-même donne l’exemple de cette intolérance.  Même s’il est conscient de manquer d’amour, il participe à l'hypocrisie religieuse générale.
La cruauté des  rapports humains est le propre de tous. Mais les parents de Sven et  deux femmes y  échappent : Sigrun, la jeune épouse du pasteur, douce et bonne, et Rut, la femme que Sven Elversson a épousée et qui fera preuve pour lui d’un amour allant jusqu’à l’abnégation. Mais parce qu’elle est laide et qu’il est amoureux de Sigrun, Sven lui-même aura peu de considération envers elle et restera indifférent à son sort. Seul, l'amour véritable, est capable de tenir en échec les mauvais sentiments, la haine, le mépris, la jalousie.

Au thème de la culpabilité répond celui de la Rédemption. Au cours de la guerre de 14_18, lorsqu’il entreprend une courageuse action pour faire donner une sépulture aux soldats morts en mer, Sven retrouve enfin l’estime de soi. Le sermon du pasteur qui le réhabilite lui fait retrouver sa place auprès de ses semblables et le réconcilie avec dieu. C'est aussi une condamnation virulente de la guerre et de ses horreurs que l'écrivain décrit avec force dans des pages hallucinantes.

Le Boshulän, les îles de la côte ouest

La nature est toujours présente et crée une atmosphère étrange dans le  roman. Elle peut être  effrayante, sauvage et désolée et c’est ainsi que la voit Sigrun, la femme du pasteur, originaire du Nordland couvert de profondes forêts, lorsqu’elle arrive, nouvelle épousée dans le Bohuslän, austère et sauvage.

« La route serpentait dans les creux entre les hauteurs, et jamais ne montait suffisamment haute pour permettre une vue d’ensemble. Où qu’on aille, ce n’étaient que collines dressées derrière d’autres collines. Certaines étaient couvertes d’une herbe maigre, d’autres étaient nues, et d’autres encore tissées de bruyère et de broussailles, et c’était la seule différence. »
C’est Sven Elversson qui lui fait découvrir la mer cachée derrières ses barrières rocheuses, la mer qui va redonner vie à la jeune femme transplantée et lui permet de retrouver l’espoir.

«  Car devant c’était un vaste espace libre. Et là s’agitait toute la mer d’air rouge, et là s’étendait toute la mer d’eau blanche, et que rien refermait. L’espace était libre et ouvert jusqu’au soleil en train de se coucher.
Devant elle il n’y avait aucune terre, à part une mince bande de sable bordée d’un long quai en pierres et, plus loin dans la mer, quelques crêtes d’écueils pointant hors de l’eau nacrée. »

Ce qui me plaît dans la jeune femme, c’est qu’elle trouvera la force de caractère de se  révolter et de se rendre libre… enfin pour un temps !

Selma Lagerlof : prix Nobel

Il y a de très belles scènes, de beaux passages dans ce roman de Selma Lagerlof qui oscille entre réalisme et conte, des passages surprenants, magistralement écrits où les animaux deviennent la métaphore du mal, où le surnaturel s’introduit dans l’histoire, où l’invraisemblable prend le pas sur le rationnel comme dans l’échange des mortes, des moments où l’on ne peut croire à la véracité du récit mais où il présente pourtant un charme certain.
J’ai aimé l’ensemble du roman sauf les derniers chapitres et le dénouement. Selma Lagerloff  devient alors trop édifiante. Le long sermon du pasteur sur Sven est insupportable,  la rédemption qui ne peut conduire qu’au ciel, le revirement de Sigrun aussi. On dirait que l’écrivaine veut  remettre en ordre cette société perturbée et que la morale doit l’emporter. A mon avis c’est la Selma Lagerlof bien pensante qui reprend le dessus alors qu'elle dénonçait l'hypocrisie sociale. Je pense que cette fin affaiblit le récit, surtout en ce qui concerne le personnage de Sven que l'on découvre innocent comme si la rédemption ne pouvait pas être celle d'un coupable, comme si Selma Lagerlof éprouvait les mêmes préventions que ceux qu'elle dénonçait. Même remarque envers le personnage de Sigrun.

Ce qui n’empêche pas que Selma lagerloff possède un don réel pour peindre les caractères tourmentés, complexes, dénoncer les travers de la société, et créer un univers bien à elle. Le livre a donc de grandes qualités malgré mes restrictions très personnelles !

« Ils n’aimaient pas la manière dont l’animal se déplaçait sans un bruit; ni ces yeux striés de vert qu’il tournait vers eux et qui leur paraissaient inexpressifs et sans éclat. Ils ressentaient un malaise à le voir ainsi glissant, souple et joueur alors qu’il n’avait en tête que voler et tirer.
A leurs yeux, le chat grandit, s’allongea, grossit et s’éleva au point de masquer la  bordure rocheuse de la plaine. Tout en grandissant, il ne cessait de ronronner, de roucouler et de faire d’agréables mouvements, et il n’en devenait que plus répugnant.
 Et ils comprirent que ce chat était le dégoût maintenant suscité qui allait s’accroître et s’étendre sur la plaine et qui jamais ne pourrait se développer mieux qu’ici, dans toute cette juste mesure, cette uniformité de proportions, cette étroitesse et cet enfermement. »




lundi 22 janvier 2018

Asa Larsson : Le sang versé




Le  sang versé de Asa Larsson est second livre relatif au cycle de Rebecka Martisson, la jeune avocate de Stockholm, née à Kiruna (comme l’auteure ) en Laponie suédoise.

Après la fin terrible du premier roman Horreur boréale, Rebecka essaie de reprendre son travail d’avocate mais une sévère dépression nerveuse l’empêche d’être performante. Un collègue lui prête sa maison non loin de Kiruna, dans un petit village à 145km du cercle polaire. Elle part là-bas pour se reposer et essayer de retrouver le goût de vivre.
Hélas ! L’assassinat d’une femme pasteur que l’on a retrouvée pendue à l’orgue de l’église provoque un climat délétère. Et la pauvre Rebecka se retrouve à son corps défendant au milieu de l'enquête !

Alors là, je me suis dit : Décidément Asa Larsson a quelque chose contre les pasteurs sinon comment expliquer qu’elle les trucide d’un livre à l’autre et qu’elle brosse de ces religieux une peinture aussi critique et acide ! Je vois dans la postface que je ne suis pas la seule à avoir pensé cela ! Sa famille, son oncle vicaire à la retraite, sa tante laestadienne, la branche la plus conservatrice, la plus austère et rigide du protestantisme, s’en sont émus et lui ont fait promettre de ne plus tuer de pasteurs dans ses livres. Tant mieux parce que c'est un peu fastidieux cette hécatombe de pasteurs !

Mais à mon avis, elle a un compte à régler ! Car le tableau qu’elle dresse du collègue de la victime et de son vicaire est plus que critique. Et oui, même si l’on est pasteur, on peut-être machiste, antiféministe et ne pas supporter qu’une femme vous concurrence ! Malgré tout l'on ne peut s'empêcher de penser que les protestants sont en avance sur les catholiques et moins misogynes car ce n'est pas demain la vieille qu'il y aura de femmes curés  !
 On peut aussi tremper dans des combines louches et détourner l’argent commun à des fins privés. Quant à la femme pasteur, féministe, elle a des aspects bien sympathiques et l’on comprend pourquoi elle se met à dos tous les machos de la ville mais, en même temps, l’importance qu’elle a dans la vie quotidienne des gens m’effraie. Que le poids de la religion puisse être si pesant  dans ce pays-là m’étouffe ! Je n’aurai pas l’impression de liberté si je devais vivre ainsi.
Enfin,  la critique de la chasse et des chasseurs n’est pas mal non plus !

Ce que j'en pense ? A mon avis le livre n'est pas parfait. L’équilibre entre l’histoire policière et la vie de Rebecka, l’analyse des personnages et de la société, n’est pas encore trouvé. L’enquête traîne en longueur mais le personnage de Rebecka s’étoffe, celui de Sivving aussi. On voit apparaître pour la première fois un personnage qui va devenir important par la suite, le policier maître-chien Krister. 
A la fin quand on apprend ce qui arrive à Rebecka on est inquiet pour elle ! Mais nous répond Asa Larsson  : « Rebecka Martinsson va s’en remettre. J’ai foi en cette petite fille avec ses bottes en caoutchouc rouge. Et puis n’oubliez pas : dans mon histoire, c’est moi qui suis Dieu. »
Moralité ? Il me reste à lire le troisième La Piste noire et le quatrième Tant que dure ta colère. A bientôt !



dimanche 21 janvier 2018

Asa Larsson : Horreur boréale


J’ai commencé ma lecture de la série policière d’Asa Larsson par le cinquième volume En sacrifice à Moloch  et me suis intéressée au personnage principal récurrent, l’avocate fiscaliste Rebecka Martinson. Je me suis donc promis de lire les quatre premiers. Voilà qui est presque  fait, du moins pour deux d’entre eux.

Horreur boréale est le premier. On y rencontre Rebecka qui est avocate fiscaliste à Stockholm, carrière brillante mais qui ne semble pas la combler, de même qu’elle n’aime pas trop son patron Mans Wenngren.
Rebecka  reçoit un appel au secours d’une amie d’enfance, Sanna, mère de deux petits filles, dont le frère, pasteur, vient d’être savamment assassinée à Kiruna, une petite ville de la Laponie suédoise. C'est là que Rebecka est née et qu’elle a vécu avec sa grand-mère maintenant disparue dans un chalet, une enfance dont elle se souvient avec nostalgie. Rebecka prend un congé au grand dam de son patron et va rejoindre Sanna. C’est le début d’une dangereuse enquête - qu’elle mène pour sauver son amie accusée à tort- mais qui se terminera tragiquement.

J’ai trouvé que l’intrigue patinait un peu car l’écrivaine semble plus intéressée par ses personnages que par l’enquête policière proprement dite et je me suis un peu ennuyée au début. Mais j'avais envie d'en savoir plus sur Rebecka et sur son pays.
L’histoire  se déroule en sept jours d’hiver, dans la neige et sous un ciel couronné par les aurores boréales. Le temps qu’il a fallu pour créer le monde. Rappel biblique qui nous replace dans cette petite ville protestante dont les pasteurs représentants de différentes églises forment une communauté religieuse. En Laponie suédoise ils sont encore très puissants.
 Asa Larsson a l’art d’analyser les relations complexes entre les êtres, l’amitié-répulsion entre Sanna et Rebecka, l'art aussi de peindre les non-dits, les jalousies, les rapports de domination, les mesquineries et les malhonnêtetés et hypocrisies qui règnent au sein de la communauté religieuse. Un tableau peu reluisant !

 On y découvre des personnages qui vont l’accompagner tout au long de ces volumes, Anna Maria la policière chargée de l’enquête et son adjoint Sven-Erik, le voisin de la grand-mère de Rebecka, le vieux Sivving et ses chiens.
Malgré ses longueurs, j’ai fini par m'intéresser à ce roman mais pas autant que En sacrifice à Moloch.
Le livre a obtenu le prix du premier roman policier suédois en 2003.

A bientôt pour le deuxième volume "Le sang versé"


samedi 6 janvier 2018

Asa Larsson : En sacrifice à Moloch




En sacrifice à Moloch est un roman de la suédoise Asa Larsson dont l'action se déroule en Laponie suédoise.
Le  roman débute par une impressionnante chasse à l'ours dans le ventre duquel l'on retrouve des restes humains.  Plus tard, Sol Brit Uusitalo, une vieille femme, est assassinée chez elle à coups de fourche. Son petit-fils Marcus, un petit garçon de 7 ans a disparu. C'est le policier Krister et ses chiens dressés qui le retrouvent mais l'enfant traumatisé semble frappé d'amnésie. La procureure Rebekka Martinssso est d'abord chargée de l'enquête avant de se faire évincer par son collègue Von Post arriviste infatué de lui-même et fort antipathique. Mais elle continue à enquêter de loin et remarque que dans la famille Uusitalo, on n'a décidément pas de chance et que l'on y meurt facilement d'une génération à l'autre, et ceci d'une manière suspecte. En reliant le passé aux meurtres du présent, Rebekka va-t-elle parvenir à trouver le coupable?

J'ai beaucoup aimé ce roman policier dont l'intrigue est bien conduite et le suspense bien mené. Il y a un autre récit enchâssé dans le premier et tout aussi intéressant, dont l'intrigue se passe en 1914 et qui suit le cheminement de la jeune Elina Petterson, institutrice, la trisaïeule de Marcus, elle aussi sauvagement assassinée.
D'autre part, le cadre, les paysages enneigés de la Laponie suédoise, ne pouvait que me plaire après mon voyage en Laponie norvégienne. J'ai eu plaisir à me retrouver au pays des Samis, dans le froid d'un pays reculé, sauvage et beau qui contraste fortement avec la vie antérieure de Rebekka à Stockholm. La magistrate était promue à un brillant avenir avant qu'elle ne vienne se réfugier dans le village de son enfance. Finalement, entre une vie dominée par la recherche de l'argent, du confort, au prix d'une concurrence acharnée avec ses collègues, elle préfère la vie plus authentique de sa Laponie natale.
Les personnages qui gravitent autour d'elle sont à la fois très attachants et bien campés, originaux, parfois un peu marginaux et très humains comme en témoignent leurs relations entre eux. Que ce soit Sivving, le vieux voisin sur lequel Rebekka veille filialement, Pohjanen le médecin-légiste dont elle sait  accompagner la solitude, Anna-Maria Mella, la policière, qui a bien du mal à concilier l'élégance et sa ligne avec son métier, Krister Ericsson, défiguré par un incendie, policier, amoureux de Rebecca.  Krister, du fait de son métier de maître-chien, introduit d'autres personnages inattendus dans le roman : les chiens !  Ces derniers jouent un grand rôle dans l'histoire et il faut reconnaître que Asa Larsson parle d'eux d'une manière tendre et pleine d'humour. On sent qu'elle les aime et les connaît bien !

Ce livre m'a donné envie de lire les précédents car il est fait allusion à des évènements antérieurs qui expliquent le personnage de Rebekka même si l'on peut lire ce livre sans connaître les autres. Une lecture très agréable.



jeudi 20 avril 2017

Vilhem Moberg : La saga des émigrants Tome IV : Les pionniers du Minnesota/ Tome V Le Terme du voyage


Kristina et Karl-Oscar : départ de leur pays natal

Pour en finir avec La saga des émigrants de l'écrivain suédois Vilhem Moberg (voir billet n° 1 Tome I et II ; Billet n° 2 tome III) voici la présentation des deux derniers volumes dans ce billet n°3.

 Tome  IV : Les pionniers du Minnesota


Ce quatrième tome  raconte l’installation de la famille de Karl Oskar autour du lac Ki- Chi-Saga et la venue autour d’eux de  milliers de Suédois dont la colonie ne cesse d’augmenter. Avec la transformation des paysages, le défrichage de la forêt, l’ensemencement des champs et la relative prospérité qui s’en suit, nous assistons à la construction de l’Amérique :  Le Minnesota est reconnu comme état par Lincoln. La communauté suédoise doit s’organiser. Peu habitués à la liberté, eux qui étaient sous tutelle aussi bien temporelle que spirituelle dans leur pays d’origine, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent plus rien attendre que d’eux-mêmes.  Entièrement libres même au point de vue religieux puisqu’ils n’ont pas de clergé, ils doivent décider de tout.  Ils doivent  se doter d’une église, d’une école…  La liberté va de pair avec la responsabilité :
"Ceci les obligea à faire preuve de vertus dont ils n’avaient pas l’usage dans leur pays natal. Ils transformèrent l’Amérique, - mais l’Amérique les transforma également."
Ce tome IV voit aussi le retour de Robert dans la famille de son frère et le récit de son épopée avec Arvid à la recherche de l’or californien. C’est un des épisodes les plus sombres du récit  dans lequel Vilhem Moberg  révèle une réelle puissance  dramatique. Le destin de Robert si épris de liberté et d’absolu et en même temps si naïf, si crédule, est un moment déchirant.

 Tome V Le Terme du voyage 


Les  deux personnages principaux  Kristina et Karl-Oscar ont vieilli. C’est comme l’indique le titre du Tome V, c’est le terme de leur voyage ! Tous deux ont été réunis toute leur vie pas un amour très fort, qui se passe bien souvent de mots, mais s’est consolidé dans une mutuelle compréhension et un soutien sans faille. Pourtant tous deux sont très dissemblables dans leur foi et dans leur adaptation au pays : La foi de Kristina doit passer par l’acceptation totale de la volonté divine même lorsqu’il s’agit de ses maternités à répétition qui épuisent sa santé et la mettent en danger. Pour elle, tout ce qui arrive est voulu par le créateur. Karl-Oscar, au contraire, mise sur la liberté et la volonté humaine. La réussite dépend de lui et de lui seul. Il est de cette race de pionniers qui a pour devise : « Aide-toi, le ciel t’aidera ». De même Kristina aura toujours la nostalgie du pays natal et refuse d’apprendre l’anglais; alors que Karl-Oscar fait tout pour pouvoir s’intégrer et se sentir réellement américain. C’est pourquoi il cherche à s’engager lorsque survient la guerre de Sécession. 

A la fin de ce dernier volume, la boucle est bouclée, les premiers colonisateurs s’éteignent et laissent la place à la nouvelle génération. Les enfants sont déjà de bons petits américains; ils parlent la langue et éprouvent même un peu de honte envers leur père qui parle si mal l’anglais. Ils n’ont pas de nostalgie pour un pays qu’ils ne connaissent pas. Ils sont l’Amérique en marche.

dimanche 16 avril 2017

Vilhem Moberg : La saga des émigrants Tome III La terre bénie


J’ai présenté les deux premiers tomes de La saga des émigrants de Vilhem Moberg Ici. Voici maintenant la suite :

Tome III :  La terre bénie

Une image du Minnesota de nos jours
Lorsqu’ils arrivent à New York, les émigrants ne sont pas encore au bout de leurs peines. La visite de Broadway par les plus intrépides, Robert et Arvid, est un véritable choc culturel. Mais la route est encore loin jusqu’au Minnesota.
Voici leur itinéraire selon les termes de leur contrat en date du 26 Juin 1850  : De New York à Albany par bateau à aubes en remontant l’Hudson; d’Albany à Buffalo par voiture à vapeur et de Buffalo à Chicago par bateau à vapeur.  Et puis par leur propre moyen jusqu’au Minnesota. Encore bien des dangers les guettent, le choléra règne à bord d’un des bateaux, c’est d’ailleurs une maladie endémique qui a décimé de nombreuses colonies partout dans le pays. Privations et souffrances pour la famille de Kristina et Karl Oscar et leurs amis.

Une recherche historique solide

Le train :  une voiture à vapeur qui terrifie les immigrants.
Comme dans les précédents romans, ce qui me frappe c’est la profonde connaissance de Vilhem Moberg envers son sujet. Il a fouillé toutes les archives concernant l’émigration suédoise en Suède et aux Etats-Unis et s’appuie sur des textes solides : la liste de de ceux qui sont partis du village de Ljuberg, les contrats qu’ils ont passés avec les compagnies maritimes, le prix qu’ils ont payé pour les différentes étapes du voyage et pour l’acquisition des terres, pour l’achat du matériel agricole et des animaux de ferme très coûteux, l’accueil réservé aux nouveaux  arrivants…. Mais il va encore plus loin grâce au courrier envoyé par les immigrants à leur famille restée au pays. Il peut ainsi décrire les mentalités des ces personnes déracinées, marquées par la religion et l’obscurantisme et par l’absence de liberté,  il peut connaître par l'intérieur les sentiments que ces gens ont éprouvés. Par exemple, leur terreur en montant dans un voiture à vapeur, un train qui crache le feu et peut à tout instant les brûler vifs. Une invention voulue par le diable? L’ivresse de découvrir des terres vierges, riches, à déchiffrer où la terre fertile rend au centuple les efforts du paysan pour l’ensemencer. Mais aussi la découverte d’un climat rigoureux avec un hiver enneigé et glacial et un été démesurément chaud. Et le mal du pays. Et puis la menace des indiens que l’on repousse de plus en plus loin. Vilhem Moberg a mis douze ans pour écrire ce livre, fruit de recherches approfondies.

Le thème épique

Minnesotta : prairie

On retrouve dans ce troisième tome, le thème épique avec, toujours, ce contraste entre la faiblesse de l’homme et la puissance infini de la nature.
Les immigrants avaient franchi la porte de l’Ouest. Ils se trouvaient à bord d’un nouveau bateau à vapeur et, sur celui-ci ils allaient traverser une nouvelle mer, qui ne ressemblait à aucune de celles qu’ils avaient déjà sillonnées, une mer qui n’était pas faite d’eau mais d’herbe, cette grande mer de l’Ouest américain ayant pour nom la prairie.

Ce qui donne lieu à de belles pages descriptives qui nous permettent d’imaginer le spectacle digne de la Création du monde qui s’ouvrait aux yeux de « ces paysans venus de la forêt ». Il y avait de quoi en avoir le vertige, et ceci d’autant plus pour un peuple nourri de la Bible.

Ces paysans venus de la forêt avaient un mouvement de recul devant l’immensité incompréhensible qui s’ouvrait devant eux. Ils désiraient certes trouver un sol plat et régulier, mais il ne fallait pas qu’il ne soit pas accidenté aussi vaste put-il être. Il manquait quelque chose, sur cette prairie : Dieu n’y avait pas totalement achevé la Création. Il avait fait le Ciel et la terre, il avait planté l’herbe et ce qui poussait sur le sol, mais il avait oublié les arbres, les buissons, les vallons et les hauteurs. Et cette mer constituée d’herbe et non pas d’eau les effrayait par son immensité, elle aussi?

Amitié et solidarité

Dans le film de J Toelle : Kristina et Karl-Oscar

Mais le roman est aussi une ode à l’amitié et la solidarité. Le danger le plus grave qui menace les immigrants en dehors des épidémies et de la faim, ce sont les autres. Toute une faune humaine qui rôde autour des nouveaux venus et cherche à gagner leur confiance pour mieux les détrousser. Gare aux naïfs et à ceux qui croient en la bonté humaine! Robert aussi bien que son frère aînée Karl-Oscar en font les frais. Pourtant, il y a de beaux moments d’humanité et des rencontres qui redonnent confiance en la nature humaine.
C’est là, en effet, que va naître la grande amitié entre Kristina et Ulrika la prostituée. Tout sépare pourtant ces deux femmes. D’un côté, la prude et religieuse Kristina, plutôt collet monté, si docile aux commandements de l’Eglise et à la parole du pasteur; de l’autre La Joyeuse comme on la surnomme, à la vie scandaleuse - Kristina apprendra que Ulrika est avant tout une victime- qui a son franc parler, un peu vulgaire, et nomme un chat un chat, elle qui connaît si bien les hommes et leurs désirs refoulés. Le partage du pain, scène biblique, dans le train, est une très belle scène  traitée avec sobriété et délicatesse. Entre elles, va naître une amitié irréductible.
Et puis la solidarité : Le pasteur Jakob les accueille avec tant de bonté à leur arrivée. Le contraste entre le clergé suédois riche, soutenant les intérêts des puissants, durs envers les pauvres qu’il domine par la peur, et Jakob si bon, si attentif, si délicat envers les humbles va être une révélation. 
Il y a aussi, cette vache que l’on prête à la famille et qui permet d’avoir du lait, sauvant les enfants d’une mort certaine pendant ce premier hiver dans le Minnesota et ces échanges de services et de compétences, ces partages d’outils, ces travaux faits en commun qui permettent d’avancer dans la construction des cabanes et le défrichage des terres. Une course contre la montre est engagée, les premières années, pour assurer la survie de la famille; sans compter les nouveaux enfants qui vont naître, bénédiction de Dieu (ou malédiction de la femme?) et bouches supplémentaires à nourrir. Avec Kristina, se développe le thème du mal du pays, du regret lancinant du pays natal. Contrairement à Karl-Oscar, la jeune femme s'adapte mal à son nouveau pays.  C’est aussi dans ce livre que l’on voit le départ de Robert et Arvid pour la Californie à la recherche de l’or. Ce n’est pas la cupidité qui mène Robert mais son désir d’être libre, d’être riche pour ne plus appartenir à aucun maître. De nombreux thèmes, donc , qui font la richesse de ce livre.

Ce tome III est donc encore un très beau moment de La saga des émigrants.

samedi 15 avril 2017

Vilhem Moberg : La saga des émigrants Tomes I et II Au Pays/ La traversée

 
Je lis moins en ce moment, lassitude ? mais il ne faut pas croire pourtant que je peux me passer de ma drogue quotidienne ! Il me faut simplement trouver des livres faciles à lire (bon, attention, cela ne veut pas dire idiots ! ) et qui me procurent une évasion voire une addiction ! Et cela existe ! C’est ce que je viens de vivre avec les cinq tomes de La saga des émigrants de l’écrivain suédois Vilhem Moberg  dans la collection de poche. Il peut avoir jusqu’à huit divisions dans d’autres éditions.

Mais évasion n’a rien de péjoratif, évasion signifie voyage passionnant, plein de découvertes, d’aventures, mais aussi de réflexions sur l’humain : sur la liberté de conscience, le rôle de la  religion et de de la foi, sur le libre arbitre aussi, sur le courage de ces hommes et ces femmes qui ont fondé l’Amérique et cultivé au péril de leur vie ces terres riches; ce qui n’occulte pas les problèmes des peuples amérindiens spoliés de leur terre, de leur terrain de chasse et voués à la famine. Cette suite de plus de 2000 pages a été élue par les suédois comme le meilleur roman de la littérature suédoise.

Tome I :  Au Pays


Dans le Tome I, sont posées les bases de l’histoire, les raisons de l’émigration et la présentation des personnages auxquels nous allons nous attacher pour cette longue traversée littéraire d’un continent à l’autre.
Car La saga des émigrants est un voyage dans l’espace et dans le temps : nous sommes dans le Smäland, province du sud-est de la Suède dans les années 1830 à 1850. A travers plusieurs familles de Ljuger et sur plusieurs années, le lecteur est introduit dans la vie quotidienne des habitants et comprend comment ceux-ci ont été poussés à l’exil. Le pays est régi par une autocratie rigoureuse dans laquelle le souverain est relayé par le clergé qui a tout pouvoir sur les consciences; la censure est telle qu’elle brime toute liberté individuelle. Les gens sont considérés comme hérétiques s’ils lisent la bible chez eux sans avoir recours au pasteur; la persécution religieuse est implacable pour ceux qui ne respectent pas strictement l’orthodoxie religieuse.

Enfin, c’est aussi un pays où la terre est rare pour les plus humbles, où la famine règne. On comprend, dans ce cas qu’il y ait eu plus d’un million de suédois, pour beaucoup des agriculteurs, qui choisit l’exil en Amérique, plus d’un million à quitter le pays pour s’installer sur les terres américaines attribuées aux colons qui viennent s’y installer pour les cultiver.
La famille Nilsa, le père Karl-Oscar, la mère Kristina et leurs enfants sont parmi ces mal lotis, s’échinant toute la journée sur une terre ingrate et caillouteuse, soumis aux aléas du climat ou de la sècheresse qui les laissent exsangues. De plus, la toute puissance des nantis, des riches propriétaires terriens sur leurs employés est sans limites. Les valets sont liés par un contrat à leur patron qui a tous les droits et peut exercer sa violence sur eux en toute légitimité. Ainsi le jeune frère de Karl Oscar, Robert, rêveur et insoumis, placé comme valet chez un maître brutal est frappé si violmment qu’il s’enfuit; poursuivi par la police, il est obligé de vivre caché. C’est lui qui, le premier, a l’idée de partir en Amérique et cherche à entraîner dans l’exil son ami Arvid. Son frère Karl Oscar le rejoint bientôt dans cette idée et, après la mort de sa petite fille pendant un hiver de famine, il donne corps à ce rêve en vendant la ferme. La fin de ce tome I raconte les préparatifs de départ et le ralliement de ceux qui décident de partir avec eux : le voisin, Jonas Petter, mal marié, qui fuit sa femme, l’oncle de Kristina, Daniel Andreadson, illuminé qui se croit investi d’une mission par Jésus et est obligé de fuir la persécution religieuse avec sa famille et ses convertis. Parmi eux, la prostituée Ulrika de Västergölh une femme de caractère et sa fille Elin

Tome II : La traversée



Ce qui est bien avec cette Saga, c’est que l’intérêt augmente d’un tome à l’autre. L’on a souvent entendu parler des souffrances subies par les pionniers entassés dans des cales exiguës, sans possibilité d’intimité ni d’hygiène, tourmentés par les poux, le mal de mer et bientôt le scorbut, mais c’est autre chose de le vivre par l’intermédiaire des personnages. Dès son premier pas sur La Charlotta, vieux rafiot qui ne semble pas pouvoir tenir la route, Kristina, enceinte, sait qu’elle va mourir. Nous assistons avec empathie aux épreuves quotidiennes qu’endurent les voyageurs. L’absence de vent retarde encore l’arrivée à New York. La maladie sévit, la mort rôde et emporte plusieurs d’entre eux. Les conditions de vie, les rapports conflictuels liés à la promiscuité, l’odeur pesitlentielle, la saleté, les vomissures qui s’incrustent dans les vêtements, les cheveux, sur les couvertures, sont décrits avec un tel réalisme que l’on a parfois l’impression de partager cet enfer.

D’autre part, Vilhem Moberg décrit avec beaucoup d’acuité la psychologie des personnages, leur révolte vis à vis de Dieu qui les abandonne à l’océan ou au contraire la foi qui les raffermit; leur peur de cette immensité liquide prête à les engloutir. Il analyse leurs sentiments lorsqu’ils comprennent que c’est un voyage sans retour, qu’ils ne reverront plus jamais la terre natale et les vieux parents qu’ils ont laissés désemparés sur le pas de la porte, et aussi les lieux où ils ont été jeunes et amoureux.

Le style est parfois empreint de nostalgie, parfois traversé d’humour comme lorsque Robert apprend l’anglais ; il peut atteindre le burlesque avec les contes grivois de Jonas Petter mais il prend aussi le ton l’épopée. En effet, il y a quelque chose d’épique dans cette traversée, dans le contraste entre l’infiniment petit, les hommes, face à l’immensité de l’océan.

Robert écoutait le fracas des paquets de mer, au-dessus de leurs têtes. Ils claquaient, clapotaient, puis coulaient sur le pont. Une puissante masse d’eau s’abattait, cognait contre le navire et rebondissait. Lorsque la vague se brisait sur le pont le bruit faisait vacarme et bouchait les oreilles comme une grande giffle. La vague venait frapper le flanc du navire, se brisait et retombait dans la mer. Puis survenait la suivante (…) Il écoutait ces vagues, les unes après les autres, et entendait le navire se libérer chaque fois de la langue de mer, échapper à la grande gueule béante du monstre. La Charlotta flottait toujours.

 L’énergie dans la marche de ce petit voilier se frayant un chemin sur les abysses, le courage, la détermination de ces pauvres gens, malgré leurs doutes et leurs angoisses, nous entraînent bien loin. Un suspense se crée; une envie d’arriver au port comme eux. Une lecture, donc, que l’on ne peut quitter. Je  dois dire que j’ai préféré le deuxième tome même si j’ai aimé le premier. Je considère Au Pays comme une  scène d’exposition nécessaire et intéressante. Mais La Traversée est animé d’un souffle plus intense.

Scène du film Les émigrants : Kristine, Karl-Oscar et leurs enfants

Je vous parlerai dans un prochain billet des volumes suivants : 
Tome III : La terre bénie
Tome IV : Les pionniers du Minnesota
Tome V : Au terme du voyage

Vilhem Moberg  auteur de La saga des émigrants : photographie de Lars Nordin.
Vilhem Moberg : photographie de Lars Nordin.