Le théâtre Artéphile présente pas moins de seize spectacles dont quatorze créations pendant le festival off d'Avignon 2018 et des lectures-rencontres les dimanche 15 et 22 juillet.
Pendant ce mois de juin, il offre des entrées à prix réduit en avant-première pour notre plus grand plaisir.
La pièce de Monica Mojica, Claudel Kahlo Woolf, création au festival d’Avignon 2018, est écrite d’après des extraits de l’oeuvre de Virginia Woolf et des lettres de Camille Claudel et de Frida Kahlo.
Ces trois grandes figures féminines de la littérature et de l’art dont on voit bien les différences de mentalité, d’époque, de pays, et d’inspiration, ont eu toutes trois un destin tragique marqué par des traumatismes violents, accident, viol, perte de leurs proches, pressions exercées contre elles, qui les conduisent vers la folie, le désir de mort. Toutes trois sont victimes de la société qui les étouffe et ne leur laisse aucun espace de respiration, victimes des hommes, frères, époux… qui ont le pouvoir et l’exercent en les privant de liberté, en les écrasant de leur force. Pourtant rien ni personne n’a pu étouffer leur génie et les empêcher de créer !
C’est ce que nous fait vivre cette pièce dont la mise en scène et la scénographie sont très réussies. Un peu lente à se mettre en place au début quand les personnages parlent en solitaire, la mise en scène s’anime pour les rapprocher, les unir dans un même espace-temps, et faire écouter une seule parole à trois voix, dans un va-et-vient entre ces femmes, qui se croisent, qui disent les accidents de leur vie, leurs plaies intimes, leur préférence sexuelle, leur révolte, leur besoin de s’exprimer, de créer, et affirment leur tempérament de lutteuses. C’est ce que la mise en scène matérialise dès le début en les mettant en position de boxeuses. Parfois dérisoires, immensément faibles, elles tombent mais c’est toujours pour se relever.
Quelques petites remarques tout d'abord pour en venir au plus vite à ce qui fait la réussite de la pièce. J'ai moins aimé certains choix de mise en scène comme celui de l’ordinateur à la pomme (on ne voit plus que lui) pour diffuser des interviews d’hommes sur elles pourtant très intéressants. Ah! l’abominable Paul Claudel ! Ou encore, la séquence avec les verres pleins d’eau dont je n’ai pas compris la signification; j’ai regretté aussi le parti pris de Monica Mojica de ne pas nous montrer les oeuvres de Claudel et Kahlo comme aurait pu le permettre la vidéo.
Ceci dit, le spectacle présente de nombreuses qualités et je l'ai vraiment beaucoup apprécié. Les jeux de scène, les lumières, l’importance accordée aux sons, à la
musique, les langues, français, anglais, espagnol qui s’entremêlent,
les projections vidéos avec ce film étrange qui montre un homme-cerf
errant dans une forêt, créent une atmosphère onirique en contraste avec
le réalisme du propos. Les costumes, très beaux, contribuent à souligner la personnalité de chacune, en particulier ceux de Frida Kahlo qui semble descendre d’un de ses tableaux, ce qui nous permet d'une manière détournée de "voir" une de ses oeuvres.
Frida Kahlo |
Quant aux comédiennes, très impliquées, elles incarnent leur personnage, elles sont habitées par lui et elles l’intériorisent avec émotion.
Je voulais signaler enfin la dernière vidéo - ô! combien symbolique- qui sert de toile de fond aux personnages sur la scène, et montre une araignée mâle aux couleurs somptueuses faisant sa cour à l’humble araignée femelle qui le tue après la copulation. Ceci afin de rappeler que dans le combat qu’elles ont mené, toutes les trois ont triomphé à travers leur oeuvre respective, reconnue maintenant de tous. Pour rappeler, peut-être aussi, que la guerre entre les sexes n’est pas obligatoire et que chacun a droit à la liberté et l’égalité.
En conclusion, voici un beau spectacle sur un thème et des personnages passionnants, à ne pas manquer pendant le mois de juillet au théâtre Artéphile.
Cie Horizontal-Vertical
Théâtre Artéphile 22H10
durée 1H30
Festival Off d’Avignon du 06 au 27 juillet
relâche les dimanches 8 15 22