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lundi 2 juillet 2012

De La Tempête de Skakespeare à The Tempest Replica de la chorégraphe Crystal Pite : Festival de Marseille




The Tempest  Replica de Crystal Pite d'après Shakespeare

Le spectacle de danse contemporaine donné au festival de Marseille The Tempest Replica de la chorégraphe  canadienne Crystal Pite par la compagnie Kidd Pivot est inspiré de La Tempête de  William Shakespeare.

L'intrigue de la pièce de Shakespeare
Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospero et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec  bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospero qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sebastien, pour s'emparer de Naples. Tous vont être amenés à rencontrer Prospero et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbrent les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île. 



The Tempest Replica : Prospero raconte le passé à sa fille Miranda

Les Thèmes et l'interprétation : quelques pistes (entre autres!)
La Tempête de Shakespeare est complexe et présente des nombreux thèmes qui peuvent être différemment interprétés.
 La pièce utilise, bien sûr, les ressources du Merveilleux et la poésie qui se dégage de cette île enchantée "pleine de rumeurs/ de bruits, d'airs mélodieux qui charment sans nuire" tient captif le spectateur. Mais la pièce est aussi réaliste puis qu'il s'agit d'une réflexion sur le pouvoir. Lorsque Prospéro, duc de Milan, se réfugie dans ses livres, s'adonne à l'étude, et fait confiance à son frère Antonio, un homme sans scrupules et sans conscience, il est vaincu par celui-ci qui se débarrasse de lui brutalement. La force paraît donc supérieure au savoir et à l'esprit. Mais c'est pourtant par le savoir que Prospero, sur son île, va dominer la nature, reconquérir son trône et prouver sa supériorité sur ses ennemis. Le savoir assure donc la grandeur de l'être humain mais pas seulement, car l'homme doit, de plus, apprendre à être maître de lui-même. Par la clémence, en choisissant le pardon plutôt que la vengeance, par sa renonciation à la magie et aux forces brutales, Prospero est digne de représenter l'humaniste héritier de la Renaissance. En même temps, il y a une ambiguïté à la fin de la pièce, car en renonçant à ses pouvoirs magiques, il se livre pieds et poings liés à la force brutale que représente Antonio qui n'a eu, lui, aucun mot de repentir et ne sait pas ce qu'est la conscience.

Prospero : Tous mes charmes sont abolis/ et voilà que j'en suis réduit/ A mon seul pouvoir/combien pauvre
Antonio  à propos de la conscience : Où cela se niche-t-il?
Si c'était une ampoule au pied, je porterais
Pantoufle, mais je ne sens point cette déesse
En mon sein. 

The Tempest Replica : Propero et Caliban

Le personnage de Caliban est lui aussi sujet à de multiples interprétations. A l'époque de  la création de la Tempête (1611) les découvertes de nouveaux mondes et les massacres perpétrés sur les peuples indigènes déjà dénoncés par Montaigne ( Les Cannibales1580-1595) peuvent permettre de voir en Caliban la figure du bon sauvage réduit en esclavage par l'envahisseur. Mais l'homme à l'état naturel, Caliban, n'est pas bon et  il est incontestablement inférieur à Prospéro dans la pièce de Shakespeare. On a pu voir aussi en lui, l'une des faces de la personnalité de Prospéro. Chaque homme porte en lui deux forces antagonistes, celles du Bien et du Mal. En cherchant à dominer Caliban, Prospero lutte contre le mal qui est en lui et dont il devra triompher pour devenir un Homme véritable. De même en libérant Ariel, esprit de l'air, après s'être servi de lui, Prospero apprend que la domination de l'homme sur la nature doit avoir des limites et qu'il doit savoir la respecter. La tempête est donc une pièce relativement optimiste. Certes la nature humaine est mauvaise mais l'homme est capable de choisir le bien et de renoncer au pouvoir qu'il exerce sur les autres. Cependant le dramaturge nous rappelle que la bataille n'est jamais complètement gagnée et que le Bien reste fragile.

The Tempest Replica : l'île magique : Miranda et Ferdinand

Le ballet contemporain au festival de Marseille
Comme dans la pièce de Shakespeare qui respecte les règles classiques, un seul lieu, un seul jour, le ballet débute avec la tempête ordonnée par Prospéro. Toute cette première partie qui allie langage chorégraphique et jeux de lumière, effets sonores et visuels, vidéo qui raconte le passé, est très belle. On est véritablement projeté au milieu des éléments déchaînés et l'on voit les hommes emportés par la violence des vagues et du vent. L'effet est magnifique. Les personnages sont aussi surprenants et magiques, vêtus de blanc, le visage enveloppé dans des voiles, (des bandelettes?) ils paraissent prisonniers d'une chrysalide comme s'ils n'étaient pas véritablement humains à l'exception de Prospero qui apparaît tête nue. Et ils ne sont pas humains, en effet! Caliban est à mi-chemin de l'homme et de l'animal, ce que soulignent son costume assez irréel, hérissé de pointes, le bruitage, et la gestuelle qui le maintient à quatre pattes... Tout le ravale au rang de la bête. Les jeunes gens, Miranda et Ferdinand, qui s'éveillent à l'amour (Miranda n'a jamais vu d'être humain en dehors de son père) attendent de prendre leur envol. L'usurpateur et ses compagnons sont des êtres plutôt primitifs. Quand enfin, ils accèderont au statut d'hommes, ils apparaîtront visage dévoilé.
Et puis... Je n'ai pas trop compris ce que venait faire l'ouverture d'une porte au milieu de l'intrigue avec ce rai de lumière et cette irruption du monde moderne. Peut-être cela symbolise-t-il l'instant où les personnages se libèrent puisqu'ils apparaissent ensuite en costumes modernes et visage nu? Mais je l'ai ressenti comme une rupture de rythme, un arrêt dans le récit et j'ai dans l'ensemble beaucoup moins apprécié cette seconde partie. Certes, la chorégraphie est intéressante quand elle montre la lutte de Prospéro contre Ariel et Caliban, la domination qu'il exerce sur tous, maître-manipulateur tirant les fils de marionnettes. Il y a de beaux moments lorsque, par exemple, il libère sa fille, exerçant une poussée sur ses jambes pour qu'elle s'éloigne de lui comme un enfant qui fait ses premiers pas...  Mais j'ai trouvé les  solos, les pas de deux des danseurs (tous d'ailleurs excellents) trop répétitifs d'où un sentiment d'ennui, j'ai eu l'impression parfois de revenir en arrière dans l'action, je n'ai pas senti assez nettement l'évolution des personnages. Et c'est dommage! 

 The Tempest Replica : La mort de Prospero?

Notons, ce qui est remarquable, le choix de la chorégraphe dans le dénouement. Elle montre Prospero abattu par Antonio et ses complices.  Les visages de ces hommes sont à nouveau enveloppés. Dans le ballet, le Mal  triomphe donc?



Challenge de Maggie et Claudialucia

mercredi 6 juillet 2011

Le festival de danse de Marseille : Gregory Maqoma, Sidi Larbi Cherkaoui, Shanel Winlock

 Le troisième spectacle de danse contemporaine que j'ai vu à Marseille est  Southern Bound Comfort et autant le dire tout de suite, il m'a emballée! Il est composé de deux ballets : le premier Southern Comfort du chorégraphe sud-africain Gregory Maqoma, le second Bound du chorégraphe belgo-marocain Sidi Larbi Cherkaoui. Les deux oeuvres sont interprétées magistralement par Gregory Maqoma et Shane Winlock. Toutes les deux  ont un thème commun. Ils traitent du couple, plus généralement des rapports hommes-femmes et jouent sur l'idée de domination-soumission.

Southern Comfort est une pièce pleine d'humour. Elle met en scène une jeune femme que l'on imagine être chorégraphe  et qui profite de son autorité pour mettre sous sa coupe son danseur et aussi les musiciens qui l'accompagnent. Le texte, la musique, les jeux d'éclairage qui doivent la suivre en mettant dans l'ombre ses faire-valoir créent autant de moments amusants qui déclenchent le rire, entrecoupés par des solos ou des duos enlevés. Jusqu'à la révolte, le retour du bâton!



Dans Bound  le couple perd son bébé. Le ton est grave, le désespoir est là, le désir de  suicide hante le couple qui n'arrive pas à se retrouver après le drame. L'homme et la femme se déchirent jusqu'à la séparation finale. La chorégaphie est extraordinairement belle et inventive. Le seul décor est constitué de cordes qui pendent des cintres ou se déroulent sur la scène, deviennent tour à tour maison, arbres pour se pendre; elles prennent la forme du bébé lové contre le corps maternel mais elles sont aussi la Mort qui vient arracher l'enfant des bras de sa mère. Elles se dressent comme des serpents vibrants, démultipliées par un effet de lumières stoboscopiques, devant la mère éplorée et dansent avec elle la violence du deuil, elles emprisonnent le couple, le retiennent prisonnier jusqu'à la séparation, l'étirement final où la corde est prête à se rompre libérant le couple de ses dernières attaches. Un grand moment de beauté et d'émotion. De la grande danse!


mardi 5 juillet 2011

Festival Danse de Marseille 2011 (2) : Akram Khan


Vertical Road de Akram Khan

Autant le dire tout de suite, je connais mal la danse contemporaine. Mes connaissances s'arrêtent à Elvin Ailey, autrement dit aux années 1970-80. Le festival de Marseille a donc été l'occasion pour moi de découvrir des artistes de premier plan. Akram Khan en fait parti. Chorégraphe anglo-blangadais, il allie les techniques contemporaines à la danse traditionnelle de l'Inde du Nord, le Kathatk. Dans Vertical Road il doit beaucoup au poète et philosophe persan Roumi. Akram Khan y explore le difficile chemin que doit parcourir l'âme pour accéder à la spiritualité.


 Le ballet est d'une virtuosité étonnante, puissante, violente même. Les danseurs semblent dotés d'une énergie décuplée par le rythme musique. Ils tournoient, scandent avec force la musique de leurs pieds, bondissent, se préparant à l'envol mais retombent sur le sol, le corps écartelé par la douleur. Sur la scène se livre un étrange lutte comme si ces âmes en souffrance étaient retenus sur le sol, empêchées. Mais quel est cet étrange personnage qui semble tour à tour les guider et les empêcher de continuer leur route? Peut-être un ange puisque, nous dit-on, Akram Khan s'inspire de la présence des anges dans différentes légendes? Mais est-ce l'Ange du Bien ou du Mal car il semble dominer les âmes, les contraindre à l'obéissance et la silhouette athlétique le rattache à la matérialité de la terre. Parfois la révolte gronde, l'un d'entre eux se lève pour s'opposer à lui, des mains s'agrippent pour le retenir. Mais toujours, il reprend le dessus jusqu'au moment, où les âmes trouvent leur voie et passent de l'autre côté, un au-delà matérialisé sur scène par un immense rideau blanc tendu entre les Mondes. Cette frontière transcendée par des jeux de lumière sublimes laissent apparaître par transparence les silhouettes et, à la fin du ballet, les mains de ceux qui sont passés de l'autre côté comme pour un dernier adieu. Un magnifique tableau.

Comment se fait-il pourtant que malgré l'admiration éprouvée à la fois pour les danseurs virtuoses, la scénographie éblouissante et la puissance de la chorégraphie, je n'ai pas été entièrement prise par ce spectacle?  Je crois que je me suis posée trop de questions. Or, je n'étais pas certaine de bien interpréter ce que je voyais. Ainsi au début du ballet, les danseurs se lèvent secouant de leur vêtements une fine poudre blanche qui forme comme une brume autour d'eux. J'y ai vu les morts du jugement dernier soulevant la poussière de leur tombeau. Mais à chercher des explications, on laisse de côté l'émotion. Et c'est dommage! J'ai parfois eu l'impression de longueurs et de redites. Peut-être aussi ne suis-je pas assez mystique pour apprécier pleinement? Bref! j'ai vraiment eu conscience d'être devant un grand chorégraphe mais d'avoir partiellement raté la rencontre! C'est pourquoi j'aimerais vraiment voir d'autres ballets de Akram Khan.



La connaissance du poète persan Rumi doit ouvrir les portes de la compréhension de ce ballet. Voici un extrait d'un poème trouvé sur le net.

I died from minerality and became vegetable;
And from vegetativeness I died and became animal.
I died from animality and became man.
Then why fear disappearance through death?
Next time I shall die
Bringing forth wings and feathers like angels;
After that, soaring higher than angels -
What you cannot imagine,
I shall be that.

lundi 4 juillet 2011

Festival Danse et arts multiples de Marseille 2011 (1): Alvin Ailey


Escapades Photo Eduard Patino

 Le festival de danse contemporaine de Marseille se termine le 9 Juillet. Pour moi, il a fini hier avec le dernier des trois spectacles que j'avais réservés : Ailey II, Vertical Road, Southern Bound Comfort.
Le premier auquel j'ai assisté est celui de la compagnie Ailey II.

La compagnie Ailey II
La compagnie américaine Ailey II composé de jeunes danseurs, tous excellents, perpétue la mémoire du grand chorégaphe Alvin Ailey, décédé en 1989, en dansant partout dans le monde des pièces de son répertoire. Ils interprètent aussi parallèlement des ballets de chorégraphes contemporains. Alvin Ailey, noir américain d'origine africaine unit dans ses créations la culture des deux civilisations dont il est issu.
Le spectacle présentait  quatre ballets.
  
Ailey Highligths composé d'extraits de plusieurs oeuvres chorégraphiques imaginées par Ailey entre 1958 et 18989, sorte de rétrospective enlevée, extrêmement variée et brillante, florilège des meilleurs ballets du maître, Blue suite, The lark ascending, Isba, Escapades, Hidden Rites.

Splendid Isolation : photo de Eduardo Patino

Splendid Isolation, une chorégaphie de Jessica Lang, permet de partager, sur des chants médiévaux, un instant de luminosité et de grâce extraordinaires. Une danseuse prisonnière d'une longue robe blanche qui étend sa large corolle autour d'elle, isolée du monde par  un faisceau de lumière, exécute une gestuelle d'une grande pureté. On dirait une silhouette de Brancusi, un oiseau prêt à prendre son envol. Un moment de grâce.



Hunt  photo Eduard Patino

Hunt de Robert Battle est un ballet trépidant qui mime une chasse tribale au rythme des tambours du Bronx, alliance de l'Afrique et l'Amérique. La musique, obsédante, épouse la violence de la chasse mimée par des acteurs bondissant, entraînés par un rythme de plus en plus rapide. On voit le gibier tué dont s'empare les chasseurs, on imagine aussi que cette danse violente où  la mort fait irruption est celle des esclaves en fuite  fuyant les chiens qui vont les dévorer, les maîtres qui vont les abattre. Mon interprétation est tout à fait personnelle  et je ne l'impose à personne!

  Enfin Revelations  est devenu le "classique" incontournable de la danse contemporaine et américaine. Les danseurs évoluent sur scène  sur la musique de negro spirituals et de blues. C'est l'âme africaine qui s'exprime, le peuple noir, esclave, qui danse ses peines, ses aspirations à la liberté dans un premier tableau intitulé : Pilgrim Sorrow. Dans take me to the water les robes des femmes et l'ombrelle blanche célèbrent le baptême, la pureté tandis qu'une immense bande de tissu bleu symbolise l'onde purificatrice.  Puis avec Move, members, move! la joie, les transports de la foi éclatent formant un tableau joyeux et animé  éclairé les robes jaunes des femmes. Les danseurs  merveilleux, les jeux de lumière, les costumes  font de ce spectacle un moment de bonheur, la salle conquise applaudit, debout. 
Un merveilleux hommage à Alvin Ailey.