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jeudi 30 mars 2023

Alena Mornstajnova : Hana

 

  La première partie du roman Hana de Alena Mornstajnova, écrivaine tchèque, a pour titre :  Moi Mira et se situe entre 1954 et 1963.  Mira raconte son histoire en commençant par cette date 1954, jour d’anniversaire de sa mère, Rosa, où ses parents, son frère et sa soeur, sont victimes d’une épidémie de thyphus qui les tuera, épidémie liée à l'eau souillée d'un puits.  Elle est épargnée par la maladie et la petite rebelle fait connaissance de la solitude et de la douleur de l'absence mais aussi de la culpabilité, sachant qu'elle ne doit la vie qu'à sa désobéissance et à la punition qui s'ensuivit.. 

Il n’y avait plus personne pour m’interdire de monter au grenier, de descendre à la cave ou d’aller du côté de la rivière. Personne pour m’aimer.

Elle est d’abord recueillie par Ivana Horackova qu’elle ne connaît pas mais qui se prétend amie de sa mère. Pourquoi cette étrangère s'occupe-t-elle de la fillette ? Cette dernière doit compter sur les réticences de Jaroslav Horacek, le mari d’Ivana, qui n’est pas ravi de l’accueillir chez lui et sur l’animosité des enfants, Ida et son frère Gustav. Mais un jour, sa tante Hana vient la chercher. Or, cette femme est étrange, bizarre, sans que la fillette comprenne pourquoi. 

Moi j’avais peur de tante Hana. Elle restait assise sur une chaise comme un grand papillon de nuit tout noir, le regard fixe.

Le récit se termine à l'époque du mariage de Mira, sa grossesse et son installation dans l’ancienne maison de ses parents. Il a pour toile de fond la vie dans la démocratie populaire tchèque, les défilés obligatoires pour célébrer l’anniversaire de l’URSS ou du 1er Mai,  et la nécessité de se taire quand on est en désaccord, ce que son mari va apprendre à ses dépens : 

Il n’avais pas compris qu’il pouvait penser certaines choses, mais en aucun cas de les dire à haute voix ou les écrire.

La deuxième partie se situe entre 1933 et 1945 et s’intitule : Ceux qui m’ont précédée  

Mira y découvre  à travers ceux qui l'ont précédée, tout ce qui échappait à sa compréhension lorsqu’elle était enfant. La mort des membres de sa famille juive dans un camp de concentration, le retour d’Hana, seule survivante, les liens qui existaient entre Hana et les Horacek. Elle apprend comment sa mère, Rosa, a échappé à la déportation. C’est ainsi que ce second récit vient éclaircir les zones d’ombre qui existaient dans le premier récit.

La troisième partie donne la parole à la tante : Moi Hana de 1942 à 1963 et présente des évènements que nous connaissons mais sous un point de vue différent, celui d’Hana et le récit prend alors toute sa forme, toute son ampleur tragique. Hana n’est pas seulement marquée par la déportation, elle est en proie à la culpabilité, se jugeant coupable à deux reprises de la mort de sa famille. Pourtant, et bien qu’elle ait des difficultés à l’exprimer, c’est l’amour qu’elle ressent pour Mira et, plus tard, pour le fils de celle-ci, qui va la tirer du côté de la vie.

Des souvenirs viennent toujours me rendre visite. Il y a en a encore beaucoup de pénibles, mais il y en a de plus en plus qui me donnent envie de vivre.

Hana est un beau roman, aux personnages attachants et dont on suit la vie avec intérêt.  L'antisémitisme, la déportation et l'holocauste sont évidemment au centre du récit mais, au-delà, le roman raconte l'histoire d'une famille sur plusieurs générations :  les arrière-grands parents de Mira, des juifs très pratiquants ; ses grands-parents : Elsa Helerova et Ervin Heler, ce dernier s'éloignant de la religion, et leurs filles, Hana et  Rosa ; ses parents Rosa et Karel Karasek. A travers eux, ce sont trente ans de l'Histoire du pays, traversé par une guerre mondiale, qui nous sont présentés. Enfin, Hana est une histoire d'amour et d'amitié trahies mais cette trahison a des conséquences terribles.  L'un des thèmes principaux du livre est d'ailleurs la culpabilité, sentiment partagé à des degrés divers et pour des raisons différentes par Hana, Ivana et Mira. La construction à plusieurs voix et en trois parties qui se chevauchent et s’éclairent alternativement donne densité et force à ce récit tragique raconté dans une langue sobre et limpide. 

Hana prix du livre tchèque en 2018

LC  avec Eva, Fabienne  

 



 

lundi 28 mars 2022

Kveta Legatova : La Belle de Joza


Eliska achève ses études en chirurgie, à Brno, en Moravie. Elle devient la maîtresse de Richard, son professeur d’université, marié et père de deux enfants, qui l’a prise comme stagiaire à l’hôpital. Jusque-là rien que de banal. Mais nous sommes en guerre et le pays est occupé par les Allemands aussi lorsque Richard lui propose de transmettre du courrier clandestin à des résistants, elle accepte. Bientôt, menacée elle-même par la Gestapo, elle est obligée de fuir. Son ami Slavek lui propose de disparaître en épousant Joza, ( Joseph Janda), un patient qu’elle a soigné à l’hôpital et qui repart dans ses montagnes. Il vit dans un petit village reculé, Zelary, ignoré par la guerre, du moins momentanément. Manifestement Joza  est amoureux d’elle, ébloui par cette jolie et brillante médecin ! Il n’en est pas de même d’Eliska qui le juge laid, frustre, inculte, et pour tout dire un peu demeuré mais elle accepte car elle n’a pas le choix.

La découverte de sa nouvelle vie est d’abord pour Eliska devenue Hanna, une épreuve assez rude.  Se retrouver dans une maison sans eau et sans électricité pour une citadine est assez éprouvant. C’est ainsi qu’était la Lozère quand j’étais enfant, et, effectivement, c’était assez perturbant quand on venait de la ville. Observer les moeurs de la campagne, les femmes battues ou celle en train d’accoucher, abandonnée, toute seule, dans l’étable, les ivrognes du samedi qui se tapent dessus, est un choc. Le paysage aussi est parfois sinistre et lui fait peur surtout quand elle se perd dans la nuit.  On est loin du retour à la Nature idyllique et à l’idéalisation du milieu rural de Giono et pourtant…
Et pourtant, elle découvre aussi beaucoup de points positifs qu’elle ne pourra apprécier qu’en se défaisant peu à peu de ses habitudes de vie et de pensée et de son sentiment de supériorité.
"Le monde de l'âme humaine, avec ses deux pôles irréconciliables, tournait ici comme une roue de moulin".
Et pourtant… contre tout attente un sentiment complexe, va naître entre Eliska-Hannah et Joza. Elle prend conscience que sous l’aspect frustre se cache un homme tendre, attentionné, paisible, qui ne lui fera jamais du mal mais au contraire écartera d’elle tout désagrément. L’amour naît.

"J’effleurai en pensée la question de notre amour réciproque.
« Amour » est le mot le plus mal considéré du vocabulaire.
On peut presque tout nommer ainsi. Toutes les convoitises, les habitudes égoïstes, l’envie, et même la haine et l’arrogance.
Ma relation à Joza méritait un examen.
Elle était indicible. Du moins elle n’était pas simple. C’était de l’amitié, de la tendresse, de la compassion, mais aussi de l’angoisse et du désespoir.
Tout cela formant une soudure infrangible. »


Elle apprend à se satisfaire de plaisirs simples, du contact avec les animaux, le chien Azor, le chat abandonné, le veau nouvellement né, de la contemplation de la Nature.

" Joza me taillait une louche en bois. Son travail était lent, appliqué, propre.
Une louche en bois.

Mon souhait frivole, somptueux, accessible.
Les chercheurs de trésors commettent une funeste erreur en regardant au loin. C’est là le lieu de la perdition.
(…)
Joza, commençais-je d’une voix à peine audible.
Il interrompit son travail et leva la tête.
-Regarde les feuilles.
Il posa la louche et vint s’asseoir à côté de moi.
Les feuilles ne tournoyaient que pour nous deux.
Nous les avons regardées une bonne heure durant."


Elle se lie d’amitié aussi avec les familles voisines qui l’entourent et même l’adoptent comme une des leurs. Et surtout, la jeune femme cultivée, instruite, s’aperçoit qu’elle peut apprendre beaucoup des autres, de Zéna qui l’initie à la cuisine, aux travaux manuels auxquels elle prend un réel plaisir, de Lucka, la guérisseuse, une vieille femme à priori assez revêche, qui lui apprend beaucoup sur son métier et qui a acquis par empirisme une supériorité sur elle grâce à sa sagacité et à un sens de l’observation particulièrement aiguisé. Tous ses préjugés sociaux tombent et lorsqu’elle revient à la ville, c’est elle qui passe par folle quand elle fait part de sa nouvelle vision des choses

« Plus tard, j’appris en lisant mes dossiers que j’avais traité mes collègues des pseudo-savants et que je leur avais donné en exemple une villageoise qu’ils n’avaient jamais vue de leur vie. Je les avais aussi accusés de mépriser un homme qu’ils ne connaissaient pas non plus, leur avait reproché leur fatuité et leur manque de respect pour l’humanité, sans même expliquer ce que j’entendais pas là et j’avais rappelé à certains qu’ils n’avaient réussi son examen qu’avec justesse. »

Ce petit livre, rapide et court est un grand plaisir de lecture. On se sent concerné et ému par les personnages et leur histoire en le lisant !  La fin est empreinte de mélancolie. Un belle découverte !


Kveta Legatova source

Kveta Legátová, de son vrai nom Vera Hofmanova, est née en Moravie en 1919. Elle étudie le tchèque et l’allemand à Brno avant la guerre, puis les maths et la physique. Devenue enseignante, elle est affectée dans des zones de montagnes par les autorités communistes, qui voient en elle un « cas problématique ». Au lycée, elle écrit déjà de courtes pièces radiophoniques et poursuit cette activité jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, mais c’est avec la parution de La Belle de Joza (Noir sur Blanc, 2008) et de Ceux de Želary (Prix national tchèque de littérature) que Kveta Legátová connaît un succès foudroyant


Aifelle       Marilyn     Kathel


mardi 27 mars 2018

Karel Capek : La guerre des salamandres



La guerre des salamandres de l’écrivain tchèque Karel Capek est l’un de ces livres dont le titre m’a interpellée pendant des années, cité très souvent comme l’un des plus  grands classiques de la science-fiction politique et aussi comme un texte visionnaire. Une de ces oeuvres dont vous vous dites chaque fois : "Il faut que je la lise » ! Lecture à faire toujours repoussée, oubliée, mais qui reste dans un coin de votre mémoire. Et puis soudain dans le cadre du mois de La littérature de l’Europe de L’Est, voilà que, sans l’avoir cherché, à la bibliothèque, je tombe sur ce livre. Enfin !!

« Que dirions-nous si une espèce animale autre que l’homme proclamait que, vu son nombre, elle possède seule le droit d’occuper le monde entier et de dominer toute la nature » écrit  Karel Capek quand il publie La guerre des salamandres. Nous sommes en 1936. Hitler est au pouvoir depuis 1933 et Capek ajoute à propos de l’histoire qu’il a imaginée dans  laquelle les salamandres prennent le pouvoir : «  La critique l’a qualifiée de roman utopique. Je m’élève contre ce terme. Il ne s’agit pas d’utopie, il s’agit d’actualité. ». Une actualité qui allait bientôt aboutir à la deuxième plus grande boucherie du XX siècle mais Capek ne serait plus là pour la vivre. Il est mort en 1938.  On peut dire pourtant qu’il l’avait prévue.
La salamandre géante de Chine : 200 ans, 1m 40, 50 kg

Dans une petite île près de Sumatra, le capitaine Jan Van Loch découvre une espèce de salamandres douées d’intelligence, adaptées au milieu marin, qu’il décide d’utiliser pour exploiter les perles huitrières. C’est le début d’un capitalisme paternaliste à petite échelle et encore humain, car le capitaine adore ses salamandres et veille à ce qu’elles ne soient pas maltraitées. Mais à sa mort, plus rien ne retient les grandes sociétés capitalistes et c’est par millions qu’elles élèvent les salamandres, les vendent, les utilisent pour tous les grands travaux sous-marins, les instruisent militairement et leur donnent des armes pour faire d’elles de la chair à canon. Mais…. Les salamandres de plus plus nombreuses se révoltent et prennent le pouvoir.

Dans ce roman Karel Capek, sous le couvert d’un roman fantastique, dénoncent  toutes les abjectes idéologies en isme en commençant par le capitalisme, le nationalisme, le militarisme et l’impérialisme, le racisme…
Les salamandres représentent  les classes laborieuses malheureusement exploitées, des êtres intelligents considérés comme du bétail, achetés et vendus comme jadis les esclaves africains, sujets d’expériences médicales pour les progrès de « la science »,  puis au fur et à mesure que les salamandres développent une intelligence supérieure et que leur nombre s’accroît, elles vont symboliser l’impérialisme qui chercher à accroître ses territoires au détriment des autres peuples, puis la dictature en prenant le pouvoir.

 Karel Capek manie l’humour avec brio, et épingle tour à tour toutes les nations, en mettant en valeur leurs travers et leurs faiblesses et chacun en prend pour son grade, l’antisémitisme des allemands, l’orgueil et la prétention à la supériorité des anglais, le racisme des Etats-Unis avec les agissements haineux du Ku kux Klan, la vanité culturelle des français, et ceci pour notre plus grand plaisir !
Sous cette apparente de légèreté, le propos est pourtant sombre et grave car Capek a une vision lucide de la société de son temps et des dangers du national-socialisme. C’est un monde bien réel que l’écrivain dénonce et dont il fait la satire. Il déjà tout compris  de ce qui est en train de se mettre en place en Allemagne.
Tout en soulevant les questions philosophiques et morales liées à l’exploitation des salamandres, il réalise aussi une satire des législateurs qui multiplient les lois sans se mettre d’accord et sans cohérence, des savants qui écrivent des thèses d’une vacuité absolue.
Et il observe la menace montante du totalitarisme et les réponses inadéquates des nations qui laissent se développer cette peste brune sans réagir, des journaux qui ne s’intéressent qu’au sensationnel, à l'anecdote croustillante, et trahissent leur rôle d’éclaireur et d’éveilleur, du cinéma qui joue sur le strass et les paillettes et ne se préoccupe que de l’intérêt économique du film, n’apportant ainsi aucune réflexion sur le monde en crise.
Et oui, l’on rit en lisant La guerre des salamandres mais l’on ne peut s’empêcher de penser avec effroi à «l’ actualité » - du propos comme le soulignait l’écrivain lui-même -,  une actualité qui est aussi et toujours la nôtre et pas seulement celles des années 1930. A lire !!


Nommé sept fois pour le Nobel de Littérature en 1932 et 1938, Karel Čapek, né le 9 janvier 1890 à Malé Svatoňovice dans la région de Hradec Králové en Bohême, mort le 25 décembre 1938 à Prague, est l'un des plus importants écrivains tchèques du XXᵉ siècle







lundi 19 mars 2018

Leo Perutz : Le Judas de Léonard



Voilà le deuxième livre que je lis de l'écrivain tchèque, Leo Perutz. Quel auteur passionnant !  Après Le cavalier suédois, je viens de découvrir Le Judas de Léonard.  C’est à travers ce roman historique que Leo Perutz nous propose une réflexion sur l’art et sur l’homme et ses faiblesses.

La Cène de Léonard de Vinci

Nous sommes à Milan en 1498. Léonard de Vinci peint La Cène au couvent des dominicains Santa Maria delle Grazie. Peint ? Voilà des mois que la fresque n’avance pas au grand dam du prieur du couvent qui se plaint au duc de Milan. C’est bien mal connaître le processus créatif de l’artiste. Léonard de Vinci travaille et couvre ses carnet de croquis mais il ne peut avancer car il lui manque le modèle qui incarnera Judas. Léonard de Vinci pense, en effet, que le peintre doit « tirer enseignement de la nature et de partir d’elle. ».  Mais pour le trouver, il faut d’abord comprendre qui était Judas ? A-t-il trahi Jésus par cupidité ? avarice ? envie ? Non ! Il a commis une faute que même Jésus ne peut pardonner.

« Il l’a trahi lorsqu’il a compris qu’il l’aimait répondit le garçon. Il a pressenti qu’il ne pouvait s’empêcher de trop l’aimer et son orgueil le lui a interdit.
- Oui, le péché de Judas fut cet orgueil qui le conduit à trahir l’amour qu’il éprouvait , dit messire léonard. »

Dès lors le roman nous amène à travers les rues de Milan à la suite de ce Judas qui reniera son amour par orgueil et à côté duquel, en comparaison, les mauvais garçons des tavernes, les ivrognes, les voleurs, et même les meurtriers, peuvent être pardonnés. Pour l’anecdote, on retrouve aussi dans les lieux mal famés de la ville, le personnage de François Villon dont les contemporains ont perdu la trace mais que Leo Perutz campe ici dans le personnage fictif du poète  Mancino.
C’est avec talent que Leo Perutz donne vie à la cour du duc, à ce peuple de Milan épris d’art, à ces personnages hauts en couleurs, à ces artistes passionnés mais qui vivent dans la misère, à ces rues animées, tumultueuses. On suit avec intérêt l’histoire de « Judas », Joachim Behaim, ce marchand allemand, qui va refuser l’amour vrai et profond qu’il éprouve pour la douce et sincère Nicolla dont il juge l’origine sociale trop inférieure à la sienne.
Vous l’avez compris j’ai beaucoup aimé cet excellent roman et sa belle réflexion sur l'art et l'amour.

Contemporain de Franz Kafka, Leo Perutz est un écrivain majeur du XXe siècle européen. Né à Prague en 1882, il s’installe à Vienne à dix-sept ans. À partir de 1915, il publie une douzaine de romans avec un succès grandissant. En 1933, La Neige de saint Pierre est immédiatement interdit par les nazis en Allemagne. En 1938, suite à l’annexion de l’Autriche, il s’exile à Tel-Aviv où il n’écrira plus jusqu’en 1953, date à laquelle il publie son dernier roman, la Nuit sous le pont de pierre. Leo Perutz meurt en 1957 en Autriche, près de Salzbourg.
Ce « Kafka aventureux », selon les mots de Borges qui l’admirait, reste aujourd’hui à redécouvrir et à célébrer, tant pour la Troisième Balle, son premier roman, que pour le Maître du Jugement dernier (1923) ou la Neige de saint Pierre (1933). source bio : ici

Un des personnages du roman de Leo Perutz est un élève de Léonard de Vinci. Il s'appelle Marco d'Oggiono :

Marco d'Oggiono : fille aux cerises
Marco d'Oggiono: Le Christ bénissant
Marco d'Oggiono :copie de la cène de Vinci



vendredi 16 mars 2018

Ota Pavel : comment j'ai rencontré les poissons



Comment j’ai rencontré les poissons est un livre écrit par l'écrivain tchèque Ota Pavel pour rendre hommage à son père Leo Popper, génial vendeur d’aspirateurs et grand amoureux des poissons. J’avais lu des critiques à propos de ce livre disant qu’il était « le plus anti dépressif du monde » et aussi que sa lecture produisait « des bulles de joie sous la peau ». Mais pour moi l’alchimie n’a pas eu lieu. Le récit ne m'a pas accrochée, tout au moins au début.
Le livre est constitué d’une série de chapitres indépendants que l’on peut considérer comme de courtes nouvelles.

Le personnage du père et les histoires de poissons 


Ota Pavel à la pêche

Il m’a été impossible de prime abord de m’intéresser au personnage du père que pourtant le fils présente avec indulgence et même admiration. Toutes ses frasques et  ses maladresses ne m'ont pas fait rire, ni son adresse commerciale pour gruger les clients. Mais voilà, c’est le genre de bonhomme qui m’irrite, rêveur certainement, mais surtout hâbleur, suffisant, irresponsable, égoïste. Non cela ne m’amuse pas quand il dépense tout son argent sans tenir compte de ses enfants pour de beaux costumes et une voiture américaine pour plaire à la femme de son patron; comme je ne ris pas quand il met la vie de son fils en danger dans une rivière en crue pour aller récupérer des anguilles.
 De plus, comme le père transmet à ses fils la passion des poissons, il n’y est question que de pêche. J’ai déjà lu des livres sur ce sujet et je sais bien qu’à travers la description de la pêche, c’est d'autre chose qu’il s'agit ! Je comprends cet amour qui unit le père à ses fils, cette impression de liberté qu'ils éprouvent, la beauté de la nature qu'ils partagent. Mais ces histoires sont tellement répétitives que j’ai commencé à m’ennuyer sérieusement même s’il y a des personnages intéressants comme le braconnier Prosek !

La mort des beaux chevreuils.



Mais, quand, soudain, je suis arrivée à la nouvelle La mort des beaux chevreuils, là, tout a changé !
Avec La mort des beaux chevreuils, arrive la guerre, les enfants souffrent du manque de nourriture et le père part chasser le chevreuil, braconnage puni de mort par les nazis. Le récit prend alors une grande intensité dramatique et le père qui risque sa vie pour ses enfants, acquiert une autre envergure. Le braconnage, chasse ou pêche, devient une question de survie et est aussi une réponse désespérée mais courageuse aux humiliations et aux sévices subis par les juifs. Le récit est haletant et se termine par l’envoi des frères aînés dans un camp concentration.
Toutes les nouvelles de la guerre sont passionnantes et l’on peut aussi rire du tour joué aux allemands par le père qui vide son étang - que les nazis lui ont confisqué -, à la barbe de ses ennemis avant d'être envoyé lui-même à Auschwitz dans la nouvelle Des carpes pour la Werhmarcht 
Ils peuvent même vous tuer est aussi un beau récit très prenant, entre angoisse et humour, où le petit Ota part braconner dans l’étang surveillé par un garde-pêche, bravant l’interdiction des allemands. Il en est de même lorsqu’il se fait voler la carpe qu’il a pêchée, au prix d’une grande patience, immergé dans l’eau glacée, dans la nouvelle La longue lieue.
Là, les histoires de poisson prennent un sens et sont passionnantes. Il y a une tension dramatique qui ne retombe pas. 
Après le retour des camps du père et des frères, j’ai aimé aussi certaines nouvelles parfois cruelles comme lorsque le père, devenu communiste,  prend conscience que les communistes sont eux aussi antisémites. Et le livre se conclut pas un très beau chapitre Les anguilles d’or magnifiquement écrit, plein de tristesse et de poésie ou Otta Pavel, enfermé dans un hôpital psychiatrique pense à son passé :

« Quand mon état s’est amélioré, j’ai pensé à ce qui avait été le plus beau dans ma vie; Je ne pensais pas à l’amour, ni à mes pérégrinations à travers le monde. Je ne pensais pas à mes survols nocturnes d’océans, ni à ma sélection en hockey sur glace dans l’équipe Sparta de Prague. Je repartais vers les ruisseaux, les rivières, les étangs et les barrages à poissons; je me rendais compte que c’était là ce que j’avais vécu de plus beau. »

Je sais désormais ce qui attire la plupart des gens, ce n’est pas seulement la quête du poisson, mais la solitude des temps révolus, le besoin d’entendre l’appel de l’oiseau et du gibier, d'entendre encore tomber les feuilles d’automne. Tandis que je mourais là-bas à petit feu, je voyais surtout cette rivière qui comptait plus que tout dans ma vie et que je chérissais. Je l’aimais tellement, qu’avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l’embrassais comme on embrasse une femme. Puis, je m’aspergeais le visage avec le reste de l’eau et je réglais ma canne.

Ce roman est devenu un grand classique en Tchéquie, a été traduit dans de nombreux pays et adapté au cinéma. Je me rends bien compte que je suis passée à côté d'une partie du livre et je le regrette car ses qualités littéraires sont grandes. Mais j'ai beaucoup aimé, par contre, la seconde partie qui m'a profondément touchée.


Ota Pavel (de son vrai nom Ota Popper) est tchèque, né en 1930 d’un père juif et d’une mère catholique. Très jeune, il a échappé au camp de concentration mais son père et ses deux frères plus âgés ont été envoyés à Auschwitz. Il a eu un destin tragique puisqu’il fut atteint de folie et est mort à l’âge de 43 ans.


Je lis un billet de Joséphine sur Babelio qui explique comment Ota Pavel a basculé dans la folie :

 "Ota Pavel se réfugie dans son enfance pour échapper à la grave dépression qui l'étreint, après avoir été insulté. Son frère Hugo a raconté ce qui s'était passé : « En 1964, Ota était reporter sportif. À Innsbruck, il y a eu un cafouillage et l'équipe tchèque de hockey sur glace a terminé avec la médaille de bronze. Ota a rejoint les joueurs dans les vestiaires et quand il a dit que la troisième place, ce n'était pas si mal, un des joueurs a hurlé “Toi, le Juif, va te faire gazer ! (...)” 

jeudi 15 mars 2018

Rainer Maria Rilke : Vergers, le printemps des poètes 2018



Le Printemps des poètes se déroule du 3 au 19 mars 2018 sur le thème l'Ardeur.


Paula Modersohn-Becker,
 
Pour fêter ce printemps des poètes et continuer le challenge consacré à la littérature de l'Europe de l'Est, j'ai choisi le poète tchèque de langue allemande Rainer Maria Rilke. 


Rilke ? Tchèque ou autrichien ?

Rainer Maria Rilke ou René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke, est né le 4 décembre 1875 à Prague. Le pays était alors sous domination de l’Autriche-Hongrie. Il a fait ses études jusqu'en 1895 à Prague où il commence des études d'art, puis il part étudier à Munich en 1896. Il est mort le 30 décembre 1926 à Montreux, en Suisse. 



Van Gogh

Le recueil Vergers a été écrit en français par Rainer Maria Rilke pendant son séjour dans le Valais en Suisse.
Le premier poème du recueil dit pourquoi le poète a choisi la langue française. La beauté de ce mot, verger, ainsi célébré, le lyrisme du texte exaltent le bonheur intense du poète.

Verger

Peut-être que si j’ai osé t’écrire,

langue prêtée, c’était pour employer

ce nom rustique dont l’unique empire

me tourmentait depuis toujours : Verger.
 
Pauvre poète qui doit élire

pour dire tout ce que ce nom comprend,

un à peu près trop vague qui chavire,
 
ou pire : la clôture qui défend.

Verger : ô privilège d’une lyre

de pouvoir te nommer simplement ;

nom sans pareil qui les abeilles attire,

nom qui respire et attend…

Nom clair qui cache le printemps antique,

tout aussi plein que transparent,

et qui dans ses syllabes symétriques

redouble tout et devient abondant.
Van Gogh :  vergers avec abricotiers en fleurs

Sur le soupir de l'amie 

Sur le soupir de l’amie

toute la nuit se soulève,

une caresse brève

parcourt le ciel ébloui.

C’est comme si dans l’univers

une force élémentaire

redevenait la mère

de tout amour qui se perd. 



Gerard Dottori : la naissance de la lumière

 Portrait intérieur
 
Ce ne sont pas des souvenirs
 
qui, en moi, t’entretiennent;

tu n’es pas non plus mienne

par la force d’un beau désir.

Ce qui te rend présente,

c’est le détour ardent

qu’une tendresse lente

décrit dans mon propre sang.

Je suis sans besoin

de te voir apparaître;

il m’a suffi de naître

pour te perdre un peu moins. 

Kupka, peintre tchèque :  Le rêve

L’âme-oiseau

Souvent au-devant de nous

l’âme-oiseau s’élance;

c’est un ciel plus doux

qui déjà la balance,

pendant que nous marchons

sous des nuées épaisses.

Tout en peinant, profitons

de son ardente adresse. 



Marc Chagall

Ce qu'il nous faut consentir
C’est qu’il nous faut consentir

à toutes les forces extrêmes;

l’audace est notre problème

malgré le grand repentir.

Et puis, il arrive souvent

que ce qu’on affronte, change:

le calme devient ouragan,

l’abîme le moule d’un ange.

Ne craignons pas le détour.
Il faut que les Orgues grondent,

pour que la musique abonde

de toutes les notes de l’amour.

Gerardo Dottori : explosion


Participation au mois de l'Europe de l'Est
d'Eva, Patrice et Goran



vendredi 26 août 2011

Kundera : La plaisanterie


Je viens de lire La Plaisanterie (1967) de  Milan Kundera dans une traduction révisée  par Claude Courtot et l'auteur lui-même.  Milan Kundera explique, en effet, qu'il a été horrifié par une  première traduction française qui ne respectait pas son style et même réécrivait le roman. C'est pourquoi  il a revu le texte français une première fois en 1980, une autre en 1985 avec l'aide de Claude Courtot. Dans une note à la fin de cette édition, il déplore que ce livre, sorti en France au moment de l'invasion de Prague par l'armée russe, n'ait été lu que d'un point de vue politique, dans l'éclairage de l'actualité et il ajoute : "Or aujourd'hui les rumineurs de l'actualité ont depuis longtemps oublié le Printemps de Prague ainsi que l'invasion russe. Grâce à cet oubli, paradoxalement, La Plaisanterie va pouvoir redevenir enfin ce qu'il a toujours voulu être : roman et rien que roman."
Hélas! j'ai bien peur -  pour moi qui viens de lire le livre si tôt après les révélations faites sur le passé de Kundera et sur sa possible dénonciation d'un jeune homme opposé au régime-  que l'actualité ne m'ait rejointe et c'est sous cet éclairage  politique que j'ai d'abord reçu ce roman!  Mais pas seulement! Car La Plaisanterie, on s'en rend compte assez vite, dépasse l'actualité et se révèle être une réflexion sur l'homme en général et sur le sens que celui-ci peut donner à sa vie.
Les premières questions qui viennent à l'esprit en lisant La Plaisanterie concernent les rapports de l'individu avec un régime totalitaire? Comment celui-ci est-il amené à adhérer à l'idéologie en place, sacrifiant parfois amitiés, amours, conscience? Qu'est-ce qui explique qu'une dictature puisse avoir un tel pouvoir sur l'individu? Pourquoi la délation est-elle une constante dans un tel système?
Comment ne pas voir, en effet, qu'un des thèmes centraux du récit est la trahison :
Dans La Plaisanterie, une jeune fille, Marketa, suit un stage de formation du parti. Son amoureux, un brillant étudiant communiste, Ludvik Jahn, lui envoie en guise de plaisanterie et pour se  moquer de son enthousiasme de néophyte, une carte avec quelques mots qui, pris au premier degré, font de lui un ennemi du régime. Commencent alors la mise à l'écart, l'inexorable défection des amis, leur trahison, sa condamnation lors d'un procès mené par un autre étudiant Pavel Zamenek, jusque là son ami. Ludvik, exclus du parti, interdit d'études, est envoyé à l'armée, dans un corps disciplinaire qui rassemblent les ennemis du régime, et doit travailler à la mine. Sa vie, brisée, va être désormais marquée par la haine et la vengeance. L'intérêt du roman est encore renforcé par le changement de point de vue selon que Ludvik, Héléna, Jaroslav ou Kostka présentent le récit. Cette variation de focale permet de pénétrer dans la conscience de chacun et d'avoir plusieurs visions des évènements donc plusieurs "vérités".
Nous découvrons les facettes multiples et complexes des personnages et les motivations  de leur trahison qui révélent parfois les recoins les plus noirs de l'âme humaine :  l'intérêt, l'ambition, la fascination du pouvoir, le fanastisme autrement dit la certitude d'avoir raison et l'idée que la fin justifie les moyens, la lâcheté, l'égoïsme, la peur d'être mis au ban de la société ...  mais d'autres aspects, pourtant,  sont, à priori, tout à fait positifs : La révolte contre l'injustice, l'idéalisme, la fidélité à une idée, la foi en une société meilleure...  Ainsi Marketa n'a aucune honte d'avoir montré la carte de Ludvik Jahn aux camarades de la direction qui surveillent le courrier. Communiste, elle a foi dans le parti à l'égal d'un fanatique envers sa religion. Elle juge  le jeune homme coupable donc elle le dénonce mais, par honnêteté, elle refuse de céder à la pression de Pavel Zemenek,  qui, lui,  apparaît comme un vaniteux, ambitieux qui aime plaire et qui jouit du  pouvoir qu'il exerce sur les autres. Elle est prête à soutenir Ludvik s'il s'avoue coupable, agissant selon un stéréotype romantique un peu ridicule. Mais dans tous les cas, elle reconnaît au Parti le droit de surveiller ses pensées et sa vie privée puisque la réussite du communisme et du bonheur des peuples dépendent de ce contrôle. Tout se passe, en effet,  comme si le parti s'emparait de la conscience de l'individu qui ne s'appartient plus, perd son sens critique, sa liberté et devient conformiste par obligation ou par choix. Il doit se couler dans un moule et si, comme Ludvik, il n'y parvient pas tout à fait, les séances de critiques et d'autocritiques sont là pour le remettre dans le droit chemin. C'est ainsi que Ludvik se voit reprocher des "résidus d'individualisme", "son mauvais comportement avec les femmes" "sa froideur envers autrui".
"Et comme une étrange fatalité, un tel germe veillait sur la fiche de renseignements de chacun, oui, de chacun d'entre nous."  
Le roman est donc une analyse fouillée de la manière dont un régime totalitaire broie l'individu dans une société où  la victime finit toujours par se sentir coupable et par collaborer avec son bourreau et cela quel que soit le pays ou l'origine de la dictature, communisme, nazisme, totalitarisme religieux ...  et cette desciption n'est donc pas seulement liée à l'histoire de Prague et de la Tchécoslovaquie.
Mais le roman est aussi une réflexion générale sur la vie, sur la vacuité de l'existence, la déréliction des individus dans un monde que ne semble être qu'une gigantesque farce, vision pessimiste et noire d'une société où l'amour semble impossible, où l'amitié ne peut survivre, où la souffrance est intense mais profondément inutile et surtout pas rédemptrice. Même la haine échoue car Ludvik, incapable d'aimer  -il brutalise Lucie et la perd - est animé par une haine qui reste sa seule raison de vivre mais qui lui échappe :
"Comment lui expliquer que je peux pas me réconcilier avec lui?(Zamenek) Comment lui expliquer qu'en le faisant je romprai mon équilibre intérieur. Comment lui expliquer que ma haine envers lui contrebalance le poids du mal qui est tombé sur ma jeunesse.. Comment lui expliquer que j'ai besoin de haïr""
Son ennemi a changé de camp et reconnaît ses torts, tous les idéaux de sa jeunesse se dégonflent comme des ballons de baudruche, même le vocabulaire véhiculant des idées pour lesquelles il a tant souffert, n'a plus cours. La jeune maîtresse de Zemenek juge que c'est un vocabulaire de vieux. L'art populaire qu'il a défendu avec son ami musicien Jaroslav ne rencontre que désintérêt; la jeunesse sans idéal, bruyante et vulgaire, se saoule dans les bars.
Il y a un ironie féroce dans ce roman. La vie est absurde : Ludvik passe à côté de l'amour véritable, celui de Lucie, trop habité par la haine qu'il cultive en lui. Sa "vengeance" pitoyable et mesquine envers Zemenek se retourne contre lui -encore une autre mauvaise plaisanterie- et c'est justice puisqu'il se sert d'Héléna comme d'un objet, sans avoir aucune considération pour ses sentiments. Héléna rate lamentablement son suicide. L'on ne sent aucune tendresse de l'auteur pour ses personnages. Il les maltraite constamment, les amène jusqu'au bout de leur vie pour mieux nous faire ressentir combien ils sont passés à côté d'elle en privilégiant ce qui est secondaire et non ce qui est essentiel. Ludvik en fait le constat lucide :
"Nous vivions Lucie et moi dans un monde dévasté; et faute d'avoir su le prendre en pitié, nous nous en étions détournés, aggravant ainsi et son malheur et le nôtre. Lucie si fort aimée, si mal aimée, c'est cela que tu es venue me dire au bout des ans? plaider la compasion pour un monde dévasté?"
Jaroslav lui-même, le personnage le plus sympathique du roman rate sa mort car celle-ci, non plus, n'a pas de sens "et l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort.." 
Ce qui a paru avoir une signification se vide de son contenu et c'est en cela que La Plaisanterie rejoint l'universel car le roman pose la question qui est celle de tout homme au moment du bilan: pourquoi ai-je vécu?

vendredi 19 août 2011

Milan Kundera : L’ignorance



L'ignorance met en scène deux émigrés d'origine tchèque, l'une, Iréna, installée à Paris, l'autre, Josef, au Danemark. Tous deux se retrouvent dans l'avion qui va les ramener à Prague après vingt ans d'exil. Dans cette Tchéquie post-communiste, ils partent à la recherche de leur passé respectif, de leur famille, de leurs amis et de leurs souvenirs.
C'est le thème du Grand Retour à la manière d'Ulysse qui lui aussi pendant vingt ans n'a eu de cesse de regagner Ithaque et de retrouver Pénéloppe, le thème de la nostalgie glorifiée par Homère mais qui, somme toute, nous dit Milan Kundera, se révèle bien décevante car il est impossible de faire revivre le passé
"On ne comprendra rien à la vie humaine si on persiste à escamoter la première de toutes les évidences : une réalité telle qu'elle était quand elle n'est plus, sa restitution est impossible."
La mémoire est incapable de ressusciter le passé car elle n'a pas de dimension temporelle. Elle est figée sur des images immobiles qui ne se déroulent pas puisqu'elles n'ont pas la durée. C'est en vain, par exemple, que Josef va essayer de faire revivre les souvenirs de sa femme disparue.
Le roman de Kundera nous livre donc une réflexion sur la mémoire humaine pour en constater la pauvreté.
"Elle n'est capable de retenir du passé qu'une misérable petite parcelette sans que personne ne sache pourquoi justement celle-ci et non pas une autre, ce choix, chez chacun de nous, se faisant mystérieusement, hors de notre volonté et de nos intérêts"
Ainsi Iréna se souvient très bien de Josef qui était amoureux d'elle et à qui elle a renoncé pour épouser son fiancé, Martin, dont elle maintenant veuve. Elle a toujours eu l'impression d'être passée à côté du grand amour. Josef, lui, ne se souvient pas du nom d'Iréna même s'il feint le contraire par politesse d'abord et peut-être aussi par calcul, plus tard, pour mieux la mettre dans son lit. Comment expliquer ses particularités de la mémoire?
"L'un se souvient de l'autre plus que celui-ci ne se souvient de lui; d'abord parce que la capacité de la mémoire diffère d'un individu à l'autre(....) mais aussi parce qu'ils n'ont pas l'un pour l'autre la même importance.
Le retour d'Iréna et de Josef dans leur pays natal est donc un échec et ils vont de même échouer dans la tentative de nouer entre eux des liens amoureux. Chacun retournera dans son pays d'accueil avec la certitude d'avoir été floué. C'est ce qu'a dû éprouver Ulysse en rentrant auprès des siens.
Alors de quoi peut-on être certain? Cerainement pas de l'avenir qui se dérobe à nous :
 Toutes les prévisions se trompent, c'est l'une des rares certitudes qu'il a été données à l'homme. Mais si elle se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir mais sur leur temps présent; Pendant ce que j'appelle la première vingtennie (entre 1918 et 1938) les Tchèques ont pensé que leur République avait devant elle un infini. Ils se trompaient mais, justement parce qu'ils se trompaient, ils ont vécu ces années dans une joie qui a fait fleurir leurs arts comme jamais auparavant. Après l'invasion russe, n'ayant pas la moindre idée de la fin prochaine du communisme, de nouveau ils se sont imaginé habiter un infini et ce n'est pas la souffrance de leur vie réelle mais la valeur de leur avenir qui a pompé leurs forces, étouffé leur courage et rendu cette troisième vingtennie si lâche, si misérable.
Donc le présent est tout aussi difficile à appréhender que l'avenir.
L'homme ne peut être sûr que du moment présent. Mais est-ce bien vrai? Peut-il vraiment le connaître, le présent? est-il capable de le juger? Bien sûr que non. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine?
Ainsi, au final, la seule certitude que nous puissions avoir est celle de notre ignorance à propos du monde qui nous entoure et de ce que nous sommes.
Je viens de noter ici ce que le roman -du moins tel que je l'ai compris et reçu- signifie pour moi; maintenant, il y a ce que j'ai ressenti. Les deux livres de Milan Kundera dont je parle dans ce blog La Plaisanterie et l'Ignorance sont riches à analyser, on a l'impression de ne pas arriver à les saisir dans leur intégralité, c'est donc un plaisir pour l'intelligence; mais pas un plaisir pour les sentiments. Le pessimisme de Kundera est tel que je referme toujours ses romans avec le moral en berne. Les personnages sont affectivement desséchés, ils n'ont aucune chance d'être heureux, de trouver un sens à leur vie. Les rapports humains oscillent entre l'indifférence ou l'égoïsme, l'envie ou la haine. Les rapports amoureux sont fichus d'avance. Les femmes, parfois, veulent y croire, sont plus sincères, mais en vain. Elles apparaissent souvent comme des victimes des hommes, ceux-ci étant particulièrement odieux. Tous sont des êtres tourmentés, enfermés en eux-mêmes, dans un monde qui n'a rien à envier à l'enfer dantesque.

mardi 14 juin 2011

Mes écrivains préférés




Ma librairie en hommage à Michel de Montaigne

 Voici le billet que j'avais publié à l'anniversaire des deux ans de Ma Librairie en 2010 quand mon blog était encore dans le Monde. Comme vous le savez, les ennuis répétés m'ont fait abandonner le site mais j'ai gardé ce billet car il témoigne de mes coups de coeur (qui sont restés toujours aussi vifs) pendant deux années de lecture.

Le 30 mars 2008, il y a deux ans donc, j'ai ouvert Ma Librairie dans le Monde. Depuis sous l'oeil bienveillant de Montaigne, de nombreux livres sont venus garnir les étagères fictives de ce blog.
Plus de 200 articles après, je me suis demandé quels livres je choisirais parmi ceux que j'ai lus pendant cette période.

Mes dix romans préférés

51dk53ysx2l_sl75_.1269363272.jpgJavier Cercas : Les soldats de Salamine  ici 1  et  2
J'ai adoré ce roman consacré à la mémoire des soldats de la Guerre Civile d’Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l’ont fait jadis à Salamine. Mais écrit Javier Cercas : De toutes les histoires de L’Histoire, la plus triste est sans doute celle de L’Espagne, parce qu’elle finit mal.

51m1kqh9w9l_sl75_.1269363287.jpgManuel Rivas : Le crayon du charpentier ici 1  ici 2

Entre réalité et fantastique, Le Crayon du charpentier écrit une magnifique page de l'Histoire espagnole au temps de la guerre civile : un récit émouvant, de beaux personnages, un point de vue original, celui du bourreau observant sa victime.

41huhzl2-sl_sl500_ss75_.1269385519.jpgC Virgil Georghiu : La maison de Petrodova ( ou Les noirs chevaux des Carpates)  ici

Ce roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d’un peuple façonné par l’âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien puisqu’il est le sien - est une oeuvre passionnante.
 
51obmitbmyl_sl500_ss75_.1269385346.jpgAtiq Rahimi : Syngue Sabour   ici 1    ici 2

De ce roman, je retiens un huis clos étouffant rythmé par les bruits extérieurs qui évoquent la mort, la guerre et la folie des hommes. Un magnifique plaidoyer pour la liberté de la femme.
 

9782869307575_1_v.1269468477.jpg Raymond Carver : les trois roses jaunes

Recueil de nouvelles : ce qui m'a frappée dans Raymond Carver, c'est sa manière d'aborder une histoire souvent poignante par un petit détail insignifiant (ou qui paraît tel) et de nous laisser, à la fin, le coeur au bord des lèvres sans savoir comment il est parvenu à nous retourner ainsi, à nous faire éprouver un tel malaise, une telle tristesse? Du grand art!

519kxas9n7l_sl160_aa115_.1269456662.jpgChristian Bobin : autoportrait au radiateur voir ici 1   2   3

J'aime la poésie qui se dégage de ces petites textes archipels, ces éclats de beauté qui jaillissent de ci, de là, d'un bouquet de fleurs, d'une mère avec son enfant, d'un nuage ... cette attention patiente et fine portée au monde qui l'entoure.

41menrx7eal_sl500_ss75_.1269386551.jpgMilos Kundera : la plaisanterie

A une époque où l'on ne peut plus être anti-sioniste sans se faire accuser d'anti-sémistisme, où l'on ne peut plus être contre la burka sans être taxée d'anti-musulman, où une artiste ne peut plus reprendre une célèbre formule en la détournant - "travailler moins pour gagner plus"- sans être censurée, où l'on n'ose plus jouer Voltaire librement ou dessiner des caricatures sur n'importe quel sujet est incendiaire, bref! à une époque où il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler si l'on ne veut pas être traîné en justice, il FAUT lire La plaisanterie de Milos Kundera.

41na3x66fbl_sl75_.1269363256.jpgJoyce Carol Oates : Les chutes voir ici 1    2

Ce roman en trois parties de Joyce Carol Oates, qui présente une intrigue complexe et forte, a pour cadre les chutes du Niagara. Plus qu'un décor, plus qu'un personnage, le Niagara apparaît ici comme un Dieu tout puissant qui semble détenir un pouvoir de vie et de mort sur les personnages.

41n3zr-8t1l_sl500_ss75_.1269363779.jpgChahdortt Djavan : La muette

Un petit roman, très court, qui résonne comme un cri, frappe comme un coup de poing, une dénonciation des violences faites aux femmes en Iran, petites filles mariées par leurs parents à des vieillards vicieux, privées d'éducation, d'amour, de liberté. Tristement d'actualité avec la loi sur l'âge minimum des filles pour le mariage au Yemen


41xntyae3wl_sl500_pisitb-sticker-arrow-bigtopright35-73_ou08_ss75_.1269386372.jpgJane Austen : Northanger Abbey : ici 1  2

Double bonheur - celui de lire en anglais pour la première fois depuis bien longtemps un roman de Jane Austen, écrivain dont je connais tous les titres! et cela pendant mon voyage à Bath en pèlerinage sur les lieux décrits par Jane Austen. De cet auteur, j'aime l'humour caustique, les portraits satiriques de ses contemporains écrit d'un plume acérée, sa manière ironique et légère de se moquer de ses héroïnes trop romantiques tout en nous les faisant aimer.


Un recueil de poésies : Découverte de Rafael Alberti
 
catalogo-rafael-alberti-lt-br-gt-alberti-sobre-los-angeles-i0n98665.1269468849.gifRafael Alberti : sur les anges (recueil de poésie)voir 1    2

A propos de son recueil Sur les anges, le grand poète espagnol Rafael Alberti écrit : C’est alors que j’eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d’irrésistibles forces de l’esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature.


un document : 

543995830_mjpg.1269386817.gifGitta Sereny : Au fond des ténèbres un bourreau vous parle

(document)
Ce livre, une enquête rigoureuse sur un bourreau nazi, directeur du camp de Treblinka, que l'auteur a rencontré juste avant son procès, a le mérite de nous décrire par le détail l'horreur des camps et surtout de nous faire réfléchir à la nature humaine. Qu'est-ce qui amène des gens en apparence normaux à commettre des actes d'une telle barbarie? n'y-a-t-il pas en chacun de nous une part d'ombre? Qu'aurions-nous fait à leur place? A rapprocher de La mort est mon métier de Robert Merle et de Les bienveillantes.

Pas de livres policiers dans la liste de mes dix romans préférés? Alors je me rattrape! 
 
519mw2d5czl_sl500_ss75_.1269456429.jpgDonald Westlake : Le couperet (roman policier)  voir 1    2

Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 est toujours d'actualité avec la crise économique que nous connaissons et le chômage qui menace non pas seulement les ouvriers mais aussi les cadres. j'ai beaucoup appris sur la gestion des entreprises et les fonds de pension. Un livre politique féroce et grinçant mais aussi un roman noir avec suspense et angoisse.

412rcvyshwl_sl160_aa115_.1269456208.jpgStieg Larson : Millenium
 
Peu m'importe si les critiques le considèrent comme un bon ou mauvais roman, si le succès est dû à la mode et au tapage médiatique... Moi, je me souviens que j'ai vécu les aventures de ce roman avec fièvre, que j'y ai gagné quelques nuits blanches tant je ne pouvais me détacher des trois tomes ... sans compter les discussions passionnantes. Et ma foi, je ne risque pas de renier ce genre de bonheur. Vive la littérature évasion! Quoique... évasion? Hum! Peut-être ? mais elle est aussi ancrée dans un pays dont l'auteur dévoile les noirceurs.

mardi 30 mars 2010

Anniversaire : Ma Librairie a deux ans


tour-montaigne-2-jpg.1269469068.jpg
La librairie de Michel de Montaigne dans la tour de son château
Le 30 mars 2008, il y a deux ans donc, j'ai ouvert Ma Librairie dans le Monde. Depuis sous l'oeil bienveillant de Montaigne, de nombreux livres sont venus garnir les étagères fictives de ce blog.
Plus de 200 articles après, je me suis demandé quels livres je choisirais parmi ceux que j'ai lus pendant cette période.
Mes dix romans préférés
51dk53ysx2l_sl75_.1269363272.jpgJavier Cercas : Les soldats de Salamine  ici 1 et  2
J'ai adoré ce roman consacré à la mémoire des soldats de la Guerre Civile d’Espagne qui ont combattu pour la liberté et la République comme les Grecs l’ont fait jadis à Salamine. Mais écrit Javier Cercas : De toutes les histoires de L’Histoire, la plus triste est sans doute celle de L’Espagne, parce qu’elle finit mal.

51m1kqh9w9l_sl75_.1269363287.jpgManuel Rivas : Le crayon du charpentier  ici 1   ici 2

Entre réalité et fantastique, Le Crayon du charpentier écrit une magnifique page de l'Histoire espagnole au temps de la guerre civile : un récit émouvant, de beaux personnages, un point de vue original, celui du bourreau observant sa victime.

41huhzl2-sl_sl500_ss75_.1269385519.jpgC Virgil Georghiu : La maison de Petrodova ( ou Les noirs chevaux des Carpates)  ici

Ce roman qui nous dépeint les coutumes et les mentalités d’un peuple façonné par l’âpreté de la vie dans les hautes montagnes des Carpates - que Gheorghiu connaît bien puisqu’il est le sien - est une oeuvre passionnante.
51obmitbmyl_sl500_ss75_.1269385346.jpgAtiq Rahimi : Syngue Sabour   ici 1    ici 2

De ce roman, je retiens un huis clos étouffant rythmé par les bruits extérieurs qui évoquent la mort, la guerre et la folie des hommes. Un magnifique plaidoyer pour la liberté de la femme.
9782869307575_1_v.1269468477.jpg Raymond Carver : les trois roses jaunes

Recueil de nouvelles : ce qui m'a frappée dans Raymond Carver, c'est sa manière d'aborder une histoire souvent poignante par un petit détail insignifiant (ou qui paraît tel) et de nous laisser, à la fin, le coeur au bord des lèvres sans savoir comment il est parvenu à nous retourner ainsi, à nous faire éprouver un tel malaise, une telle tristesse? Du grand art!
519kxas9n7l_sl160_aa115_.1269456662.jpgChristian Bobin : autoportrait au radiateur voir ici 1   2   3

J'aime la poésie qui se dégage de ces petites textes archipels, ces éclats de beauté qui jaillissent de ci, de là, d'un bouquet de fleurs, d'une mère avec son enfant, d'un nuage ... cette attention patiente et fine portée au monde qui l'entoure.
41menrx7eal_sl500_ss75_.1269386551.jpgMilos Kundera : la plaisanterie

A une époque où l'on ne peut plus être anti-sioniste sans se faire accuser d'anti-sémistisme, où l'on ne peut plus être contre la burka sans être taxée d'anti-musulman, où une artiste ne peut plus reprendre une célèbre formule en la détournant - "travailler moins pour gagner plus- sans être censurée, où l'on n'ose plus jouer Voltaire librement ou dessiner des caricatures sur n'importe quel sujet est incendiaire, bref! à une époque où il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler si l'on ne veut pas être traîné en justice, il FAUT lire La plaisanterie de Milos Kundera.
41na3x66fbl_sl75_.1269363256.jpgJoyce Carol Oates : Les chutes voir ici 1    2

Ce roman en trois parties de Joyce Carol Oates, qui présente une intrigue complexe et forte, a pour cadre les chutes du Niagara. Plus qu'un décor, plus qu'un personnage, le Niagara apparaît ici comme un Dieu tout puissant qui semble détenir un pouvoir de vie et de mort sur les personnages.
41n3zr-8t1l_sl500_ss75_.1269363779.jpgChahdortt Djavan : La muette

Un petit roman, très court, qui résonne comme un cri, frappe comme un coup de poing, une dénonciation des violences faites aux femmes en Iran, petites filles mariées par leurs parents à des vieillards vicieux, privées d'éducation, d'amour, de liberté. Tristement d'actualité avec la loi sur l'âge minimum des filles pour le mariage au Yemen
41xntyae3wl_sl500_pisitb-sticker-arrow-bigtopright35-73_ou08_ss75_.1269386372.jpgJane Austen : Northanger Abbey :  ici 1   2

Double bonheur - celui de lire en anglais pour la première fois depuis bien longtemps un roman de Jane Austen, écrivain dont je connais tous les titres! et cela pendant mon voyage à Bath en pèlerinage sur les lieux décrits par Jane Austen. De cet auteur, j'aime l'humour caustique, les portraits satiriques de ses contemporains écrit d'un plume acérée, sa manière ironique et légère de se moquer de ses héroïnes trop romantiques tout en nous les faisant aimer.

Un recueil de poésies : Découverte de Rafael Alberti
catalogo-rafael-alberti-lt-br-gt-alberti-sobre-los-angeles-i0n98665.1269468849.gifRafael Alberti : sur les anges (recueil de poésie)voir 1    2

A propos de son recueil Sur les anges, le grand poète espagnol Rafael Alberti écrit : C’est alors que j’eus la révélation des anges, non pas des anges chrétiens, corporels, des beaux tableaux ou des gravures, mais de ces anges qui ressemblaient à d’irrésistibles forces de l’esprit, aptes à être façonnées selon les états les plus troubles et les plus secrets de ma nature.

un document :

543995830_mjpg.1269386817.gifGitta Sereny : Au fond des ténèbres un bourreau vous parle

(document)
Ce livre, une enquête rigoureuse sur un bourreau nazi, directeur du camp de Treblinka, que l'auteur a rencontré juste avant son procès, a le mérite de nous décrire par le détail l'horreur des camps et surtout de nous faire réfléchir à la nature humaine. Qu'est-ce qui amène des gens en apparence normaux à commettre des actes d'une telle barbarie? n'y-a-t-il pas en chacun de nous une part d'ombre? Qu'aurions-nous fait à leur place? A rapprocher de La mort est mon métier de Robert Merle et de Les bienveillantes.
Pas de livres policiers dans la liste de mes dix romans préférés? Alors je me rattrape! :
519mw2d5czl_sl500_ss75_.1269456429.jpgDonald Westlake : Le couperet (roman policier)  voir 1    2

Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 est toujours d'actualité avec la crise économique que nous connaissons et le chômage qui menace non pas seulement les ouvriers mais aussi les cadres. j'ai beaucoup appris sur la gestion des entreprises et les fonds de pension. Un livre politique féroce et grinçant mais aussi un roman noir avec suspense et angoisse.
412rcvyshwl_sl160_aa115_.1269456208.jpgStieg Larson : Millenium
Peu m'importe si les critiques le considèrent comme un bon ou mauvais roman, si le succès est dû à la mode et au tapage médiatique... Moi, je me souviens que j'ai vécu les aventures de ce roman avec fièvre, que j'y ai gagné quelques nuits blanches tant je ne pouvais me détacher des trois tomes ... sans compter les discussions passionnantes. Et ma foi, je ne risque pas de renier ce genre de bonheur. Vive la littérature évasion! Quoique... évasion? Hum! peut-être? mais elle est aussi ancrée dans un pays dont l'auteur dévoile les noirceurs