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lundi 8 septembre 2025

Stephen Greenblatt : Will le Magnifique

 

Will  le magnifique de Stephen Greenblatt est un livre à ne pas manquer pour tous les amoureux de Shakespeare mais  pour les autres aussi car le livre est un puits de science à la fois sur la vie et l’oeuvre du dramaturge mais aussi sur l’histoire anglaise du XVI siècle, sous le règne d’Elizabeth 1er et de Jacques 1er.

Stephen Greenblatt part du constat que l’on connaît peu la vie du personnage ( pas de lettres alors qu’il était séparé de sa famille restée à Stratford quand il vivait à Londres, pas de journal intime, pas de mémoires écrits par ses contemporains ) mais d’abondants documents rendant compte de sa vie officielle, acquisitions de propriétés, recettes des théâtres, certificats de mariage, de baptême, procès, testament et puis… bien sûr, il y a ces œuvres !  Et  si justement celles-ci rendaient compte de sa vie, révélaient ses pensées secrètes, ses sentiments, ses idées, bref ! Et si la biographie du grand dramaturge pouvait se lire à travers et par ses écrits ? C’est ce que va étudier Greenblatt et c’est ce qui rend cette étude si passionnante.

Enfin et pour une fois un biographe, Stephen Greenblatt, qui ne remet pas en cause la paternité des œuvres de Shakespeare mais qui, au contraire, met en lumière pourquoi elle est incontestable. Non qu’il veuille aborder cette question d’ailleurs. Son intérêt est ailleurs. Il part de ce postulat :

 « L’une des caractéristiques fondamentales de l’art de Shakespeare est de ne jamais se couper du réel. Shakespeare est un poète qui remarque que le lièvre traqué est « tout trempé de sueur » ou que l’acteur victime d’opprobre peut se comparer à la main indélébilement tachée du teinturier. »

William Shakespeare est né en 1564 et est mort en 1616. Il est l’aîné des enfants de John Shakespeare et de Mary Arden et a certainement fait ses études de l’âge de sept ans à 13 ans à la Grammar school de sa ville natale Stratford-upon-Avon. Des études entièrement dispensées en latin et consacrées à l’étude de textes religieux mais aussi d’auteurs latins, comme Plaute ou Terence. Les troupes itinérantes qui s’arrêtaient à Stratford ont pu aussi lui donner le goût du théâtre. Mais il n’a pu aller à l’université car son père - qui était gantier et bailli de la ville - ruiné, n’avait plus la fortune nécessaire pour l’y envoyer. Quand il arrive à Londres pour y exercer le métier d’acteur et se mettre à écrire Shakespeare doit se faire un nom. Il fréquente alors le cercle des écrivains et dramaturges, souvent de mauvais garçons, buveurs, ripailleurs, mais aussi espions, voleurs, qui tournent autour du théâtre dont Marlowe, son plus grand rival avant sa mort violente dans une rixe. Le théâtre a cette époque est plus que jamais un commerce et la concurrence y est rude, il faut gagner la protection d’un haut personnage pour survivre et les épidémies de peste qui ferment tous les lieux de loisir plongent souvent la plupart des troupes dans la misère. Ces  poètes sont tous diplômés d’Oxford et de Cambridge forment une caste qui ne doit rien à la fortune ou à la noblesse mais bien au prestige de leurs études. Ils regardent de haut tous ceux qui ne sortent pas de l’université. Ils forment un cercle fermé et snob et sont rapidement jaloux des succès de Will. L’un d’eux, vraisemblablement Robert Greene, traite Shakespeare ainsi :

 « Oui, méfier-vous d’eux : Car il en est un parmi eux, un Corbeau parvenu qui s’embellit de nos plumes, et qui, dissimulant son coeur de tigre sous la peau d’un comédien, s’imagine qu’il est tout aussi capable que le meilleur d’entre vous de grandiloquer des vers blancs et en véritable Johannes-à- tout- faire, il se considère vaniteusement comme l’unique Shakescene (ébranleur de scène) du royaume. »

Et  c’est le même  snobisme qui, de nos jours, refuse  de reconnaître  Shakespeare comme l’auteur de ses œuvres, et pour les mêmes raisons !  Sous prétexte qu’il n’est pas sorti de l’université, qu’il est issu du peuple,  ses détracteurs attribuent ses textes à un aristocrate, un universitaire, comme si un autodidacte  doté d’une mémoire excellente, d’un don aiguisé de l’observation et d’une  grande imagination ne pouvait être capable de faire oeuvre de génie, comme si un acteur qui doit incarner toutes les classes sociales, ne pouvait pas s’identifier à un aristocrate.

« Il convient d’invoquer le pouvoir d’une imagination incomparablement  puissante, un don qui ne dépend pas du fait qu’on a, ou non, mené une vie prétenduement intéressante. De longues et fructueuses études ont démontré comment l’imagination de Shakespeare métamorphose ses sources, car dans la majorité de ses œuvres, il emprunte de matériaux qui circulent déjà et les transforme par la puissance de son énergie créatrice. »

L’érudition, certes Shakespeare peut l’acquérir par ses lectures ( j’ai noté qu’il lisait Montaigne, entre autres !). Mais pour le reste il puise dans le réel, dans ce qu’il a pu observer, dans les  traditions populaires, les coutumes solidement ancrées dans la vie campagnarde. Celle-ci est peinte dans son oeuvre, non comme une pastorale destinée à plaire à la haute société, mais avec des détails vrais. Shakespeare connaît parfaitement les travaux des champs. Son père était fils de métayer et achetait de la laine directement au producteur pour la traiter. Il décrit les conditions de vie du berger, le cycle de saisons, la vie des animaux, les noms des herbes et des fleurs.. La nature est souvent présente dans ses pièces et donne lieu à de très beaux passages lyriques tout en témoignant d’une connaissance intime du monde rural. 

« Le théâtre doit participer à la fois de cette envolée visionnaire de l’imagination et d’un enracinement dans le quotidien, ce quotidien qui constitue une partie intégrante de son imagination créatrice. Shakespeare ne devait jamais oublier le monde quotidien et provincial dont il était issu …. »

On sait peu de choses des années  qui ont précédé l’arrivée de Shakespeare à Londres. On pense qu’il a peut-être travaillé comme gantier avec son père et le biographe note l’abondance des  références relatives à ce métier du cuir dans  ses pièces.
 

« Romeo aimerait être le gant qui recouvre la main de Juliette, afin de pouvoir lui effleurer la joue. Dans Le Conte d’Hiver le colporteur transporte dans sa musette « des gants comme roses parfumées » ? Le parchemin n’est-il pas en peau de mouton  ? se demande Hamlet. « si Monseigneur et aussi de veau. » lui répond son ami Horatio.. Dans La comédie des erreurs, quant à l’officier, engoncé dans son uniforme du cuir, Shakespeare le compare à « une basse de viole dans un étui de cuir ». ( etc…) En créant le monde enchanté du Songe d’une nuit d’été, Shakespeare s’amuse même à miniaturiser l’art du cuir : la « chatoyante » peau abandonnée par le serpent qui mue est assez large pour un manteau de fée et « l’aile de cuir » des chauves-souris pour celui des elfes.

 Peut-être a-t-il aussi travaillé dans une étude d’un notaire car il il a le vocabulaire  d’un juriste et plus tard il se révélera très compétent pour gérer ses biens, acquérir des propriétés et se doter d’une solide fortune. Il a certainement commencé sa carrière théâtrale comme acteur avant de se rendre à Londres.

Tout en éclairant la vie de Shakespeare par son oeuvre, Greenblatt  brosse un tableau de  la Renaissance anglaise, ce XVI Siècle dominé par la royale figure d’Elizabeth puis Jacques 1er, un siècle tourmenté, où règne la discorde entre catholiques et anglicans et dans lequel l’héritage religieux de Henri VIII a fait de la reine le chef de l’église anglicane. Les grandes familles catholiques complotent dans l’ombre et lorsque le pape s’en mêle et excommunie la souveraine, la peur du complot, la suspicion, les rumeurs d’assassinat, font peser une chape de plomb sur la société. Beaucoup de nobles perdent la vie, leur tête exposée sur une pique à l’entrée du pont de Londres. Les puritains qui vont encore plus loin dans la répression que la reine, attaquent le théâtre qu’ils accusent de tous les vices, et sont aussi une force délétère qui ajoute encore à ce climat de peur et de tension.
 Entre une mère catholique et un père qui de par ses fonctions publiques affiche son adhésion à l'église anglicane mais est peut-être resté secrètement catholique, on comprend que William Shakespeare se soit montré discret sur sa vie privée. De même qu’il devait se montrer habile dans ses pièces pour ne pas heurter l’orgueil des nobles et des souverains surtout quand il peignait leur règne et leurs moeurs.  Et ce d’autant plus qu’il vit dans un société hiérarchisée à outrance, les hommes dominent les  femmes, les personnages  âgées les plus jeunes, les classes sociales sont extrêmement marquées et la naissance dans l’une d’elles crée un déterminisme dont il est malaisé de s’échapper. Les supérieurs attendent respect et exigent de recevoir des marques de déférence dues à leur rang, l’acteur et le dramaturge n’étant pas beaucoup plus qu’un serviteur chargé de les divertir et  ne bénéficiant pas même de l’impunité du Fou du roi. Un siècle inquiétant et pourtant riche au niveau culturel où le théâtre acquiert peu à peu et parfois difficilement ses lettres de noblesse. Un grand plaisir de lecture ! 


mardi 22 juillet 2025

Shakespeare : Le songe d'une nuit d'été

Arthur Rackham : Puck et Titania
  

Je devais aller voir Macbeth pour participer au challenge de Cléanthe mais je n'ai pas pu. Par contre j'ai assisté à deux représentations de le Songe d'une nuit d'été  qui m'ont particulièrement déçue. Je reprends ici tout en le complétant ce que j'avais déjà écrit sur cette pièce pour le challenge Shakespeare il y a quelques années pour mieux faire comprendre ma déception.


La  pièce de Shakespeare Le songe d'une nuit d'été était à l'origine intitulée Le songe de la nuit de la Saint Jean. Une bizarrerie puisque Shakespeare place le déroulement de sa pièce au mois de Mai (mid summer).
 L'universitaire Ernest Schanzer donne une explication : il s'agit de la date de la première représentation du Songe donnée pour célébrer la nuit de la Saint-Jean. Ce qui reste étonnant, pourtant, c'est que le dramaturge ait tenu à placer l'action la veille du premier Mai. Certes, ces deux nuits, dans les croyances élizabéthaines, étaient toutes deux considérées comme propices à la magie, à l'apparition des êtres surnaturels. Cependant c'est à la Saint Jean que les fleurs cueillies cette nuit-là ont un pouvoir magique capable de susciter des rêves amoureux et de frapper les gens de folie. Or, constate Ernest Schanzer  "la folie amoureuse n'est-elle pas, en effet, le thème essentiel du songe d'une nuit d'été ?".
Quoi qu'il en soit, la pièce est bien nommée puisque toutes les scènes se déroulent la nuit sauf peut-être la première scène de l'acte 1 et encore est-elle placée aussi sous le signe de la lune..

L'intrigue 

La scène se passe à Athènes et dans un bois voisin.

Thésée, le duc d'Athènes et Hippolita vont fêter leur mariage dans quatre nuits, à la nouvelle lune.  Mais Egée, un vieux courtisan,  vient se plaindre de sa fille Hermia qui refuse d'épouser Démetrius, le prétendant qu'il lui a choisi. Hermia aime Lysandre et veut se marier selon son coeur.  Héléna, la fille de Nedar, elle, aime Démetrius qui lui préfère Hermia. Telle est la situation, inextricable, lorsque les deux amoureux, Hermia et Lysandre décident de fuir.  Ils seront suivis, contre leur gré, par Héléna et Démétrius. Les quatre jeunes gens se perdent dans la forêt pendant cette nuit de folie et vont être les jouets des fées.

Pendant ce temps, des gens du peuple, artisans de la ville, décident de monter une pièce sur la mort de Thisbée et de Pyrame pour la représenter au mariage de Thésée et Hippolita. Ils espèrent s'attirer les bonnes grâces du roi. Ils s'éloignent dans la forêt guidé par Lecoin, le charpentier qui s'est improvisé metteur en scène. La troupe à l'intention de répéter à l'abri des regards et il va leur arriver à eux aussi bien des mésaventures.

Dans la forêt vit le peuple des fées : La reine Titania, entourée de ses elfes, est en rivalité avec Obéron, le roi des fées. Il lui réclame un enfant qu'elle lui a volé. Elle refuse et Obéron jure de se venger avec l'aide de Puck ; il demande à ce dernier d'aller cueillir une fleur magique dont le suc déposé sur la paupière d'une personne la rend amoureuse du premier visage aperçu lors de son réveil.

Avec cette fleur commence la folie amoureuse de cette nuit d'été : Titania tombera amoureuse de Bottom (Navette), le tisserand, affublé d'une tête d'âne ; les quatre jeunes gens eux aussi vont changer de soupirants et voir se nouer et dénouer leurs amours, au gré des caprices des fées.


Une comédie tragique : l'Homme est-il libre ?


Le songe d'une nuit d'été est une comédie. Elle présente effectivement des personnages franchement comiques, en particulier la troupe de théâtre des artisans, ridicules à souhait dans leurs prétentions. Les personnages vont jouer une tragédie en se prenant très au sérieux; c'est ce qui va provoquer le rire car nous assistons à une parodie sans que les acteurs en soient conscients. Ils craignent même de faire peur aux dames ! Ce sont des personnages de farce et celle-ci est à son comble quand Bottom se retrouve avec une tête d'âne. Shakespeare a toujours aimé mener une réflexion sur le théâtre dans ses pièces, soit pour révéler la vérité comme dans Hamlet, soit pour rappeler que la vie, le monde entier, est un théâtre comme dans Macbeth ou Le marchand de Venise.  Ici, le théâtre dans le théâtre permet de jouer sur le grotesque tout en dénonçant la sottise et la vanité humaines. Il est aussi frappant de constater que le thème de Pyrame et Thisbé répond à l'intrigue du Songe, une histoire d'amour contrarié et d'amants séparés. A l'astre de la lune qui veille sur la pièce, répond la lune factice, une lanterne, des comédiens amateurs.

Cependant la pièce a un fond tragique et même si le spectateur rit, il reste conscient de la cruauté des jeux amoureux qui se déroulent devant lui. Quand le suc de la fleur magique détourne l'amour de Lysandre et de Démétrius vers Héléna, Hermia devient pour eux un objet de mépris. Il n'y aucune compassion pour la jeune fille qui doit essuyer des insultes :

"Moi me contenter d'Hermia ! Jamais ! Comme je regrette les heures d'ennui passées auprès d'elle. C'est Héléna que j'aime, non Hermia !  Qui ne voudrait changer une corneille contre une colombe ?(...)

"Va-t-en tartare moricaude, va t'en ! au diable médecine répugnante, au diable vomitif dégoûtant!"

Les rapports entre  hommes et femmes sont donc d'une grande violence  même si leur caractère excessif nous rappelle que nous sommes dans la comédie. Il n'en reste pas moins que Hermia soudainement délaissée est désemparée, humiliée et malheureuse. Héléna qui ne peut croire au revirement des deux jeunes gens, est tout aussi blessée par ce qu'elle croit être une raillerie. La souffrance des deux femmes est bien réelle.

Hermia : Jamais si fatiguée, jamais si malheureuse, trempée par la rosée, déchirée par les ronces, je ne puis me traîner ni avancer d'un pas.

Mais les relations entre femmes ne sont pas meilleures même si elles sont parfois plus subtiles. Hermia se fâche lorsque Héléna dit et répète qu'elle est "petite" ! Est-elle trop susceptible ? La "gentille" Héléna  a-t-elle une intention blessante ou, au contraire, dit-elle cela innocemment ?  Nous restons ainsi dans la comédie mais Shakespeare nous montre une nature humaine bien noire. 

Il est vrai que les personnages magiques eux-mêmes ne sont pas plus sages, témoins la dispute entre Titania et Obéron, les facéties de Puck, et ils ont, comme jadis les dieux de l'Olympe, tous les défauts des humains, à moins que ce ne soit le contraire ! Cependant leur guerre, leur colère ou leurs décisions, s'ils peuvent nous faire rire, ont un retentissement sur l'ordre du monde et sur la destinée des hommes. 

Le pauvre laboureur voyait ses champs croupis,
Et dans les prés noyés le parc est sans troupeaux,
Car le bétail malade a nourri les corbeaux.
Le mail où l’on jouait ? La fange l’a couvert !
Nos yeux, sans la trouver, cherchent la place où fut
Le sentier qui courait sous les gazons touffus.]
Les hommes ont perdu leurs saintes nuits d’hiver ;
Plus d’hymnes de Noël ! Et, pâle et refroidie,
La lune, reine de la mer,
Répand partout les maladies !
Voilà ce qu’ont fait nos querelles !
Les saisons se battent entre elles ! 

Le givre aux lèvres froides pose
Ses baisers sur le cœur des roses,
Et, misérable moquerie,
L’hiver grelottant a placé
Sur son crâne glacé
Des couronnes fleuries !]
Oui, l’été, le printemps et l’hiver et l’automne
Échangent leur livrée ! Et le monde s’étonne
Du désordre des éléments !
Telle est notre œuvre !…  

La pièce est donc aussi une réflexion et pas des moindres sur la liberté de l'homme face à la divinité. Ce sont les Fées qui tirent les ficelles et les êtres humains apparaissent bien vite comme des marionnettes soumises à leurs caprices. Obéron tout puissant et Puck, en commettant des erreurs, tiennent entre leurs mains la clef de leurs sentiments et décident de leur avenir. Doit-on penser que Shakespeare penche vers le déterminisme voire la prédestination dans cette Angleterre qui a rompu avec le catholicisme? Ce serait peut-être aller bien loin et encore une fois, comme il s'agit d'une comédie, Shakespeare nous invite à ne pas trop nous poser de questions et à considérer tout cela comme un rêve ! (même si celui-ci vire parfois au cauchemar !). Pourtant l'on peut avoir de sérieux doutes quant à la liberté de l'Homme en voyant Le Songe d'une nuit d'été, même si ce dernier est persuadé du contraire !


La folie amoureuse 

 

Titania et Bottom

Car le pessimisme de Shakespeare s'exprime dans cette peinture de la folie amoureuse. Lysandre peut passer de l'amour d'Hermia à celui d'Hélène puis revenir à Hermia ; Titiana s'énamoure d'un monstre à tête d'âne et le tient pour le plus beau des êtres.  Si l'on peut changer ainsi de partenaire, si l'on peut s'aveugler sur les mérites de celui qu'on aime, si le caprice préside au choix, si les êtres sont interchangeables, alors l'amour réel existe-t-il ?
Il faut remarquer que c'est au moment où Lysandre agit avec le plus d'inconséquence qu'il invoque la raison pour expliquer qu'il n'est plus amoureux d'Hermia mais de Héléna : 

C'est la raison qui gouverne la volonté de l'homme et la raison me dit que vous êtes la plus précieuse.
 

On voit l'ironie de Shakespeare ! Et la conclusion paraît évidente. L'amour n'est qu'une création de l'esprit, il s'apparente à la folie et l'un ne va pas sans l'autre.
 

La féérie, la fantaisie

Obéron et Titania dans la belle représentation de Le songe et the Fairy Queen de Purcell 

 

Enfin la pièce est magnifique par sa poésie et sa beauté lyrique. Elle peint les sortilèges de la nuit :

Il nous faut nous hâter, seigneur des elfes, car les rapides dragons de la nuit fendent les nuages en plein vol et voyez briller là-bas la messagère de l'aurore. A son approche les fantômes qui errent çà et là s'assemblent pour regagner les cimetières..

Elle est éclairée dès le début par un clair-obscur onirique, celui de la lune et la nuit; des ombres s'agitent, éphémères, dans l'obscurité. Rien n'est solide, rien n'est vrai et les fées qui peuplent la forêt sont "des esprits" qui s'évanouiront à l'approche du jour à l'exception, peut-être, d'Obéron, le Seigneur des elfes qui peut braver les rayons de l'aurore.

La fantaisie de la pièce est remarquable dans la façon de traiter le thème féérique avec ses personnages majestueux comme Titania ou Obéron,
 

"Je connais un tertre où fleurit le thym sauvage, où croissent les primevères et les tremblantes violettes, le foisonnant chèvrefeuille, l'églantine, les douces roses musquées le recouvrent d'un dais; C'est là, parmi ces fleurs, que Titania s'endort un moment la nuit bercée par les danses et les délices avec ses  elfes au nom délicieux, entités de la Nature et qui participent à son entretien et à sa survie :  Toile d'araignée, Phalène, Graine de moutarde, Fleur de pois... 
Puis vous partirez durant le tiers d'une minute, les uns pour aller tuer les vers dans les boutons des roses musquées; les autres pour guerroyer contre les chauves-souris ."

et avec Puck, ce Robin le diable, malicieux, farceur et parfois un peu redoutable pour les pauvres êtres humains égarés dans la forêt :

Tu dis vrai? Je suis ce joyeux vagabond nocturne. J'amuse Obéron et le fais sourire quand métamorphosé en jeune pouliche, je hennis pour tromper le gros cheval bourré de fèves…"

Puck est un personnage de la mythologie celte, et s'il n'est pas entièrement méchant, il est tout de même  capable de farces cruelles.

 La Fée à Puck

Si vos manières ne m’abusent,
Galopin,
Cervelle matoise,
Vous êtes le fameux Robin
Bon Enfant qui s’amuse
À lutiner les villageoises !

C’est vous qui répandez le lait des cruches pleines ;
Détraquez le moulin au milieu du labeur ;
Mettez la vieille hors d’haleine
Quand elle bat son beurre ;
C’est par vous que s’évente
Et que s’aigrit la bière...

 

Puck : Reynolds
  

 Le théâtre dans le théâtre : le burlesque

 

Les artisans qui jouent la pièce de Pyrame et Thisbé sont les personnages grotesques, des acteurs qui ne se rendent pas compte de leur nullité et qui sont très fiers d'eux-mêmes.  Réflexion sur le théâtre, sur les mauvais comédiens ? Le plus vaniteux - qui se croit capable de jouer tous les rôles - est bien sûr Bottom et ce n'est pas étonnant que ce soit lui qui soit puni, devenu un monstre à tête d'âne.  Si sa mésaventure fait rire, Ann Witte dans son article sur Shakespeare et le folklore de l'âne écrit que parmi les métamorphoses de la pièce "le symbolisme érotique de l'âne se retrouve dans des traditions qui mettent en valeur les rites de fécondité liés à ce animal, tantôt emblème de sottise et de paresse, tantôt symbole du "bas matériel et corporel"( bottom) ) qui incarnait la puissance maléfique."

Ainsi même dans la partie comique de la pièce, nous sommes donc toujours dans le registre de la féérie  et des personnages inquiétants avec l'âne Bottom.


Une pièce très riche dont on ne peut épuiser le sujet.  Je l'ai déjà vue plusieurs fois dans des mises en scène très différentes. C'est la première pièce que j'ai vue au théâtre à l'âge de 13 ans. Et j'en garde un souvenir ébloui. Elle fait partie de mes comédies shakespeariennes préférées avec La nuit des rois et Beaucoup de bruit pour rien.

 

C'est pourquoi j'ai été très déçue par les deux représentations que j'ai vues cette année; l'une où le metteur en scène a simplifié l'action pour la mettre à la portée de ses comédiens qui paraissaient tout juste sortis de l'école.

Une autre interprétée par de jeunes comédiens qui remplacent par leur énergie ce qu'ils ne sont pas capables de rendre par leur talent. Tout est joué sur le même registre, comique, si bien que l'on distingue à peine ce qui est du domaine de la parodie théâtrale donnée par les artisans, du reste de la pièce. Bien sûr, un spectateur qui ne connaît pas la pièce peut rire et s'en satisfaire puisqu'il n'attend rien de plus. Je le comprends. Mais il n'est pas étonnant, ensuite, qu'il la considère comme une comédie légère et mineure dans l'oeuvre de Shakespeare. Toute réflexion est écartée et où est passé le beau texte lyrique de l'écrivain ? Cela me fait mal de voir comment l'on appauvrit un texte si riche !


Participation  à Escapades en Europe (avec un mois de retard pour le  thème de Shakespeare) chez Cléanthe


samedi 19 juillet 2025

SHAKESPEARE

 

 

SHAKESPEARE : Elsa Robinne - Mise en scène

Une traversée de sa vie en suivant le flot de son œuvre.
Somme hétéroclite d’aspect kaléidoscopique espérant synthétiser partiellement l’ensemble des accomplissements remarquables de l’éponyme a pour acronyme SHAKESPEARE. Et c’est précisément sa vie que ce spectacle traverse, porté par le flot considérable de son œuvre.

Ses contemporains - sa femme, sa troupe, Marlowe, ses protecteurs, la Reine Elisabeth, le Roi Jacques… - se confondent avec les figures de son théâtre et racontent, avec les morceaux familiers de ses pièces, celui que la postérité appellera « le divin barde » mais qui fut avant tout cet excellent William.

Le monde entier est un théâtre, écrit Shakespeare, et c’est dans son théâtre que trois comédien-nes et un musicien s’élancent pour imaginer son monde, avec pour seul espoir le souffle de vos bienveillants murmures. Sinon, ils auront manqué leur but : vous plaire.
« Une épopée fantaisiste qui n’égratigne en rien la pertinence et l’intemporalité de ce théâtre. »
ARTS-CHIPELS

« Cette approche un brin déjantée de son œuvre aurait certainement plu à William. »
COUP DE THEATRE

« On est dans des sommets d’humour et on rit beaucoup. »
SNES

« Le spectacle est fort bien interprété. »
A2S

« Une épopée inattendue à la rencontre de cette figure majeure…L’ensemble est plein d’inventivité, d’humour, de générosité. »
L’INFO TOUT COURT


Mon avis

Les bonnes critiques de presse sur ce spectacle m'ont encouragée à aller le voir d'autant plus que ma petite-fille, Léonie, l'amoureuse de Shakespeare, était là ! Donc aller voir la vie de Shakespeare "en suivant le flot de l'oeuvre" me paraissait être une bonne idée ! Je savais que le spectacle ne serait pas classique et même qu'il serait "déjanté "selon le mot adoré (pour ne pas dire le poncif) des critiques de théâtre ! Un mot qui me fait peur et qui peut cacher tout et  n'importe quoi.
Non, finalement, ce n'était pas du n'importe quoi!  Les comédiens savent très bien ce qu'ils font, c'est un choix de leur part que beaucoup de spectateurs semblent aimer : ils présentent la vie de Shakespeare en insistant sur les aspects parodiques des personnages (la reine Elizabeth, par exemple !) sans occulter certains aspects tragiques de la vie de l'auteur comme la mort de son fils Hamnet. Mais voilà, cela ne me fait pas rire. C'est vrai qu'il y a des connaissances certaines sur le vie de l'auteur mais c'est une sorte d'humour que je n'aime pas. De plus, je trouve que les textes du "divin barde" ne sont pas assez mis en valeur, Roméo et Juliette lui aussi escamoté en plaisanterie : "William pourquoi es-tu William." Je n'ai apprécié que lorsque le comédien qui interprète le rôle du dramaturge dit lui-même le texte malheureusement souvent trop peu et trop rapide.  Dans l'ensemble je suis restée sur ma faim ! Bref ! ce n'était pas un spectacle pour moi ni pour Léonie qui n'a pas aimé !


SHAKESPEARE

du 5 au 26 juillet relâche les 9, 16, 23 juillet
15h25 1h20
LUCIOLES (THÉÂTRE DES)
Salle : Salle Fleuve - 
D'après William Shakespeare
équipe artistique
Elsa Robinne - Mise en scène
Tristan Le Goff - Interprétation
Etienne Luneau - Interprétation
Malvina Morisseau - Interprétation
Joseph Robinne - Interprétation
Emmanuelle Dandrel - Diffusion
Elodie Kugelmann - Presse
Anne Lacroix - Scénographie
Emilie Nguyen - Création lumière
Tiphaine Vézier - Administration
GRAND TIGRE
Compagnie française
Compagnie professionnelle
Description :
Implantée en Région Centre-Val-de-Loire, la Compagnie Grand Tigre, dirigée par Elsa Robinne et Etienne Luneau, doit sa pérennité au soutien des partenaires institutionnels et à la variété de ses réseaux de diffusion.
 

 Participation  au challenge Escapades en Europe  de Cléanthe (sur Shakespeare mois de juin)

samedi 15 juillet 2023

Shakespeare / Sabine Anglade : La Tempête au Chêne noir

 

 J'ai vu La Tempête plusieurs fois et j'en ai déjà parlé dans ce ce blog ICI . Cette année la pièce est donnée au Chêne noir dans la mise en scène de Sabine Anglade.

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Pendant ce temps, Caliban persuade le Fou et le Capitaine du navire, eux aussi rescapés du naufrage, de s'allier à lui pour vaincre Prospero en leur promettant de devenir rois de l'île.  Shakespeare montre ici que l'attrait du pouvoir assorti à la violence, au meurtre et à la traîtrise, est le même chez les nobles et  les gens du peuple.
Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbre les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

  Présentation de la pièce par la compagnie

Fabrique d’images et de sens, La Tempête est sans doute la pièce la plus opératique de tout le théâtre de Shakespeare, faisant la part belle au conte, à l’image, à la musique.Cette dimension ne pouvait qu’éveiller le désir de la metteuse en scène d’opéra et de théâtre qu’est Sabine Anglade, lui offrant la possibilité de mettre en commun ces deux approches.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé la scénographie de Mathias Baudry dans cette représentation de La Tempête mise en scène par Sabine Anglade. Elle nous plonge dès le début dans la fureur des éléments déchaînés :  le fracas du tonnerre, le rugissement du vent, les éclairs qui traversent la scène, les jeux de clairs-obscurs, et l'enchevêtrement des voiles du navire chahuté par les vagues de la mer déchaînée. Tout ceci forme un  très beau tableau. Belle et poétique aussi la représentation d'Ariel, interprété par une une jeune comédienne, à la silhouette longiligne, vêtue de noir, aux longues ailes flamboyantes, qui prend du relief dans cette représentation, un esprit qui aspire à la liberté et dont on sent la souffrance d'être retenu prisonnier. 
 
J'ai aimé l'interprétation du rôle de Prospéro, Miranda et Caliban. Par contre, j'ai été surprise par la conception du rôle de Ferdinand, (interprété par par  le comédien qui incarne Caliban). Avec son short, ses godillots et grosses chaussettes montantes, son air benêt, il faut dire qu'il est un jeune premier qui ne fait pas rêver ! Manifestement, la metteuse en scène n'a pas voulu jouer sur l'émerveillement un peu naïf, c'est vrai, un peu sot, mais seulement aux yeux des autres, de deux très jeunes gens qui découvrent l'amour. Il est vrai que l'on sent l'ironie de Shakespeare observant cette idylle naissante mais aussi beaucoup de tendresse et de légèreté. Sabine Anglade a préféré tiré les scènes où ils apparaissent vers la parodie et le comique un peu lourd ! Finalement,  même si je n'ai pas vraiment apprécié cette conception, le comédien est bon et m'a fait rire. Par contre j'ai trouvé que l'interprétation des autres personnages étaient plus faibles et ils m'ont parfois ennuyée.
 
Donc, mon avis est assez mitigé sur ce spectacle qui, certes, a de grandes qualités mais est inégal.


 La Tempête

Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h
Relâche les 10, 17, 24, 28 et 29 juillet

Durée : 2h05

De William Shakespeare

Traduction/adaptation Clément Camar-Mercier

Mise en scène Sandrine Anglade

assistée de Marceau Deschamps-Segura

Avec 

Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede

Scénographie Mathias Baudry

Lumières Caty Olive

Costumes Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum

Chef de chant Nikola Takov

Création sonore/régie son Théo Cardoso

Régie Ugo Coppin et Rémi Remongin

Administration et production Alain Rauline et Héloïse Jouary

Production Compagnie Sandrine Anglade

Coréalisation Théâtre du Chêne Noir

A partir de 13 ans

 

vendredi 13 août 2021

Shakespeare : La nuit des rois/ Molière : Les femmes savantes/ Goldoni : Il Campiello

Voici quelques-unes des pièces que j'ai vues avec ma petite fille (11 ans) Apolline

La nuit des rois de Shakespeare

Orsino aime Olivia qui aime Viola, qui aime Orsino. Toute la force de cette comédie réside dans ce triangle amoureux. Mais beaucoup d’autres personnages surgissent dans cette nuit endiablée, faite de musique, de magie, et de rêves.
C’est au total plus d’une quinzaine de personnages interprétés par six comédiens, qui prennent vie sous vos yeux dans une adaptation audacieuse de ce classique intemporel… 

L'avis d'Apolline
J’ai adoré cette pièce car je l’ai trouvé qu’il y avait plein d’humour. Il y a des situations amusantes comme lorsque Malvolio arrive avec des jarretelles jaunes.  J’ai aimé l’histoire d’amour entre Olivia et Sébastien mais pas entre Viola et le duc Orsino parce que le comédien qui interprétait le rôle était bien dans les rôles comiques mais pas dans les romantiques.
 Les personnages sont attachants surtout Olivia et Festé, le fou car ils jouaient tous les deux très bien.
Les costumes étaient modernes mais cela ne m’a pas dérangée.
Il y avait six comédiens mais certains jouaient plusieurs rôles différents. Et on voyait qu’ils aimaient ce qu’ils jouaient. Les lumières étaient belles.
( Le seul petit problème qui n’a aucun rapport avec la pièce est que les sièges de la salle n’étaient pas confortables)
Mais sinon, tout était super !!!
   

L'avis de sa grand-mère

 Je le dis tout net, je n’ai pas aimé  La nuit des rois par la Compagnie Les Lendemains d’Hier  tant ils me paraissent appauvrir la pièce de Shakespeare en n'en présentant que le côté burlesque sans chercher à en rendre la poésie, à présenter le mystère de l'amour, le jeu sur le travesti et le changement de genre, le trouble lié aux tentations de l'homosexualité, bref ! tous les thèmes de la pièce ! D’autre part, résumer la pièce au lieu d’en donner une représentation complète est extrêmement réducteur et sacrifie la beauté du texte ! On ne résume pas Shakespeare, non ! Mais évidemment c’est l’avis de quelqu’un qui a déjà vu la pièce plusieurs fois, interprétée par de grands acteurs et des metteurs en scène qui avaient à la fois le talent et les moyens matériels et financiers de la monter. La nuit des Rois d’Ariane Mnouchkine à la cour d’Honneur pour ne citer que cette représentation mais bien d'autres encore.  
Cependant, je dirai que cette compagnie a le mérite d’initier le jeune public à cette pièce et ma petite-fille a beaucoup aimé. Tant mieux mais je souhaite pouvoir un jour lui montrer une représentation qui montrera toutes les facettes et les richesses de la pièce, tout en jouant sur l’aspect poétique et romantique des émois amoureux. Pour moi, je suis restée sur ma faim.

La nuit des rois Shakespeare à La Conditions des soies 

Compagnie Les Lendemains d’Hier 
Coréalisation L’Anthéadora
 
De William Shakespeare
Mise en scène Benoît Facerias
Avec Grégory Baud, Pierre Boulben, Nolwen Cosmao, Benoît Facerias, Céline Laugier, Arnaud Raboutet, Joséphine Thoby  

 


Les femmes savantes de Molière

Le bel équilibre de la famille de Chrysale et Philaminte vole en éclat sous l'influence d'un homme, Trissotin, poète prétentieux et pédant qui va se révéler n'être en fait qu'un coureur de dot, mu par l'intérêt. Philaminte, Bélise (sa belle soeur) et Armande(sa fille), nos trois savantes, avides de savoir et de reconnaissance, se laissent berner par cet intrigant. La famille se scinde en deux camps et dans cette guerre de pouvoir Philaminte pour couper court à tous pugilats veut marier sa fille Henriette à l'imposteur, alors qu'elle est éprise de Clitandre ancien prétendant de sa sœur Armande.L'intrigue est nouée ! La raison reviendra t-elle dans la maisonnée? La supercherie sera t-elle démasquée?
Une comédie de caractères avec amour, désespoir, exaltation et folie.

L'avis d'Apolline

J’ai adoré cette pièce avec les costumes du 17ème siècle, les chants italiens, la danse.. Ensuite, l’histoire n’est pas facile à comprendre mais avec cette troupe de théâtre, ils ont su faire en sorte que même un jeune public comprenne. Je tiens à souligner un personnage qui se singularise entre tous, c’était la servante de la maison des femmes savantes. Elle était drôle, et incarnait vraiment bien son rôle. J’ai bien aimé Henriette qui avait raison de vouloir se marier. Philaminte, la mère, était aussi bien joué mais  je ne l’aimais pas parce qu’elle voulait obliger sa fille à se marier avec Trisottin.
J’ai vu cette pièce à la cour du Barouf où les comédiens sont formés à la commedia d’ell’Arte..
 
BRAVO !!!!!

 

 

 Il campiello de Carlo Goldoni

IL CAMPIELLO de Carlo Goldoni fait partie des chefs d'oeuvre rédigés par le grand dramaturge Vénitien. L'action se déroule dans une petite place (il Campiello) qui représente le cœur battant de la ville de Venise où les histoires des riverains se croisent avec celles des visiteurs étrangers dans un tourbillon d'actions et d'événements hauts en couleurs. Danses, chants, pantomimes, et lazzis font la part belle à cette oeuvre majeure du Théâtre Populaire Européen. Pour tout public et pour le plus grand plaisir de tous les publics !!!

L'avis d'Apolline

J’ai beaucoup aimé cette pièce car les costumes étaient très bien, les maquillages réalistes et les personnages amusants. Le décor qui ressemblait vraiment à une petite place de Venise était magnifique!
Quelques comédiens/comédiennes qui jouaient dans ‘Les femmes savantes’ étaient aussi dans cette pièce car ce spectacle se jouait aussi dans la cour du Barouf. C’était un vrai moment de plaisir.
J’ai ri tout le long du spectacle et ma grand-mère (Claudia Lucia) aussi.
BRAVO À EUX !!!

L'avis de sa grand mère

Les comédiens de la cour du Barouf sont de jeunes élèves franco-italiens en troisième année de l'Académie des Arts du spectacle de Versailles. Ils sont jeunes, fougueux, pleins d'énergie et mêlent chants, musique et danses dans le style de la Commedia dell' Arte sous la houlette du metteur en scène Carlo Boso. Les deux spectacles Il Campiello et Les femmes savantes donnent lieu à d'agréables moments de théâtre, pleins de bonne humeur, et dans le respect du texte et de l'auteur. C'est là que je me suis aperçue que Les femmes savantes (en vers) ne sont pas un spectacle facile pour les enfants au niveau de la langue et du contexte historique.

 

 Logo d'Apolline


lundi 18 janvier 2021

Margaret Atwood : Graine de sorcière


Vous aimez le théâtre ? Vous idolâtrez Shakespeare ? Vous avez un faible pour sa pièce si étrange et complexe : La tempête ? Alors ce livre est pour vous et c’est un pur régal !

Félix est un grand metteur en scène, dans le style de ceux qui brillent et sévissent à la fois au Festival d’Avignon : Brillent parce qu’ils débordent  d’idées, n’hésitent pas à provoquer, à secouer les habitudes du public, à le mettre dans l’inconfort ! Sévissent parce que leurs provocations se font parfois au détriment de l’émotion, de l’authenticité du sentiment, et, ce qui est pire du sens, quand le metteur en scène cherche à se mettre lui-même en valeur au préjudice de l’auteur.
Quoi qu’il en soit Félix est directeur artistique du festival canadien de Makeshiweg et il laisse à son ami Tony l’entière responsabilité de la direction financière, des contacts avec les décisionnaires, avec les réseaux sociaux et les pouvoirs politiques. Cela ne l’intéresse pas.
C’est au moment où il monte La Tempête qu’il dédie à Miranda, sa fillette de trois ans qui vient de mourir, que Tony, s’appuyant sur un ministre de ses amis, prend le pouvoir et le démet de ses fonctions.  Seul Lonnie, le bras droit de Tony, lui manifeste un peu de sympathie.

Félix part se cacher loin de la ville, louant sous un faux nom un ancien bâtiment désaffecté où personne ne viendra le chercher. C’est son île déserte où il survit malgré le vide énorme, le chagrin dévastateur que lui a laissé la mort de sa petite fille survenue après celle de son épouse Nadia. Passent les années. Le fantôme de Miranda vit et grandit à côté de lui jusqu’à atteindre l’âge de la Miranda shakespearienne, quinze ans ! Félix réagit enfin et trouve un emploi dans une prison. Dans le cadre d’un programme pédagogique, il va enseigner le théâtre aux détenus. L’heure de la vengeance a sonné.*

Caliban de William Hogarth

La suite est une pure gourmandise, les discussion des détenus sur les personnages, leur manière de les voir révèlent les richesses de La Tempête tout en introduisant la vie et l’humour.
Chacun va juger en fonction de son instruction ou de son bon sens, de son âge, de son milieu social, de son passé plus ou moins mouvementé, des violences subies, de la pauvreté. C’est ainsi que Caliban, le fils de la sorcière Sycorax, devient pour certains la victime de la violence contre les peuples et les pauvres, le champion de la lutte des classes : Graine de sorcière, c’est lui qui donne son titre au roman. C’est ainsi qu’Ariel, l’esprit de l’air et ses petites fleurs, est une « tapette » que personne ne veut incarner, c’est ainsi aussi que les comédiens n’ont le droit de jurer que s’ils emploient les injures de Shakespeare et l’on s’aperçoit alors de la richesse de la langue du dramaturge dans ce domaine-là aussi !

Ariel, l'esprit de l'air

Quant à la vengeance proprement dite, je vous la laisse découvrir. Ne perdez pas de temps à vous demander si elle est réaliste. Nous sommes au théâtre et nous devons en accepter les conventions. Par contre, elle est d’une ingéniosité brillante car chaque personnage du roman va devenir personnage de la pièce ; ce qui nous révèle l’actualité de La Tempête, la constance à travers les siècles de la nature humaine tiraillée entre la lumière et l’obscurité, la pérennité du combat entre le Bien et le Mal et la corruption du pouvoir.

J’ai beaucoup aimé aussi quand les comédiens répondent à la question : que se passe-t-il après le dénouement de la Tempête ? Les réponses sont toutes d’un grand intérêt et donnent encore de nouveaux éclairages au texte comme si le génie de Shakespeare ne pouvait s’arrêter à la fin de la pièce.

Le livre est un donc un vibrant hommage à Shakespeare, il montre combien son théâtre s’adresse à tous, il peint la force de la littérature qui interroge, remue, change les mentalités de chacun.

À partir d’aujourd’hui, vous êtes des comédiens. Vous allez tous participer à une pièce ; chacun aura sa fonction, les anciens vous le diront. La Troupe du pénitencier Fletcher ne donne que des pièces de Shakespeare, parce que c’est le moyen le meilleur et le plus complet d’apprendre le théâtre.Shakespeare a quelque chose pour tout le monde, parce que son public regroupait tout le monde, des plus hauts placés jusqu’aux plus modestes et vice-versa."

* Si vous connaissez l'intrigue de la pièce de Shakespeare, vous avez noté la similitude existant entre Graine de sorcière et  Félix et  La Tempête et  Prospero. Si vous ne la connaissez pas, il y a un résumé de la pièce à la fin du roman de Margaret Atwood.

Et puis je vous renvoie à ce résumé et cette image d'une mise en scène donnée en 2017 par la compagnie Les têtes de Bois au festival d'Avignon. Voir ICI

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Dépossédé du duché de Milan, Prospero a trouvé refuge avec sa fille Miranda sur une île inconnue : là, régnant en maître sur le « sauvage » Caliban, il a appris l’art de la magie et dominé Ariel, un esprit de l’air.

Un jour, il déclenche une tempête qui fait s’échouer le navire transportant ses puissants ennemis : son propre frère, Antonio l’usurpateur ; Alonso, le roi de Naples, qui l’a trahi, accompagné de son frère Sébastien et de son fils Ferdinand ; Gonzalo l’ancien conseiller loyal de Prospero et tout leur équipage. Les rescapés se retrouvent en divers points de l’île, saufs mais séparés, ignorants du sort des autres.

La vengeance de Prospero est en place : tourmentés, les naufragés deviennent des marionnettes aux mains du cruel magicien. Sur cette île (dés) enchantée où les mauvais esprits croisent les bons génies, la tragédie du monde se rejoue : chacun, le temps d’un orage, sera confronté à lui-même…

J'ai écrit un billet sur cette pièce et cette mise en scène à l'époque ICI

Autres billets sur La Tempête dans mon blog  :

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2012/08/la-tempete-au-festival-davignon-par-le.html

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2012/07/de-la-tempete-de-skakespeare-the.html

Chez Myriam : La tempête d'Aimé Césaire  Ici

Prélude pour la Tempête de Shakespeare /L’Île de Prospero L.Durrell ICI

Qui veut (re)lire avec moi La Tempête en LC ? Disons pour le  mois d'Avril ?

 
Ariel


samedi 7 septembre 2019

Shakespeare et Purcell : Un songe d'une nuit d'été et The fairy queen, mise en scène : Antoine Herbez

Festival d'Avignon 2019 Obéron et Titania dans une songe d'une nuit d'été par la compagnie AH
Obéron et Titania dans Un songe d'une nuit d'été par la compagnie AH
 
 
Léonie, ma petite fille, 9 ans et demi, adore le théâtre et a arpenté le festival d'Avignon avec moi ce mois de Juillet 2019. C'est une festivalière assidue depuis l'âge de 18 mois.
 Voici sa critique  : Un Songe d'une nuit d'été d'après Shakespeare et The fairy queen de Purcell :

 
Un songe d’une nuit d’été

Un songe d'une nuit d'été par la compagnie AH mise en scène par Antoine Herberz
 
 
Un songe d’une nuit d’été est une pièce de Shakespeare, mise en scène par Antoine Herbez, qui m’a vraiment beaucoup plu. Ce n’est pas que de Shakespeare mais aussi de Purcell, un musicien qui a écrit l’opéra The fairy Queen, la Reine des fées.
Nous sommes dans une forêt où habitent la Reine des fées Titania et le Roi des fées Obéron, trois fées musiciennes et Puck le serviteur d’Obéron.
Titania a adopté un enfant et Obéron est jaloux. C’est la guerre ! Sur l’ordre d’Obéron, Puck verse le suc d’une plante magique qui fait tomber amoureux du premier venu, sur les paupières de Titania. En ouvrant les yeux, elle devient amoureuse d’un âne mais tout se finit bien.
Des humains sont aussi dans la forêt. Hermia, Lysandre, Demetrius et Héléna. Lysandre et Demetrius sont tous les deux amoureux de Hermia et Héléna est amoureuse de Demetrius qui ne l’aime pas.
Toujours sur l’ordre d’Obéron, Puck doit réconcilier Démétrius et Héléna. Mais il se trompe et verse le suc sur les yeux de Lysandre puis de Démetrius qui deviennent tous les deux amoureux d’Hélèna. Du coup plus personne n’aime Hermia.
Comment vont-ils s’en sortir ?
 

La compagnie Ah interprète Un songe d'une nuit d'été au festival d'Avignon 2019

Le roi et la reine ont de grandes capes vertes avec des fleurs dessus. Ils ont de belles couronnes en bois. On dirait vraiment un roi et une reine. Ils sont grandioses, radieux, majestueux. Les costumes sont rouge bleu,  blanc, orange, vert et marron et gris. Quand ils sont dans la forêt, les lumières sont superbes : rouge, rose, verte et bleu.
Les chants sont très beaux et tout le monde chante magnifiquement bien.
J’ai aimé le côté fantastique de cette histoire merveilleuse. Le côté amusant m'a beaucoup fait rire parce que les humains se bagarrent, se disputent.
Shakespeare veut dire que les humains ne sont pas libres parce qu’ils se font contrôler par les dieux.
J’ai adoré l’histoire, elle était enchantée! J'ai vu cette pièce deux fois.
                                                                                                                     Léonie

 
Mon avis : Je suis entièrement d'accord avec ma petite fille. Ce spectacle présente beaucoup de qualités, mise en scène, costumes et interprètes. Il est agréable, amusant et mêle heureusement le texte de Shakespeare et la musique de Purcell. Bien sûr, il ne s'agit pas de la pièce complète, certains passages (Hélène et Thésée, les artisans) sont supprimés. La réflexion philosophique sur la liberté de l'homme, le déterminisme, y est abordée mais rapidement.  Les interrogations sur l'essence de l'amour et la cruauté des rapports hommes et femmes sont traités résolument sur le mode comique dans des bagarres virevoltantes, réglées comme un ballet. La pièce ainsi mise en scène permet aux enfants d'accéder plus facilement au texte du grand dramaturge anglais mais aussi à la musique baroque, réalisant le tour de force de plaire aussi bien aux petits qu'aux adultes.

 

 

           Compagnie Ah festival Avignon 2019

  • Metteur en scène : Antoine Herbez
  • Interprète(s) : Laetitia Ayrès, Ariane Brousse, Marianne Devos, Francisco Gil, Ivan Herbez, Grégory Juppin, Orianne Moretti, Maëlise Parisot, Louise Pingeot, Clément Séjourné, Maxime de Toledo, Nicolas Wattinne
  • Diffusion : Stéphanie Gamarra 06 11 09 90 50
  • Régisseuse : Cynthia Lhopitallier





Il y a bien longtemps que ma petite fille Léonie,  sous le pseudonyme d'Apolline, n'a plus écrit de fiches de lecture.  Hélas! Elle a perdu le goût de lire !  Si vous connaissez des livres pour enfants qui pourraient produire un miracle et la faire repartir, alors donnez -moi des titres ! Merci, ils seront les bienvenus !

jeudi 27 juillet 2017

La tempête de Shakespeare Compagnie Les Têtes de Bois festival OFF d'Avignon



Avant cette représentation de La Tempête mise en scène par  Mehdi Benabdelouhab, j'avais  déjà vu la pièce de Shakespeare au festival d’Avignon  : ICI  et aussi  au festival de Marseille, en danse contemporaine : ICI

L'intrigue de la pièce de Shakespeare

La tempête : le naufrage

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbrent les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

La compagnie les Têtes de Bois

Prospéro et Ariel marionnette
 La compagnie Les Têtes de Bois signe, avec cette mise en scène de La Tempête, un spectacle à fois poétique, burlesque et tragique, les trois dimensions que nous offre le texte de Shakespeare.
Le metteur en scène Mehdi Benabdelouhab veut, en effet, souligner sous la magie et la féérie, l’amertume de la pièce et le pessimisme du dramaturge face à la nature humaine. Dans cette pièce, en effet, la lutte pour le pouvoir est âpre et ne recule devant aucune forfaiture, usurpation, trahison, meurtre. Prospéro a été évincé du pouvoir par son frère Antonio, Sébastien projette de tuer son frère Alonso, le roi de Naples. Du simple marin à l’aristocrate, tous complotent pour dominer les autres et les soumettre. Et si Prospéro parvient à les réconcilier, il lui faut pour cela utiliser ses pouvoirs magiques et user lui aussi, de violence. C’est une pièce où il est toujours question de liberté car personne ne peut en jouir : C’est ce que réclame Caliban mais aussi Ariel. Tous sont prisonniers et ne peuvent s’échapper.  Les jeunes gens, eux aussi, sont soumis à une stricte obéissance. Même Prospéro qui domine les autres n’aura plus aucun pouvoir quand il renoncera à la magie.

 La mise encore scène inventive, enlevée, met donc en relief la complexité de la pièce servie par une très belle scénographie, toile blanche qui devient proue et voiles du navire secoué par la tempête, vagues monstrueuses qui montent à l’assaut des spectateurs, au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre, action rythmée par la musique jouée in situ, jeux de lumière, tout contribue à emporter le spectateur dans le rêve. Les costumes sont aussi d’une grande beauté, kimonos bleu et rouge de Miranda, magnifique tenue de samouraï pour les hommes. Aucune raison de justifier ce choix esthétique, les lieux shakespeariens sont si flous et l’île de Prospéro est de toutes façons située dans un ailleurs poétique…

La tempête : Caliban et les marins

Si Prospéro et les jeunes amoureux encore innocents sont visages nus, les autres personnages portent des masques, comme pour mieux effacer leur nature humaine et révéler l’animalité en eux. Ainsi Caliban, mi-bête, mi-homme et les marins ivrognes et stupides qu’il se donne pour maîtres ! Ce sont eux qui représentent le grotesque shakespearien que prônait Victor Hugo pour le drame romantique. J’ai pourtant une peu regretté que Caliban soit traité toujours de la même manière dans le mode comique car cela ne rend pas assez compte de sa sensibilité à la beauté de la nature, ni du symbole qu’il représente, celui de l’indigène colonisé par des maîtres qui le considèrent comme un  « Sauvage » mais qui ne sont pas meilleurs que lui.
Quant à Ariel, l’esprit du vent, il apparaît tour à tour sous la forme d’un visage lunaire derrière la toile de fond, ou comme une marionnette, fragile, pleine de poésie.
Les comédiens sont bons dans tous les registres mais je me suis interrogée sur la place donné au trio comique de Caliban qui prend beaucoup d'importance par rapport à Prospéro, Miranda et Sébastien. Il me semblait que ces derniers avaient un rôle plus long dans la pièce? Mais il s’agit d’un ressenti personnel et je peux me tromper.
Quoi qu’il en soit j’ai beaucoup aimé cette belle et intéressante interprétation.

Caliban, Prospéro et Miranda