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dimanche 4 mars 2012

Les Romantiques et le fantastique : Lénore, Gottfried A.Bürger/ Gérard de Nerval


 Horace Vernet (1839)La Ballade de Lénore Musée des Beaux Arts de Nantes


La ballade de Lénore ou les Morts vont vite est une oeuvre célèbre du poète romantique allemand Gottfried August Bürger  (1747_1794). Celui-ci est  aussi l'auteur d'autres ballades comme le Féroce chasseur, La fille du pasteur et des Fabuleuses Aventures du Légendaire Baron de Munchhausen.
On raconte  qu'après avoir entendu une jeune fille chanter les vers suivants :
La lune est claire
Les morts vont si vite à cheval
Dis, chère amie, ne frissonnes-tu pas? 
 il n'eut de cesse d'écrire ce poème. Lorsqu'il lut Léonore devant une petite assemblée littéraire, Bürger se demandait si le poème allait plaire. Au moment où le mystérieux cavalier monté sur le cheval noir arrive à la grille de fer et brise le verrou, Gottfried Bürger frappa contre la cloison. L'auditoire suspendu aux lèvres du lecteur sursauta et se leva brusquement, pris de frayeur. Le poète comprit alors qu'il avait gagné. Le succès allait dépasser toutes ses espérances puisque la ballade eut un succès national considérable et dépassa bien vite les frontières. 

Lenore par Louis Boulanger
Lénore a, en effet, hanté, l'imaginaire de nombreux écrivains : Germaine de Stael  la première le fait connaître en France,  Gérard de Nerval traduit la ballade, en Angleterre, Walter Scott et  Dante Gabriel Rossetti font  de même. En Russie, Dimitri Joukovsky, poète romantique (1783-1852) l'imite. Elle a de plus donné lieu à de nombreuses interprétations aussi bien de la part des peintres que des musiciens. Dans cette ballade qui nous plonge dans le romantisme fantastique, Lénore attend le retour de son bien-aimé parti à la guerre heureusement  terminée. Hélas! Wilhelm ne revient pas. La jeune fille malgré les exhortations de ses parents n'accepte pas la disparition  du jeune homme et se désespère, se révoltant contre Dieu et attirant ainsi sur elle la colère divine. A minuit un mystérieux cavalier qu'elle prend pour son amoureux vient la chercher ... 

Extraits traduits par Gérard de Nerval

 Ary Scheffer : Les morts vont vite  (Musée de l'art romantique de Paris)

Mais au dehors quel bruit se fait entendre ? Trap ! trap ! trap !….. C’est comme le pas d’un cheval. Et puis il semble qu’un cavalier en descende avec un cliquetis d’armures ; il monte les degrés…. Écoutez ! écoutez !… La sonnette a tinté doucement… Klinglingling ! et, à travers la porte, une douce voix parle ainsi :

— » Holà ! holà ! ouvre-moi, mon enfant ! Veilles-tu ? ou dors-tu ? Es-tu dans la joie ou dans les pleurs ? — Ah ! Wilhelm ! c’est donc toi ! si tard dans la nuit !… Je veillais et je pleurais….. Hélas ! j’ai cruellement souffert…. D’où viens-tu donc sur ton cheval ?

— » Nous ne montons à cheval qu’à minuit; et j’arrive du fond de la Bohême : c’est pourquoi je suis venu tard, pour te remmener avec moi. — Ah! Wilhelm, entre ici d’abord ; car j’entends le vent siffler dans la forêt…..

— » Laisse le vent siffler dans la forêt, enfant ; qu’importe que le vent siffle. Le cheval gratte la terre, les éperons résonnent ; je ne puis pas rester ici. Viens, Lénore, chausse-toi, saute en croupe sur mon cheval ; car nous avons cent lieues à faire pour atteindre à notre demeure.

— » Hélas ! comment veux-tu que nous fassions aujourd’hui cent lieues, pour atteindre à notre demeure ? Écoute ! la cloche de minuit vibre encore. — Tiens ! tiens ! comme la lune brille !…. Nous et les morts, nous allons vite ; je gage que je t’y conduirai aujourd’hui même.

— Dis-moi donc où est ta demeure ?

Y a-t-il place pour moi ? — Pour nous deux. Viens, Lénore, saute en croupe : le banquet de noces est préparé, et les conviés nous attendent. »

La jeune fille se chausse, s’élance, saute en croupe sur le cheval ; et puis en avant ; hop ! hop ! hop ! Ainsi retentit le galop…. Cheval et cavalier respiraient à peine ; et, sous leurs pas, les cailloux étincelaient.

Oh ! comme à droite, à gauche, s’envolaient à leur passage, les prés, les bois et les campagnes ; comme sous eux les ponts retentissaient ! « — A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille….. Hurra ! les morts vont vite. A-t-elle peur des morts ? — Non….. Mais laisse les morts en paix !

» Qu’est-ce donc là-bas que ce bruit et ces chants ? Où volent ces nuées de corbeaux ? Écoute….. c’est le bruit d’une cloche ; ce sont les chants des funérailles : « Nous avons un mort à ensevelir. » Et le convoi s’approche accompagné de chants qui semblent les rauques accents des hôtes des marécages.

― » Après minuit vous ensevelirez ce corps avec tout votre concert de plaintes et de chants sinistres : moi, je conduis mon épousée, et je vous invite au banquet de mes noces. Viens, chantre, avance avec le chœur, et nous entonne l’hymne du mariage. Viens, prêtre, tu nous béniras.

Plaintes et chants , tout a cessé….. la bière a disparu….. Sensible à son invitation , voilà le convoi qui les suit….. Hurra ! hurra ! Il serre le cheval de près, et puis en avant ! Hop ! hop ! hop ! ainsi retentit le galop….. Cheval et cavalier respiraient à peine, et sous leurs pas les cailloux étincelaient.

Oh! comme à droite, à gauche s’envolaient à leur passage les prés, les bois et les campagnes. Et comme à gauche, à droite, s’envolaient les villages, les bourgs et les villes. — « A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille Hurra! les morts vont vite….. A-t-elle peur des morts ? — Ah ! laisse donc les morts en paix.

― » Tiens ! tiens ! vois-tu s’agiter, auprès de ces potences, des fantômes aériens, que la lune argente et rend visibles ? Ils dansent autour de la roue. Çà ! coquins, approchez ; qu’on me suive et qu’on danse le bal des noces….. Nous allons au banquet joyeux. »

Husch ! husch ! husch ! toute la bande s’élance après eux, avec le bruit du vent, parmi les feuilles desséchées : et puis en avant ! Hop ! hop ! hop ! ainsi retentit le galop. Cheval et cavalier respiraient à peine, et sous leurs pas les cailloux étincelaient.

Oh ! comme s’envolait, comme s’envolait au loin tout ce que la lune éclairait autour d’eux !…. Comme le ciel et les étoiles fuyaient au-dessus de leurs têtes! » — A-t-elle peur, ma mie ? La lune brille…. Hurra ! les morts vont vite….. — Oh mon Dieu ! laisse en paix les morts.

— » Courage, mon cheval noir. Je crois que le coq chante : le sablier bientôt sera tout écoulé….. Je sens l’air du matin Mon cheval , hâte-toi….. Finie , finie est notre course ! J’aperçois notre demeure…. Les morts vont vite….. Nous voici ! »

Il s’élance à bride abattue contre une grille en fer, la frappe légèrement d’un coup de cravache….. Les verroux se brisent, les deux battants se retirent en gémissant. L’élan du cheval l’emporte parmi des tombes qui, à l’éclat de la lune, apparaissent de tous côtés.

Ah ! voyez !… au même instant s’opère un effrayant prodige : hou ! hou ! le manteau du cavalier tombe pièce à pièce comme de l’amadou brûlée ; sa tête n’est plus qu’une tête de mort décharnée, et son corps devient un squelette qui tient une faux et un sablier.

Le cheval noir se cabre furieux, vomit des étincelles, et soudain….. hui ! s’abîme et disparaît dans les profondeurs de la terre : des hurlements, des hurlements descendent des espaces de l’air, des gémissements s’élèvent des tombes souterraines….. Et le cœur de Lénore palpitait de la vie à la mort.

Et les esprits, à la clarté de la lune, se formèrent en rond autour d’elle, et dansèrent chantant ainsi : « Patience ! patience ! quand la peine brise ton cœur, ne blasphème jamais le Dieu du ciel ! Voici ton corps délivré….. que Dieu fasse grâce à ton âme ! »

Source : Pour lire le poème entièrement





Lenore Poème symphonique par Henry Duparc

Henri Duparc, de son nom patronymique Eugène Marie Henri Fouques Duparc, né à Paris le 21 janvier 1848 et mort à Mont-de-Marsan (Landes) le 12 février 1933, est un compositeur français.